2C_579/2023 29.08.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_579/2023
Arrêt du 29 août 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente,
Donzallaz, Hänni, Ryter et Kradolfer.
Greffière : Mme Jolidon.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
1. B.________,
2. C.________ SA,
tous les deux représentés par Me Philippe A. Grumbach, avocat,
intimés,
Commission du Barreau du canton de Genève,
case postale 3079, 1211 Genève 3.
Objet
Champ d'application de la LLCA; honoraires; portée de la clause de confidentialité en matière transactionnelle,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, du 12 septembre 2023 (ATA/991/2023).
Faits :
A.
A.a. A.________ exerce en tant qu'avocat et est inscrit au registre cantonal des avocats genevois. De 2016 à 2020, il a fourni des conseils en matière fiscale à B.________ et à C.________ SA et les a représentés dans une procédure dans ce domaine. Les honoraires relatifs à ces prestations ont été facturés à un trust dont B.________ est le bénéficiaire et dont D.________, avocat, est l'un des trustees.
En juin 2020, B.________ et C.________ SA ont résilié le mandat les liant à A.________ et ont contesté les dernières notes d'honoraires de l'avocat, les estimant excessives. Le 1er avril 2021, dans le but de trouver un arrangement, D.________, agissant pour le compte de B.________ et de C.________ SA, a envoyé un courriel à A.________, portant la mention "sous réserve d'usage", dans lequel il proposait de payer un montant équivalant au 35 % des notes d'honoraires restant dues, pour solde de tout compte. Par courriel du même jour, A.________ a refusé la proposition.
Après avoir été délié du secret professionnel à l'égard de ses deux anciens mandants par la Commission du barreau de la République et canton de Genève (ci-après: la Commission du barreau), A.________ a déposé deux requêtes en conciliation, à l'encontre de ceux-ci, en vue du recouvrement de ses honoraires devant le Tribunal de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal de première instance). Dans ce cadre, A.________ a produit le courriel du 1er avril 2021 que D.________ lui avait fait parvenir.
B.
B.a. B.________ et C.________ SA, par le biais de leur avocat Philippe Grumbach, ont dénoncé A.________ à la Commission du barreau pour avoir produit le courriel susmentionné dans la procédure civile devant le Tribunal de première instance. Ladite commission a classé la procédure, en date du 14 novembre 2022; elle a, notamment, notifié cette décision à Philippe Grumbach (cf. 5 du dispositif). Elle a jugé qu'en déposant une requête en conciliation tendant au recouvrement de ses honoraires, A.________ avait agi dans le cadre de son activité professionnelle, soumise à la législation sur les avocats, et pas dans celui d'une affaire privée; le courriel du 1er avril 2021 constituait une proposition confidentielle qui n'était pas destinée à être produite en justice; toutefois, la production de cette pièce en procédure de conciliation ne justifiait pas une sanction disciplinaire; ce n'était que s'il produisait ce document dans la procédure au fond qu'il s'exposerait à une telle sanction.
B.b. Par arrêt du 12 septembre 2023, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours de A.________ à l'encontre de la décision du 14 novembre 2022 de la Commission du barreau. Elle a laissé ouvert le point de savoir si A.________ possédait un intérêt juridique à l'annulation des considérants de cette décision portant sur la qualification du recouvrement des honoraires d'activité professionnelle soumise aux règles de la profession et sur la confidentialité du courriel du 1er avril 2021; le recours était de toute façon recevable en tant que l'intéressé contestait la notification de la décision attaquée à Philippe Grumbach. Sur le fond, les juges précédents ont estimé que A.________, en intervenant en vue du recouvrement de ses honoraires, avait déployé une activité professionnelle et, par conséquent, était soumis à la loi fédérale topique; D.________ avait agi en tant qu'avocat de B.________ et C.________ SA, lorsqu'il avait envoyé le courriel du 1er avril 2021 contenant une proposition de règlement des notes d'honoraires encore dues; partant, ce document échangé entre les deux avocats, était soumis aux réserves d'usage; finalement, en communiquant sa décision du 14 novembre 2022 à Philippe Grumbach, mandataire des dénonciateurs, la Commission du barreau n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du 12 septembre 2023 de la Cour de justice, d'annuler partiellement la décision du 14 novembre 2022 de la Commission du barreau, dans la mesure où celle-ci constate que "La pièce litigieuse adressée à Me A.________ par Me D.________ porte la mention expresse "sous les réserves d'usage" de sorte qu'il s'agissait manifestement d'une proposition confidentielle qui n'était pas destinée à être produite en justice" et " (...) même si la pièce litigieuse était manifestement couverte par les réserves d'usage (...), ce n'est que si Me A.________, ou son nouveau Conseil, produisait ce document dans le cadre de la procédure au fond, qu'il s'exposerait a une sanction disciplinaire"; subsidiairement, de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
La Commission du barreau se réfère à sa décision du 14 novembre 2022. B.________ et C.________ SA concluent au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Office fédéral de la justice n'a pas déposé d'observations.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 148 IV 155 consid. 1.1; 145 I 121 consid. 1).
