9C_265/2023 19.08.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_265/2023
Arrêt du 19 août 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Scherrer Reber.
Greffier : M. Bleicker.
Participants à la procédure
Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité, rue des Gares 12, 1201 Genève,
recourant,
contre
A.________,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité (rente d'invalidité),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 2 mars 2023 (A/3789/2020 - ATAS/138/2023).
Faits :
A.
A.________, né en 1961, a travaillé en dernier lieu comme chauffeur professionnel. Il a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité le 26 juin 2019.
L'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité (ci-après: l'office AI) a recueilli notamment l'avis du docteur B.________, psychiatre traitant (des 3 septembre et 9 décembre 2019), puis réalisé une expertise psychiatrique. Dans un rapport du 28 mai 2020, le docteur C.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a diagnostiqué - sans répercussion sur la capacité de travail - des troubles dépressifs récurrents (moyens, puis légers depuis janvier 2016) ainsi que des traits de personnalité émotionnellement labile; l'assuré pouvait exercer son activité habituelle ou toute autre activité adaptée à ses aptitudes à 100 % depuis janvier 2016. Par décision du 20 octobre 2020, l'office AI a nié le droit de l'assuré à des prestations de l'assurance-invalidité.
B.
A.________ a déféré cette décision à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève. La Cour de justice a tenu une audience de comparution personnelle des parties le 19 novembre 2021 et entendu l'épouse de l'assuré ainsi que les docteurs B.________ et C.________ le même jour. Par ordonnance du 29 juin 2022, elle a ensuite mis en oeuvre une expertise psychiatrique, avec bilan neuropsychologique. Dans un rapport du 29 décembre 2022, le docteur D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a diagnostiqué - avec répercussion sur la capacité de travail - un trouble de la personnalité narcissique (d'intensité moyenne à sévère) et une dysthymie (correspondant à des affects dépressifs chroniques d'intensité légère). Selon l'expert, l'assuré présentait une capacité de travail de 40 % dans toute activité depuis 2013. L'office AI a déposé la prise de position de la doctoresse E.________, spécialiste en médecine interne générale et médecin auprès de son Service médical régional (SMR), du 19 janvier 2023. Statuant le 2 mars 2023, la Cour de justice a admis le recours, annulé la décision du 20 octobre 2020 et renvoyé la cause pour nouvelle décision au sens des considérants.
C.
L'office AI forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont il demande l'annulation. Il conclut à la confirmation de la décision du 20 octobre 2020. Le recours est assorti d'une demande d'effet suspensif.
L'assuré conclut à l'irrecevabilité du recours et à la confirmation de l'arrêt du 2 mars 2023, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales renonce à se déterminer. L'assuré a déposé une écriture complémentaire le 28 août 2023.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis.
1.1. Constitue une décision finale selon l'art. 90 LTF celle qui met définitivement fin à la procédure, qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision qui clôt l'affaire pour un motif tiré des règles de la procédure (ATF 146 I 36 consid. 2.1). Le recours contre de telles décisions est ouvert sans restriction, à l'instar de ceux dirigés contre des décisions partielles (art. 91 LTF) et des décisions préjudicielles et incidentes concernant la compétence et les demandes de récusation (art. 92 LTF).
Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours si elles sont susceptibles de causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 LTF). Une décision de renvoi ne met en règle générale pas définitivement fin à la procédure, raison pour laquelle elle doit en principe être qualifiée de décision préjudicielle ou incidente (ATF 147 V 308 consid. 1.2; arrêt 9C_609/2022 du 13 juin 2023 consid. 1.2.3, non publié in ATF 149 II 255). Cependant, lorsque l'autorité administrative à laquelle la cause est renvoyée dispose de la qualité pour recourir au Tribunal fédéral, elle doit pouvoir attaquer un arrêt de renvoi lui enjoignant de rendre une décision qu'elle juge contraire au droit (ATF 144 IV 377 consid. 1; 142 V 26 consid. 1.2; arrêt 8C_45/2020 du 8 avril 2020 consid. 1.3).
