1C_336/2023 23.08.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_336/2023, 1C_337/2023
Arrêt du 23 août 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Haag et Merz.
Greffière : Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Me Romain Jordan, avocat,
recourante,
contre
Département du territoire du canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques,
Ville de Genève,
Département des constructions et de l'aménagement.
Objet
Autorisation de construire; ordre de remise en état; interdiction d'exploiter; amende administrative.
recours contre les arrêts de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, du 23 mai 2023 (A/1982/2021-LCI ATA/539/2023 et A/2357/2021-LCI ATA/540/2023).
Faits :
A.
Le centre médical A.________ SA est locataire d'une arcade située au rez-de-chaussée de l'immeuble sis à Genève. Cet immeuble se trouve en deuxième zone de construction ainsi que dans le secteur A de la carte annexée au règlement relatif aux plans d'utilisation du sol de la Ville de Genève du 20 février 2007 (RPUS ou règlement communal).
L'arcade a été occupée par B.________ SA, en tant qu'établissement bancaire, de 1993 à 2018. Le 23 octobre 2010, B.________ SA s'était vu délivrer une autorisation de construire en procédure accélérée (ci-après: APA) portant sur des transformations intérieures de l'agence. Selon les plans déposés dans le cadre de cette procédure, l'arcade était affectée à une activité d'accueil, de guichet pour les opérations courantes et de zone ouverte 24 heures sur 24 avec bancomats; elle était accessible tant aux clients de la banque qu'aux tiers. Une surface minimale de 57,2 m 2 était accessible au public. Dans le cadre de l'instruction de la demande, la Ville de Genève avait émis un préavis favorable sous conditions, requérant que l'accès au public soit garanti et que l'ensemble des vitrines donnant sur la rue ne soit pas opacifié.
B.
Le 17 août 2020, après avoir procédé à un changement d'affectation de l'arcade en centre médical sans requérir au préalable d'autorisation, Le centre médical A.________ SA a déposé auprès du Département du territoire du canton de Genève (ci-après: le Département), une demande d'APA, portant sur ledit changement d'affectation. Lors de l'instruction de la demande, le Service du médecin cantonal a rendu un préavis favorable sous conditions, notamment que les locaux respectent la confidentialité et la dignité des patients. La Ville de Genève a rendu un préavis défavorable, en raison du fait que l'activité déployée dans l'arcade, soit un centre médical, n'était pas accessible au public et ne contribuait pas à l'animation du quartier. Invitée par le Département à se déterminer sur ce préavis, le centre médical A.________ SA a exposé que le centre médical ne devait pas être considéré comme un local fermé au public et a, dans l'hypothèse où tel devait néanmoins être le cas, sollicité une dérogation pour le changement d'affectation. Le 16 décembre 2020, la Ville a réitéré son préavis défavorable, dans la mesure où son Conseil administratif avait, lors de sa séance du 25 novembre 2020, refusé d'octroyer la dérogation.
Le 22 octobre 2020, le Département a informé le centre médical A.________ SA avoir été saisi d'une plainte, accompagnée d'un reportage photographique, duquel il ressortait qu'un changement d'affectation de l'établissement bancaire en centre médical avait été réalisé sans autorisation dans l'arcade précitée: une procédure d'infraction a été ouverte.
En décembre 2020, un agent du Département s'est rendu au centre médical pour constater le changement d'affectation et prendre des photos de l'arcade.
C.
Par décision du 7 mai 2021, le Département a refusé d'octroyer l'autorisation de construire sollicitée, au vu de la non-conformité du projet au RPUS. Par jugement du 20 octobre 2022, le Tribunal administratif de première instance du canton de Genève (TAPI) a rejeté le recours déposé par CMC SA contre la décision du 7 mai 2021. Par arrêt du 23 mai 2023, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours formé contre le jugement du 20 octobre 2022 (cause 1C_336/2023).
Agissant par la voie du recours en matière de droit public (cause 1C_336/2023), le centre médical A.________ SA demande principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du 23 mai 2023 en ce sens que le jugement du 20 octobre 2022 est annulé et que l'APA sollicitée lui est octroyée. Elle conclut subsidiairement au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. La Ville de Genève et le Département concluent au rejet du recours. La recourante a répliqué.
D.