1.1. L'art. 89 al. 1 LTF confère la qualité pour former un recours en matière de droit public à quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).
1.2. Selon la jurisprudence, l'intérêt digne de protection, au sens de l'art. 89 al. 1 let. c LTF, consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à la partie recourante en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 138 III 537 consid. 1.2.2). Cet intérêt doit être direct et concret (ATF 143 II 506 consid. 5.1; 139 II 499 consid. 2.2; 138 II 162 consid. 2.1.2 p. 164). L'intérêt digne de protection peut être un intérêt juridiquement protégé ou un intérêt de fait (ATF 149 I 81 consid. 4.2; 147 I 136 consid. 1.3; 146 I 62 consid. 2.1).
1.2.1. Le recourant allègue qu'il détient un tel intérêt à l'annulation de l'arrêt attaqué, dans la mesure où la confidentialité du courriel litigieux aurait été matériellement jugée par la Cour de justice, rendant la production de celui-ci dans la future procédure civile en recouvrement impossible, dès lors qu'il s'agirait d'une preuve illicite.
1.2.2. Est en cause une procédure en matière disciplinaire. La Cour de justice a laissé ouvert le point de la qualité pour recourir, en lien avec l'absence de sanction (cf. supra "Faits", let. B.b), car le recours était de toute façon recevable en tant que l'intéressé contestait la notification de la décision attaquée à Philippe Grumbach. Elle a alors constaté, d'une part, qu'en agissant en recouvrement de ses honoraires le recourant avait bel et bien déployé une activité professionnelle, de sorte qu'il était soumis à la loi sur les avocats et, d'autre part, que le courriel du 1er avril 2021 contenant une proposition de règlement des notes d'honoraires était soumis aux réserves d'usage. Elle a rejeté le recours, dans la mesure où il était recevable.
Dès lors que la portée du dispositif s'interprète à la lumière des motifs de l'arrêt (ATF 142 III 210 consid. 2.2; 128 III 191 consid. 4a; arrêts 2C_517/2023 du 15 décembre 2023 consid. 3.3; 2C_73/2023 du 27 juin 2023 consid. 1.5) et compte tenu des éléments susmentionnés, à savoir que la Cour de justice s'est prononcée sur le fond de la cause, l'intérêt digne de protection de l'intéressé au recours doit être admis.
1.3. Au surplus, le recours en matière de droit public, déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF) à l'encontre d'un arrêt final (art. 90 LTF) rendu, dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF) est recevable.
2.
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'examine cependant la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 145 I 121 consid. 2.1; 142 V 577 consid. 3.2).
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours en matière de droit public ne peut servir à critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. Lorsque la partie recourante entend s'en prendre aux faits ressortant de l'arrêt entrepris, elle doit établir de manière précise la réalisation de ces conditions, c'est-à-dire qu'elle doit exposer, de manière circonstanciée, que les faits retenus l'ont été d'une manière absolument inadmissible, et non seulement discutable ou critiquable (cf. art. 106 al. 2 LTF). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 114 consid. 2.1).
3.
L'objet du litige porte sur le point de savoir si le recourant, en agissant en recouvrement de ses honoraires pour les services fournis à B.________ et C.________ SA, a agi dans le cadre de son activité professionnelle ou privée et s'il a violé le devoir de confidentialité en produisant le courriel du 1er avril 2021 contenant une proposition de règlement des notes d'honoraires encore dues dans la procédure civile.
4.
Selon le recourant, la Cour de justice aurait omis de respecter son obligation de motiver.
