1C_618/2023 09.10.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_618/2023
Arrêt du 9 octobre 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Merz,
Greffière : Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
A.________,
recourante,
contre
Département du territoire du canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8.
Objet
Ordre de remise en état en zone agricole,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, 3ème section, du 10 octobre 2023
(A/3366/2022-LCI ATA/1112/2023).
Faits :
A.
A.________ est propriétaire de la parcelle n° 5'764 de la commune de Plan-les-Ouates, sise en zone agricole et comprise dans une surface d'assolement adoptée en juin 2021. Sur cette parcelle se trouvent notamment des cabanons, roulottes, containers, couverts qui servent d'abris à des animaux (chèvres, cheval, ânes, paons et volailles diverses) et d'abris pour le fourrage et aliments pour ceux-ci.
Par décision du 29 avril 2010, l'Office cantonal des autorisations de construire (OAC) du Département du territoire du canton de Genève (alors autrement dénommé; ci-après: le Département) a, en application des art. 129 ss de la loi genevoise sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI; RS/GE L 5 05) et de l'art. 20 de la loi genevoise d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT; RS/GE L 1 30), ordonné à A.________ soit de supprimer les cabanons, containers, couverts et clôtures, soit de déposer, en bonne et due forme et dans un délai de 30 jours dès réception dudit courrier, une requête en autorisation de construire, l'installation desdits objets étant soumise à autorisation.
Par courrier 18 juillet 2019, le Département a ordonné à A.________ de lui fournir, dans un délai de 15 jours dès notification du courrier, un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque que son ordre de remise en état avait été respecté.
Par jugement du 9 décembre 2020, le Tribunal de première instance du canton de Genève (ci-après: le TAPI) a notamment confirmé la décision du 29 avril 2010. À la suite de ce jugement, le Département a invité, le 19 mars 2021, A.________ à lui fournir, dans un délai de 90 jours dès réception du courrier, un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque que la remise en état ordonnée par décision du 29 avril 2010 avait été complètement exécutée.
Par décision du 4 avril 2022, le Département a refusé la demande de régularisation concernant l'installation d'une clôture pour animaux, sollicitée par le père de A.________.
B.
Après des vérifications d'usage et le constat effectué sur place le 1 er juin 2022, le Département a, par décision du 9 septembre 2022, ordonné de rétablir une situation conforme au droit d'ici au 2 décembre 2022, en procédant à 31 actes décrits en détail dans son courrier. Les actes précités étaient numérotés. Ils consistaient en la suppression et/ou l'évacuation des éléments suivants, clairement identifiés dans le courrier: un chalet de week-end (cuisine), deux couverts, sept clôtures, des éléments décoratifs (puits, pressoir), une volière, un bâtiment en bois et un container (chèvrerie), un mobile home, une cabane et un container de chantier (paons), un chalet (chèvres, chevaux et ânes), un stockage de tuiles, un stockage d'échafaudages, un stationnement de véhicules (GEN Échafaudage), deux roulottes, un container en métal, deux cabanons de jardin, deux portails et un potager de 200 m 2. S'y ajoutait la remise en état du terrain naturel dans son intégralité. Dans le même délai, il était aussi ordonné de fournir un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de la suppression des éléments litigieux. Le Département a indiqué que la réalisation des éléments énumérés ci-dessus était soumise à l'obtention d'une autorisation de construire en vertu de l'art. 1 LCI; toutefois, compte tenu de la situation de la parcelle hors zone à bâtir et partiellement en zone d'assolement, le dépôt d'une telle requête serait inutile, de sorte que les éléments litigieux ne pouvaient être maintenus en l'état.
Par jugement du 11 mai 2023, le TAPI a rejeté le recours formé par l'intéressée contre la décision du 9 septembre 2022. Par arrêt du 10 octobre 2023, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours déposé contre le jugement du 11 mai 2023.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 10 octobre 2023, d'annuler les points 1, 5, 6, 7, 9, 10, 13 à 18, 20 à 22, 24, 28 à 30 de la décision du 9 septembre 2022 et de dire que les installations faisant l'objet de ces points doivent rester en l'état ainsi que d'ordonner au Département de renoncer à prendre des mesures à l'égard des constructions se trouvant sur la parcelle. Elle sollicite aussi une dispense d'avance de frais.
