9C_176/2024 30.10.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_176/2024
Arrêt du 30 octobre 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Beusch.
Greffier : M. Bürgisser.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par B.________ SA,
recourante,
contre
Administration fiscale cantonale du canton de Genève,
rue du Stand 26, 1204 Genève,
intimée.
Objet
Impôts cantonaux et communaux du canton de Genève et impôt fédéral direct, période fiscale 2020,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 6 février 2024 (A/1227/2022-ICCIFD - ATA/183/2024).
Faits :
A.
A.a. A.________ (ci-après: la contribuable), née le xxx décembre 1990, était la petite-nièce de feu C.________, qui est décédée le yyy décembre 2012.
L'exécuteur testamentaire de la succession de la défunte a fourni à l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale) un certificat d'héritiers, attestant des cinq héritiers légaux de la succession. La contribuable n'était pas mentionnée dans ce certificat.
Dans un courrier du 16 octobre 2013, l'exécuteur testamentaire a adressé à l'Administration fiscale une dénonciation spontanée relative à un compte bancaire non déclaré, détenu par C.________ par l'intermédiaire de la fondation panaméenne D.________ (ci-après: la fondation) qu'elle avait constituée en 2004. L'Administration fiscale a rectifié les taxations antérieures de la défunte pour les périodes fiscales couvertes par la dénonciation spontanée.
A.b. Après que la déclaration de succession a été déposée, l'Administration fiscale a notifié un bordereau de droits de succession à l'hoirie, le 22 mai 2015. Dans son calcul, elle a intégré le solde du compte bancaire de la fondation dans les éléments imposables de sa fondatrice et les a taxés en main des héritiers. L'exécuteur testamentaire a formé réclamation contre ce bordereau, en invoquant en substance que les avoirs de la fondation ne pouvaient pas être taxés en main des héritiers, motif pris que la fondation panaméenne disposait de la personnalité juridique. Le patrimoine de celle-ci et celui de la défunte étaient donc séparés. En annexe de la réclamation figuraient les "Statuts annexes aux Statuts de la Fondation", datés du 14 mars 2012 et édictés par le conseil de Fondation. Ils prévoyaient notamment ce qui suit: C.________ est la première bénéficiaire de la fondation de son vivant et jouit de l'ensemble de la fortune de la fondation, des revenus et des produits d'une liquidation partielle (art. 1). Au décès de la première bénéficiaire, le Conseil de fondation doit se charger d'effectuer des distributions de montants de 10'000 fr. à 100'000 fr. à des tiers, le solde des avoirs devant ensuite être réparti à parts égales entre les petits-neveux et les petites-nièces nés ou à naître (ci-après: les deuxièmes bénéficiaires) de la première bénéficiaire, qui étaient au nombre de neuf. Ces deuxièmes bénéficiaires pouvaient avoir libre accès à leur part dès l'âge de 30 ans (al. 2).
A.c. Le 24 août 2016, l'Administration fiscale a notifié un avis de taxation rectificatif à l'hoirie de la défunte. Pour le calcul des droits de succession, elle a inclus, sous la rubrique "Créances/Titres" de l'avis de taxation, le compte bancaire de la fondation dans les actifs de la masse successorale pour une valeur de 3'197'864 fr. Après l'attribution aux tiers désignés, le solde de 2'857'864 fr. était réparti à parts égales entre les deuxièmes bénéficiaires (1/9 e), à savoir 317'540 fr. chacun, au taux relatif à leur lien de parenté avec la défunte, soit petite-nièce (4 e catégorie) s'agissant de la contribuable, en application de l'art. 20 de la loi cantonale genevoise du 26 novembre 1960 sur les droits de succession (LDS; rs/GE D 3 25). L'impôt sur les successions prélevé auprès de A.________ s'élevait à 79'087 fr. 30, y compris les centimes additionnels. Ce bordereau est entré en force.
La fondation a interpellé l'Administration fiscale au sujet du traitement fiscal des distributions qu'elle était chargée d'effectuer en vertu de ses statuts. Faisant droit en partie à cette demande, l'Administration fiscale a confirmé que tant que les deuxièmes bénéficiaires n'avaient pas atteint l'âge de 30 ans et n'avaient pas reçu leur part, aucune imposition dans leur chef des avoirs de la fondation n'aurait lieu.
