4A_540/2024 08.11.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_540/2024
Arrêt du 8 novembre 2024
I
Composition
Mmes les Juges fédérales
Jametti, Présidente, Hohl et Kiss.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
A.________,
recourante,
contre
Vice-présidente de la Cour de justice du canton de Genève, Assistance judiciaire,
place du Bourg-de-Four 1, 1204 Genève,
intimée,
B.________,
représentée par Me Alessandro De Lucia, avocat,
partie intéressée.
Objet
refus de l'assistance judiciaire,
recours contre la décision rendue le 27 août 2024 par la vice-présidente de la Cour de justice du canton de Genève (AC/204/2024, DAAJ/91/2024).
Faits :
A.
A.a. A.________ a été employée par la société C.________ SA à compter du 1er octobre 2012. À ce titre, elle était affiliée pour la prévoyance professionnelle auprès de la Fondation D.________ (ci-après: la Fondation).
Le 31 octobre 2012, pendant le temps d'essai, A.________ a été victime d'une chute dans les escaliers et a subi diverses blessures; son employeur l'a licenciée le même jour, avec effet au 7 novembre 2012.
Le 2 novembre 2012, le médecin traitant de A.________ a attesté d'une incapacité de travail totale de l'intéressée à partir du 31 octobre 2012, qu'il a régulièrement prolongée par la suite.
A.b. Sur prescription de son médecin traitant, A.________ a débuté, à compter du 8 mars 2013, un suivi thérapeutique auprès de la Dre B.________, spécialiste FMH en psychiatrie. Après avoir informé sa patiente de ce que la plupart de ses factures demeuraient impayées, la Dre B.________ a mis fin à la relation thérapeutique dans le courant du mois de novembre 2013.
A.c. En janvier 2014, A.________ a déposé une demande de prestations auprès de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'OAI), invoquant l'atteinte à la santé d'origine accidentelle survenue le 31 octobre 2012.
Le 23 janvier 2014, l'OAI a invité la Dre B.________ à remplir un questionnaire décrivant l'atteinte à la santé de A.________. N'ayant pas obtenu de retour de la praticienne malgré trois courriers de relance, il a invité A.________ à prendre elle-même les mesures nécessaires auprès de la Dre B.________.
Par décision du 23 novembre 2016, l'OAI a alloué à A.________ une rente entière d'invalidité à compter du 1er juillet 2014. Sur la base des rapports médicaux disponibles et des constats opérés par les médecins du Service médical régional (SMR), il a retenu qu'une première atteinte à la santé somatique avait entraîné une incapacité de travail dans toute activité du 31 octobre 2012 au 31 août 2014. Une seconde atteinte à la santé d'ordre psychiatrique apparue en mars 2013 avait également entraîné une incapacité totale de travail, de mars à novembre 2013, puis à partir du 4 juin 2014.
A.d. Soutenant que l'accident du 31 octobre 2012 avait entraîné une incapacité de travail à laquelle une autre, d'origine psychique, s'était superposée de mars à novembre 2013, A.________, en date du 14 novembre 2017, a assigné la Fondation devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice du canton de Genève en vue d'obtenir le versement d'une rente annuelle d'invalidité de 30'160 fr. à tout le moins dès le 1er août 2015.
Dans ses écritures subséquentes, la demanderesse est revenue sur ses allégations initiales, en prétendant que l'atteinte psychique tirait son origine des mêmes faits que ceux à l'origine de sa chute du 31 octobre 2012.
Par jugement du 25 octobre 2018, la juridiction cantonale a rejeté la demande. En substance, les juges cantonaux ont constaté qu'aucun médecin n'avait fait état d'une incapacité de travail de A.________ pour des motifs psychologiques durant les rapports de prévoyance, c'est-à-dire jusqu'au 6 décembre 2012 lorsque ceux-ci avaient pris fin. La première mention d'une atteinte thymique ressortait du rapport établi le 18 janvier 2013 par la Dre E.________, spécialiste FMH en neurologie, qui ne permettait toutefois pas d'admettre qu'une atteinte psychique aurait entraîné une incapacité de travail. La survenance d'une telle incapacité liée à des motifs psychiques durant les rapports de prévoyance n'était donc pas démontrée. En l'absence d'une couverture d'assurance au moment de la survenance de l'incapacité de travail pour les affections psychiques à l'origine de l'invalidité actuelle, la recourante n'avait pas droit aux prestations d'invalidité de la Fondation.
Par arrêt du 19 février 2019, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par A.________ à l'encontre dudit jugement (cause 9C_841/2018).
A.e. En avril 2019, la recourante a saisi la Commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients d'une plainte dirigée contre la Dre B.________.
