8C_284/2024 15.10.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_284/2024
Arrêt du 15 octobre 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Wirthlin, Président,
Maillard et Métral.
Greffière : Mme Barman Ionta.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Nicolas Bloque, avocat,
recourant,
contre
Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité (nouvelle demande),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 10 avril 2024
(AI 43/2023 + AJ 44/2023 et sa rectification d'office
AI 47/2024).
Faits :
A.
A.a. A.________, né en 1979, a déposé une première demande de prestations de l'assurance-invalidité le 19 janvier 2016, en indiquant souffrir de douleurs, limitations dans les mouvements et diminution de la sensibilité de la main droite. Par décision du 6 octobre 2016, l'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton du Jura (ci-après: l'office AI) a rejeté la demande de prestations, l'assuré ne présentant aucune incapacité de travail.
A.b. Le 23 octobre 2016, le docteur B.________, spécialiste en médecine interne générale et médecin traitant de l'assuré, a fait parvenir à l'office AI un rapport dans lequel il faisait état de douleurs persistantes aux doigts 2, 3 et 4 de la main droite et d'un syndrome lombo-radiculaire L3 droit depuis 2013. L'office AI a considéré ce rapport comme une nouvelle demande de prestations. Sur proposition de son Service médical régional (SMR), il a confié une expertise pluridisciplinaire (médecine interne générale, rhumatologie, angiologie et psychiatrie) au Centre Médical Expertises (ci-après: CEMEDEX), dont le rapport a été rendu le 7 mars 2019. Par décision du 25 juillet 2019, se fondant sur les conclusions de l'expertise, l'office AI a rejeté la nouvelle demande de prestations.
A.c. En février 2020, A.________, par le biais du docteur C.________, médecin au Centre médico-psychologique D.________, s'est annoncé pour une détection précoce, avant de déposer une nouvelle demande de prestations. Entre autres mesures d'instruction, l'office AI a fait procéder à une expertise psychiatrique. Par décision du 30 septembre 2021, il a nié le droit de l'assuré à des prestations; d'une part, l'expertise psychiatrique ne documentait aucune aggravation de l'état de santé et, d'autre part, aucun élément ne permettait d'établir une péjoration des problèmes de santé liés à la main droite.
A.d. Le 4 octobre 2022, A.________ a déposé une nouvelle demande de prestations de l'assurance-invalidité. Les documents médicaux produits à l'appui de sa demande, dont les rapports des docteurs B.________ et E.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, faisant notamment état de douleurs lombaires, ont été soumis au docteur F.________, médecin au SMR, lequel s'est prononcé par avis des 8 décembre 2022 et 14 avril 2023. Par décision du 11 mai 2023, l'office AI a refusé d'entrer en matière sur la nouvelle demande, motif pris que l'assuré n'avait subi qu'une péjoration temporaire de son état de santé, ayant duré tout au plus d'octobre 2022 à janvier 2023.
B.
Saisie d'un recours contre cette décision, la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura l'a rejeté par arrêt du 10 avril 2024.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l'office AI pour qu'il entre en matière sur la nouvelle demande de prestations et rende une nouvelle décision. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
L'intimé ainsi que la juridiction cantonale concluent au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). En ce qui concerne, en particulier, l'évaluation de l'invalidité dans le domaine de l'assurance-invalidité, les constatations de l'autorité précédente sur l'atteinte à la santé, la capacité de travail de l'assuré et l'exigibilité relèvent d'une question de fait et ne peuvent être contrôlées que sous un angle restreint (ATF 142 V 178 consid. 2.4; 132 V 393 consid. 3.2).
2.2. Le recourant a notamment produit un rapport médical du docteur B.________ du 12 mai 2024 à l'appui de son recours. Ce moyen de preuve est irrecevable. En effet, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté devant le Tribunal fédéral à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
3.
Le litige porte sur le point de savoir si la cour cantonale était fondée à confirmer le refus de l'intimé d'entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations déposée le 4 octobre 2022.
4.
L'arrêt entrepris expose de manière complète les règles applicables en l'espèce, notamment celles relatives à une nouvelle demande de prestations de l'assurance-invalidité (art. 87 al. 2 et 3 RAI [RS 831.201]). Il suffit d'y renvoyer.
5.
