2C_259/2024 15.10.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_259/2024
Arrêt du 15 octobre 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Hänni.
Greffière : Mme Jolidon.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Flore Agnès Meiltz, avocate,
recourant,
contre
Service des Migrations, Office de la population du canton de Berne,
Ostermundigenstrasse 99B, 3006 Berne,
intimé.
Objet
Révocation de l'autorisation de séjour et renvoi de Suisse,
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, du 9 avril 2024 (100.2023.214).
Faits :
A.
A.________, ressortissant camerounais né en 1986, est arrivé en Suisse en décembre 2016. Le 14 août 2018, il a épousé une ressortissante belge et a obtenu une autorisation de séjour UE/AELE au titre du regroupement familial. Aucun enfant n'est issu de cette union. Le couple s'est séparé le 6 janvier 2021 et le divorce a été prononcé le 17 mars 2022.
B.
B.a. Le Service des migrations du canton de Berne (ci-après: le Service des migrations) a, par décision du 12 septembre 2022, révoqué l'autorisation de séjour UE/AELE de A.________ et prononcé son renvoi de Suisse. La Direction de la sécurité du canton de Berne (ci-après: la Direction de la sécurité) a rejeté le recours à l'encontre de cette décision, en date du 6 juillet 2023.
B.b. Par jugement du 9 avril 2024, le Tribunal administratif du canton de Berne (ci-après: le Tribunal administratif) a également rejeté le recours de A.________ contre la décision du 6 juillet 2023 de la Direction de la sécurité. Il a en substance retenu qu'il n'y avait pas de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse, sous l'angle des violences conjugales alléguées. En ce qui concernait les violences physiques, ni le coup sur la tête de l'intéressé infligé par son ex-épouse en juillet 2020, ni, à supposer qu'il fallût en tenir compte, l'événement lors duquel A.________ aurait reçu un téléphone portable au visage ayant causé un hématome et des saignements de nez, ne permettaient de retenir une situation de violence conjugale au sens de la disposition topique. Quant aux violences psychologiques, les juges précédents ont estimé que le comportement de l'ex-épouse rapporté par A.________, selon lequel celle-ci "l'insulte, le rabaisse, crie sur lui et les enfants et le menace quant à un éventuel renvoi s'il venait à [la] quitter [...]", ne faisait pas apparaître une situation d'oppression domestique systématique et d'une intensité suffisante pour tomber dans le champ d'application de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI (RS 142.20).
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, outre de lui accorder l'assistance judiciaire, d'annuler l'arrêt du 9 avril 2024 du Tribunal administratif, ainsi que d'annuler la révocation de son autorisation de séjour UE/AELE.
Le Service des migrations a expressément renoncé à déposer des observations. Le Tribunal administratif a fait de même et se réfère à son jugement du 9 avril 2024.
Par ordonnance du 21 mai 2024, la Présidente de la IIe Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit (art. 83 let. c ch. 2 LTF). Selon la jurisprudence, il suffit qu'il existe un droit potentiel à l'autorisation, étayé par une motivation soutenable, pour que cette clause d'exclusion ne s'applique pas et, partant, que la voie du recours en matière de droit public soit ouverte. La question de savoir si les conditions d'un tel droit sont effectivement réunies relève du fond (ATF 147 I 89 consid. 1.1.1; 139 I 330 consid. 1.1).
En l'espèce, le recourant, divorcé d'une ressortissante belge titulaire d'une autorisation de séjour UE/AELE, sollicite la prolongation de son autorisation de séjour sur la base de l'art. 50 LEI. Cette disposition concerne les étrangers qui sont séparés de ressortissants suisses ou d'étrangers au bénéfice d'une autorisation d'établissement. Elle peut toutefois également être invoquée par l'ex-conjoint ou l'ex-partenaire enregistré d'un ressortissant d'un État de l'Union européenne titulaire d'une autorisation de séjour UE/AELE (et non d'une autorisation d'établissement), pour autant que celui-ci puisse encore se prévaloir d'un droit de séjour en Suisse (ATF 144 II 1 consid. 4.7; arrêt 2C_96/2022 du 16 août 2022 consid. 1.1). Dès lors que rien n'indique dans l'arrêt attaqué que l'ex-partenaire du recourant ne disposerait plus en Suisse d'un droit de séjour fondé sur l'ALCP, on peut admettre que cette condition est réalisée en l'espèce. De plus, comme il n'est pas d'emblée exclu que les conditions de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI soient remplies, le recours échappe à la clause d'irrecevabilité de l'art. 83 let. c ch. 2 LTF. Eu égard à la durée du mariage, inférieure à trois ans, l'application de l'art. 50 al. 1 let. a LEI est d'emblée exclue.
1.2. Pour le surplus, l'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue par un tribunal cantonal de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Le recours a de surcroît été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF et art. 46 let. c LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF), par le recourant qui est atteint par la décision entreprise et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification, de sorte qu'il faut lui reconnaître la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Le recours est partant recevable.
2.
Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves, en lien avec les violences conjugales subies.
