7B_215/2022 25.10.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_215/2022
Arrêt du 25 octobre 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président.
Koch, Hurni, Kölz et Hofmann.
Greffier : M. Fragnière.
Participants à la procédure
A.A.________,
agissant par B.A.________ et C.A.________, eux-mêmes représentés par Me Étienne Campiche, avocat,
recourante,
contre
1. Parquet général du canton de Berne, Nordring 8, case postale, 3001 Berne,
2. D.________,
intimés.
Objet
Actes d'ordre sexuel avec des enfants,
recours contre le jugement de la Cour suprême du canton de Berne, 2e Chambre pénale, du 14 octobre 2022 (SK 20 387).
Faits :
A.
Par jugement du 20 février 2020, le Tribunal régional Jura bernois-Seeland, Agence du Jura bernois (ci-après: le premier juge), a condamné D.________ pour actes d'ordre sexuel avec une enfant (art. 187 al. 1 CP) à une peine privative de liberté de 12 mois, avec sursis durant 2 ans, ainsi qu'au paiement en faveur de A.A.________ d'un montant de 1'000 fr. à titre de réparation du tort moral.
B.
Statuant par jugement du 14 octobre 2022 sur appel de D.________, la 2e Chambre pénale de la Cour suprême bernoise a réformé le jugement du 20 février 2020 en ce sens que l'intéressé était acquitté et que A.A.________ était renvoyée à agir par la voie civile s'agissant du jugement de ses prétentions civiles.
C.
A.A.________ interjette un recours en matière pénale contre le jugement du 14 octobre 2012, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que l'appel formé par D.________ soit rejeté et que le jugement de première instance soit confirmé. À titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
Invités à se déterminer sur le recours, l'intimé 2 a conclu à son irrecevabilité (subsidiairement à son rejet) et la cour cantonale à son rejet, tandis que le Ministère public du canton de Berne y a renoncé. L'intimé 2 sollicite en outre l'assistance judiciaire.
Dans le délai imparti, les parties n'ont pas formulé d'observations complémentaires.
Considérant en droit :
1.
1.1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF) dans une cause pénale, l'acte de recours est recevable comme recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF.
1.2. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1).
En l'espèce, la recourante, qui a pris part à la procédure devant les juridictions précédentes, conclut à la confirmation du jugement de première instance et donc à l'allocation d'une indemnité de 1'000 fr. à titre de réparation du tort moral (art. 47 et 49 CO). Aussi, dès lors que le jugement attaqué prononce l'acquittement de l'intimé 2 du chef d'accusation d'actes d'ordre sexuel avec une enfant, la recourante a la qualité pour recourir au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF.
1.3. L'intimé 2 soutient que le recours serait irrecevable au motif que la recourante ne proposerait aucun développement susceptible de conduire à l'admission de sa conclusion, formulée à titre principal, tendant à la réformation du jugement attaqué. Or, il ressort de la motivation du recours que la recourante se prévaut uniquement d'un grief de nature procédurale (cf. consid. 2 infra) et, partant, qu'elle se limite à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
1.4. Le recours a pour le surplus été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
2.1. La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé les dispositions relatives à l'administration des preuves dans le cadre de la procédure d'appel (art. 343 et 389 CPP), ainsi que celles se rapportant à l'oralité de la procédure (art. 405 s. CPP) et à son droit à un procès équitable (art. 6 CEDH et 30 Cst.).
2.2. Contrairement à ce que soulève l'intimé 2, le grief de la recourante n'est pas irrecevable à défaut d'épuisement des voies de droit cantonales, en tant qu'il est spécifiquement dirigé contre le jugement attaqué ainsi que ses motifs, respectivement qu'il ne vise aucunement le jugement de première instance (cf. art. 80 al. 1 LTF).
S'agissant de savoir si la recourante aurait dû s'opposer en instance d'appel à la mise en oeuvre de la procédure écrite pour pouvoir se prévaloir d'un tel grief auprès du Tribunal fédéral, l'argument sera examiné sous l'angle du principe de la bonne foi (cf. consid. 2.8 infra).
2.3.