Par décision du 4 juin 2021, le Département a interdit à CMC SA, avec effet immédiat, d'exploiter un centre médical dans les locaux du rez-de-chaussée de l'immeuble et lui a ordonné de rétablir une situation conforme au droit dans les 30 jours, soit en libérant les locaux, soit en rétablissant la précédente affectation autorisée. Il lui a aussi infligé une amende administrative de 5'000 francs, au motif que le changement d'affectation avait été effectué avant le dépôt de la demande d'autorisation.
Par jugement du 20 octobre 2022, le TAPI a rejeté (après les avoir joints) les recours déposés par CMC SA contre la décision du 4 juin 2021. Par arrêt du 23 mai 2023, la Cour de justice a rejeté le recours formé contre le jugement du 20 octobre 2022 (cause 1C_337/2023).
Agissant par la voie du recours en matière de droit public (cause 1C_337/2023), CMC SA demande principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du 23 mai 2023 en ce sens que le jugement du 20 octobre 2022 et la décision du 4 juin 2021 sont annulés. Elle conclut subsidiairement au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département conclut au rejet du recours. La Ville de Genève se réfère aux écritures du Département. La recourante a répliqué.
Par ordonnance du 24 août 2023, le Président de la I re Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif déposée par la recourante
Considérant en droit :
1.
Les deux recours relèvent d'un même complexe de faits. Le recours 1C_336/2023 est dirigé contre l'arrêt cantonal du 23 mai 2023 relatif à l'autorisation de construire portant sur le changement d'affectation de l'arcade d'établissement bancaire en centre médical. Le recours 1C_337/2023 est quant à lui formé contre l'arrêt qui a statué sur l'interdiction d'exploiter le centre médical, l'ordre de remise en état et l'amende administrative. Il se justifie donc, pour des motifs d'économie de procédure, de joindre les causes 1C_336/2023 et 1C_337/2023 et de statuer sur celles-ci dans un seul arrêt (cf. art. 24 PCF applicable par renvoi de l'art. 71 LTF).
2.
Dirigés contre des décisions finales (art. 90 LTF) prises en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF) et déposés en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), les recours sont en principe recevables comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.
La recourante a pris part à la procédure devant la Cour de justice. En tant que destinataire du refus de changement d'affectation de l'arcade qu'elle loue et destinataire de l'ordre d'interdiction d'exploiter le centre médical et de rétablissement d'une situation conforme au droit, elle est particulièrement touchée par les arrêts attaqués et peut ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que les décisions attaquées soient annulées (art. 89 al. 1 LTF). Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il y a en principe lieu d'entrer en matière sur les recours.
3.
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, la recourante reproche à la Cour de justice d'avoir omis de retenir un certain nombre de faits. Elle se plaint d'un établissement arbitraire des faits (art. 97 et 105 al. 2 LTF). Elle fait aussi valoir une violation de l'art. 112 LTF. Elle se prévaut encore à cet égard d'une violation de son droit d'être entendue et d'une appréciation anticipée arbitraire des preuves (art. 29 al. 2 Cst.). Elle prétend que c'est à tort que la cour cantonale n'a pas procédé à un transport sur place et n'a pas auditionné les parties.
Ces griefs se confondent, de sorte qu'ils seront traités ensemble.
3.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), hormis dans les cas visés à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 145 V 188 consid. 2).
L'art. 112 al. 1 let. b LTF dispose que les décisions susceptibles d'un recours devant le Tribunal fédéral doivent contenir les motifs déterminants de fait et de droit. Ces décisions doivent indiquer clairement les faits qui sont établis et les déductions juridiques qui sont tirées de l'état de fait déterminant (ATF 141 IV 244 consid. 1.2.1). Sur les points de fait décisifs et litigieux, le Tribunal fédéral doit savoir ce que l'autorité précédente a en définitive retenu, écarté ou considéré comme non prouvé. Un état de fait insuffisant empêche l'application des règles de droit pertinentes à la cause et constitue donc une violation du droit (ATF 135 II 145 consid. 8.2).
Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1; 145 I 167 consid. 4.1). L'autorité peut renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 144 II 427 consid. 3.1.3). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle tire des conclusions insoutenables (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 143 IV 500 consid. 1.1). Dans ce contexte, le recourant est soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 146 I 62 consid. 3).