1.2. En l'espèce, comme le soutient l'office recourant, le renvoi de la cause pour une nouvelle décision au sens des considérants lui cause un dommage irréparable. L'arrêt attaqué comporte des instructions contraignantes sur la manière dont l'administration doit évaluer la capacité de travail de l'intimé, l'obligeant à rendre une décision qu'elle considère contraire au droit. Dans cette mesure, le recours est recevable au regard de l'art. 93 al. 1 let. a LTF.
2.
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte (c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.; ATF 148 V 366 consid. 3.3 et les références) ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
3.
3.1. Compte tenu des conclusions et motifs du recours, le litige porte sur le droit de l'intimé à une rente de l'assurance-invalidité. Il s'agit singulièrement de déterminer si l'autorité précédente pouvait se fonder sur les conclusions de l'expertise judiciaire du 29 décembre 2022 pour constater que la capacité de travail de l'assuré s'élèvait à 40 % dans une activité adaptée. À cet égard, l'arrêt attaqué expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels - dans leur version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021 (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1) - relatifs à la notion d'invalidité (art. 7 et 8 al. 1 LPGA en relation avec l'art. 4 al. 1 LAI) et à son évaluation (art. 16 LPGA et art. 28a LAI), ainsi qu'à la valeur probante des rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3). Il suffit d'y renvoyer.
3.2. Comme l'ont rappelé les premiers juges, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques ou psychosomatiques (ATF 143 V 409 et 418; 145 V 215). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, dont notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4).
4.
4.1. En se fondant sur l'expertise judiciaire du 29 décembre 2022, la juridiction cantonale a constaté que l'intimé avait une capacité de travail de 40 % dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. L'expertise correspondait en tous points aux exigences en la matière. Le docteur D.________ l'avait réalisée en parfaite connaissance du dossier médical et au terme de trois entretiens (totalisant six heures) et d'une évaluation neuropsychologique (totalisant cinq heures). L'expert s'était également entretenu avec la soeur et l'épouse de l'intimé ainsi qu'avec les psychiatre et psychologue traitants.
L'expertise contenait une anamnèse personnelle, familiale et professionnelle très fouillée. L'expert avait tenu compte des plaintes de l'intimé et avait rapporté ses observations de manière détaillée. Les diagnostics retenus étaient soigneusement motivés et la "capacité de gain" (sic) de l'intimé avait été correctement analysée à la lumière des indicateurs développés par la jurisprudence. L'expert expliquait de manière détaillée et convaincante les raisons pour lesquelles il s'écartait de l'avis du docteur C.________ du 28 mai 2020. Les incohérences dans les propos de l'expertisé avaient par ailleurs été notées par l'expert, ce dernier semblant les intégrer dans le trouble de la personnalité narcissique. En tout état, les incohérences avaient été identifiées, prises en compte et expliquées par l'expert judiciaire. Dans la mesure où il n'y avait pas de contradiction manifeste, la Cour de justice a considéré qu'elle n'avait pas de motif de s'écarter des conclusions de l'expertise judiciaire, étant rappelé que la tâche de l'expert était précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux. Dès lors, elle a renvoyé la cause à l'office AI pour qu'il procède à la comparaison des revenus, en tenant compte d'une capacité de travail de 40 % dès le 1er décembre 2019 (art. 29 al. 1 LAI), soit six mois après le dépôt de la demande du 25 juin 2019 (recte: 26 juin 2019).
4.2. Invoquant une violation du droit fédéral, en lien avec une appréciation arbitraire des preuves, l'office recourant critique la juridiction cantonale pour s'être fondée sur l'expertise judiciaire du 29 décembre 2022. Il fait valoir principalement que l'autorité précédente a ignoré les motifs d'exclusion définis par la jurisprudence, notamment les nombreux indices en faveur d'une exagération des symptômes. Subsidiairement, il soutient qu'elle n'a pas analysé les indicateurs définis par la jurisprudence. Enfin, il reproche à l'expert judiciaire de ne pas avoir suffisamment expliqué les différences entre ses conclusions sur la capacité de travail de l'intimé et celles du docteur C.________.