A.d. Le 4 février 2022, l'Administration fiscale a taxé la contribuable pour l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD) et pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après: ICC) de la période fiscale 2020. Elle a tenu compte dans les revenus de la contribuable de la distribution que lui avait faite la fondation à hauteur 363'600 fr., montant auquel la contribuable avait eu accès depuis le xxx décembre 2019 et qu'elle avait dûment déclaré. Dans les avis de taxation, l'administration a indiqué que "la distribution 2020 du trust est de 363'600 fr.".
L'Administration fiscale a rejeté la réclamation de la contribuable par décisions sur réclamation du 17 mars 2022.
B.
B.a. Statuant par jugement du 19 décembre 2022, le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le TAPI) a admis le recours de la contribuable et a renvoyé le dossier à l'Administration fiscale pour nouvelles décisions dans le sens des considérants. En substance, le TAPI a retenu que l'Administration fiscale ne pouvait pas soumettre l'entier de la somme de 363'600 fr. à l'impôt sur le revenu puisqu'elle avait déjà prélevé un impôt sur les successions sur le montant de 317'540 fr. Seule la différence de 46'060 fr. constituait un revenu imposable de la contribuable.
B.b. Par arrêt du 6 février 2024, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative (ci-après: la Cour de justice), a admis le recours de l'Administration fiscale, a annulé le jugement du TAPI du 19 décembre 2022 et a rétabli les décisions sur réclamation du 17 mars 2022.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ conclut en substance à la réforme de l'arrêt cantonal, en ce sens que seul un montant de 46'060 fr. sur le montant total qu'elle a reçu de la part de la fondation soit pris en considération pour la fixation de l'IFD et des ICC de l'année 2020.
Après que l'Administration fiscale et l'Administration fédérale des contributions ont conclu au rejet du recours, la contribuable s'est encore déterminée.
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt attaqué a été rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) qui ne tombe pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte (cf. aussi art. 146 LIFD [RS 642.11] et 73 al. 1 LHID [RS 642.14]).
1.2. L'instance précédente a traité dans un seul arrêt de l'IFD et des ICC, ce qui est admissible. Partant, le dépôt d'un seul acte de recours est aussi autorisé, dans la mesure où la recourante s'en prend clairement aux deux catégories d'impôts (ATF 142 II 293 consid. 1.2; 135 II 260 consid. 1.3.1).
Les autres conditions de recevabilité étant remplies, il y a lieu d'entrer en matière.
2.
2.1. D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Il examine en principe librement l'application du droit fédéral ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de sa mise en pratique par les instances cantonales aux dispositions de la LHID (cf. ATF 144 II 313 consid. 5.3; cf. aussi ATF 134 II 207 consid. 2). Sauf exception, la violation du droit cantonal ou communal ne peut en revanche pas être invoquée en tant que telle devant le Tribunal fédéral (art. 95 LTF). Il est cependant possible de faire valoir que son application consacre une violation du droit fédéral, comme la protection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.) ou la garantie d'autres droits constitutionnels (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 142 III 153 consid. 2.5). En vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral ne connaît de la violation des droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par la partie recourante, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée (ATF 147 IV 453 consid. 1; 143 IV 500 consid. 1.1).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF.
3.
Le litige porte sur la taxation de la recourante pour la période fiscale 2020. Il a en particulier trait à la prise en compte, pour l'assiette imposable de l'IFD et des ICC dus par la contribuable, de la somme de 363'600 fr. versée par la fondation, montant qui a déjà été partiellement soumis à l'impôt genevois sur les successions à hauteur de 317'540 fr. (cf. bordereau du 24 août 2016 entré en force).
4.
La Cour de justice a constaté en substance que le jour de son trentième anniversaire, soit le xxx décembre 2020, la contribuable avait reçu un montant de 363'600 fr. de la part de la fondation. Sur la question de savoir si le versement litigieux constituait une donation exonérée de l'impôt sur le revenu en application de l'art. 24 let. a LIFD, elle a considéré que ce versement reposait sur une obligation juridique en vertu des statuts de la fondation et que l'existence d'une volonté de donner (animus donandi) faisait donc défaut. Dès lors, l'art. 24 let. a LIFD n'était pas applicable. À cet égard, le point de savoir si un impôt sur les successions avait déjà été prélevé sur le montant litigieux n'était pas pertinent. En effet, selon la jurisprudence fédérale (cf. arrêt 2C_148/2020 du 19 janvier 2021 consid. 7.1), le prélèvement effectif d'un impôt sur les donations ne constituait pas une condition à l'exonération d'une donation en vertu de l'art. 24 let. a LIFD.
