7B_625/2024 09.09.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_625/2024, 7B_626/2024
Arrêt du 9 septembre 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Koch et Hofmann,
Greffière : Mme Rubin.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Frank Tièche, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD.
Objet
Refus de retranchement des procès-verbaux d'audition,
recours contre les arrêts de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 26 mars 2024
(235 - PE23.006988-TAN et 236 - PE22.023458-TAN).
Faits :
A.
A.a. Depuis décembre 2022, le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois (ci-après: le Ministère public) mène une instruction pénale pour meurtre et infraction à la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration [LEI; RS 142.20] contre B.________, ressortissant de V.________, né en 1967. Il lui reproche d'avoir, le 18 décembre 2022, à U.________, tué C.________ - son petit- cousin et le frère de A.________ - lors d'une dispute qui aurait pour origine un différend familial (affaire n°PE22.023458-TAN).
A.b. Le 19 décembre 2022, A.________ a été auditionné par la police, sur délégation du Ministère public, en qualité de témoin dans la procédure pénale dirigée contre B.________. Le 20 janvier 2023, il s'est constitué partie plaignante tant sur le plan civil que pénal.
A.c. Le 12 avril 2023, le Ministère public a ouvert une procédure préliminaire contre A.________ pour avoir fait un faux témoignage lors de son audition du 19 décembre 2022 (affaire n°PE23.006988-TAN).
A.d. Le 15 mars 2023, A.________ a été entendu par la police, sur délégation du Ministère public, en présence d'un interprète et de son avocat, à la fois comme personne appelée à donner des renseignements (ci-après: PADR) dans la procédure pénale relative au meurtre de son frère et comme prévenu dans la procédure pénale dirigée contre lui-même pour faux témoignage.
B.
B.a. Le 5 juillet 2023, A.________ a demandé que les procès-verbaux de ses auditions des 19 décembre 2022 et 15 mars 2023 soient déclarés inexploitables et retranchés des deux dossiers correspondants. Concernant le premier procès-verbal, il a fait valoir que c'était en qualité de PADR et non de témoin qu'il aurait dû être entendu, de sorte que ses déclarations auraient été recueillies en violation de son droit de refuser de déposer et d'être assisté d'un avocat. Quant au second procès-verbal, il s'est plaint de ne pas avoir été avisé, dans le mandat de comparution, du fait qu'il allait être entendu sous un double statut procédural - procédé qui serait en outre inadmissible -, ni d'avoir été informé, au début de son audition, des fausses déclarations qui lui étaient reprochées.
Par courrier du 10 août 2023, le Ministère public a refusé de retrancher ces procès-verbaux d'audition des dossiers.
B.b. Par requête du 21 août 2023, renouvelée les 16 novembre 2023 et 9 janvier 2024, A.________ a sollicité le prononcé d'une décision formelle sur le retranchement de ces procès-verbaux d'audition des dossiers.
Par ordonnances des 5 et 7 février 2024, le Ministère public a refusé de retrancher ces moyens de preuve des dossiers, qu'il a tenus pour exploitables.
B.c. Par arrêts séparés du 26 mars 2024, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: la cour cantonale ou l'autorité précédente) a rejeté les recours formés par A.________ contre les ordonnances des 5 et 7 février 2024 et a confirmé celles-ci.
C.
Par actes distincts du 4 juin 2024, A.________ interjette deux recours en matière pénale contre les arrêts du 26 mars 2024 (causes 7B_625/2024 et 7B_626/2024), en concluant principalement à leur réforme en ce sens que les procès-verbaux d'audition des 19 décembre 2022 et 15 mars 2023 soient déclarés inexploitables, retranchés des dossiers pénaux et détruits. Il demande en outre l'assistance judiciaire.
Invités à se déterminer, la cour cantonale et le Ministère public ont renoncé à formuler des observations, renvoyant à la motivation contenue dans les arrêts attaqués.
Considérant en droit :
1.