La juridiction cantonale a écarté d'emblée les différents documents médicaux produits pour la première fois par le recourant à l'appui de son recours. Cela étant, elle a relevé que la plausibilité de la modification de l'état de santé et de l'invalidité du recourant devait s'examiner avec comme point de comparaison la situation médicale telle qu'exposée dans la décision du 30 septembre 2021. Retenant que la nouvelle demande reposait essentiellement sur les douleurs lombaires, la cour cantonale a toutefois constaté que l'intimé ne s'était pas spécifiquement prononcé dans sa décision du 30 septembre 2021 sur cette problématique, laquelle avait en revanche été prise en compte par les experts du CEMEDEX dans le cadre de la procédure ayant abouti à la décision du 25 juillet 2019. Dès lors que la décision du 30 septembre 2021 retenait l'absence d'aggravation de l'état de santé, il convenait de considérer qu'implicitement, l'intimé avait estimé que les conclusions de l'expertise, en particulier s'agissant des troubles dorsaux, n'avaient pas évolué depuis la décision du 25 juillet 2019. Les premiers juges ont ainsi comparé la situation décrite par les experts du CEMEDEX avec celle rapportée par le docteur E.________, constatant une modification de l'état de santé du recourant, au demeurant admise par le SMR et non contestée par les parties. Ce constat ne suffisait toutefois pas, à lui seul, à rendre plausible une modification de l'invalidité. Selon les premiers juges, aucun des certificats médicaux produits par le recourant ne se prononçait de façon motivée sur l'impact des diagnostics dorsaux sur la capacité de travail. Ces documents permettaient tout au plus de démontrer une aggravation passagère de l'état de santé, entre octobre 2022 et janvier 2023, comme le relevait de manière convaincante le docteur F.________. La juridiction précédente en a conclu que les rapports médicaux au dossier et l'absence d'attestation d'une incapacité de travail postérieure au 5 février 2023 ne rendaient pas plausible une péjoration durable de l'état de santé du recourant justifiant d'entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations.
6.
6.1. Dans un premier grief, le recourant reproche à la juridiction précédente d'avoir établi les faits de manière arbitraire en ce qui concerne son état de santé au moment du dépôt de la nouvelle demande. Il invoque à cet égard avoir produit tous les certificats médicaux en sa possession, sans avoir caché que son état de santé n'était pas stabilisé. Il avait sollicité au demeurant la mise en oeuvre d'une expertise et "[était] resté dans l'attente de la décision à venir de l'office AI". Aussi, les premiers juges ne pouvaient écarter les pièces médicales déposées à l'appui de son recours.
6.2. Selon la jurisprudence relative à une nouvelle demande de prestations de l'assurance-invalidité, dûment rappelée par l'instance précédente, le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'autorité (art. 43 al. 1 LPGA), ne s'applique pas à cette procédure dans le mesure où, comme en l'espèce, la personne assurée a eu l'occasion de présenter des pièces médicales pour rendre plausible une modification de la situation. Dans ce cas, la juridiction de première instance examine le bien-fondé de la décision de non-entrée en matière de l'office AI en fonction uniquement des documents produits jusqu'à la date de celle-ci et n'a pas à prendre en compte les rapports médicaux déposés ultérieurement ni à ordonner une expertise complémentaire (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5; arrêt 9C_555/2023 du 15 avril 2024 consid. 4.2). Il s'ensuit que la juridiction cantonale n'avait pas à tenir compte, dans le cadre de son examen, des pièces produites postérieurement à la décision du 11 mai 2023.
7.
7.1. Le recourant reproche ensuite aux premiers juges d'avoir procédé à une application trop restrictive de l'art. 87 al. 3 RAI en examinant sa demande du 4 octobre 2022 à l'aune de la décision du 30 septembre 2021. Selon lui, c'est au regard de sa première demande du 19 janvier 2016, soit en tenant compte d'un laps de temps de plus de six ans, qu'il y avait lieu d'apprécier la modification de son invalidité.
7.2. Contrairement à ce que prétend le recourant, les premiers juges ont correctement appliqué l'art. 87 al. 2 et 3 RAI en examinant si les pièces déposées suffisaient à rendre plausible une aggravation de l'état de santé depuis la dernière décision entrée en force. Ils ont toutefois constaté qu'aucun élément médical objectif nouveau n'était à prendre en considération lors de la décision du 30 septembre 2021, l'état de santé du recourant ne s'étant pas aggravé depuis la décision du 25 juillet 2019. Partant, ils ont pris pour point de départ la situation telle qu'elle se présentait au moment de l'expertise du CEMEDEX, laquelle a été mise en oeuvre dans les suites de la deuxième demande de prestations qui évoquait un syndrome lombo-radiculaire (cf. rapport du 23 octobre 2016 du docteur B.________). En effet, les douleurs lombaires dont se prévalait le recourant à l'appui de sa nouvelle demande avaient été prises en compte par les experts du CEMEDEX en 2019 et n'avaient pas fait l'objet d'un examen spécifique par l'intimé en 2021. Le recourant ne conteste pas les faits constatés par les premiers juges mais se limite à rappeler les circonstances qui ont entouré le dépôt de sa troisième demande (formulaire de détection précoce du docteur C.________ pour de prétendus problèmes psychologiques; problématique de la main droite), ce qui ne saurait suffire en l'occurrence. Il ne pouvait se limiter à contester l'approche des premiers juges sans exposer en quoi le fait de procéder à l'examen de la situation à l'aune de l'expertise du CEMEDEX constituerait, en l'état, une violation de l'art. 87 al. 2 et 3 RAI. Son grief est mal fondé.