4.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., implique notamment, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision, afin que, d'une part, le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et, d'autre part, que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que la partie intéressée puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 142 I 135 consid. 2.1). Il ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties; il peut se limiter aux questions décisives pour l'issue du litige (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2).
4.2. Le recourant avance qu'il s'était prévalu, devant la Commission du barreau, du comportement contradictoire des intimés consistant, selon lui, à se plaindre de la divulgation du courriel litigieux dans la procédure civile, tout en le produisant devant le Bâtonnier, puis devant ladite commission à l'appui de la dénonciation pour violation des règles portant sur les réserves d'usage; la Commission du barreau n'avait pas traité ce moyen et la Cour de justice ne se serait pas prononcée sur le déni de justice soulevé devant elle à ce sujet.
Il apparaît que le recourant a effectivement invoqué devant la Cour de justice, dans le cadre d'un grief portant sur le droit d'être entendu, le prétendu comportement contradictoire des intimés et que cette autorité ne l'a pas examiné. Toutefois, le moyen était dénué de tout fondement, voire à la limite de la témérité. En effet, dès lors que les intimés entendaient dénoncer la façon de procéder du recourant, avocat de profession, en lien avec le courriel litigieux, ils n'avaient d'autre choix que de produire ce document. Partant, la Cour de justice pouvait, sans violer le droit d'être entendu du recourant, ne pas traiter le grief en cause, celui-ci n'étant pas décisif pour l'issue du litige.
4.3. L'intéressé allègue également le fait que les juges précédents n'auraient pas analysé toutes les "objections" qu'il avait formulées dans son argumentation contestant être soumis à la loi sur les avocats lorsqu'il agissait pour recouvrir des honoraires.
Les juges précédents ont mentionné les dispositions pertinentes de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (loi sur les avocats, LLCA; RS 935.61) et exposé la jurisprudence y relative. Puis, ils se sont fondés sur un arrêt cantonal dans lequel la Cour de justice avait considéré que l'avocat qui intervient en recouvrement de ses honoraires agit dans le cadre de son activité professionnelle. Ils ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de revenir sur cette jurisprudence qui s'appliquait au cas du recourant. L'autorité précédente s'est donc prononcée sur le grief soulevé par l'intéressé et n'a pas violé son obligation de motiver. Comme rappelé ci-dessus (cf. consid. 4.1), si elle n'a pas pris en compte tous les arguments avancés dans ce cadre, ce point ne saurait constituer une violation de l'obligation de motiver.
5.
Le recourant s'en prend aux faits constatés dans l'arrêt attaqué.
5.1. Il sied de tout d'abord relever que, dans la partie en fait de son mémoire, l'intéressé déclare se référer à l'état de fait de l'arrêt entrepris, tout en mentionnant que celui-ci doit être complété et en précisant certains éléments qui lui paraissent importants. Une telle façon de procéder ne répond pas aux exigences en la matière, à savoir démontrer d'une part que les faits ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et d'autre part que la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. supra consid. 2). Il ne sera, dès lors, par tenu compte de ces éléments.
5.2. Dans la partie en droit, l'intéressé reproche à la Cour de justice d'avoir procédé à une constatation incomplète des faits en relation avec la production du courriel litigieux: celle-ci aurait ignoré que les intimés avaient versé ce document in extenso devant la Commission du barreau.
Si l'arrêt attaqué ne relève pas expressément que le document litigieux a été produit dans son entier devant ladite Commission, cela est sous-entendu et se comprend à sa lecture. D'ailleurs, comme le mentionne le recourant, le courriel du 1er avril 2021 est en partie cité par les juges précédents. De plus, on ne perçoit pas l'importance de cet élément sur le sort de la cause (cf. supra consid. 2).
5.3. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal fédéral statuera sur la base des faits établis dans l'arrêt entrepris.
6.
Le recourant conteste être soumis à la loi sur les avocats en relation avec le recouvrement de ses honoraires. Selon lui, cette loi régit l'activité professionnelle exercée pour le compte d'un tiers. Or, le recouvrement de ses propres honoraires constituerait une tâche pour lui-même et n'aurait donc pas un caractère professionnel.