Les deux recours en matière pénale au Tribunal fédéral sont dirigés contre deux arrêts portant sur des objets similaires. Ils concernent globalement le même complexe de faits et portent sur des questions juridiques connexes. Il y a donc lieu de joindre les causes et de les traiter dans un seul arrêt (art. 24 al. 2 PCF et 71 LTF).
2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2).
2.1. Les arrêts attaqués ont été rendus au cours d'une procédure pénale par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 80 LTF). Ils sont donc susceptibles d'un recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF.
2.2.
2.2.1. Les arrêts attaqués, qui confirment le refus du Ministère public de retrancher des moyens de preuve des dossiers, ne mettent pas un terme à la procédure pénale engagée contre B.________ ni à celle dirigée contre le recourant.
Vu leur caractère incident, de telles décisions ne peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral qu'en présence d'un risque de préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'étant généralement pas applicable en matière pénale (ATF 144 IV 127 consid. 1.3). Le préjudice irréparable au sens de la disposition susmentionnée se rapporte à un dommage de nature juridique qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 148 IV 155 consid. 1.1; 144 IV 127 consid. 1.3.1).
2.2.2. Les décisions relatives à l'administration ou à l'exploitation des preuves (cf. art. 140 et 141 CPP) ne sont en principe pas de nature à entraîner un dommage juridique irréparable (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1; 144 IV 90 consid. 1.1.3; 143 IV 387 consid. 4.4; arrêts 7B_6/2024 du 6 mai 2024 consid. 1.4.2; 7B_253/2023 du 31 août 2023 consid. 5; 7B_44/2023 du 24 août 2023 consid. 1.2.2).
Le seul fait qu'un moyen de preuve dont la validité est contestée demeure au dossier ne constitue en principe pas un tel préjudice, dès lors qu'il est possible de renouveler ce grief jusqu'à la clôture définitive de la procédure. En particulier, la question de la légalité des moyens de preuve peut être soumise au juge du fond (art. 339 al. 2 let. d CPP), autorité dont il peut être attendu qu'elle soit en mesure de faire la distinction entre les moyens de preuve licites et ceux qui ne le seraient pas, puis de fonder son appréciation en conséquence. Les motifs retenus par le juge de première instance peuvent ensuite être contestés dans le cadre d'un appel (cf. art. 398 ss CPP) et, en dernier ressort, le prévenu peut remettre en cause ce jugement devant le Tribunal fédéral (art. 78 ss LTF; ATF 144 IV 90 consid. 1.1.3; 143 IV 387 consid. 4.4).
Cette règle comporte toutefois des exceptions. Tel est le cas lorsque la loi prévoit expressément la restitution immédiate, respectivement la destruction immédiate, des preuves illicites (cf. notamment l'ancien art. 248 dans sa teneur en vigueur au 31 décembre 2023 [RO 2010 1881], ainsi que les art. 271 al. 3, 277 et 289 al. 6 CPP). Il en va de même quand, en vertu de la loi ou de circonstances spécifiques liées au cas d'espèce, le caractère illicite des moyens de preuve s'impose d'emblée. De telles circonstances ne peuvent être admises que dans la situation où l'intéressé fait valoir un intérêt juridiquement protégé particulièrement important à un constat immédiat du caractère inexploitable de la preuve (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1; cf. ATF 148 IV 82 consid. 5.4; arrêts 7B_6/2024 du 6 mai 2024 consid. 1.4.2; 7B_981/2023 du 29 janvier 2024 consid. 1.3; 7B_815/2023 du 18 décembre 2023 consid. 1.1).
2.2.3. Il incombe, d'une manière générale, au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir et ceux permettant de démontrer l'existence d'un préjudice irréparable lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (cf. art. 42 al. 2 LTF; ATF 148 IV 155 consid. 1.1; arrêts 7B_420/2024 du 5 août 2024 consid. 1.4; 7B_175/2024 du 11 juillet 2024 consid. 2.1).
