5D_2/2024 29.08.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5D_2/2024
Arrêt du 29 août 2024
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
Bovey et Hartmann.
Greffière : Mme Achtari.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de La Broye et du Nord Vaudois, rue des Moulins 8, 1400 Yverdon-les-Bains.
Objet
rémunération de l'avocat d'office (divorce),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours civile, du 6 novembre 2023 (JD22.035717-231402 228).
Faits :
A.
A.a. Par prononcé du 9 septembre 2022, la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois (ci-après: présidente) a accordé à B.B.________ le bénéfice de l'assistance judiciaire dans la cause en divorce l'opposant à C.B.________ et a désigné l'avocat A.________ en qualité de conseil d'office.
A.b. Le 2 août 2023, Me A.________ a déposé une liste intermédiaire de ses opérations pour la période du 12 août 2022 au 2 août 2023, laquelle faisait état de 46 heures et 5 minutes consacrées à la procédure. Il a requis une indemnité de 9'500 fr. 85, soit des honoraires par 8'295 fr., des "frais soumis TVA" par 111 fr. 42 et des débours par 414 fr. 75, TVA sur le tout par 679 fr. 68 en sus.
Le 15 septembre 2023, Me A.________ a déposé sa liste finale des opérations pour la période du 7 août 2023 au 15 septembre 2023, dans laquelle il indique avoir encore consacré 5 heures et 15 minutes à son mandat. Il a requis une indemnité complémentaire de 1'188 fr. 70, soit des honoraires par 945 fr., des "frais soumis TVA" par 111 fr. 42 et des débours par 47 fr. 25, TVA sur le tout par 85 fr. 03 en sus.
Il ressort du dossier (pièces 2 et 3 du bordereau du recourant du 16 octobre 2023) que Me A.________ a calculé le montant de son indemnité en fonction d'un tarif horaire de 180 fr. (art. 105 al. 2 LTF).
A.c. Par jugement du 4 octobre 2023, la présidente a notamment arrêté l'indemnité finale de Me A.________, conseil d'office de B.B.________, à 7'654 fr. 25 (V) et a dit que la bénéficiaire de l'assistance judiciaire était tenue au remboursement des frais judiciaires et de l'indemnité à son conseil d'office, laissés provisoirement à la charge de l'Etat, dès qu'elle serait en mesure de le faire (VI).
En droit, la présidente a retenu que, sur les 51 heures et 20 minutes que Me A.________ indiquait avoir consacré à son mandat, il se justifiait de retrancher une durée de 8 heures et 50 minutes pour la rédaction de diverses correspondances s'apparentant à des mémos au vu de leur envoi concomitant avec un courrier ou un courriel à la cliente, au tribunal et/ou à la partie adverse, de 2 heures 40 minutes pour la réception de courriers et/ou courriels ainsi que de pièces n'impliquant qu'une lecture brève et cursive - ces opérations n'ayant pas à être prises en compte par l'assistance judiciaire -, d'une heure pour les correspondances envoyées en doublon au même destinataire, d'une heure pour les opérations relevant d'un pur travail de secrétariat telles la rédaction de procurations, de réquisition de production de pièces ou des entretiens téléphoniques avec le greffe, d'une heure s'agissant de la rédaction d'un procédé écrit - une heure de rédaction étant suffisante compte tenu de la nature et des difficultés de la cause - et de 30 minutes pour la relecture de la demande unilatérale en divorce pour les mêmes raisons que celles qui venaient d'être évoquées. La liste des opérations de Me A.________ a ainsi été admise à raison de 36 heures et 20 minutes, ce qui au tarif horaire de 180 fr. correspondait à une indemnité de 7'654 fr. 25, débours par 5 %, frais de vacation par 240 fr. et TVA par 7, 7 % compris.
B.
Par arrêt du 6 novembre 2023, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: chambre des recours civile) a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 16 octobre 2023 par A.________, par lequel ce dernier concluait en substance à la réforme du chiffre V du jugement de première instance, en ce sens que son indemnité d'office soit arrêtée à 10'689 fr. 55.
C.
Par acte posté le 17 janvier 2024, A.________ interjette un recours constitutionnel subsidiaire contre cet arrêt devant le Tribunal fédéral. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens que son indemnité de conseil d'office soit fixée à 10'689 fr. 55 et subsidiairement à l'annulation de cet arrêt et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. En substance, il se plaint de la violation des art. 8, 9 et 29 Cst.
Invitées à déposer des observations, la présidente a indiqué n'avoir pas de remarques particulières à formuler et l'autorité cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt. Suite à quoi, le recourant a confirmé l'intégralité de ses conclusions.
Considérant en droit :
1.