3.2. En l'occurrence, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir omis de retenir qu'aucune modification de la partition existante lorsque l'arcade était utilisée comme établissement bancaire n'avait été opérée, que les consultations médicales avaient lieu à l'étage, que le centre médical était ouvert 7 jours sur 7, que les vitrines n'avaient pas été transformées et qu'elles étaient déjà opacifiées lorsque B.________ SA occupait les lieux. Ces éléments ressortent cependant de l'arrêt attaqué au considérant 3.4. Une inspection locale pour les établir n'était donc pas nécessaire, ce d'autant moins que la Cour de justice a considéré que les plans versés au dossier par la recourante montraient de façon claire l'aménagement intérieur des locaux et que les photos prises le 9 décembre 2020 par un agent du Département, versées au dossier et portées à la connaissance de la recourante (qui avait ainsi eu la possibilité de se déterminer sur leur contenu), permettaient - à elles seules - de visualiser distinctement l'arcade.
La recourante fait aussi grief à la Cour de justice de ne pas avoir retenu que les conditions d'accueil de la patientèle du centre médical étaient identiques à celles d'un établissement bancaire et qu'aucune confidentialité n'était nécessaire au rez-de-chaussée. La question de savoir si les locaux sont ouverts ou fermés au public au sens de l'art. 9 RPUS et si une confidentialité y est nécessaire est cependant une question de droit. En réalité, la recourante ne critique pas l'établissement des faits susceptibles d'influer sur le sort de la cause mais s'en prend à leur appréciation juridique. Ce grief de fond sera traité au consid. 4.2.3.
S'agissant de l'augmentation de l'animation du quartier depuis le changement d'affectation et du fait que différents établissements bancaires sont présents dans les environs, ils sont sans incidence sur l'issue du litige (voir infra consid. 4.3.3).
Quant à l'audition des parties, la cour cantonale a considéré que la recourante avait déjà eu l'occasion de s'exprimer largement par écrit dans le cadre de l'instruction; sa demande ne démontrait ni ne prétendait que les éléments qu'elle souhaiterait apporter oralement - et qui avaient du reste été suffisamment discutés par les parties - n'auraient pas pu l'être par écrit, étant rappelé que la procédure administrative est menée en principe par écrit (art. 18 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA/GE; RS/GE E 5 10]), sauf circonstances particulières qui ne se présentaient en l'occurrence pas. La recourante fait valoir qu'elle avait offert de prouver le fait que le propriétaire n'avait trouvé aucun repreneur dans le domaine bancaire et que les vitrines existantes n'avaient pas été modifiées. Ces deux éléments n'ont cependant aucune incidence sur l'issue du litige (voir infra consid. 4.3.3).
3.3. Par conséquent, les griefs d'établissement arbitraire des faits et de de violation de l'art. 112 LTF doivent être rejetés. Par ailleurs, procédant à une appréciation anticipée des preuves, l'instance précédente pouvait, sans arbitraire et sans violer le droit d'être entendu de la recourante, renoncer à une inspection locale et à une audition des parties.
4.
Sur le fond, s'agissant de l'autorisation de construire, la recourante fait valoir une application arbitraire du droit communal.
4.1. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application faite du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de justice et d'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable (cf. également consid. 3.1 ci-dessus). Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 145 II 32 consid. 5.1; 145 I 108 consid. 4.4.1).
4.2. La recourante se plaint d'abord d'une application arbitraire de l'art. 9 RPUS. Elle prétend que l'affectation en centre médical serait conforme au règlement communal.
4.2.1. L'art. 1 ch. 1 RPUS prévoit qu'en vue de favoriser la qualité de vie en ville, les plans d'utilisation du sol élaborés par la Ville de Genève en collaboration avec l'État, ont pour but de maintenir et rétablir l'habitat tout en favorisant une implantation harmonieuse des activités qui garantisse le mieux possible l'espace habitable et limite les charges sur l'environnement qui pourraient résulter d'une répartition déséquilibrée des affectations.
L'art. 9 RPUS est intitulé "Règles applicables aux activités contribuant à l'animation des quartiers". Selon son chiffre 1, qui traite des activités accessibles au public, afin de développer l'animation et l'attractivité des quartiers dans les secteurs 1 à 3, en maintenant et en favorisant l'implantation des activités de manière harmonieuse, diversifiée et équilibrée, les surfaces au rez-de-chaussée des bâtiments, doivent, pour la nette majorité de chaque surface, être destinées ou rester destinées à des activités accessibles au public, lorsqu'elles donnent sur des lieux de passage ouverts au public.