2.3. Le recourant soutient que les procès-verbaux des 19 décembre 2022 et 15 mars 2023 seraient absolument inexploitables en vertu de l'art. 158 al. 2 CPP en relation avec l'art. 141 CPP, faute pour lui d'avoir été informé de ses droits de PADR, respectivement de prévenu. Cette disposition prévoirait la restitution ou la destruction immédiate des preuves recueillies illicitement.
Conformément à l'art. 158 al. 1 CPP, au début de la première audition, la police ou le ministère public informent le prévenu, dans une langue qu'il comprend, notamment qu'une procédure préliminaire est ouverte contre lui et pour quelles infractions (let. a), qu'il peut refuser de déposer et de collaborer (let. b) et qu'il a le droit de faire appel à un défenseur ou de demander un défenseur d'office (let. c). L'art. 158 al. 2 CPP (en relation avec l'art. 141 al. 1, 2 e phr., CPP) prévoit certes le caractère inexploitable des auditions du prévenu effectuées sans que les informations prévues par l'al. 1 lui aient été communiquées. Toutefois le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de préciser que cette disposition - également applicable aux PADR par renvoi de l'art. 180 al. 1 CPP aux dispositions concernant le prévenu - n'imposait pas le retranchement des moyens de preuves du dossier et leur destruction immédiate, contrairement aux cas visés aux art. 248 aCPP, 271 al. 3, 277 et 289 al. 6 CPP (arrêts 1B_444/2022 du 4 novembre 2022 consid. 2.2; 1B_117/2020 du 20 avril 2020 consid. 2.2; 1B_63/2019 du 16 avril 2019 consid. 2.5 et les arrêts cités).
Partant, le recourant ne se prévaut pas d'une loi prévoyant la restitution ou la destruction immédiate des preuves recueillies illicitement et ne subit dans cette mesure pas de préjudice juridique irréparable.
2.4. S'agissant du procès-verbal d'audition du 19 décembre 2022, le recourant soutient que le caractère illicite de ce moyen de preuve s'imposerait d'emblée, pour trois raisons. Il fait valoir que la direction de la procédure aurait dû l'entendre non pas en qualité de témoin, mais comme PADR au sens de l'art. 178 al. 1 let. d CPP, ce qui exclurait de pouvoir utiliser ce moyen de preuve contre lui en raison de la violation des art. 178, 180 CPP et 6 CEDH. En substance, il soutient qu'on ne pouvait pas exclure - au moment où il a été entendu - qu'il ait pu participer à l'altercation ayant mené à la mort de son frère et que les actes d'enquête le visant démontreraient qu'il a été tenu pour suspect dans cette affaire, faits que la cour cantonale aurait arbitrairement omis.
2.4.1. Selon l'art. 162 CPP, on entend par témoin toute personne qui n'a pas participé à l'infraction, qui est susceptible de faire des déclarations utiles à l'élucidation des faits et qui n'est pas entendue en qualité de personne appelée à donner des renseignements. En vertu de l'art. 163 al. 2 CPP, la personne capable de témoigner est tenue de le faire de manière conforme à la vérité (cf. art. 307 al. 1 CP). Selon l'art. 178 al. 1 let. d CPP, doit être entendue à titre de renseignements la personne qui, sans être prévenue, pourrait s'avérer être soit l'auteur des faits à élucider ou d'une infraction connexe, soit un participant à ces actes. A l'inverse du témoin, le statut conféré par l'art. 178 al. 1 let. d CPP permet en particulier de ne pas déposer (art. 180 al. 1 CPP) et n'impose pas l'obligation de dire la vérité (ATF 144 IV 28 consid. 1.3.1), de sorte que la PADR n'encourt pas les conséquences pénales d'un faux témoignage au sens de l'art. 307 CP. Il appartient à l'autorité pénale compétente qui mène l'audition de décider en quelle qualité la personne entendue sera interrogée. Cette décision est prise au regard de l'état de fait et de la situation juridique au moment de l'audition; ce prononcé peut donc devenir sans objet si les circonstances qui le motivaient changent (ATF 144 IV 97 consid. 2.1.3; arrêt 1B_584/2022 du 25 avril 2023 consid. 3.2).