2.3.1. Selon la maxime de l'instruction posée à l'art. 6 CPP, les autorités pénales doivent rechercher d'office tous les faits pertinents pour la qualification de l'acte et le jugement du prévenu (al. 1); elles doivent instruire avec un soin égal les circonstances qui peuvent être à la charge et à la décharge du prévenu (al. 2). La maxime de l'instruction, ou principe de la recherche de la vérité matérielle, s'applique également en procédure de recours (ATF 140 IV 196 consid. 4.4.1 et 4.4.4).
Aux termes de l'art. 389 CPP, la procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance (al. 1); l'administration des preuves du tribunal de première instance n'est répétée que si les dispositions en matière de preuves ont été enfreintes, si l'administration des preuves était incomplète, ou si les pièces relatives à l'administration des preuves ne semblent pas fiables (al. 2let. a à c); l'autorité de recours administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (al. 3).
2.3.2. Conformément à l'art. 343 al. 3 CPP, applicable par renvoi de l'art. 405 al. 1 CPP, l'administration immédiate des preuves qui, lors de la procédure préliminaire, ont été administrées en bonne et due forme doit également être réitérée durant la procédure orale d'appel, lorsque la connaissance directe du moyen de preuve apparaît nécessaire au prononcé du jugement (ATF 143 IV 288 consid. 1.4.1). La connaissance directe d'un moyen de preuve n'est nécessaire que lorsqu'elle est susceptible d'influer sur le sort de la procédure, ce qui est le cas si la force du moyen de preuve dépend de manière décisive de l'impression suscitée au moment de sa présentation, notamment quand des déclarations constituent l'unique moyen de preuve - à défaut de tout autre indice - et qu'il existe une situation de "déclarations contre déclarations" (ATF 140 IV 196 consid. 4.4.2; arrêts 6B_1045/2021 du 16 septembre 2022 consid. 3.2.3; 6B_343/2021 du 9 décembre 2021 consid. 1.1 et les arrêts cités).
Le Tribunal fédéral a ainsi admis la nécessité pour la juridiction d'appel d'entendre un témoin, au motif que celui-ci n'avait pas été entendu en première instance (cf. arrêts 6B_1342/2017 du 23 novembre 2018 consid. 4 et 6B_1469/2017 du 18 juin 2018 consid. 1.4). Une administration immédiate des preuves par la juridiction d'appel peut également s'imposer en application de l'art. 343 al. 3 CPP lorsque celle-ci envisage de s'écarter des constatations de fait de première instance (ATF 140 IV 196 consid. 4.4.1; arrêt 6B_918/2018 du 24 avril 2019 consid. 2.2.2; dans les deux cas avec renvois). En particulier, un acquittement en application du principe in dubio pro reo ne peut être prononcé que si toutes les preuves nécessaires du point de vue du tribunal qui a rendu le jugement ont été recueillies (arrêts 6B_1045/2021 précité consid. 3.2.3; 6B_690/2015 du 25 novembre 2015 consid. 3.4 publié in Pra 2016 n° 27 p. 214).
2.3.3. Le tribunal dispose d'une marge d'appréciation pour déterminer si une nouvelle administration des preuves est nécessaire (ATF 140 IV 196 consid. 4.4.2; arrêts 6B_931/2021 du 15 août 2022 consid. 3.2 et 6B_735/2020 du 18 août 2021 consid. 2.2.3 et les références citées). Dans une constellation "témoignage contre témoignage", le tribunal est cependant tenu, non seulement sur demande, mais aussi d'office, de veiller à ce que les preuves soient administrées conformément au droit et doit, par conséquent, procéder de sa propre initiative aux interrogatoires correspondants (arrêts 6B_1045/2021 précité consid. 3.2.4; 6B_145/2018 du 21 mars 2019 consid. 2.4).
2.4.
2.4.1. La procédure d'appel est en principe orale. L'appel ne peut être traité en procédure écrite qu'à titre exceptionnel et aux conditions restrictives de l'art. 406 CPP, dont la réalisation doit être examinée d'office par la juridiction d'appel (ATF 147 IV 127 consid. 2.2.1; 143 IV 483 consid. 2.1.1; 139 IV 290 consid. 1.1).