2.1. Pour statuer, le Tribunal fédéral se fonde sur les faits établis par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des situations visées à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 147 I 73 consid. 2.2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
Il y a arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 148 I 127 consid. 4.3; 143 IV 241 consid. 2.3.1; 142 II 433 consid. 4.4). Le recourant ne peut pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit démontrer le caractère arbitraire par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 et les arrêts cités).
2.2. En l'espèce, le recourant fait grief au Tribunal administratif de n'avoir arbitrairement pas pris en compte l'attestation du 29 juillet 2022 d'un Centre LAVI.
2.3. Ce document relève que le recourant a été frappé à deux reprises à la tête. Le Tribunal administratif a estimé qu'il était établi qu'en juillet 2020 l'intéressé avait été tapé par son ex-épouse alors qu'il conduisait. En ce qui concerne le second épisode de violence de septembre 2020, après lequel le recourant s'était rendu chez un tiers, en saignant du nez et présentant un hématome à la tête, les juges précédents ont relevé que ce tiers avait uniquement attesté des saignements de nez et de l'hématome mais qu'il n'avait pas assisté à la scène. Ils ont toutefois estimé que, même en prenant en considération ce second événement, les violences n'étaient pas suffisamment intenses et systématiques au sens de l'art. 50 al. 1 let. b LEI. Ils ont également mentionné que le document du Centre LAVI attestait uniquement du fait que le recourant s'était présenté audit centre à plusieurs reprises dès le 29 septembre 2020 et y était resté durant 35 jours. Pour le reste, les déclarations de l'intéressé reproduites dans l'attestation du 29 juillet 2022 du Centre LAVI étaient sujettes à caution. En effet, dans un courrier du 10 mai 2022, l'intéressé avait déclaré avoir quitté sa femme en raison de simples incompréhensions et mésententes; il avait également affirmé, le 18 août 2022, être resté en "bon contact" avec son ex-épouse. Il découle de ce qui précède que le Tribunal administratif a pris en considération le premier épisode de violence évoqué dans l'attestation du Centre LAVI. Il a, en revanche, souligné que le second n'était attesté que par les déclarations du recourant et l'ont mis en doute en raison du courrier du 10 mai 2022 du recourant qui n'attribuait pas la séparation d'avec son ex-épouse à des violences conjugales. Cela étant, ils en ont tout de même tenu compte dans leur subsomption, en constatant que même en prenant en considération ce second événement les violences ne commandaient pas la prolongation du séjour.
Le recourant souligne encore que le statut de victime LAVI lui a été reconnu. Les juges précédents n'ont pas ignoré cet élément, puisqu'ils le mentionnent, mais ils ont considéré qu'un tel statut ne signifiait pas pour autant que la personne concernée ait été victime de violences conjugales au sens de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI.
Quant au suivi psychologique recommandé au recourant, celui-ci n'explique pas en quoi cet élément aurait été susceptible de modifier l'issue du litige, sans compter qu'il n'allègue pas avoir entrepris un tel suivi.
Ainsi, contrairement à ce qu'allègue l'intéressé, le Tribunal administratif n'a pas nié toute valeur probante à l'attestation du Centre LAVI mais il a relativisé sa portée et a jugé que les faits qu'il relatait ne permettaient pas de reconnaître un droit de séjour au recourant. Savoir si c'est à juste titre relève non pas des faits mais de leur appréciation juridique, qui sera traitée ci-après (cf. infra consid. 3).
2.4. Au regard de ce qui précède, le grief tiré d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves est rejeté. Par ailleurs, la Cour de céans relève qu'elle ne tiendra pas compte de l'exposé des faits figurant au début du mémoire, dès lors que le recourant présente de manière appellatoire des faits qui ne figurent pas dans l'état des faits de l'arrêt attaqué, sans critiquer celui-ci, conformément aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF. Elle ne peut pas non plus prendre en considération la nouvelle pièce, datée du 13 juin 2024, produite par le Service des migrations (cf. art. 99 al. 1 LTF).
Le Tribunal fédéral examinera donc la bonne application du droit sur la seule base des faits figurant dans l'arrêt entrepris.
3.
Le recourant estime que les mauvais traitements infligés par son ex-épouse avaient atteint une intensité particulière justifiant l'application de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI. Il reproche au Tribunal administratif d'avoir tiré des "constatations insoutenables" des deux événements de violence susmentionnés. La gravité des actes de violence était indéniable. Leur caractère systématique ne serait pas exigé en plus par la disposition topique. Il souligne que le Centre LAVI lui a reconnu le statut de victime.
3.1. Selon l'art. 50 al. 1 let. b LEI, après dissolution de la famille, le droit du conjoint et des enfants à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu des art. 42 et 43 LEI subsiste si la poursuite du séjour en Suisse s'impose pour des raisons personnelles majeures. Les raisons personnelles majeures sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violence conjugale (cf. art. 50 al. 2 LTF).