2.4.2. En l'occurrence, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant si les déclarations que le recourant soutient avoir faites comme témoin plutôt que comme PADR (art. 178 al. 1 let. d CPP) seraient en l'espèce inexploitables. En effet, le recourant ne démontre pas que la cour cantonale aurait versé dans l'arbitraire, respectivement qu'elle aurait manifestement violé le droit fédéral en retenant qu'aucun élément au dossier ne laissait penser, au moment de son audition, qu'il ait pu être impliqué dans les faits ayant mené au décès de son frère et qu'aucune autre hypothèse de l'art. 178 CPP n'était réalisée à cette date.
D'une part, le recourant ne remet pas en cause qu'il ne s'était pas encore constitué partie plaignante au moment de son audition. Partant, il ne pouvait pas être entendu en qualité de PADR selon l'art. 178 al. 1 let. a CPP mais devait effectivement en principe l'être comme témoin (cf. art. 166 CPP). D'autre part, il ne conteste pas qu'aucune des personnes auditionnées avant lui, en particulier B.________, ne l'avait impliqué dans les faits à élucider, ni ne l'avait vu sur les lieux de l'infraction. Contrairement à ce qu'il prétend, la cour cantonale n'a pas ignoré les différends survenus avec la famille du prénommé et en particulier ceux qui l'auraient directement opposé à ce dernier. Toutefois, elle a estimé que ces éléments ne permettaient pas de le soupçonner d'avoir participé à l'homicide de son frère. À cet égard, les exemples cités par le recourant afin d'illustrer un "conflit clanique" avec la famille de B.________ ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation. Quant aux mesures d'instruction dont il a fait l'objet - consistant notamment en la remise des clés de son véhicule et de son téléphone afin d'en extraire les données GPS, ainsi que le prélèvement de son ADN à des fins de comparaison avec celui de son frère -, elles ne sont pas d'emblée incompatibles avec le statut de témoin. Il en va de même des questions qui lui ont été posées et qui portaient sur son emploi du temps et ses relations avec B.________. En effet, le recourant perd de vue qu'il a notamment déclaré avoir eu des contacts avec son frère tant la veille que le jour de sa mort, ainsi que lui avoir prêté sa voiture le jour en question (cf. procès-verbal d'audition du 19 décembre 2022, pp. 3 et 9; art. 105 al. 2 LTF). Autrement dit, il a reconnu disposer d'informations et d'objets potentiellement utiles à l'élucidation des faits, ce qui correspond précisément au rôle d'un témoin, étant relevé qu'une personne entendue en cette qualité peut, si nécessaire, faire l'objet de mesures de contrainte (saisie et perquisition de documents; MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit commentaire, Code de procédure pénale, 2 e éd. 2016, n°2 ad art. 162 CPP et n° 9 ad art. 163 CPP; NATHALIE DONGOIS, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2 e éd. 2019, n° 8 ad art. 162 CPP et n° 14 ad art. 163 CPP).
Dans ces conditions, il n'apparaît pas manifeste que le recourant ait été entendu sous un statut procédural erroné. Partant, le caractère illicite de son procès-verbal d'audition du 19 décembre 2022 ne s'impose pas d'emblée.
2.5. S'agissant du procès-verbal d'audition du 15 mars 2023 du recourant, on comprend de sa motivation sur le fond que l'illicéité de ce moyen de preuve s'imposerait également d'emblée, pour trois raisons.
2.5.1. Premièrement, le recourant se plaint d'avoir été entendu "par surprise" à la fois comme PADR - dans la procédure relative au meurtre de son frère - et comme prévenu de faux témoignage. En effet, une telle information n'aurait pas figuré dans le mandat de comparution et une copie de cette convocation n'aurait pas même été envoyée à son conseil, ce qui l'aurait empêché de préparer sa défense convenablement (art. 6 CEDH).