De plus, réfutant l'argumentation de la recourante sur l'interdiction du dualisme des méthodes (sur celui-ci, consid. 6.3 infra), les juges cantonaux ont conclu qu'il était inapplicable en l'espèce. Si l'Administration fiscale avait effectivement admis avoir procédé de manière erronée à l'imposition, au niveau des droits de succession, des avoirs de la fondation en les traitant comme des legs, il n'en demeurait pas moins que les droits de succession avaient été prélevés dans le "chapitre fiscal de l'hoirie". Or l'intimée n'était pas liée, dans le cadre de la taxation de la recourante, par une méthode adoptée initialement à l'égard d'une autre contribuable. À cela s'ajoutait, toujours selon la Cour de justice, que si les avoirs de la fondation avaient dû être soumis aux droits d'enregistrement (et non à l'impôt sur les successions), conformément au raisonnement de l'Administration fiscale, alors c'est un impôt indirect qui aurait été prélevé. Dans ce cas, pour les juges cantonaux, il ne pouvait y avoir de dualisme des méthodes, puisque les impôts en cause n'auraient pas été comparables.
5.
En se référant entre autres griefs au principe de l'interdiction du dualisme des méthodes, la recourante reproche à l'Administration fiscale d'être tombée dans l'arbitraire en ayant adopté successivement une approche économique et une approche civile dans le traitement fiscal qu'elle a réservé aux avoirs de la fondation. Elle allègue que l'intimée aurait adopté des points de vue différents, selon son intérêt.
Quant à l'Administration fiscale, elle soutient que le bordereau rendu dans le cadre de la succession ne fait pas partie de la procédure et ne saurait constituer "un quelconque motif d'exonération ou de déduction". En outre, ce serait l'hoirie qui aurait supporté les droits de succession et non la recourante.
6.
6.1. En matière d'IFD, tout d'abord, l'art. 16 al. 1 LIFD prévoit que l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Cette disposition exprime la théorie de l'accroissement du patrimoine, respectivement du principe de l'imposition du revenu global net, selon lesquels tous les montants qui accroissent le patrimoine d'une personne sont inclus dans son revenu imposable, à moins d'être expressément exonérés. Dans la LIFD, les revenus exonérés sont les gains en capitaux privés (art. 16 al. 3 LIFD) et les revenus énumérés dans la liste exhaustive figurant à l'art. 24 LIFD (ATF 143 II 402 consid. 5.1). Dans un système caractérisé par une imposition générale des revenus, ces exceptions à l'imposition doivent être interprétées de manière restrictive (ATF 146 II 6 consid. 4.1).
6.2. En vertu de l'art. 24 let. a LIFD, sont exonérées de l'impôt sur le revenu les dévolutions de fortune ensuite d'une succession, d'un legs, d'une donation ou de la liquidation du régime matrimonial. L'impôt sur les donations, succession et legs, d'une part, et l'impôt sur le revenu d'autre part sont donc exclusifs l'un de l'autre (arrêts 2C_74/2021 du 26 juillet 2021 consid. 7.1; 2C_148/2020 du 19 janvier 2021 consid. 7). Le Tribunal fédéral a par exemple retenu que les prestations d'une fondation de famille à ses bénéficiaires constituent du revenu imposable au sens de l'art. 16 al. 1 LIFD et non pas une donation exonérée au sens de l'art. 24 LIFD, les prestations n'étant pas effectuées librement, mais en vertu d'une obligation juridique (ATF 146 II 6 consid. 7.1).
6.3.
6.3.1. Dans des arrêts anciens, le Tribunal fédéral a jugé que l'autorité fiscale n'était pas autorisée à appréhender un seul et même état de fait (ou une même cause) - ou encore des cas distincts pour lesquels la même question de droit se posait et qui concernaient les mêmes contribuables (ATF 103 Ia 20 consid. 4d) - une fois selon la forme juridique et une autre fois selon la réalité économique (ATF 103 Ia 20 consid. 4d; 93 I 689 consid. 6; 93 I 139 consid. 3). En effet, l'État n'avait pas le droit d'adopter unilatéralement le mode d'imposition à ses intérêts du moment, ce qui avait pour conséquence qu'il devait s'en tenir au procédé qu'il avait choisi (ATF 109 Ib 110 consid. 3; 103 Ia 20 consid. 4d; 93 I 689 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral du 9 juillet 1958 in Archives 28 p. 128 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral du 27 juin 1956 in Archives 26 p. 155 consid. 1b).