La décision entreprise a pour objet la fixation de l'indemnité due au recourant en sa qualité d'avocat d'office d'une partie à une procédure de divorce. Lorsqu'elle porte comme en l'espèce sur la rétribution de l'activité déployée par le défenseur d'office dans une affaire susceptible de recours en matière civile (art. 72 al. 1 LTF), la décision est rendue dans une matière connexe au droit civil au sens de l'art. 72 al. 2 let. b LTF (arrêt 5D_276/2020 du 20 mai 2021 consid. 1.1 et les références).
Il est constant que la valeur litigieuse n'atteint pas le seuil légal de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). Par conséquent, c'est à juste titre que le recourant interjette un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF), dès lors qu'aucune des exceptions prévues à l'art. 74 al. 2 LTF n'est réalisée.
Pour le reste, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 et 117 LTF) contre une décision finale (art. 90 et 117 LTF), prise en dernière instance cantonale et sur recours par un tribunal supérieur (art. 75 al. 1 et 114 LTF). Le recourant a pris part à la procédure devant la juridiction précédente et dispose, en tant que titulaire de cette prétention, d'un intérêt juridiquement protégé à la modification de la décision attaquée (art. 115 LTF; arrêt 5D_276/2020 précité consid. 1.3). Enfin, sur le fond, il soutient que son indemnité a été fixée en violation de ses droits constitutionnels (art. 116 LTF, en lien avec les art. 8, 9 et 29 Cst.).
2.
2.1. Le recours constitutionnel subsidiaire n'est ouvert que pour se plaindre de la violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). En vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, applicable par renvoi de l'art. 117 LTF, les griefs y relatifs doivent être invoqués et motivés par le recourant, à savoir expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée ("principe d'allégation"; ATF 146 I 62 consid. 3; 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4). Le recourant ne peut se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en procédure d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition, notamment en se contentant d'opposer sa thèse à celle de l'autorité précédente; les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et la référence).
Au vu de ce qui précède, il faut d'emblée déclarer irrecevable le grief de violation de l'art. 8 Cst. en lien avec lequel le recourant ne développe aucune motivation.
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il peut néanmoins rectifier ou compléter les constatations de cette autorité si les faits ont été constatés en violation d'un droit constitutionnel (art. 118 al. 2 et 116 LTF), ce que le recourant doit démontrer d'une manière circonstanciée et précise, conformément aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (par renvoi de l'art. 117 LTF; cf. supra consid. 2.1).
3.
3.1. L'autorité cantonale a jugé que les développements consacrés par le recourant à la remise en question du tarif horaire de 180 fr. pour la rémunération de l'avocat d'office n'appelaient pas de réponse dans le cadre d'un recours, le pouvoir de cognition de la chambre des recours civile ne permettant pas la modification du Règlement sur l'assistance judiciaire en matière civile du 7 décembre 2020 (BLV 211.02.3; ci-après: RAJ).
Elle a par ailleurs considéré que le premier juge n'avait pas à interpeller le recourant avant de s'écarter des décomptes produits car il appartenait au recourant de démontrer que les opérations pour lesquelles il entendait être indemnisé étaient justifiées, quitte à fournir une note explicative avec sa note de frais. Elle a ajouté que l'examen du dossier ne permettait pas de retenir que la procédure de divorce aurait été particulièrement difficile et que l'âge des parties au divorce ne saurait justifier à lui seul le temps et la quantité d'opérations comptabilisées, étant rappelé que le rôle du conseil d'office devait se limiter aux opérations nécessaires à l'accomplissement du mandat officiel, sans endosser le rôle du mandataire privé appelé à résoudre toutes les questions que lui soumettrait son client.
Elle a également considéré la motivation du premier juge comme suffisante.
Ensuite, l'autorité cantonale a jugé que l'ampleur et le motif des réductions étaient justifiés (déduction des mémos, réduction du temps pour les opérations admises, travail de secrétariat déjà inclus dans le tarif horaire de l'avocat), de sorte qu'elle a confirmé le montant de l'indemnité d'office alloué en première instance.
3.2.
3.2.1. Invoquant la violation des art. 9 et 29 Cst., le recourant se plaint essentiellement du fait que l'autorité cantonale n'a pas examiné à titre préjudiciel la compatibilité du droit cantonal applicable avec la Constitution fédérale alors qu'il avait soulevé ce grief devant elle.
Pour le reste, il sera d'emblée constaté que les brefs développements qu'il présente pour justifier les opérations facturées (le fait que les parties sont des personnes âgées, sans boîte électronique pour l'une d'elle, et que les opérations retranchées dépassaient l'envoi de simples mémos) ne répondent manifestement pas aux réquisits du principe d'allégation (cf. supra consid. 2.1) pour démontrer l'arbitraire (art. 9 Cst.) de la motivation de l'arrêt attaqué quant à la suppression de certaines opérations et à la réduction du temps alloué pour d'autres, de sorte qu'ils sont irrecevables.