Selon le prescrit de l'art. 201 al. 2 let. b et c CPP, le mandat de comparution doit notamment mentionner la qualité en laquelle la personne citée à comparaître doit participer à l'acte de procédure ainsi que le motif du mandat, pour autant que le but de l'instruction ne s'oppose pas à cette indication. De plus, lorsqu'une personne est tenue de comparaître personnellement à une audience ou d'accomplir elle-même un acte de procédure, la communication lui est notifiée directement; en pareil cas, une copie est adressée à son conseil juridique (art. 87 al. 4 CPP). Cela étant, l'acte de procédure violant une prescription impérative n'est pas nul ou annulable dans tous les cas; le prévenu qui n'est pas cité dans le respect des formes légales, mais qui comparaît et accepte de déposer, ne peut pas se prévaloir ensuite de n'avoir pas été convoqué valablement (MOREILLON/PAREIN-REYMOND, op.cit., n° 22 ad art. 201 CPP; GREGOR T. CHATTON, in Commentaire romand, op.cit., n° 36 ad art. 201 CPP, pour qui la nullité du mandat ne s'étend pas à l'acte de procédure désigné par le mandat).
En l'occurrence, le recourant a comparu à son audition par-devant la police, sur délégation du Ministère public, assisté de son conseil juridique. Il a accepté de déposer après avoir été clairement avisé, en début d'audition, qu'il serait interrogé sur deux volets distincts et en deux qualités, soit comme PADR s'agissant du premier et comme prévenu s'agissant du second. Il a en outre été informé des droits liés à ces deux statuts - qu'il n'a pas contestés -, étant relevé que celui de PADR lui a été conféré à la suite de sa constitution en tant que partie plaignante dans la procédure dirigée contre B.________ (art. 178 al. 1 let. a CPP). Dans ces conditions, on ne voit pas que l'exercice effectif de ses droits aurait été entravé, voire empêché du fait que le mandat de comparution ne contenait pas toutes les informations prescrites par l'art. 201 al. 2 CPP et que son mandataire n'aurait pas reçu copie de cette convocation. Du reste, le recourant n'indique pas ce qui l'aurait empêché de se renseigner afin de connaître préalablement à son audition les qualités en lesquelles il allait être entendu ainsi que les motifs, voire de demander un report de cet acte d'enquête. Une violation des droits de la défense n'est donc pas manifeste.
2.5.2. Deuxièmement, le recourant fait valoir qu'une audition qui mélangerait deux statuts procéduraux créerait une opacité et contreviendrait à l'art. 178 al. 1 let. d CPP et à son droit à un procès équitable.
Il est vrai que les questions posées au recourant n'ont pas fait l'objet d'une séparation claire dans le procès-verbal du 15 mars 2023, selon qu'elles concernaient la procédure pénale relative à l'homicide de son frère - dans laquelle il avait la qualité de partie plaignante - ou la procédure pénale pour faux témoignage dirigée contre lui. Ainsi que le relève le recourant, cette manière de procéder pourrait s'avérer problématique, en particulier au regard du respect des droits de la défense. L'art. 143 CPP dispose, de manière générale, que tout comparant est, au début de son audition, interrogé sur son identité (let. a), informé de l'objet de la procédure et de la qualité dans laquelle il est entendu (let. b) et avisé de façon complète de ses droits et obligations (let. c). S'agissant plus particulièrement du prévenu, il est rappelé que celui-ci doit obligatoirement être avisé de son droit de refuser de déposer et de collaborer, soit plus généralement de son droit au silence (art. 158 al. 1 let. a et b CPP; cf. consid. 2.3 supra). À l'inverse, la partie plaignante (art. 178 let. a CPP) a l'obligation de déposer (art. 180 al. 2 CPP), sous réserve d'un éventuel droit de refuser de témoigner dont elle doit également être informée avant le début de son audition (art. 181 al. 1 CPP). Il s'ensuit qu'une audition qui mélangerait ces deux statuts procéduraux, qui plus est sans séparation claire des questions posées en fonction de l'objet de la procédure, pourrait ne pas être conforme avec le droit du prévenu de ne pas s'auto-incriminer et, partant, avec celui à un procès équitable.