6.3.2. La jurisprudence plus récente parle à cet égard d'interdiction du dualisme de méthodes ("Verbot des Methodendualismus"; cf. arrêts 2C_719/2021 du 7 décembre 2021 consid. 4.2 et les références; arrêt 2C_371/2013 et 2C_372/2013 du 18 juillet 2014 consid. 3.2.3; 2C_259/2008 du 6 novembre 2008 consid. 2.5.2; arrêt du Tribunal fédéral du 5 novembre 1996 consid. 5 in Archives 66 p. 87 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral du 28 février 1986 in Archives 56 p. 669 consid. 5). Ce dualisme est défini comme l'adoption par l'autorité de deux points de vue mutuellement exclusifs dans une même affaire (cf. arrêt 2C_719/2021 du 7 décembre 2021 consid. 4.2) ou dans le cadre du même état de fait (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 28 février 1986 in Archives 56 p. 669 consid. 5), étant précisé que l'interdiction du dualisme de méthodes s'impose également aux contribuables (ATF 109 Ib 110 consid. 3).
En principe, l'interdiction du dualisme de méthode s'impose à une même autorité qui statue deux fois, et ce quand bien même il s'agit de deux services différents d'une même administration fiscale (cf. arrêt 2C_908/2019 du 20 octobre 2020 consid. 3 concernant des décisions prises séparément par la division des impôts spéciaux ["Abteilung Spezialsteuern"], d'une part, et la division de taxation, d'autre part). Dans un arrêt 2C_487/2022 du 5 septembre 2023, le Tribunal fédéral a par ailleurs confirmé la position de la juridiction cantonale qui avait eu à se prononcer sur des décisions successives rendues par deux autorités distinctes. Les juges cantonaux avaient considéré que la première décision de taxation en matière de gain immobilier rendue par le service cantonal des contributions - qui avait soumis le bénéfice provenant de la vente de parcelles à l'impôt sur les gains immobiliers -, entrée en force, s'imposait à la Commission cantonale d'impôt, de sorte que celle-ci ne pouvait plus ultérieurement soumettre la même opération à l'impôt cantonal sur le revenu. Le Tribunal fédéral a jugé cette approche conforme à la jurisprudence, en mettant en évidence les liens personnels étroits qui unissaient les deux autorités administratives concernées (consid. 6 et 7 de l'arrêt cité).
Le principe de l'interdiction du dualisme de méthode n'est en revanche pas violé lorsque l'autorité de taxation en matière d'impôts directs apprécie différemment la situation que celle en matière d'impôts indirects (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 5 novembre 1996 consid. 5 in Archives 66 p. 87 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral du 28 février 1986 in Archives 56 p. 669 consid. 5).
6.3.3. S'appuyant sur l'art. 4 aCst., le Tribunal fédéral a tantôt rattaché cette interdiction à l'égalité de traitement (arrêt du Tribunal fédéral du 27 juin 1956 in Archives 26 p. 155 consid. 1b), tantôt à l'interdiction de l'arbitraire (ATF 109 Ib 110 consid. 3; 93 I 689 consid. 6) ou encore à l'interdiction d'un comportement contradictoire de la part de l'autorité (arrêt du Tribunal fédéral du 28 février 1986 in Archives 56 p. 669 consid. 5). La doctrine récente l'assimile à un cas d'arbitraire devant la loi (XAVIER OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd. 2022, n° 79 p. 59), d'arbitraire dans l'interprétation de la loi (ERNST BLUMENSTEIN/PETER LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 8e éd. 2023, p. 37) ou encore à un comportement contraire au principe de la bonne foi ancré à l'art. 9 Cst. (THOMAS GÄCHTER, Rechtsmissbrauch im öffentlichen Recht, 2005, p. 192).