2.4.2. Selon l'art. 406 al. 1 CPP, la cour d'appel peut traiter l'appel en procédure écrite, indépendamment de l'accord des parties, notamment lorsqu'il s'agit de trancher exclusivement des questions de droit (let. a). La procédure ne peut en principe pas être écrite lorsqu'une question de fait est contestée (sauf exception prévue à l'art. 406 al. 2 CPP).
La remise en cause du jugement dans son ensemble implique la contestation tant des questions de fait que des questions de droit. L'appelant n'étant pas tenu de motiver son appel (art. 399 al. 3 CPP), il suffit qu'il demande l'acquittement pour que l'on doive considérer qu'il remet potentiellement en cause les constatations de fait (ATF 139 IV 290 consid. 1.3; arrêts 6B_242/2023 du 22 mai 2023 consid. 1.2.2; 6B_253/2023 du 16 mars 2023 consid. 2.2), de sorte que la procédure écrite est exclue lorsque l'instance d'appel entend s'écarter des constatations de fait de première instance au détriment du prévenu (ATF 147 IV 127 consid. 3.1). Le dépôt d'une déclaration d'appel motivée n'empêche par ailleurs pas la partie de soulever d'autres griefs en fait ou en droit à l'occasion des débats judiciaires, pour autant que ceux-ci restent dans le cadre des points contestés par les conclusions (cf. ATF 139 IV 290 consid. 1.3). Aussi, si elle doit procéder à une nouvelle appréciation des preuves, la juridiction d'appel traite des questions de fait et ne peut pas examiner l'appel en procédure écrite selon l'art. 406 al. 1 let. a CPP (ATF 139 IV 290 consid. 1.3; arrêt 6B_22/2023 du 16 octobre 2023 consid. 3.2.2).
2.4.3. Avec l'accord des parties, la direction de la procédure peut en outre ordonner la procédure écrite, selon l'art. 406 al. 2 CPP, lorsque la présence du prévenu aux débats d'appel n'est pas indispensable (let. a) et que l'appel est dirigé contre un jugement rendu par un juge unique (let. b). L'introduction de la limitation décrite à l'art. 406 al. 2 let. b CPP trouve son origine dans le fait que le législateur entendait réserver la possibilité de renoncer à des débats oraux aux seules causes de relativement faible importance (cf. art. 19 al. 2 CPP; ATF 147 IV 127 consid. 2.2.1). Aussi, l'accord des parties pour la procédure écrite ne peut pas remplacer les conditions légales prévues par l'art. 406 al. 2 CPP, mais les complète; les conditions de l'art. 406 al. 2 let. a et b CPP doivent ainsi être réalisées cumulativement (ATF 147 IV 127 consid. 2.2.2; arrêt 6B_1021/2021 du 16 février 2022 consid. 1.2).
Selon la jurisprudence, la présence du prévenu aux débats d'appel est en soi indispensable, conformément à l'art. 406 al. 2 let. a CPP, lorsque la juridiction d'appel s'écarte des constatations de fait ressortant du jugement de première instance et que, contrairement au premier juge, elle entend déclarer le prévenu coupable. Dans ce cas, la juridiction d'appel ne peut pas fonder son appréciation des faits sur la base du dossier uniquement, mais doit convoquer le prévenu à une audience d'appel, afin que ce dernier puisse s'exprimer personnellement sur les faits reprochés et faire valoir les éléments susceptibles d'éclaircir les faits ainsi que d'assurer sa défense (ATF 147 IV 127 consid. 3.1; arrêts 7B_257/2022 du 4 décembre 2023 consid. 4.2.1; 6B_131/2021 du 11 août 2021 consid. 2.4.2 et les références citées).