6.1. La loi sur les avocats s'applique aux titulaires d'un brevet d'avocat qui pratiquent, dans le cadre d'un monopole, la représentation en justice en Suisse (art. 2 al. 1 LLCA). Elle régit l'ensemble de leur activité professionnelle, que celle-ci relève de la représentation ou du conseil. En revanche, l'activité extra-professionnelle des avocats n'est en principe pas soumise à la loi sur les avocats. En matière disciplinaire, une définition très large de l'exercice de la profession d'avocat est retenue, afin de protéger le public et de préserver la réputation et la dignité de la profession (cf. arrêts 2C_360/2022 du 5 décembre 2022 consid. 5.1 et les arrêts cités). Pour tomber sous le coup de la loi sur les avocats, l'activité reprochée doit être en lien direct avec la profession d'avocat. L'usage d'un papier à lettres professionnel ou la référence à sa qualité d'avocat dans les rapports avec des tiers peut déjà entraîner l'application de ladite loi, quand bien même l'avocat agirait dans le cadre d'une activité privée (cf. arrêts 2C_137/2023 du 26 juin 2023 consid. 6.1; 2C_291/2018 précité consid. 5.3.1; 2C_280/2017 précité consid. 3.2; 2C_257/2010 du 23 août 2010 consid. 3.1).
Le Tribunal fédéral a, par exemple, estimé que la publication, sur un blog internet, de courriers en lien direct avec l'exercice de la profession d'avocat, par lesquels leur auteur émettait des critiques à caractère purement polémique visant à discréditer les autorités et ses confrères, relevait du champ d'application de la loi sur les avocats (arrêt 2C_137/2023 du 26 juin 2023 consid. 6). Il en allait de même pour l'avocate qui avait envoyé, depuis son étude, des messages injurieux à l'adresse professionnelle de son ancien associé, en les signant de sa qualité d'avocate (arrêt 2C_555/2014 9 janvier 2015 consid. 4), ainsi que pour l'avocat qui avait adopté un comportement qui relevait de la tentative de contrainte pénale, à l'encontre d'une personne à qui il avait loué des locaux à titre privé, et qui avait, dans ce cadre, utilisé son papier à lettres professionnel (arrêt 2C_291/2018 du 7 août 2018 consid. 5.3.1).
6.2. En l'espèce, le recourant a, en tant qu'avocat, fourni des conseils en matière fiscale aux intimés et les a représentés dans une procédure dans ce domaine du droit. Il ne fait donc aucun doute que l'activité déployée pour ses anciens mandants par le recourant relevait de l'exercice de la profession d'avocat. L'intéressé ne le conteste pas. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il a dû requérir la levée du secret professionnel pour procéder en justice, afin d'obtenir le paiement d'une partie de ses honoraires. La note d'honoraires établie par l'avocat est la conséquence de l'exécution du mandat et le recouvrement de ceux-ci s'inscrit dans le prolongement de l'activité professionnelle déployée. Dans ces conditions, le recouvrement des honoraires relève d'une activité professionnelle. Le fait que le recourant agisse pour lui-même ne change rien à ce constat. Au regard de ces éléments, c'est à bon droit que la Cour de justice a considéré que le recourant était soumis à la loi sur les avocats dans le cadre de son activité pour le recouvrement de ses honoraires auprès de ses anciens clients.
7.
Le recourant conteste avoir violé l'art. 12 let. a LLCA par la production en justice de la proposition transactionnelle pour le règlement de ses honoraires. Il soutient que l'éventuelle confidentialité du courriel litigieux doit être examinée uniquement en référence aux principes applicables aux propositions transactionnelles et non par rapport à une qualification générale de l'activité de recouvrement d'honoraires. Ainsi, dès lors qu'il n'agissait pas en tant que mandataire dans la procédure civile mais comme partie et compte tenu de l'absence d'un accord préalable au sujet de la confidentialité des échanges intervenus avec ses anciens mandants, les réserves d'usage ne pouvaient s'appliquer.
7.1. L'art. 12 LLCA énonce les règles professionnelles auxquelles l'avocat est soumis. Celui-ci doit notamment exercer sa profession avec soin et diligence (art. 12 let. a LLCA). Cette disposition constitue une clause générale, qui permet d'exiger de l'avocat qu'il se comporte correctement dans l'exercice de sa profession. Sa portée n'est pas limitée aux rapports professionnels de l'avocat avec ses clients, mais comprend aussi les relations avec les confrères et les autorités (ATF 144 II 473 consid. 4.1; 130 II 270 consid. 3.2; arrêts 2C_636/2023 du 18 juillet 2024 consid. 8.1, 2C_340/2023 du 28 mars 2024 consid. 6.1).