À teneur de l'art. 9 ch. 2 RPUS, par activités accessibles au public, il faut entendre les locaux ouverts au public, les arcades ou les bâtiments accessibles depuis le rez-de-chaussée, quels que soient les étages ouverts au public, notamment destinés au commerce, à l'artisanat, aux loisirs, aux activités sociales ou culturelles, à l'exclusion des locaux fermés au public (ch. 2.1). Par locaux fermés au public, on entend des locaux inoccupés par des personnes ou des locaux occupés essentiellement par des personnes de l'entreprise ou qui sont destinés à une clientèle accueillie dans des conditions de confidentialité, notamment des bureaux, cabinets médicaux, études d'avocats, de notaires, fiduciaires, experts-comptables, agents immobiliers, etc. (ch. 2.2).
Le but d'intérêt public poursuivi par cette disposition réside dans l'interdiction d'affecter à des bureaux fermés au public les surfaces au rez-de-chaussée donnant sur des lieux de passage ouverts au public, afin de lutter contre les "vitrines mortes", en particulier dans les zones fréquentées et animées. L'objectif principal de cette disposition, dont la formulation laisse une large place à l'appréciation, est donc d'avoir des commerces ouverts au public afin que le quartier soit animé. Elle n'interdit en revanche aucune affectation spécifique et n'a pas pour but d'interférer dans la concurrence entre les acteurs économiques du quartier. Certes, l'esprit de cette disposition tend à garantir une certaine diversité des commerces, mais la portée de cette norme ne va pas jusqu'à exiger une variété des commerces dans un périmètre restreint (arrêt 1C_72/2018 du 19 avril 2018 consid. 3.3).
Les changements de destination de surfaces de plancher, au sens de l'art. 9 RPUS, seront soumis à autorisation du Département, même en l'absence de travaux, en application de l'art. 1 al. 1 let. b de la loi genevoise du 14 avril 1988 sur les constructions et les installations diverses (LCI; RS/GE L 5 05) (art. 9 ch. 6 RPUS).
4.2.2. En l'espèce, la cour cantonale a d'abord relevé qu'un centre médical offrait une activité destinée à une clientèle accueillie dans des conditions de confidentialité, de sorte que les locaux devaient être aménagés de manière à garantir la confidentialité et la dignité des patients, comme l'avait d'ailleurs précisé le Service du médecin cantonal dans son préavis: en l'occurrence, les vitrines des locaux litigieux étaient d'ailleurs toutes opacifiées, dans le but de garantir la confidentialité des prestations fournies aux patients.
L'instance précédente a ensuite estimé que le fait que les prestations médicales ne soient en l'occurrence et pour la plupart d'entre elles pas effectuées au rez-de-chaussée, mais au premier étage, n'était pas de nature à faire de l'arcade exploitée par la recourante un local ouvert au public; l'art. 9 ch. 2.2 RPUS prévoyait que les locaux fermés au public étaient notamment ceux qui étaient destinés à une clientèle accueillie dans des conditions de confidentialité; en l'occurrence, l'arcade litigieuse, située au rez-de-chaussée et affectée à l'accueil des patients faisait partie du centre médical et devait accueillir une clientèle dans des conditions de confidentialité; elle devait donc être considérée comme étant fermée au public; la totale opacité de ses vitrines contrevenait par ailleurs à l'intérêt public poursuivi par le RPUS, soit préserver l'animation de la ville par le maintien d'une affectation ouverte au public des rez-de-chaussée; si la recourante prétendait que la surface du centre médical ouverte au public était plus importante que celle du précédent établissement bancaire, elle perdait toutefois de vue que cette comparaison n'était ici pas pertinente, dans la mesure où l'examen portait uniquement sur la conformité à l'art. 9 RPUS du changement d'affectation.
La Cour de justice a encore ajouté que seul un peu plus de la moitié de la surface de l'arcade, soit 55,90 %, pourrait être considéré comme ouvert au public - à supposer que l'espace d'accueil commun (49,80 m2) et l'entrée (3,80 m2) puissent toutefois être considérés ainsi -, ce qui était insuffisant au regard de l'art. 9 ch. 1.1 RPUS, qui exige une nette majorité de surfaces ouvertes au public; le reste de la surface de l'arcade se composait de locaux fermés au public, à savoir des locaux affectés à une salle d'attente, au vestiaire du personnel et à sa salle de repos, ainsi que d'une salle de stockage et d'un espace pour les consultations urgentes.