6.4. Le Tribunal fédéral a retenu un dualisme de méthodes prohibé lorsque, dans le cadre de la même procédure, un prêt était d'abord qualifié de participation puis, dans le cadre de déductions en lien avec un amortissement, était considéré ensuite comme un prêt (arrêt 2C_371/2013 et 2C_372/2013 du 18 juillet 2014 consid. 3.2.3). En outre, il a jugé que lorsque l'administration fiscale requalifiait un capital étranger en capital propre, elle devait accorder une compensation des pertes, sauf à adopter un dualisme de méthode prohibé (arrêt 2C_259/2008 du 6 novembre 2008 consid. 2.5.2).
Le Tribunal fédéral a également considéré comme un dualisme de méthodes inadmissible le fait que la même autorité fiscale a prélevé des droits de mutation lors de la répartition d'immeubles d'une entreprise individuelle entre quatre sociétés anonymes nouvellement créées, mais que plus tard, après la vente d'immeubles par l'une de ces sociétés, elle a dénié aux autres sociétés la qualité de tiers lors de la taxation de l'impôt sur les gains immobiliers et n'a pas admis la déduction de la commission de courtage versée à l'une de ces sociétés (ATF 103 Ia 20 consid. 4d). En effet, dans la première affaire, une approche formaliste avait été soutenue par l'autorité et dans la seconde, une approche économique.
Le Tribunal fédéral a également considéré que l'administration ne pouvait pas cumuler, pour la même matière fiscale, un impôt sur le revenu et un impôt sur les gains immobiliers et les prélever tout deux auprès du même contribuable, une fois sur la base d'une appréciation juridique de la situation et une autre fois en vertu de la réalité économique (cf. ATF 93 I 689 consid. 6).
7.
7.1. En l'espèce, l'Administration fiscale a soumis une première fois les avoirs de la fondation à l'impôt sur les successions. Selon ses explications devant la cour cantonale, elle avait voulu traiter les avoirs litigieux comme des legs. Or elle a reconnu qu'elle avait procédé de manière "erronée"; elle aurait au contraire dû tenir compte de la personnalité juridique de la fondation, en la mentionnant expressément dans le bordereau de taxation en lieu et place des bénéficiaires (recours cantonal p. 9). On doit donc inférer du fait que l'intimée a ignoré, selon ses propres termes, la personnalité juridique de la fondation, qu'elle a adopté une première fois une approche économique dans le cadre de l'appréciation de l'état de fait relatif au traitement fiscal des avoirs de la fondation. Elle a en effet ignoré la personnalité juridique de la fondation en prélevant, selon ses explications, un impôt sur les successions (notamment) sur la part de la fortune qui revenait à la contribuable, soit sur un montant de 317'540 fr.
7.2. Dans un second temps, selon les constatations cantonales, l'Administration fiscale a considéré que le versement litigieux à la contribuable devait faire partie de l'assiette imposable de celle-ci à titre d'impôt sur le revenu, car ce versement était fondé sur l'exécution des obligations statutaires de la fondation. Il s'agissait donc, de l'avis de la Cour de justice, d'un versement reposant sur une obligation juridique.
Dans ces circonstances, on constate que dans un second temps et dans le cadre des impôts directs, l'administration s'est fondée sur une approche juridique, lorsqu'elle a tenu compte de la personnalité morale de la fondation et a considéré que cette dernière avait fait un versement en faveur d'une personne physique distincte, soit la recourante, et ce en vertu d'obligations provenant de ses statuts.
7.3. La manière de procéder de l'Administration fiscale relève d'un dualisme des méthodes prohibé dans une même affaire et ce même si deux procédures différentes ont été menées (comp. ATF 103 Ia 20 consid. 4); les faits à la base de la taxation en matière d'impôt successoral et en matière d'impôt sur le revenu sont les mêmes, puisqu'il s'agit dans les deux cas des avoirs de la fondation, dont une partie est revenue ultérieurement à la contribuable, et du traitement fiscal de ceux-ci en lien avec la succession de la défunte. Ensuite, ce ne sont pas deux administrations distinctes qui ont diligenté les procédures successives mais bien uniquement l'intimée (consid. 6.3.2 supra). Alors qu'il s'agissait essentiellement de traiter la même question juridique, soit l'imposition des avoirs de la fondation, l'intimée a tantôt adopté une approche économique dans le cadre du bordereau de taxation de l'impôt sur les successions, tantôt une approche juridique et formaliste dans le cadre de l'imposition de la contribuable à titre d'IFD et d'ICC de l'année 2020. La somme de 317'540 fr. a constitué à la fois l'objet de l'imposition cantonale sur les successions (sur la base d'une approche économique) et celui des impôts directs (sur la base d'une approche formaliste).