7.2. Selon l'art. 6 du Code suisse de déontologie (ci-après: CSD), l'avocat ne porte pas à la connaissance du tribunal des propositions transactionnelles, sauf accord exprès de la partie adverse. Après avoir posé que le caractère confidentiel d'une communication adressée à un confrère doit être clairement exprimé, l'art. 26 dudit code répète qu'il ne peut être fait état en procédure "de documents ou du contenu de propositions transactionnelles ou de discussions confidentielles". Ces dispositions servent à préciser la portée de l'art. 12 let. a LLCA, qui prescrit à l'avocat d'exercer sa profession avec soin et diligence. Selon la jurisprudence, le non-respect d'une clause de confidentialité et l'utilisation en procédure du contenu de pourparlers transactionnels constituent une violation de l'obligation résultant de l'art. 12 let. a LLCA. Le Tribunal fédéral a relevé que l'interdiction pour l'avocat de se prévaloir en justice de discussions transactionnelles confidentielles est fondée sur l'intérêt public à favoriser le règlement amiable des litiges, les parties devant pouvoir s'exprimer librement lors de la recherche d'une solution extrajudiciaire (ATF 144 II 473 consid. 4.5 et les arrêts cités; 140 III 6 consid. 3.1).
7.3. Dans l'ATF 144 II 473, le Tribunal fédéral a distingué les cas où des discussions transactionnelles sont menées entre des avocats mandatés ou entre un avocat mandaté et une partie non représentée. Dans la première configuration, il a jugé que si un document envoyé par un avocat au mandataire de la partie adverse contient une proposition de nature transactionnelle, celui-ci ne peut pas le produire en justice, sous peine de violer l'art. 12 let. a LLCA (interprété à l'aune des art. 6 et 26 CSD) : il n'était pas nécessaire que le caractère confidentiel des discussions soit prévu de manière explicite. Dans la seconde configuration, il a retenu que les pourparlers transactionnels sont confidentiels, lorsque cela a été expressément prévu par les parties; si l'avocat décide alors de tout de même se prévaloir en justice desdits propos, il viole son obligation d'exercer sa profession avec soin et diligence (ATF 144 II 473 consid. 4.6.1 et 4.6.2 et les arrêts cités).
7.4. Le courriel du 1er avril 2021, qui provenait du nouveau mandataire des anciens clients du recourant et qui portait la mention "sous les réserves d'usage", par lequel celui-là proposait de régler le 35 % du total des dernières notes d'honoraires du recourant pour solde de tout compte, et la réponse négative de celui-ci ont été échangés entre deux avocats dans le cadre de leur activité professionnelle. Par conséquent, il s'agit de discussions transactionnelles tombant dans le champ d'application de l'art. 12 let. a LLCA et le recourant ne pouvait pas produire le courriel litigieux en justice. Que l'intéressé n'ait pas fait appel à un mandataire pour le représenter dans la procédure civile, dès lors qu'il est de la profession, ne permet pas de le considérer comme une partie non représentée au sens de la jurisprudence susmentionnée. Une solution contraire viendrait à rendre la protection de la confidentialité accordée aux discussions transactionnelles inopérante, étant rappelé que l'obligation de respecter la confidentialité constitue une règle d'intérêt public, puisque les obligations professionnelles doivent notamment renforcer la confiance dans la profession d'avocat elle-même. Au demeurant, le courriel litigieux portait la mention "sous les réserves d'usage". En produisant le courriel du 1er avril 2021, qui contenait une proposition de transaction, dans la procédure en recouvrement de ses honoraires, le recourant a violé son obligation de confidentialité résultant de l'art. 12 let. a LLCA. Le grief est rejeté.
8.
Au regard de ce qui précède, le recours est rejeté.
Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Assistés d'un avocat, les intimés obtiennent des dépens à la charge du recourant (art. 68 al. 3 LTF). La Commission du barreau n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Une indemnité de 3'000 fr., à payer aux intimés à titre de dépens, est mise à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au mandataire des intimés, à la Commission du Barreau et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice OFJ.
Lausanne, le 29 août 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : E. Jolidon