8C_132/2024 30.08.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_132/2024
Arrêt du 30 août 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Juge présidant,
Viscione et Métral.
Greffière : Mme Betschart.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Centre social régional de Lausanne,
p. a., Service social de Lausanne,
place Chauderon 4, 1002Lausanne,
intimé.
Objet
Aide sociale,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 1er février 2024 (PS.2023.0046).
Faits :
A.
A.a. A.________, né en 2001, a obtenu, le 21 août 2020, un certificat de l'école de culture générale en section socio-pédagogique auprès de l'École de culture générale du gymnase B.________. Pour des raisons de santé, il n'a pas pu entreprendre une autre formation ni commencer à travailler. Le 20 mai 2021, il a sollicité des prestations de l'assurance-invalidité (AI) auprès de l'Office AI du canton de Vaud.
Dans l'attente de la décision de l'Office AI, A.________ a déposé, le 25 juillet 2021, une demande de revenu d'insertion (RI) auprès du Centre social régional (CSR) de Lausanne. Dans le formulaire de demande, il a indiqué louer une chambre meublée dès le 15 juillet 2021 chez ses parents pour un loyer mensuel de 500 fr. (charges incluses). A.________ vit au domicile de ses parents, qui sont les propriétaires de la maison familiale. Le contrat de location, qu'il a conclu avec ses parents, porte sur une chambre meublée avec jouissance de la salle de bains à l'étage et des espaces communs de la maison familiale.
Par décision du 12 août 2021, le CSR a octroyé le RI à A.________ à partir du 1er juillet 2021 à titre d'avance sur une éventuelle rente de l'assurance-invalidité (AI). Le forfait a été fixé à 532 fr. par mois sans prise en charge d'un loyer. Le 21 juillet 2022, le CSR a fixé le forfait mensuel à 683 fr. 80, sans prise en charge d'un loyer. En date du 20 décembre 2022, il l'a fixé à 690 fr., toujours sans prendre en compte un loyer.
A.b. A.________ a contesté la décision du 20 décembre 2022, soutenant que c'était à tort que le CSR avait refusé d'inclure une part de loyer dans son droit au RI. Par décision du 24 mai 2023, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a rejeté le recours.
B.
Par arrêt du 1er février 2024, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours interjeté par A.________ contre la décision du DGCS.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Il conclut à sa réforme en ce sens qu'un forfait lui soit alloué pour le paiement du loyer au plus tard à compter du 1er avril 2022. À titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité intimée pour complément d'instruction et nouvelle décision.
En substance, la DGCS conclut au rejet du recours. Le tribunal cantonal conclut également au rejet du recours.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d. LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement juridique sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si la partie recourante entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, elle doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 145 V 188 consid. 2 précité; 135 II 313 consid. 5.2.2).
2.2. Le Tribunal fédéral ne peut revoir les questions de droit cantonal que sous l'angle restreint de l'arbitraire, dans le cadre d'un moyen pris de la violation d'un droit constitutionnel (cf. art. 95 et 96 LTF, a contrario), expressément soulevé et développé conformément aux exigences de motivation accrues prévues à l'art. 106 al. 2 LTF. Celles-ci imposent à la partie recourante d'expliquer de manière claire et précise en quoi le droit constitutionnel aurait été violé (cf. ATF 140 III 385 consid. 2.3; 138 V 67 consid. 2.2).
3.
Le recourant fait d'abord grief à la cour cantonale d'avoir violé son droit d'être entendu en refusant d'entendre ses parents comme témoins. À ce propos, on peut renvoyer à l'exposé de l'arrêt attaqué concernant le droit d'être entendu (cf. art. 29 al. 2 Cst. ainsi que l'art. 27 al. 2 de la Constitution du Canton de Vaud du 14 avril 2003 [Cst-VD; BLV 101.01]; ATF 142 II 218 consid. 2.3) et l'appréciation anticipée de preuves en particulier (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1). En l'occurrence, la cour cantonale s'est estimée en mesure de statuer en connaissance de cause, en se dispensant d'entendre les parents du recourant en qualité de témoins, vu que le recourant n'avait pas contesté les faits, tels qu'ils avaient été établis par l'autorité intimée. Le recourant ne démontre pas en quoi cette appréciation de la cour cantonale serait arbitraire.