Enfin, l'instance précédente a considéré que le centre médical litigieux ne pouvait être qualifié de permanence médicale (laquelle a l'obligation de fonctionner d'une manière ininterrompue 24 heures par jour et tous les jours de l'année) car il ne fonctionnait pas d'une manière ininterrompue 24 heures par jour; par ailleurs, et même à considérer que tel serait le cas, cet élément influençait le type de patientèle et non la nécessaire confidentialité qui lui était due.
4.2.3. Face à ce raisonnement fort détaillé, la recourante se contente d'affirmer à nouveau que les conditions d'accueil de la patientèle du centre médical sont identiques à celles de la clientèle d'un établissement bancaire et qu'aucune modification de la répartition des locaux n'a été effectuée. Partant elle ne répond pas à l'argumentation de la cour cantonale qui a exposé pourquoi l'arcade litigieuse devait être considérée comme fermée au public et ne démontre pas en quoi le raisonnement des juges cantonaux serait arbitraire.
En effet, la recourante ne conteste pas que la patientèle du centre médical doit être reçue dans des locaux aménagés de façon à préserver la confidentialité et la dignité des patients conformément aux exigences de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd; RS 811.11) et de la loi genevoise sur la santé du 7 avril 2006 (LS; RS/GE K 1 03). De plus, l'art. 9 ch. 1 RPUS impose qu'une nette majorité de la surface du rez-de chaussée soit accessible au public, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence: la recourante ne conteste pas qu'il ressort des plans que 44,1 % de la surface du rez-de chaussée est occupée par des locaux fermés au public (salle d'attente, vestiaire du personnel, salle de repos, salle de stockage et espace pour les consultations urgentes).
Quant au fait qu'il existe cinq établissements bancaires aux alentours de la place Camoletti, il est sans pertinence sur l'examen de la conformité de la nouvelle affectation des lieux à l'art. 9 RPUS.
Par conséquent, la recourante ne parvient pas à démontrer que la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitraire en considérant que l'affectation en centre médical n'était pas conforme à l'art. 9 RPUS.
4.3. La recourante se plaint aussi d'une application arbitraire de l'art. 14 RPUS et d'une violation arbitraire du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.). Elle estime que les conditions permettant d'obtenir une dérogation seraient remplies.
4.3.1. Selon l'art. 14 al. 1 RPUS, le Conseil d'État ou le département peuvent avec l'accord du conseil municipal, dans le cadre de plans d'affectation, ou du Conseil administratif en matière d'autorisation de construire, déroger aux dispositions du RPUS lorsqu'une utilisation plus judicieuse du sol ou des bâtiments l'exige impérieusement. La délivrance d'une dérogation est donc soumise à la réalisation de trois conditions cumulatives, à savoir l'accord du conseil municipal ou du Conseil administratif (1) et un besoin impérieux (2) d'utiliser de façon plus judicieuse le sol ou les bâtiments (3). Le conseil municipal, respectivement le Conseil administratif, ne sont pas simplement consultés. Leur accord est nécessaire pour obtenir une dérogation.
Les dérogations prévues par l'art. 14 RPUS ne peuvent être délivrées qu'à des conditions restrictives, à défaut de quoi le règlement se trouverait vidé de son sens (arrêt 1C_317/2009 du 15 janvier 2010 consid. 7.1).
4.3.2. En l'occurrence, la Cour de justice a d'abord relevé qu'une des conditions nécessaires prévues par l'art. 14 RPUS à l'octroi de la dérogation n'était pas remplie: en effet, le Conseil administratif de la Ville de Genève a refusé de donner son accord à la dérogation.
L'instance précédente a ajouté que le Conseil administratif avait exposé les raisons de ce refus dans le cadre de la procédure contentieuse: l'octroi d'une dérogation nécessitait que le changement d'affectation envisagé contribue à l'amélioration de la situation existante, ce qui n'était pas le cas de celui proposé par la recourante, raison pour laquelle la dérogation n'avait pas été accordée.
Les juges cantonaux ont encore souligné que la notion d'utilisation "plus judicieuse du sol" était sujette à interprétation et que la loi ne la définissait pas de façon explicite: il appartenait au requérant de la dérogation de démontrer en quoi le changement d'affectation pourrait consacrer une utilisation plus judicieuse du sol, ce qui ne lui garantissait néanmoins pas d'obtenir la dérogation, vu l'exigence de circonstances impérieuses et le pouvoir d'appréciation conféré au Département; en l'occurrence, la recourante n'avait pas démontré que l'activité mise en oeuvre dans l'arcade présentait une utilisation plus judicieuse du sol.