4.3. Dans sa réponse, l'intimé soutient en substance que l'expertise judiciaire a été réalisée dans les règles de l'art. En revanche, il critique l'expertise du docteur C.________ comme étant réalisée "à la va-vite" et après seulement une heure et demie d'entretien (contre onze heures pour l'expertise judiciaire).
5.
En l'occurrence, mise à part l'affirmation générale que la "capacité de gain" (recte: l'incapacité de travail [art. 6 LPGA]) de l'intimé avait été correctement analysée à la lumière des indicateurs développés par la jurisprudence, l'arrêt attaqué ne comporte aucun exposé - même succinct - des motifs pour lesquels les constatations de l'expert judiciaire permettaient de conclure à une capacité de travail de 40 % à l'aune des indicateurs pertinents (ATF 141 V 281 consid. 7). La simple mention de l'absence de "contradiction manifeste" dans l'expertise est insuffisante.
L'atteinte à la santé ouvrant droit à des prestations de l'assurance-invalidité constitue une notion juridique, et non pas une notion médicale. L'appréciation de la capacité de travail ne saurait par conséquent se résumer à trancher, sur la base de critères formels, quel rapport médical remplit au mieux les critères jurisprudentiels en matière de valeur probante (arrêt 9C_55/2016 du 14 juillet 2016 consid. 3.2 et les références). Si la provenance et la qualité formelle sont des facteurs permettant d'apprécier la portée d'un document médical, l'autorité précédente devait cependant expliquer pourquoi et dans quelle mesure les constatations médicales permettaient de conclure à une incapacité de travail déterminante à l'aune des indicateurs pertinents. Elle ne pouvait pas déléguer cette appréciation juridique à un médecin (cf. ATF 141 V 281 consid. 7; arrêt 8C_824/2023 du 4 juillet 2024 consid. 2.3).
6.
6.1. Les indicateurs standards devant être pris en considération en général sont classés d'après leurs caractéristiques communes (sur les catégories et complexes d'indicateurs, cf. ATF 141 V 281 consid. 4.1.3). Les indicateurs appartenant à la catégorie "degré de gravité fonctionnel" forment le socle de base pour l'évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3).
6.2. Les diagnostics posés par le docteur D.________ et les constatations médicales y relatives ont été exposés conformément aux exigences de la jurisprudence.
L'expert judiciaire a constaté que, dans le cadre d'une décompensation d'un trouble de la personnalité narcissique consécutivement à des événements de vie marquants depuis 2013 (faillite de son entreprise, péjoration du rapport avec les membres de sa famille, rupture de contact avec ses soeurs et conflit autour de son logement), l'intimé s'était installé dans une position victimaire cherchant réparation, avec une sensibilité accrue à la critique, une souffrance liée au décalage entre ses aspirations et la réalité, une irritabilité accrue, un désintérêt pour les relations de proximité, un refus de l'autorité et un repli sur soi. Le trouble narcissique, qui était le principal moteur de l'invalidité, impliquait une sensibilité accrue à la critique, une intolérance aux actes d'autorité, une difficulté à concilier les aspirations de grandeur (relevées par sa référence au passé) et sa réalité d'homme à l'aide sociale, et des réactions colériques avec irritabilité et repli sur soi face aux impératifs de vie familiale et sociale. Les affects dépressifs étaient de sévérité légère (dysthymie) et n'étaient pas "per se" invalidants. La dysthymie devenait en revanche invalidante dans son interaction avec le trouble de la personnalité. Elle ajoutait une vision pessimiste de l'avenir, une tristesse tenace sans possibilité de se projeter dans l'avenir et un repli sur soi qui empêchait des interactions sociales.
6.3. Concernant le complexe "atteinte à la santé", les constatations sur les manifestations concrètes de l'atteinte à la santé diagnostiquée aident à séparer les limitations fonctionnelles qui sont dues à une atteinte à la santé des conséquences (directes) de facteurs non assurés (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1 et la référence). Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic.