4.
4.1. Le litige porte sur la question de savoir si la cour cantonale a nié à juste titre le droit du recourant à la prise en charge d'une participation pour son loyer dans le cadre de son droit au RI. L'arrêt attaqué expose de manière correcte les dispositions légales et principes jurisprudentiels applicables en l'espèce, notamment en ce qui concerne le but de la loi du 2 décembre 2003 sur l'action sociale vaudoise (LASV; RSV 850.051; art. 1), la prestation financière comprenant le loyer (art. 31 LASV et art. 22 du règlement du 26 octobre 2005 d'application de la loi du 2 décembre 2003 sur l'action sociale vaudoise [RLASV; RSV 850.051.1]) et le principe de la subsidiarité (art. 3 LASV). Il reproduit également de manière complète les directives administratives sur lesquelles les autorités cantonales se sont fondées, notamment les normes RI établies par le Département de la santé et de l'action sociale (DSAS, actuellement la DGCS; version 14, en vigueur depuis le 1er juin 2021; ci-après: normes RI) et la directive du DGCS sur la délivrance de la prestation financière du revenu d'insertion (RI) pour les jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans (version 3, en vigueur dès le 1er juin 2021; ci-après: directive JAD). Il suffit d'y renvoyer (art. 109 al. 3 LTF).
4.2. On relèvera d'une part que le point 3.1.1.2 des normes RI, concernant la prise en charge des loyers des jeunes adultes, renvoie à la directive JAD. Celle-ci statue qu'aucun montant n'est octroyé pour le loyer aux jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans sans formation professionnelle achevée vivant chez leurs parents, sauf si ceux-ci sont bénéficiaires du RI, de prestations complémentaires de l'AVS/AI ou de la rente-pont (point 7.1 de la directive JAD et point 14 de l'annexe 3 de la directive JAD).
5.
5.1. Les juges cantonaux ont considéré que la directive JAD était applicable, le recourant étant un jeune adulte, âgé de 22 ans au moment de l'arrêt attaqué. La directive contenait en effet des règles spéciales applicables à cette catégorie de bénéficiaires et réglementait la délivrance de la prestation financière du RI de manière plus systématique et complète que les normes RI. Selon le point 14 de l'annexe 3 à la directive JAD, le recourant n'avait donc pas droit à la prise en charge de son loyer, dès lors qu'il vivait chez ses parents et que ceux-ci ne bénéficiaient pas du RI, ni des PC AVS/AI, ni de la rente-pont.
La cour cantonale a retenu - à juste titre - que ni les normes RI ni les directives JAD n'ont force de loi. Le juge peut ainsi s'en écarter s'il les estime contraires à la loi ou à l'ordonnance; toutefois, il en tient compte dans la mesure où elles permettent une application correcte des dispositions légales dans un cas d'espèce (ATF 146 Il 321 consid. 4.3; ATF 142 II 182 consid. 2.3.2). La directive JAD n'est certes pas publiée. Elle a toutefois été remise au recourant, de sorte qu'il pouvait se déterminer en toute connaissance de cause devant l'instance cantonale (cf. ATF 141 IV 465 consid. 9.5.6 et la référence).