3.2. S'agissant de la violence conjugale, la personne admise dans le cadre du regroupement familial doit établir qu'on ne peut plus exiger d'elle qu'elle poursuive l'union conjugale, parce que cette situation risque de la perturber gravement. La violence conjugale doit par conséquent revêtir une certaine intensité pour tomber sous le coup de l'art. 50 al. 1 let. b LEI (ATF 138 II 393 consid. 3.1; arrêt 2C_47/2023 du 31 mars 2023 consid. 3.4). La maltraitance doit en principe présenter un caractère systématique ayant pour but d'exercer pouvoir et contrôle sur la victime. La notion de violence conjugale inclut également la violence psychologique. A l'instar de violences physiques, seuls des actes de violence psychique d'une intensité particulière peuvent justifier l'application de l'art. 50 al. 1 let. b LEI. Une attaque verbale à l'occasion d'une dispute, de même qu'une gifle ou le fait pour un époux étranger d'avoir été enfermé une fois dehors par son épouse ne suffisent pas (cf. ATF 138 II 229 consid. 3.2.1 et 3.2.2; arrêt 2C_47/2023 susmentionné consid. 3.4). En revanche, le Tribunal fédéral a considéré qu'un acte de violence isolé, mais particulièrement grave, pouvait à lui seul conduire à admettre l'existence de raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI (cf. arrêt 2C_693/2019 du 21 janvier 2020 consid. 4.2).
La personne étrangère qui se prétend victime de violences conjugales sous l'angle de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI est soumise à un devoir de coopération accru (cf. art. 90 LEI; ATF 138 II 229 consid. 3.2.3; arrêt 2C_777/2015 du 26 mai 2016 consid. 3.2 non publié aux ATF 142 I 152). Elle doit rendre vraisemblable, par des moyens appropriés (rapports médicaux ou expertises psychiatriques, rapports de police, rapports/avis de services spécialisés, témoignages crédibles de proches ou de voisins, etc.), la violence conjugale, respectivement l'oppression domestique alléguée (cf. arrêts 2C_47/2023 susmentionné consid. 3.4; 2C_96/2022 du 16 août 2022 consid. 3.4).
3.3. En l'occurrence, d'après les constatations de l'arrêt querellé, le seul épisode de violence physique attesté est celui ayant eu lieu dans la voiture où l'ex-épouse a donné un coup sur la tête du recourant. La seconde altercation n'est pas documentée. Un témoin a fait état d'un hématome et de saignements de nez présentés par l'intéressé, sans avoir assisté à l'événement ayant causé ceux-ci. De plus, toujours selon les faits de l'arrêt entrepris, l'intéressé avait déclaré, dans un courrier du 10 mai 2022, avoir quitté son épouse en raison de simples incompréhensions et mésententes, puis, en 18 août 2022, qu'il était resté en "bon contact" avec celle-ci.
On ne peut reprocher au Tribunal administratif, compte tenu des éléments susmentionnés, d'avoir considéré, sans minimiser ce qui s'est produit, que les faits dénoncés ne constituaient pas des raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI. Comme apprécié par les juges précédents, même s'il fallait tenir compte du second acte de violence invoqué par le recourant, les faits décrits ne permettent pas d'établir un degré de gravité exigé par la loi pour pouvoir retenir l'existence de violences conjugales. Au demeurant, l'intéressé n'a jamais déposé plainte pénale à l'encontre de son ex-épouse. Certes, comme le relève à bon droit celui-ci, qui se prévaut de l'arrêt 2C_693/2019 du 21 janvier 2020, la violence conjugale ne doit pas forcément être systématique, un seul incident grave permettant l'application de cette disposition (cf. supra consid. 3.2). Toutefois, les circonstances décrites dans cet arrêt sont différentes du présent cas, notamment en ceci que la victime avait immédiatement quitté le domicile conjugal et déposé plainte pénale et le CHUV avait établi un constat médical des blessures. Il est encore précisé que le recourant ne prétend plus avoir fait l'objet de violence psychologique, dont la description dans l'arrêt attaqué ne constituait de toute façon pas une situation tombant dans le champ d'application de la disposition topique. Ainsi, les actes litigieux n'atteignent pas le degré de gravité requis par la jurisprudence pour exiger la poursuite du séjour en Suisse du recourant.
3.4. Par ailleurs, selon les constatations de l'arrêt attaqué, le recourant, âgé de 37 ans, sera en mesure de se réintégrer au Cameroun. Il a passé, dans ce pays, les 30 premières années de sa vie. Il en connaît donc les us et coutumes et parle le français. Encore jeune, sans enfant et en bonne santé, il ne rencontrera pas de difficulté majeure une fois de retour dans son pays.
3.5. En conclusion, le recourant ne peut pas se prévaloir de raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI.
4.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.
Le recours était d'emblée dénué de chances de succès, de sorte que la demande d'assistance judiciaire est rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF), en tenant compte de sa situation financière (art. 65 al. 2 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Service des migrations et au Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, ainsi qu'au Secrétariat d'État aux migrations.
Lausanne, le 15 octobre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : E. Jolidon