Toutefois, la question de savoir si le droit du prévenu à un procès équitable a été violé suppose un examen in concreto de la conduite de la procédure dans son ensemble (cf. arrêt 6B_1477/2020 du 1er novembre 2021 consid. 1.7.2 et les références citées). On relèvera par ailleurs que le CPP ne contient pas de dispositions détaillées sur le déroulement de l'audition et qu'il existe - dans les limites du principe du procès équitable - une certaine liberté (d'action) pour la personne qui procède à l'audition (cf. arrêt 6B_270/2021 du 5 octobre 2022 consid. 1.3.1; DANIEL HÄRING, in: Basler Kommentar, Strafprozessordnung, 3e éd. 2023, n° 33 ad art. 143 CPP; SCHMID/JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskom-mentar, 4e éd. 2023, n°13 ad art. 143 CPP). En l'occurrence, il sied tout d'abord de relever que les deux procédures auxquelles le recourant est partie sont imbriquées l'une dans l'autre, de sorte qu'il apparaissait compréhensible de procéder à une unique audition du recourant. De plus, force est de constater que le recourant a été informé, au début de son audition, de l'objet des procédures et des qualités en lesquelles il était entendu, ainsi que des droits découlant de ces qualités, en particulier ceux du prévenu. À cela s'ajoute qu'il a pu s'entretenir à plusieurs reprises avec son avocat durant son audition et qu'il a fait régulièrement usage de son droit de se taire, acceptant pour le surplus de répondre aux enquêteurs sans émettre aucune réserve ni critique quant au déroulement de l'interrogatoire ou aux questions posées. Cela tend à démontrer que le recourant a bien compris l'objet des questions et qu'il a pu exercer ses droits de manière effective. Il n'a d'ailleurs pas soutenu, dans le cas concret, avoir été dans l'impossibilité de distinguer à quelle procédure les questions des enquêteurs se rapportaient, ni s'être concrètement auto-incriminé.
Partant, les circonstances du cas d'espèce ne laissent pas apparaître de violation manifeste de son droit à un procès équitable ou du droit fédéral.
2.5.3. Troisièmement, le recourant soutient que l'art. 158 al. 1 let. a CPP aurait été violé, car les fausses déclarations qu'on lui reprochait d'avoir faites le 19 décembre 2022 ne lui auraient pas été exposées "aussi précisément que possible" au début de son audition.
En l'occurrence, si le recourant a été informé en début d'audition qu'une procédure préliminaire était ouverte contre lui pour avoir fait de "fausses déclarations lors de [son] audition de police du 19 décembre 2022", les déclarations litigieuses, respectivement ses déclarations contradictoires, ne lui ont été indiquées de manière précise qu'au cours de l'interrogatoire (cf. arrêt attaqué, p. 9, avec les références au dossier cantonal). Cela étant, le recourant méconnaît qu'au stade précoce de la procédure, il ne peut pas être exigé de donner connaissance de l'ensemble des soupçons et des preuves dans leurs moindres détails. Lors de la première audition, l'information doit cependant être fournie de telle manière que le prévenu ait été au moins à même d'identifier les faits qui lui étaient reprochés et de comprendre pourquoi les soupçons s'étaient portés sur lui. Une certaine généralisation est admissible (arrêts 7B_259/2022 du 8 avril 2024 consid. 3.2.1; 7B_254/2022 du 8 février 2024 consid. 2.7; 6B_862/2023 du 22 janvier 2024 consid. 3.1 et les références citées). Aussi le Tribunal fédéral a t-il précisé qu'il était conforme aux prescriptions légales de communiquer au prévenu le lieu et la date de la menace en tant qu'information sur le délit reproché, même si le contenu de la menace n'était pas mentionné (ATF 141 IV 20 consid. 1.3.4). De même, dans un cas d'abus de confiance, il a jugé qu'il suffisait que la prévenue ait été en mesure de comprendre les raisons générales de sa prévention (arrêt 6B_249/2017 du 17 janvier 2018 consid. 2.2.2).