5.2. Les premiers juges ont en outre exposé que la directive JAD était conforme à la loi. Selon l'art. 31 al. 2bis 1 re phrase LASV, le barème établi par le RLASV pouvait prévoir un montant forfaitaire pour le loyer et les charges des jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans révolus, vivant seuls, sans charge de famille et sans activité lucrative. Pour les jeunes adultes vivant seuls, la loi prévoyait donc une prise en charge du loyer réduite, sous une forme forfaitaire, au lieu du supplément correspondant au loyer effectif, au sens de l'art. 31 al. 1 LASV. À contrario, dans le cas de jeunes adultes qui ne vivaient pas seuls, mais chez leurs parents, la loi ne prévoyait pas de prise en charge du loyer (même sous une forme forfaitaire). Dans une telle situation, le principe de subsidiarité (art. 3 LASV) voulait en effet que les parents assurent le logement du jeune adulte en principe sans contre-prestation à la charge de l'assistance publique. En cohabitant avec ses parents, le jeune adulte limitait ainsi sa prise en charge financière (cf. art. 3 al. 2 LASV et point C.4.2 al. 4 des normes de calcul de l'aide sociale édictées par la Conférence suisse des institutions d'action sociale [normes CSIAS]). Le principe du logement par les parents sans contre-prestation à la charge de l'assistance publique connaissait une exception lorsqu'on ne pouvait raisonnablement exiger d'eux qu'ils assument ces frais en totalité (cf. point C.4.2 al. 5 des normes CSIAS). Tel était le cas, selon le point 14 de l'annexe 3 à la directive JAD, si les parents bénéficiaient du RI, des PC AVS/AI ou de la rente-pont (voir aussi le point 3.1.1.2 1er tiret des normes RI). En l'occurrence, cette exception ne s'appliquait pas. La décision attaquée était donc conforme non seulement à la directive JAD, mais aussi à la LASV.
6.
6.1. Le recourant soutient en substance que la cour cantonale aurait interprété l'art. 31 al. 2bis 1 re phrase et l'art. 3 LASV de manière contraire au droit. Par conséquent, la cour cantonale serait tombée dans l'arbitraire en appliquant la directive JAD, les normes RI et les normes CSIAS. Celles-ci contiendraient de multiples exceptions et restrictions au paiement du loyer dans le cadre du droit au RI et contreviendraient à la LASV et au RLASV.
En ce qui concerne l'interprétation faite par la cour cantonale de l'art. 31 al. 2bis 1 re phrase LASV, il allègue qu'elle créerait une inégalité de traitement (cf. art. 8 Cst.) non voulue par le législateur entre les jeunes adultes en situation précaire vivant chez leurs parents et ceux vivant seuls, qui auraient droit à la prise en charge des loyers. Concernant l'art. 3 LASV, il soutient que l'interprétation des premiers juges aboutirait en réalité à une obligation pour ses parents à assurer son logement sans contre-prestation. Or ceux-ci n'étaient pas destinataires de la décision concernant son RI. Au surplus, ils ne vivraient pas dans l'aisance et n'auraient plus d'obligation d'entretien envers lui.
6.2. Par son argumentation, le recourant se limite à substituer sa propre interprétation de la LASV et du RLASV, sans démontrer en quoi celle retenue par les premiers juges serait arbitraire ou contraire au principe d'égalité de traitement découlant de l'art. 8 Cst. Quoi qu'il en dise, la situation d'un jeune adulte vivant seul n'est pas comparable à celle d'un jeune adulte vivant en communauté familiale. Par ailleurs, le recourant ne démontre pas en quoi les premiers juges auraient arbitrairement fait application du principe de subsidiarité prévu par l'art. 3 LASV - et reconnu par les normes CSIAS -, en considérant qu'il n'y avait pas lieu de prendre en charge, par l'intermédiaire de l'aide sociale, une contre-prestation financière pour le logement d'un jeune adulte vivant chez ses parents. Les premiers juges ont admis qu'il pourrait en aller différemment si ces derniers n'étaient pas en mesure d'assumer seuls le logement de leur enfant. Ils ont toutefois constaté que ce n'était pas le cas en l'espèce, sans que le recourant leur reproche sur ce point une constatation des faits manifestement incomplète ou erronée. Enfin, contrairement à ce que soutient le recourant, le jugement entrepris ne met directement aucun frais supplémentaire à la charge de ses parents, mais part simplement du constat que le recourant vit encore chez eux de sorte qu'il ne peut pas demander de forfait pour son logement, à la charge de l'aide sociale. Le fait que ce jugement ait pour effet, indirectement, de priver les parents du recourant d'une contre-prestation pour le logement ne permet pas de qualifier d'arbitraire l'interprétation du droit cantonal par les premiers juges.
7.
Compte tenu de ce qui précède, le recours est manifestement infondé. Le présent arrêt est donc rendu selon la procédure simplifiée prévue à l'art. 109 al. 1 LTF.
8.
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires seront mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS).
Lucerne, le 30 août 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Maillard
La Greffière : Betschart