7.4. Le raisonnement de la Cour de justice qui l'a conduite à nier l'application du principe d'interdiction du dualisme des méthodes ne saurait être suivi. Elle considère à tort qu'étaient concernées des contribuables distinctes, soit l'hoirie de la défunte pour l'impôt sur les successions et la recourante pour les impôts directs. En effet, la procédure relative à la détermination de l'impôt successoral concernait, entre autres personnes, la recourante également. L'art. 53 LDS, qui porte le titre marginal "débiteurs des droits", prévoit que "les héritiers légaux et institués, les usufruitiers, les légataires, les bénéficiaires et attributaires d'assurances, de rentes et de libéralités sont tenus d'acquitter les droits de succession, intérêts, amendes, frais et émoluments". Il s'ensuit donc que la recourante était à la fois la débitrice de l'impôt sur les successions en vertu de cette disposition (nonobstant la solidarité prévue pour le paiement de l'impôt par l'art. 54 LDS) et débitrice de l'impôt dû à titre d'IFD et d'ICC dans le cadre de la présente procédure. Le nom de la recourante figurait ainsi, aux côtés des autres bénéficiaires de la défunte, dans le bordereau rectificatif des droits de succession du 24 août 2016, selon lequel un impôt de 79'073 fr. 30 était dû en ce qui la concerne (sur un legs correspondant de 317'540 fr.).
Par conséquent, en ayant considéré que l'Administration fiscale pouvait soumettre à l'impôt fédéral direct la somme de 317'540 fr., la Cour de justice a appliqué l'art. 24 let. a LIFD de manière contraire à l'art. 9 Cst. (consid. 6.3.3 supra). En respectant l'interdiction du dualisme des méthodes, l'Administration fiscale aurait dû exonérer la somme de 317'540 fr. de l'IFD. Seul un montant de 46'060 fr. - non contesté par l'intimée et correspondant au montant de 363'600 fr. versé de la fondation à la recourante sous déduction de 317'540 fr. (déjà imposé à titre d'impôt sur les successions) - aurait dû être pris en compte pour l'IFD de la période fiscale 2020. Dès lors, l'arrêt de la Cour de justice du 6 février 2024 doit être réformé en ce sens.
8.
L'art. 27 let. d de la loi genevoise l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP; rs/GE D 3 08) a un contenu similaire à l'art. 24 let. a LIFD et conforme à l'art. 7 al. 4 let. c LHID (arrêt 2C_74/2021 du 26 juillet 2021 consid. 11). Partant, les considérants relatifs à l'IFD s'appliquent mutatis mutandis aux ICC de la période fiscale sous examen.
9.
Le recours se révèle donc bien fondé tant en matière d'IFD que d'ICC sans qu'il n'y n'ait lieu d'examiner les autres griefs de la recourante.
10.
Vu l'issue du litige, les frais de la procédure fédérale sont mis à charge de l'intimée, dont l'intérêt patrimonial est en cause (art. 66 al. 1 et 4 LTF). La recourante a droit à des dépens, qui seront supportés par le canton de Genève (art. 68 al. 1 et 2 LTF). La cause sera en outre renvoyée à la Cour de justice pour nouvelle fixation des frais et dépens de la procédure antérieure (art. 68 al. 5 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis en matière d'impôt fédéral direct de l'année 2020. L'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 6 février 2024 est réformé en ce sens que seul le montant de 46'060 fr., provenant du versement de la fondation, est imposable à titre d'IFD dans le chef de la recourante. La cause est renvoyée à l'Administration fiscale cantonale pour qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants.
2.
Le recours est admis en matière d'impôts cantonaux et communaux de l'année 2020. L'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 6 février 2024 est réformé en ce sens que seul le montant de 46'060 fr., provenant du versement de la fondation, est imposable à titre d'ICC dans le chef de la recourante. La cause est renvoyée à l'Administration fiscale cantonale pour qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'500 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
4.
L'intimée versera à la recourante la somme de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
5.
La cause est renvoyée à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, pour nouvelle fixation des frais et dépens de la procédure antérieure.
6.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4 ème section, et à l'Administration fédérale des contributions.
Lucerne, le 30 octobre 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Bürgisser