4.3.3. La recourante ne conteste pas le fait que le Conseil administratif de la Ville n'a pas donné son accord à l'octroi de la dérogation. Cela empêche l'application de l'art. 14 RPUS. Dans ces conditions, la solution retenue par l'instance précédente ne paraît pas insoutenable.
Au demeurant, la recourante ne nie pas non plus que les vitrines demeurent opacifiées, contrairement à la demande qui avait déjà été faite en 2010 par la Ville dans le cadre de l'instruction de la demande de B.________ SA portant sur les transformations intérieures de l'agence.
De plus, la recourante ne peut rien tirer du fait que le propriétaire n'aurait trouvé aucun repreneur dans le domaine bancaire. En effet, cet élément, fût-il démontré, importe peu pour traiter la question de savoir si la nouvelle affectation des locaux est conforme à l'art. 9 RPUS. Il n'est pas exigé du propriétaire qu'il réaffecte les locaux en établissement bancaire, mais uniquement qu'une activité conforme à l'art. 9 RPUS y soit exercée.
S'agissant de l'augmentation de l'animation du quartier depuis le changement d'affectation et du fait que différents établissements bancaires sont présents dans les environs, ils sont sans pertinence. L'objet du litige porte en effet sur l'affectation en centre médical de l'arcade litigieuse et non pas sur l'environnement contextuel dans le quartier.
Enfin, la recourante affirme à nouveau qu'aucun autre centre médical n'existerait dans le voisinage de la place Camoletti. Elle ne conteste cependant pas qu'il existe un centre médical à 360 m à vol d'oiseau de l'arcade litigieuse.
Dans ces conditions, en considérant que la recourante n'avait pas démontré que l'activité mise en oeuvre dans l'arcade présenterait une utilisation judicieuse du sol qui exigerait que le Département déroge à l'art. 9 RPUS, la Cour de justice n'a pas versé dans l'arbitraire. Elle n'a pas non plus violé le principe de la proportionnalité. Le grief doit par conséquent être écarté, dans la mesure de sa recevabilité.
5.
La recourante conteste aussi l'ordre de remise en état et l'interdiction d'exploiter les locaux. Elle fait valoir une application arbitraire des art. 129 ss LCI et une violation arbitraire du principe de la proportionnalité.
5.1. L'art. 129 al. 1 LCI dispose que, dans les limites des dispositions de l'art. 130 LCI, le département peut ordonner à l'égard des constructions, des installations ou d'autres choses l'interdiction d'utiliser ou d'exploiter (let. d) et la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (let. e). Quant à l'art. 130 LCI, il précise que ces mesures peuvent être ordonnées par le département lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la présente loi, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires.
5.2. Il ressort du considérant 4 ci-dessus que le changement d'affectation de l'arcade litigieuse en centre médical est contraire au règlement communal. Par conséquent, la cour cantonale n'a pas appliqué arbitrairement les art. 129 et 130 LCI en interdisant d'exploiter le centre médical et en ordonnant de rétablir une situation conforme au droit en libérant les locaux ou en rétablissant la précédente affectation autorisée.
Reste à examiner si cette mesure respecte le principe de la proportionnalité.
5.3. Le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.) exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité); en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; ATF 149 I 49 consid. 5.1; 146 I 157 consid. 5.4 et les arrêts cités).
Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a; 111 Ib 213 consid. 6b et la jurisprudence citée).
5.3.1. En l'espèce, la cour cantonale a considéré que comme l'affectation des locaux exploités par la recourante n'était pas conforme à l'art. 9 RPUS, la remise en état prévue par l'art. 129 LCI était apte à rétablir une affectation conforme; la remise en état poursuivait un intérêt public, à savoir préserver l'animation de la ville par le maintien d'une affectation ouverte au public des rez-de-chaussée; l'intérêt privé de la recourante à pouvoir continuer son activité, d'ordre purement pécuniaire, ne saurait l'emporter sur l'intérêt public; la recourante ne prétendait pas qu'elle ne pourrait pas exercer son activité dans d'autres locaux ou que la remise en état serait de nature à lui causer un dommage irréparable; de plus, en requérant une autorisation de changement d'affectation alors qu'elle y avait déjà procédé, la recourante avait mis le Département devant le fait accompli; elle devait ainsi s'attendre à ce que l'autorité accorde un poids prépondérant au rétablissement d'une situation conforme au droit, ce qui était notamment justifié par l'objectif d'éviter une forte et inadmissible relativisation du droit de la construction.