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département conclut au rejet du recours. L'Office fédéral du développement territorial considère que l'arrêt attaqué ne prête pas le flanc à la critique et renonce à se déterminer. La recourante réplique.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF) et déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a pris part à la procédure devant la Cour de justice. En tant que destinataire de l'ordre de remise en état, elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué et peut ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit annulée (art. 89 al. 1 LTF).
Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il y a en principe lieu d'entrer en matière sur le recours.
2.
A teneur de l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, le recours adressé au Tribunal fédéral doit être motivé (al. 1); les motifs doivent exposer succinctement en quoi la décision attaquée viole le droit (al. 2). La recourante doit discuter les motifs de cette décision et indiquer précisément en quoi elle estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 III 364 consid. 2.4).
Les griefs de violation des droits fondamentaux sont en outre soumis à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF), la recourante devant alors citer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 148 I 127 consid. 4.3).
3.
Il n'est pas contesté que les objets litigieux sont situés en zone agricole, dans une surface d'assolement et qu'ils ont été érigés sans autorisation du Département. La recourante estime toutefois qu'elle aurait dû être mise au bénéfice d'une autorisation dérogatoire fondée sur l'art. 24e de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700). Elle se plaint d'une violation de l'art. 24e LAT et des art. 42 et 42b al. 5 de l'ordonnance du 28 juin 2000 sur l'aménagement du territoire (OAT; RS 700.1).
3.1. Pour qu'une autorisation hors de la zone à bâtir soit délivrée, la construction ou l'installation doit être conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT), ou alternativement remplir les conditions des exceptions prévues aux art. 24 ss LAT.
En vertu de l'art. 24e LAT, en vigueur dès le 1 er mai 2014, des travaux de transformation sont autorisés dans les bâtiments et les parties de bâtiments inhabités et conservés dans leur substance s'ils permettent aux personnes qui habitent à proximité d'y détenir des animaux à titre de loisir dans des conditions respectueuses (al. 1). Dans le cadre de l'al. 1, de nouvelles installations extérieures sont autorisées à certaines conditions précisées dans cette disposition, notamment la détention convenable des animaux (al. 2). Cette norme est complétée par l'art. 42b OAT dont l'al. 1 dispose que la transformation destinée à la détention d'animaux à titre de loisir est assimilée à un agrandissement de l'utilisation à des fins d'habitation du bâtiment d'habitation situé à proximité.
L'arrêt attaqué expose de manière correcte la doctrine et les principes jurisprudentiels applicables en l'espèce. Il suffit d'y renvoyer (art. 109 al. 3 LTF).
3.2. En l'espèce, la Cour de justice a expliqué pourquoi la recourante ne pouvait pas être mise au bénéfice d'une autorisation dérogatoire fondée sur l'art. 24e LAT. Elle a relevé que, d'une part, les objets litigieux, notamment des containers, cabanons de jardin et roulottes, ne constituaient, à l'évidence, pas un bâtiment - ou partie de bâtiment - existant pouvant être sujet à des travaux de transformation au sens de l'art. 24e LAT, ce d'autant moins qu'ils n'avaient jamais été autorisés.
D'autre part, l'instance précédente a rappelé que la recourante habitait actuellement au Lignon tandis que sa parcelle se trouvait à Plan-les-Ouates; dans ces circonstances, vu l'éloignement entre le logement actuel de la recourante et la parcelle en cause, l'hypothèse prévue à l'art. 42b al. 1 OAT, assimilant la transformation destinée à la détention d'animaux à titre de loisir à un agrandissement de l'utilisation du bâtiment d'habitation situé à proximité, ne trouvait pas application. Le fait qu'une telle proximité ait pu exister dans le passé était sans incidence sur le présent litige, faute d'autorisation accordée à ce titre.