Par décision du 13 décembre 2022, la Commission de surveillance a prononcé un avertissement à l'encontre de la Dre B.________. Elle a notamment retenu que la Dre B.________ avait pris le risque d'entraver le traitement de la demande de prestations présentée par A.________ en ne répondant pas aux demandes de renseignements de l'OAI. La praticienne mise en cause avait en outre violé son obligation de transmission du dossier médical à sa patiente. La Commission de surveillance a en outre relevé que le problème de paiement invoqué par la praticienne pour mettre fin à la relation thérapeutique n'était en réalité pas imputable à A.________.
B.
Après une procédure de conciliation infructueuse, A.________ a introduit le 27 février 2024 une demande en paiement auprès du Tribunal de première instance genevois dirigée contre la Dre B.________. Elle a conclu au paiement par cette dernière d'un montant équivalant à la rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle qu'elle aurait à son avis dû percevoir à compter du 1er août 2014 (un montant annuel de 30'160 fr., intérêts en sus), ainsi qu'au versement d'une indemnité pour tort moral de 55'000 fr. avec intérêts.
Dans le cadre de cette procédure, A.________ a sollicité sa mise au bénéfice de l'assistance judiciaire.
Statuant le 6 mai 2024, la vice-présidence du Tribunal civil genevois a rejeté ladite requête.
Saisie d'un recours formé par A.________, la vice-présidente de la Cour de justice du canton de Genève l'a rejeté par décision du 27 août 2024. En bref, elle a estimé que la cause de l'intéressée semblait, à première vue, dépourvue de chance de succès.
C.
Le 5 octobre 2024, A.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours au Tribunal fédéral à l'encontre de cette décision. Elle conclut, principalement, à la réforme de la décision querellée en ce sens qu'elle est mise au bénéfice de l'assistance judiciaire. Subsidiairement, elle sollicite l'annulation du prononcé entrepris et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Le Tribunal fédéral n'a pas requis le dépôt d'une réponse au recours.
Considérant en droit :
1.
Le refus de l'assistance judiciaire est une décision incidente qui est susceptible de causer un préjudice irréparable et, partant, sujette à recours en vertu de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 133 IV 335 consid. 4; 129 I 129 consid. 1.1; arrêt 4A_44/2018 du 5 mars 2018 consid. 1.2).
Pour le reste, les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont satisfaites. Demeure toutefois réservé l'examen, sous l'angle de leur motivation, des critiques émises par la recourante.
2.
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 145 IV 154 consid. 1.1; 142 III 364 consid. 2.4; 140 III 264 consid. 2.3). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1).
3.
3.1. En vertu de l'art. 117 CPC, une personne a droit à l'assistance judiciaire si elle ne dispose pas de ressources suffisantes (let. a) et si sa cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès (let. b).
Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'un plaideur raisonnable et aisé renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'il serait exposé à devoir supporter; en revanche, il ne l'est pas lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou que les premières n'apparaissent que légèrement inférieures aux secondes (ATF 138 III 217 consid. 2.2.4). Le critère des chances de succès doit être examiné au moment du dépôt de la requête d'assistance judiciaire et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 138 III 217 consid. 2.2.4; 133 III 614 consid. 5 et les références citées).
Lorsqu'il est saisi d'un recours contre une décision refusant l'octroi de l'assistance judiciaire pour défaut de chances de succès, le Tribunal fédéral n'a pas à se substituer au juge cantonal pour décider si la requête présentée en instance cantonale doit être admise ou non. Le juge cantonal dispose en effet d'un large pouvoir d'appréciation dans l'examen des chances de succès. Le Tribunal fédéral ne revoit dès lors sa décision qu'avec retenue: il doit uniquement vérifier que le juge cantonal ne s'est pas écarté des principes juridiques reconnus en la matière, qu'il n'a pas tenu compte de circonstances qui ne jouent pas de rôle pour le pronostic dans le cas particulier ou inversement qu'il n'a pas méconnu des circonstances pertinentes dont il aurait dû tenir compte (arrêts 4A_397/2023 du 17 avril 2024 consid. 3.1 et les références citées; 4A_383/2019 du 30 mars 2020 consid. 3; 4A_375/2016 du 8 février 2017 consid. 3.2 et les références citées).
3.2. Dans la décision attaquée, la juridiction cantonale souligne que, selon l'art. 23 let. a de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP; RS 831.40), ont droit à des prestations d'invalidité les personnes qui sont invalides à 40% au moins au sens de l'AI et qui étaient assurées lorsqu'est survenue l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité. Selon l'art. 10 al. 3 LPP, le salarié demeure assuré auprès de l'ancienne institution de prévoyance pour les risques de décès et d'invalidité durant un mois après la fin des rapports avec l'institution de prévoyance. Pour que l'institution de prévoyance reste tenue à prestations, après la dissolution du rapport de prévoyance, il faut non seulement que l'incapacité de travail ait débuté à une époque où l'assuré lui était affilié, mais encore qu'il existe entre cette incapacité de travail et l'invalidité une relation d'étroite connexité, laquelle doit être à la fois matérielle et temporelle.