Partant, dès lors que le recourant a été immédiatement avisé de l'acte délictueux qui lui était reproché, ainsi que de la date et de l'occasion à laquelle il aurait été commis, on ne voit pas que la cour cantonale aurait d'emblée violé le droit fédéral en retenant qu'une telle information était suffisante au sens de l'art. 158 al. 1 let. a CPP. Une violation de cette disposition s'impose d'autant moins que les déclarations exactes du recourant lui ont été communiquées au cours de son interrogatoire et qu'il a pu se défendre en conséquence.
2.5.4. L'illicéité du procès-verbal du 15 mars 2023 n'est ainsi, en l'état, pas manifeste.
2.6. Enfin, le recourant voit un préjudice irréparable dans le fait que la procédure pour faux témoignage dirigée contre lui ne reposerait que sur ses procès-verbaux d'audition, de sorte que le retranchement de ceux-ci du dossier conduirait immédiatement au classement de cette procédure. En outre, le maintien de ces moyens de preuve au dossier de la procédure relative au meurtre de son frère, dans laquelle il s'est constitué partie plaignante tant sur le plan civil que pénal, serait de nature à "affaiblir sa position et ses droits".
Certes, ainsi que le relève le recourant, une personne auditionnée à tort comme témoin ne peut pas commettre, y compris à titre de tentative, un faux témoignage au sens de l'art. 307 CP, faute pour elle d'avoir violé une obligation de dire la vérité qui ne lui incombait pas (cf. ATF 147 IV 373 consid. 1.6). Partant, le retranchement de son procès-verbal du 19 décembre 2022 conduirait en principe au classement de la procédure pour faux témoignage dont il fait l'objet. Néanmoins, on ne voit pas quel préjudice irréparable pourrait résulter du maintien de cette pièce au dossier. En effet, la prolongation d'une procédure ne constitue qu'un dommage de pur fait qui n'est pas considéré comme un préjudice irréparable (cf. ATF 142 III 798 consid. 2.1; arrêts 7B_129/2023 du 3 janvier 2024 consid.1.2; 1B_213/2020 du 4 août 2020 consid. 1.1). Le recourant, qui n'indique en particulier pas qu'un jugement ne pourrait pas intervenir dans un délai raisonnable ou que le principe de la célérité serait violé, ne soulève aucun argument justifiant de s'écarter de cette jurisprudence et on n'en voit aucun.
Quant à la position de partie plaignante que le recourant revêt dans la procédure relative au meurtre de son frère, il est vrai que celle-ci pourrait être affaiblie par la présence au dossier du témoignage - potentiellement faux - qu'il aurait livré en tant que lésé. Néanmoins, ce fait ne saurait suffire pour admettre l'existence d'un préjudice irréparable. En effet, cette problématique ne relève pas de l'illicéité et de l'exploitation des moyens de preuve, mais de l'appréciation de ces preuves. Il appartiendra ainsi au juge du fond, devant lequel le recourant pourra réitérer l'intégralité de ses griefs, de connaître de cette question ainsi que de statuer sur la légalité des procès-verbaux litigieux (cf. art. 339 al. 2 let. d CPP).
Dans ces conditions, un préjudice irréparable n'est pas démontré.
2.7. Il s'ensuit que les arrêts attaqués ne sauraient être contestés immédiatement auprès du Tribunal fédéral.
3.
Les recours doivent être déclarés irrecevables. Comme ils étaient d'emblée dénués de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la procédure; ceux-ci seront toutefois fixés en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Les recours sont irrecevables.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, fixés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 9 septembre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
La Greffière : Rubin