2.4.4. En tout état de cause, avant de renoncer aux débats, le juge doit examiner si l'application de l'art. 406 CPP est compatible avec l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 147 IV 127 consid. 2.3.1; 143 IV 483 consid. 2.1.2). Il découle de la jurisprudence que l'absence de débats en appel n'est pas nécessairement contraire à la garantie d'un procès équitable lorsqu'il s'agit de questions de fait qui peuvent être aisément tranchées sur la base du dossier et qui n'obligent pas à une appréciation directe de la personnalité de l'accusé (ATF 139 IV 290 consid. 1.1; 119 Ia 316 consid. 2b; arrêt 6B_1171/2022 du 19 octobre 2023 consid. 1.1.3). En ce qui concerne le prévenu, celui-ci doit être entendu si la cour cantonale entend le condamner pour la première fois ou le condamner plus sévèrement (ATF 147 IV 127 consid. 2.3.2 et les références citées).
2.5.
2.5.1. En l'espèce, l'autorité précédente a apprécié les faits sur la base des éléments ressortant du dossier cantonal, sans administrer de nouveaux moyens de preuve. Elle a rejeté la réquisition de preuve de l'intimé 2 tendant à l'audition en qualité d'experte de E.________, spécialiste en psychologie légale FSP, sur les spécificités de la mémoire de l'enfant et de l'influence que peut avoir l'attitude d'adultes sur celle-ci dans certaines situations. Elle a considéré à cet égard que E.________, qui n'avait pas assisté aux faits, ne pouvait pas être entendue comme témoin (cf. art. 162 CPP), mais devrait être désignée en qualité d'experte en vue de l'établissement d'une expertise de crédibilité des déclarations de la recourante (cf. art. 184 CPP), ce qui ne se justifiait pas dès lors que la juridiction d'appel pouvait procéder elle-même à l'appréciation de celles-ci en relation avec les autres moyens de preuve au dossier. En outre, la cour cantonale a relevé qu'une nouvelle audition de la recourante était exclue vu le temps écoulé depuis les faits et que l'audition de l'intimé 2 n'apporterait rien dans la mesure où il persistait à contester les faits reprochés. Cela étant, la cour cantonale a estimé que, le premier juge ayant analysé de manière détaillée l'ensemble des moyens de preuve existants, il ne lui appartenait pas de procéder à un réexamen complet et détaillé de l'ensemble des éléments au dossier. Elle s'est dès lors limitée à l'appréciation des moyens de preuve qui lui paraissaient être les plus importants (cf. jugement attaqué, consid. 8 et 12.1 p. 7 et 12 s.; décision de la cour cantonale du 20 janvier 2021, consid. 3 à 8).
2.5.2. Contrairement au premier juge, l'autorité précédente a en substance retenu que les déclarations faites par la recourante à la police, enregistrées sous format vidéo, n'étaient pas probantes dès lors qu'elles avaient été recueillies 18 jours après les faits, que l'enfant avait été questionnée par différentes personnes dans l'intervalle et que, stéréotypée et émaillée de contradictions, sa déposition ne reproduisait pas un souvenir fiable raconté de mémoire d'un vécu. Les déclarations de la mère de la recourante ne constituaient en outre pas un moyen de preuve suffisant, mais tout au plus un indice, dans la mesure où les diverses questions que ce témoin avait pu poser à sa fille avaient manifestement influencé les réponses de cette dernière. Il en allait de même des déclarations du témoin F.________, qui était la maman de jour de la recourante et dont la démarche n'était naturellement pas exempte d'un risque de suggestion. Il n'était par ailleurs pas possible, sur la base des éléments au dossier, de déterminer si le comportement de la recourante après les faits était dû à une agression sexuelle ou s'il était lié au développement de l'enfant. Pour ces motifs, il devait être considéré, in dubio pro reo, que les faits tels que mis en accusation n'étaient pas avérés avec une vraisemblance confinant à la certitude, de sorte que l'intimé 2 devait être libéré du chef d'accusation d'actes d'ordre sexuel avec une enfant (cf. jugement attaqué, consid. 12.2 à 13 p. 13 à 19).