8.
8.1. Le recourant affirme enfin que les rapports médicaux qu'il a versés au dossier suffiraient à démontrer la plausibilité d'une péjoration de son état de santé justifiant d'entrer en matière sur sa nouvelle demande. Plus particulièrement, le seul rapport du docteur E.________ du 11 janvier 2023, qui faisait état d'une "arthrose avancée symptomatique des lombaires" ayant nécessité des infiltrations et qui envisageait une intervention chirurgicale, serait suffisant pour attester une modification de son état de santé à long terme.
8.2. Les éléments dont se prévaut le recourant ne sont cependant pas suffisants pour remette en cause l'appréciation qu'ont faite les premiers juges des avis médicaux au dossier ni pour en établir le caractère arbitraire. La juridiction cantonale a d'abord exposé les raisons pour lesquelles, à l'aune de l'expertise du CEMEDEX, une modification de l'état de santé était rendue plausible par le docteur E.________. En particulier, ce médecin posait les diagnostics de lombalgies chroniques subaiguës avec syndrome douloureux radiculaire droit, d'arthrose avancée symptomatique des facettes articulaires L4-L5 et L5-S1 avec lyse isthmique droite L4, status post infiltration bilatérale le 3 novembre 2022, et de petite hernie médiolatérale droite L3-L4, status post infiltration le 24 novembre 2022. Les infiltrations avaient permis la disparition totale des douleurs radiculaires, alors que les douleurs lombaires étaient récurrentes mais supportables. Selon le docteur E.________, l'infiltration pouvait être répétée en cas d'exacerbation récurrente des lombalgies; en cas d'échec du traitement de la douleur, un traitement chirurgical pourrait être envisagé. Le tableau de syndrome lombaire douloureux était également mentionné par le docteur B.________ dans ses rapports des 30 octobre 2022 et 14 janvier 2023, et reconnu par le docteur F.________ (SMR) dans son avis médical du 8 décembre 2022. Cependant, si le docteur F.________ a certes observé une aggravation de l'état de santé du recourant en octobre 2022, celle-ci n'a été que passagère. En effet, les deux infiltrations avaient permis la récupération complète des douleurs radiculaires et le recourant ne se plaignait plus que de douleurs lombaires récurrentes à l'effort (avis médical du 14 avril 2023). Ainsi, l'aggravation de l'état de santé n'a été que transitoire et a duré tout au plus d'octobre 2022 à janvier 2023, soit à la fin du suivi par le docteur E.________. En tant que le recourant se limite à invoquer les infiltrations et l'opération hypothétique du docteur E.________, cela ne suffit pas à démontrer en quoi le point de vue des premiers juges serait erroné. À cet égard, ils ont relevé que le docteur E.________ ne motivait pas l'incapacité de travail attestée jusqu'au 5 février 2023, pas plus qu'il ne décrivait les limitations fonctionnelles induites par les diagnostics retenus. Le docteur B.________ se limitait, pour sa part, à renvoyer à l'appréciation du docteur E.________ s'agissant de l'incapacité de travail; il n'expliquait pas non plus concrètement l'incidence de l'atteinte somatique sur la capacité de travail du recourant.
8.3. Pour le surplus, en tant que le recourant invoque le fait qu'il ne serait plus en mesure d'utiliser sa main droite, de travailler dans son activité habituelle de polisseur ni de conduire, on relèvera, à l'instar des premiers juges, que le docteur F.________ a indiqué que la situation au niveau de la main droite n'a pas évolué depuis la dernière décision entrée en force, comme le précisait le docteur B.________ (avis médical du 8 décembre 2022).
9.
Il s'ensuit que le recours est manifestement mal fondé et doit être rejeté conformément à la procédure prévue par l'art. 109 al. 2 et 3 LTF.
10.
Le recourant, qui succombe, a demandé à bénéficier de l'assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l'assistance judiciaire que si elle ne dispose de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci apparaissait d'emblée dénué de chances de succès et la requête d'assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. Le recourant doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocat.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêté à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 15 octobre 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Barman Ionta