Une fois ces principes juridiques rappelés, la juridiction cantonale observe que la Dre B.________ a commis plusieurs manquements fautifs à ses obligations professionnelles, en ne transmettant notamment pas à l'OAI les informations requises par lui concernant l'état de santé de la recourante. Elle estime toutefois que l'existence d'un lien de causalité entre lesdits manquements et le fait que la recourante n'ait pas obtenu de rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle ne paraît, prima facie, pas établie. A cet égard, l'autorité précédente considère que dans l'hypothèse où la praticienne incriminée aurait donné suite à la demande d'informations de l'OAI, ce dernier n'aurait pas retenu qu'une incapacité de travail de la recourante pour des motifs psychiques était survenue durant les rapports de prévoyance, c'est-à-dire jusqu'au 6 décembre 2012 lorsque ceux-ci avaient pris fin, conformément à l'art. 10 al. 3 LPP. Pour aboutir à pareille conclusion, elle relève notamment que l'OAI et les autorités judiciaires saisies appelées à se prononcer sur cette question ont constaté que tant les médecins du SMR que ceux consultés par la recourante n'ont pas fait état d'une incapacité de travail de l'intéressée résultant de problèmes d'ordre psychique qui serait survenue durant son temps d'essai ou pendant le mois qui a suivi la fin des rapports de travail. Dans sa demande en paiement dirigée contre la Fondation, la recourante a en outre elle-même soutenu initialement que son incapacité de travail pour des motifs psychiques était apparue en mars 2013. La juridiction cantonale observe, par ailleurs, que la Dre B.________ ne suivait pas la recourante lorsque celle-ci était employée auprès de C.________ SA, ni durant le mois qui a suivi la fin des rapports de travail. Le rapport établi par cette praticienne le 28 novembre 2023 n'indique au demeurant pas que la recourante aurait été en incapacité de travail au cours de la période concernée. Vu la convergence des avis médicaux, l'autorité précédente estime que l'action en responsabilité dirigée contre la Dre B.________ apparaît, à première vue, dépourvue de chances de succès.
3.3. Dans son mémoire de recours, l'intéressée reproche à l'autorité précédente d'avoir établi les faits de manière manifestement inexacte, et lui fait grief d'avoir enfreint l'art. 23 let. a LPP tout en niant, à tort, l'existence d'un lien de causalité entre les manquements de la Dre B.________ et le préjudice qu'elle a subi. Elle prétend notamment que ses troubles psychiques existaient déjà fin octobre 2012. A l'en croire, tous les médecins consultés s'accordent sur le fait que l'atteinte psychique dont elle souffre découle de l'événement survenu le 31 octobre 2012. La recourante soutient que les manquements répétés de la Dre B.________ ont non seulement compromis l'évaluation correcte de sa situation médicale mais aussi conduit à une injustice majeure, concrétisée par la négation de son droit aux prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle.
3.4. L'argumentation développée par le recourante n'emporte pas la conviction de la Cour de céans.
Force est d'emblée de relever que la recourante assoit en grande partie sa critique sur des faits ne ressortant pas de la décision attaquée, notamment lorsqu'elle se réfère à l'avis médical d'une certaine Dre F.________. Or, elle ne se conforme pas aux exigences strictes applicables en matière de complètement de l'état de fait. La recourante ne parvient pas davantage à démontrer que l'autorité précédente aurait établi les faits de manière arbitraire. Il ne suffit en effet pas, comme le fait l'intéressée, d'exposer sa version des faits, à grand renfort d'affirmations péremptoires, pour démontrer que l'établissement des faits opéré par l'autorité précédente serait manifestement inexact. Le Tribunal fédéral ne discerne du reste guère sur quels points la recourante reproche réellement à la juridiction cantonale, sinon par de simples protestations ou dénégations, d'être parvenue à des constatations insoutenables. Sa critique est dès lors irrecevable, en tant qu'elle repose sur des faits s'écartant de ceux établis par la cour cantonale.
Pour le reste, l'intéressée, par sa critique au ton appellatoire marqué, se contente de substituer son appréciation personnelle des preuves disponibles à celle de l'autorité précédente, ce qui n'est pas admissible. Quoi qu'il en soit, elle ne parvient nullement à démontrer que la juridiction cantonale aurait abusé de son large pouvoir d'appréciation en retenant que la cause apparaissait dénuée de chances de succès. Dans ces conditions, et étant donné la retenue dont fait preuve le Tribunal fédéral en la matière, on ne saurait reprocher à l'autorité précédente d'avoir rejeté la requête d'assistance judiciaire présentée par la recourante.
4.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité selon la procédure simplifiée prévue par l'art. 109 al. 2 let. a LTF.
La recourante, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens, dès lors que le Tribunal fédéral n'a pas requis le dépôt d'une réponse au recours.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à la Cour de justice du canton de Genève et à B.________.
Lausanne, le 8 novembre 2024
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jametti
Le Greffier : O. Carruzzo