2.6. Cela étant, il ressort du jugement attaqué, plus particulièrement de la décision rendue le 20 janvier 2021 par la cour cantonale, que l'autorité précédente a traité l'appel de l'intimé 2 par la voie de la procédure écrite en application de l'art. 406 al. 2 CPP, dès lors qu'il était dirigé contre un jugement rendu par un juge unique, que la présence du prévenu aux débats n'était pas considérée comme indispensable et que les parties y avaient consenti (cf. jugement attaqué, consid. 3.4 p. 4).
Il convient ainsi d'examiner si cette manière de procéder est conforme aux dispositions relatives à l'oralité de la procédure, ainsi qu'à celles se rapportant à l'administration des preuves.
2.7.
2.7.1. À titre liminaire, on relèvera que la cour cantonale ne pouvait effectivement pas mettre en oeuvre la procédure écrite en application de l'art. 406 al. 1 CPP, dans la mesure où des questions de fait étaient contestées (cf. consid. 2.4.2 supra). Il est en outre constant, sous l'angle de l'art. 406 al. 2 CPP, que le jugement de première instance a été rendu par un juge unique et que les parties ont consenti à la procédure écrite. Il reste dès lors à déterminer si la présence du prévenu aux débats d'appel n'était pas indispensable.
Certes, dans un arrêt rendu en 2022, le Tribunal fédéral a considéré que la présence du prévenu aux débats d'appel n'était pas indispensable au sens de l'art. 406 al. 2 CPP dans la configuration qui prévalait en l'espèce, ce dernier ayant été condamné en première instance et la cour cantonale envisageant de l'acquitter (arrêt 6B_931/2021 du 15 août 2022 consid. 2.3.3). Il n'en demeure pas moins que la mise en oeuvre à titre exceptionnel de la procédure écrite, en application de l'art. 406 CPP, doit respecter les dispositions relatives à l'administration des preuves, ce qui doit être examiné d'office par l'autorité cantonale de recours (cf. 389 al. 3 CPP; consid. 2.2 supra).
2.7.2. Comme l'a relevé la cour cantonale, la présente affaire est délicate (cf. jugement attaqué, consid. 12.1.1 p. 12). Les faits reprochés à l'intimé 2 impliquent un "huis clos" entre ce dernier et la recourante, qui était alors âgée de 4 ans. Ainsi, l'on se trouve dans une constellation particulière de type "témoignage contre témoignage", où les déclarations d'un prévenu et d'une jeune enfant sont les seuls moyens de preuve directs. Leurs déclarations revêtent donc une importance décisive pour l'issue de la procédure.
Pour autant, l'autorité précédente a décidé, par la voie de la procédure écrite, d'acquitter l'intimé 2 en s'écartant des constatations de fait de première instance et en application du principe in dubio pro reo, sans entendre les parties ni les principaux témoins indirects.
2.7.3. Dans ses observations, l'autorité précédente indique que les preuves au dossier n'étaient pas suffisantes pour fonder une condamnation et qu'elle n'a pas outrepassé son pouvoir d'appréciation en n'ordonnant pas une nouvelle audition de l'intimé 2, dont l'appréciation directe de la personnalité ne jouait pas de rôle déterminant. Or, dans le jugement attaqué, la cour cantonale a renvoyé, en application de l'art. 82 al. 4 CPP, à l'exposé des motifs du premier juge concernant l'appréciation de certaines preuves, soit notamment des déclarations de l'intimé 2 durant l'instruction préliminaire et aux débats de première instance (cf. jugement attaqué, consid. 6 s. p. 6 s.). Elle a ainsi fait sienne la motivation du premier juge selon laquelle la crédibilité de l'intimé 2 était mauvaise (cf. jugement de première instance, consid. 2.4 p. 40).
Cependant, les juges cantonaux - qui se sont essentiellement attachés à apprécier la crédibilité des déclarations de la recourante - n'ont pas exposé dans quelle mesure ils avaient tenu compte, dans leur appréciation globale des preuves, du peu de crédibilité qui avait été accordée par le premier juge aux dénégations de l'intimé 2. Ils n'ont en particulier pas expliqué dans le jugement attaqué quel aurait été le poids accordé aux impressions recueillies lors de l'interrogatoire du prévenu durant les débats de première instance, lequel avait alors laissé apparaître un besoin suspect de se justifier et avait réagi de manière "stéréotypée" à plusieurs reprises (cf. jugement de première instance, consid. 2.4 p. 38 ss).