5.3.2. Face à ce raisonnement, la recourante se contente de faire valoir que le propriétaire n'a trouvé aucun repreneur exerçant une activité bancaire et qu'il n'existe aucun centre médical dans les alentours immédiats (mis à part celui qui se situe à 360 m à vol d'oiseau). Ces éléments sont toutefois sans pertinence sur l'examen de la proportionnalité de la mesure prise. La recourante affirme encore péremptoirement qu'il n'existerait aucun intérêt public au rétablissement de l'agence bancaire qui ne permettrait pas de préserver l'animation de la zone. L'intérêt public retenu n'est cependant pas de rétablir l'agence bancaire mais de préserver l'animation de la ville par le maintien d'une affectation ouverte au public des rez-de-chaussée. La recourante fait encore valoir sa bonne foi et les circonstances de l'ouverture du centre médical en été 2020 lors de la pandémie de la Covid-19. Partant, la recourante ne répond pas à l'argumentation de la cour cantonale et ne démontre toujours pas qu'elle ne pourrait pas exercer son activité dans d'autres locaux et que le préjudice que la remise en état lui engendrerait serait irréparable. Elle se borne en réalité à faire valoir son intérêt privé, lequel est purement économique et ne saurait prévaloir sur l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit (cf. arrêts 1C_149/2022 du 28 octobre 2022 consid. 5.2; 1C_184/2022 du 7 octobre 2022 consid. 6.2).
5.3.3. Par conséquent, le grief de violation du principe de la proportionnalité doit être écarté.
6.
La recourante conteste enfin brièvement le principe de l'amende et son montant. Elle se plaint d'une application arbitraire de l'art. 137 LCI.
6.1. À teneur de l'art. 137 al. 1 LCI, est passible d'une amende administrative de 100 à 150 000 francs tout contrevenant à la présente loi (let. a), aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi (let. b) et aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (let. c).
Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7 LCI, non conforme à la réalité (art. 137 al. 3 LCI). Si l'infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en commandite, d'une société en nom collectif ou d'une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom, la personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise individuelle répondant solidairement des amendes. Les sanctions sont applicables directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu'il n'apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables (art. 137 al. 4 LCI).
6.2. En l'occurrence, la cour cantonale a considéré que le Département n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en infligeant une amende de 5'000 francs à la recourante dans la mesure où celle-ci avait commis une faute à tout le moins sous la forme d'une négligence en procédant au changement d'affectation litigieux: le fait que le bailleur ne l'ait pas informée de la nécessité de requérir une autorisation ne l'exonérait pas de son devoir de se renseigner. De plus, le montant de l'amende se trouvait dans le bas de la fourchette autorisée par la loi (à savoir un plafond de 150'000 francs); s'ajoutait à cela que la recourante avait mis le Département devant le fait accompli et lui avait caché lors du dépôt de l'APA que l'activité était déjà déployée; enfin, la recourante n'alléguait pas faire face à des difficultés financières qui l'empêcheraient de s'acquitter de l'amende.
Comme si elle agissait devant une cour d'appel, la recourante se contente à nouveau de faire valoir qu'elle n'a procédé à aucune modification de l'utilisation du rez-de-chaussée, que les vitrines étaient déjà opacifiées lorsque B.________ SA occupait les lieux et que l'affectation en centre médical répondrait à un besoin dans le quartier. Tous ces éléments manquent de pertinence pour minorer l'amende; ils ne permettent en effet pas d'atténuer le degré de gravité de l'infraction et ne sont pas des circonstances atténuantes au sens de l'art. 137 al. 3 LCI.
6.3. La cour cantonale n'a par conséquent pas fait preuve d'arbitraire en confirmant l'amende d'un montant de 5'000 francs.
7.
Il s'ensuit que les recours sont rejetés dans la mesure de leur recevabilité.
Les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Les causes 1C_336/2023 et 1C_337/2023 sont jointes.
2.
Les recours sont rejetés dans la mesure de leur recevabilité.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 francs, sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département du territoire du canton de Genève, à la Ville de Genève et à la Cour de justice du canton de Genève (Chambre administrative).
Lausanne, le 23 août 2024
Au nom de la I re Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Tornay Schaller