6.3.1. On ne saurait déduire - comme semble le proposer le médecin du SMR dans son avis du 19 janvier 2023 - l'absence de gravité des atteintes à la santé de l'intimé en raison de l'exercice d'une activité lucrative sans problème majeur apparent jusqu'à l'âge de 52 ans (2013). Une telle conclusion méconnaîtrait - surtout en l'absence d'une prise en charge médicale adéquate - la problématique de la décompensation d'un trouble de la personnalité (narcissique) consécutivement à des événements de vie. Cependant, le fait d'avoir pu travailler pendant une longue période est un élément important à considérer dans l'évolution de la situation médicale (dans ce sens, voir arrêt 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.2).
En ce qui concerne ensuite les circonstances indiquant une possible exagération, l'expert judiciaire a relevé que la symptomatologie était clairement majorée par l'intimé qui considérait que l'accès à une rente de l'assurance-invalidité était un droit dont il était privé. Ainsi, lors des entretiens, l'assuré avait été très peu authentique, utilisant des superlatifs pour décrire sa situation (contrastant avec une clinique pauvre en symptômes), et les tests neuropsychologiques avaient mis en évidence des éléments en faveur d'une majoration des symptômes. De plus, l'intimé s'était révélé rapidement irritable si l'expert n'épousait pas son point de vue, se montrant amer et désillusionné, et avait pu également tenir des discours contradictoires ou proposer des théories explicatives (p. ex. la mort accidentelle de son frère qui aurait changé toute sa vie) de manière très inauthentique avec un discours plaqué.
6.3.2. S'agissant des manifestations concrètes de l'atteinte à la santé, l'assuré ne présentait pas de pathologie psycho-développementale ni de trouble addictologique. Son intelligence était préservée et l'atteinte neuropsychologique était modeste (compte tenu de la majoration des symptômes observée). Le trouble de la personnalité était de sévérité moyenne, réfractaire au traitement psychiatrique intégré et dont la plus-value était limitée. Le travail psychothérapeutique était nécessaire et entrepris, mais chez un assuré avec des faibles capacités de mentalisation et un attachement manifeste aux bénéfices secondaires escomptés. L'observance thérapeutique ("compliance") était bonne, mais sans aucun effet notable.
La vie sociale et affective de l'intimé était affectée de manière très significative. Le poids de la souffrance endurée était moyen chez un homme détaché affectivement, adoptant une position victimaire, souffrant du décalage entre son image du passé et sa réalité actuelle, mais également très inauthentique au contact, majorant ses symptômes en partie à cause des bénéfices secondaires escomptés. En termes de ressources, celles-ci étaient limitées, mais existantes sur le plan intellectuel. La composante affective était en revanche très limitée avec son trouble de la personnalité et sa dysthymie. L'intimé bénéficiait d'un soutien familial significatif.
6.3.3. En ce qui concerne la cohérence des troubles, l'intimé présentait des limitations relativement homogènes touchant l'intégration dans un groupe, l'adaptation aux règles et la flexibilité, la relation à deux, la proactivité, l'endurance et la résistance, la planification des tâches, et la capacité de contact et de conversation avec des tiers (associées à une atteinte légère, mais existante, de la flexibilité mentale, du contrôle inhibiteur, de l'auto-activation et de l'attention sélective mais aussi de la vitesse de traitement de l'information et de l'attention).
Les deux pathologies (trouble de la personnalité et dysthymie) avaient un caractère chronique, peu susceptible d'être modifié par des interventions pharmacologiques. Les ressources psychiques de l'assuré étaient limitées à cause de son trouble de la personnalité, qui impliquait une installation dans une position victimaire cherchant réparation à ce jour. Le trouble de la personnalité diminuait clairement les ressources adaptatives sur le plan mental et psychique. L'atteinte neuropsychologique était en revanche modeste, compte tenu de la majoration des symptômes observée, et touchait en premier lieu la vitesse de traitement, les fonctions exécutives et attentionnelles. L'expertisé pouvait compter sur le soutien de son épouse et de ses enfants, mais aussi sur celui d'une soeur. L'intimé bénéficiait d'un soutien familial significatif.