2.7.4. Dans ces circonstances, l'audition de l'intimé 2 lors des débats d'appel ne pouvait pas être d'emblée reléguée au second plan, vu l'importance pour les juges cantonaux dans une situation de "déclarations contre déclarations" de percevoir directement les impressions pouvant être ainsi suscitées (cf. consid. 2.3.2 s. supra).
Le principe de l'immédiateté des preuves au sens de l'art. 343 al. 3 CPP, découlant également du droit à un procès équitable selon l'art. 6 par. 1 CEDH, commandait dès lors aux juges cantonaux d'entendre le prévenu lors de débats d'appel, ce qui excluait - indépendamment de tout autre mesure d'instruction - la mise en oeuvre de la procédure écrite selon l'art. 406 CPP.
2.8. La cour cantonale et l'intimé 2 soutiennent au surplus que le comportement de la recourante, consistant à consentir à la procédure écrite en instance cantonale et ensuite à se plaindre de la mise en oeuvre de celle-ci au Tribunal fédéral, ne mériterait aucune protection et devrait être appréhendé comme une attitude contraire au principe de la bonne foi.
Ces derniers perdent toutefois de vue que, le procès pénal n'étant pas à la libre disposition des parties, il appartenait à l'instance d'appel d'assurer en toute indépendance la conduite du procès et, dans ce cadre, d'assumer les conséquences de choix procéduraux qui s'avèrent contraires à la loi. En particulier, il incombait à l'autorité d'appel d'examiner si les conditions de l'art. 406 al. 2 CPP étaient réunies avant de proposer la procédure écrite aux parties. Dans ce contexte, la partie recourante pouvait raisonnablement s'attendre à ce que la présence de l'intimé 2 aux débats d'appel ne fût pas indispensable, ce qu'elle n'a toutefois été en mesure de vérifier qu' a posteriori, sur la base du jugement attaqué et des motifs ressortant de celui-ci. Aussi, elle ne pouvait pas valablement renoncer à la procédure orale - et partant se comporter avec une mauvaise foi caractérisée -, dans la mesure où les conditions de l'art. 406 al. 2 CPP n'étaient pas remplies (cf. ATF 147 IV 127 consid. 2.2.3; arrêt 6B_178/2024 du 27 mars 2024 consid. 2.1; 6B_253/2023 du 16 mars 2023 consid. 2.3; 6B_589/2020 du 20 juillet 2021 consid. 1.3.1).
2.9. En définitive, il apparaît que la cour cantonale a violé le droit fédéral en statuant par la voie de la procédure écrite sur l'appel formé par l'intimé 2 contre le jugement de première instance.
3.
Le recours doit dès lors être admis, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente afin qu'elle traite l'appel de l'intimé 2 par la voie de procédure orale et qu'elle procède à une administration des preuves conforme au droit, en réitérant l'audition du prévenu et en ordonnant tout autre mesure d'instruction nécessaire à la recherche de la vérité matérielle.
La recourante, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un mandataire, ne supportera pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Elle peut prétendre à des dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral, mis à la charge du canton de Berne (art. 68 al. 1 LTF). La requête d'assistance judiciaire présentée par l'intimé 2 doit être admise au vu de sa situation financière et une indemnité appropriée accordée à son avocat d'office, à la charge de la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF); l'intimé 2 est toutefois rendu attentif à son obligation de rembourser la caisse du Tribunal fédéral s'il retrouve ultérieurement une situation financière lui permettant de le faire (art. 64 al. 4 LTF).
Il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. Le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision.
2.
Le canton de Berne versera à la recourante, en main de son conseil, la somme de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
3.
La requête d'assistance judiciaire est admise. Me André Gossin est désigné comme avocat d'office de l'intimé 2 et une indemnité de 1'000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral.
4.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour suprême du canton de Berne, 2ème Chambre pénale.
Lausanne, le 25 octobre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
Le Greffier : Fragnière