3.2.2.
3.2.2.1. Une autorité se rend coupable d'une violation du droit d'être entendu si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; 133 III 235 consid. 5.2; arrêts 6B_904/2023 du 18 janvier 2024 consid. 2.3; 6B_1113/2022 du 12 septembre 2023 consid. 1.1).
Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Le droit d'être entendu n'est toutefois pas une fin en soi; il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (arrêt 4A_112/2024 du 3 juillet 2024 consid. 5.1 et les références).
3.2.2.2. Les cantons sont compétents pour fixer le tarif des frais comprenant le défraiement de l'avocat commis d'office (art. 96 CPC en relation avec l'art. 95 al. 3 let. b et l'art. 122 CPC). Le canton de Vaud a délégué cette compétence législative à la Cour plénière du Tribunal cantonal (art. 39 al. 5 du Code de droit privé judiciaire vaudois du 12 janvier 2010 [CDPJ; RSV 211.02]; art. 69 let. c de la loi d'organisation judiciaire du 12 décembre 1979 [LOJV; RSV 173.01]). Le Tribunal cantonal vaudois a adopté le 7 décembre 2010 le RAJ/VD. L'art. 2 al. 1 RAJ/VD - qui renvoie à l'art. 122 al. 1 let. a CPC - précise que le conseil juridique commis d'office a droit au remboursement de ses débours et à un défraiement équitable, qui est fixé en considération de l'importance de la cause, de ses difficultés, de l'ampleur du travail et du temps consacré par le conseil juridique commis d'office. A cet égard, le juge apprécie l'étendue des opérations nécessaires pour la conduite du procès. Il applique le tarif horaire de 180 fr. pour un avocat et de 110 fr. pour un avocat-stagiaire (art. 2 al. 1 let. a et b RAJ/VD). Procédant à un contrôle abstrait du RAJ/VD, le Tribunal fédéral a jugé que les tarifs horaires applicables à l'avocat breveté et à l'avocat-stagiaire selon ledit règlement satisfont aux exigences du droit fédéral (ATF 137 III 185 consid. 5.4 et 6).
Selon la jurisprudence, les tribunaux cantonaux ont l'obligation, sur demande du recourant, de contrôler à titre préjudiciel la compatibilité du droit cantonal applicable avec la Constitution fédérale (ATF 127 I 185 consid. 2; arrêts 6B_99/2020 du 21 avril 2020 consid. 2.3 et l'autre arrêt cité, publié in SJ 2020 I p. 405; 5D_6/2008 du 10 mars 2008 consid. 3.2). Si, à l'issue d'un tel contrôle, la norme s'avère inconstitutionnelle, la juridiction compétente ne saurait formellement annuler celle-ci, mais pourrait modifier la décision qui l'applique (arrêt 6B_99/2020 précité loc. cit. et les références).
Ainsi, même s'il a déjà été procédé au contrôle abstrait d'une réglementation cantonale, l'intéressé garde la possibilité de faire valoir une inconstitutionnalité de celle-ci lors de son application dans un cas particulier. Plus particulièrement, dûment saisi d'un grief de compatibilité d'un tarif cantonal avec la Constitution fédérale, l'autorité cantonale ne peut se contenter de dire que le taux litigieux est prévu par ledit tarif mais doit analyser la constitutionnalité contestée par le recourant du tarif concerné et, selon le résultat de son analyse, s'écarter ou non de ce tarif (arrêts 5D_276/2020 du 20 mai 2021 consid. 4.3; 6B_856/2014 du 10 juillet 2015 consid. 3.3 et 3.4).
3.2.3. En l'espèce, la motivation de l'autorité cantonale sur son devoir d'examiner à titre préjudiciel la constitutionnalité du tarif cantonal revient à refuser, en contrariété à l'art. 29 al. 1 Cst., de traiter le grief soulevé par le recourant. Néanmoins, elle pouvait refuser de se pencher sur ce grief au motif que le recourant avait lui-même allégué le tarif de 180 fr. devant le premier juge, qui l'a appliqué. Celui-ci n'a pas retenu le tarif de 150 fr., contrairement à ce que soutient le recourant. La différence entre l'indemnité requise et celle allouée tient uniquement au retranchement de certaines opérations et à la réduction du temps attribué à d'autres. Ainsi, tout autre tarif que le montant de 180 fr. devait être considéré comme un allégué nouveau, partant irrecevable (art. 326 al. 1 CPC).
Il suit de là que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
4.
En définitive, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Aucuns dépens ne sont dus (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de La Broye et du Nord Vaudois et à la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 29 août 2024
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : Achtari