La recourante ne répond pas à cette argumentation et se contente d'affirmer sommairement que la Cour de justice aurait violé les art. 24e LAT et 42 et 42b al. 5 OAT, sans expliquer pourquoi. Faute de satisfaire aux exigences de motivation (art. 42 al. 2 LTF), le grief est irrecevable.
4.
La recourante fait valoir qu'en ordonnant la suppression et l'évacuation des objets litigieux de la parcelle, la cour cantonale aurait violé les art. 4, 6, 7, 10, 33, 34, 36, 55, 56, 59 et 60 de l'ordonnance sur la protection des animaux du 23 avril 2008 (OPAn; RS 455.1) en lien avec les conditions de détention des animaux, leur alimentation et leur hydratation. Elle affirme que les abris auraient été approuvés par le Service de la consommation et des affaires vétérinaires (SCAV). La recourante se plaint aussi sommairement à cet égard d'une violation du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.).
La Cour de justice a retenu à cet égard que les injonctions du Service de la consommation et des affaires vétérinaires avaient trait à la protection des animaux (prise certes en compte par l'art. 24e LAT), sans toutefois que cela ne change rien à la compétence du Département en matière d'autorisation de construire (art. 1 et 2 LCI); il n'y avait ainsi pas de contradiction entre les ordres émanant de ces deux autorités, l'une veillant au bien-être des animaux et l'autre à la mise en oeuvre des règles visant une utilisation judicieuse et mesurée du sol (art. 75 al. 1 Cst.); le déplacement des animaux dans une autre parcelle adaptée semblait en outre être envisageable compte tenu du projet associatif et des démarches y relatives des autorités communales et cantonales, cités par la recourante.
A nouveau, la recourante ne répond pas à cette argumentation et se borne à affirmer que si de telles mesures devaient être exécutées, les animaux seraient privés d'abris, ne pourraient plus ni se nourrir ni s'hydrater à leur guise. Elle affirme encore que la suppression de l'intégralité des cabanons installés depuis plus de 30 ans sans se préoccuper des animaux qui se trouvent sur la parcelle serait disproportionnée. Insuffisamment motivée, cette critique doit être déclarée irrecevable.
5.
La recourante reproche aussi à la Cour de justice de ne pas avoir exigé une coordination des deux services (OAC et SCAV). Elle fait grief à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 25a LAT et le principe de coordination.
Le principe de coordination au sens de l'art. 25a LAT a cependant été conçu pour être mis en oeuvre au stade de l'autorisation de construire et de la procédure des plans d'affectation (arrêt 1C_67/2018 du 4 mars 2019 consid. 5.1, in: DEP 2019 p. 348). Le principe de coordination ne saurait dès lors s'appliquer à une décision de remise en état comme en l'espèce. Le grief doit être rejeté.
6.
La recourante se prévaut enfin d'une violation des principes de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.) et de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Elle relève que le Département tolérerait que de nombreuses autres parcelles sises en zone agricole aient des cabanons, des roulottes, des portails et autres objets en leur sein.
La Cour de justice a considéré qu'outre l'absence d'une pratique constante selon laquelle le Département ne veillerait plus à faire respecter les règles applicables à la zone agricole, celui-ci expliquait, à nouveau, qu'il avait pris note des informations qui lui avaient été communiquées par la recourante et qu'il procédera aux vérifications utiles à ce sujet.
La recourante n'apporte aucun élément permettant de renverser cette argumentation. Partant, son grief doit être déclaré irrecevable (art. 106 al. 2 LTF).
7.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, qui s'avère manifestement infondé, dans la mesure de sa recevabilité, selon la procédure simplifiée de l'art. 109 LTF.
Il est renoncé, à titre exceptionnel, à prélever des frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, au Département du territoire, à la Cour de justice du canton de Genève (Chambre administrative), et à l'Office fédéral du développement territorial.
Lausanne, le 9 octobre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Tornay Schaller