6.4. Il résulte des éléments qui précèdent que l'expert a clairement pris en considération le fait que l'intimé majorait ses symptômes, dans une tentative de renforcer sa revendication d'une rente de l'assurance-invalidité (consid. 6.3.1 supra). Dès lors, au moment de se prononcer sur la capacité de travail de l'intimé, l'expert a expliqué que ses conclusions tenaient compte des ressources, de l'analyse fonctionnelle, des indicateurs jurisprudentiels et de la majoration des symptômes. Cela démontre une approche rigoureuse et critique de l'expert, prenant en compte la possibilité de simulation ou d'exagération des symptômes pour des bénéfices secondaires. Tout au long de son rapport, l'expert a de plus insisté sur le fait que le trouble de la personnalité narcissique, de sévérité moyenne, diminuait significativement les ressources adaptatives de l'intimé sur le plan mental et psychique et était - quoi qu'en dise l'office recourant - peu susceptible d'être modifié par des interventions pharmacologiques. Il a encore mis en évidence la complexité des symptômes et leur interaction avec la dysthymie.
Dans ce cadre, l'expert a retenu que l'intimé présentait des limitations relativement homogènes touchant l'intégration dans un groupe, l'adaptation aux règles et la flexibilité, la relation à deux, la proactivité, l'endurance et la résistance, la planification des tâches, et la capacité de contact et de conversation avec des tiers (associées à une atteinte légère, mais existante, de la flexibilité mentale, du contrôle inhibiteur, de l'auto-activation et de l'attention sélective mais aussi de la vitesse de traitement de l'information et de l'attention). Ces limitations, documentées et soutenues par des tests neuropsychologiques, illustrent une diminution réelle et mesurable des capacités adaptatives de l'intimé. On ne voit pas - et l'office recourant ne l'explique pas - en quoi le fait que l'intimé peut conduire une voiture ou rédiger ses prises de position dans la présente procédure changerait quoi que ce soit aux conclusions de l'expert (qui lui reconnaît une capacité de travail de 40 %). La capacité de réaliser des tâches spécifiques de manière isolée ne reflète en effet pas la capacité de travail ni l'adaptation sociale et professionnelle globale de l'intimé. Au demeurant, l'office recourant admet que l'environnement psychosocial de l'intimé n'est plus "intact".
Ainsi, les constatations et appréciations de l'expert sont fondées, cohérentes et prennent en compte tous les éléments pertinents pour évaluer la capacité de travail de l'intimé à l'aune des indicateurs pertinents, y compris les tentatives de l'intimé de majorer ses symptômes pour des bénéfices secondaires. Les limitations fonctionnelles de l'intimé et la nature chronique de ses troubles justifient les conclusions tirées par l'expert sur sa capacité de travail. Il n'y a pas lieu de s'écarter des conclusions de l'expertise judiciaire, suivies par les premiers juges.
7.
C'est finalement en vain que l'office recourant affirme que la juridiction cantonale a écarté de manière arbitraire l'expertise psychiatrique du docteur C.________ du 28 mai 2020. Compte tenu du trouble de la personnalité de l'intimé, qui le conduit à se montrer parfois "très théâtral", la juridiction cantonale a retenu sans arbitraire que l'assuré n'avait pas répondu de manière authentique aux questions posées par l'expert mandaté par l'office AI, de sorte que le rapport du 28 mai 2020 ne relevait pas d'une évaluation probante de la capacité de travail de l'intimé.
8.
Mal fondé, le recours doit être rejeté.
La requête d'effet suspensif déposée par l'office recourant est sans objet.
9.
Vu l'issue du recours, les frais judiciaires doivent être mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens, l'intimé ayant procédé sans l'assistance d'un avocat.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'office recourant.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 19 août 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Bleicker