4A_152/2024 23.10.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_152/2024
Arrêt du 23 octobre 2024
I
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, juge présidant, Hohl et May Canellas.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
A.________ Limited,
représentée par Mes Matthias Scherer, Sandrine Giroud, Nicolas Ollivier, Laura Azaria et Alexandre Schwab, avocats,
recourante,
contre
B.________ Limited,
représentée par Mes Aurélie Conrad Hari et Loïc Vuilliomenet, avocats,
intimée,
C.________,
représenté par Mes Anne-Catherine Hahn et Felix Buff, avocats,
partie intéressée.
Objet
arbitrage international,
recours contre la sentence partielle rendue le 5 février 2024 par un Tribunal arbitral avec siège à Zurich (Swiss Arbitration Centre n. 600647-2021).
Faits :
A.
A.a. Jusqu'en octobre 2020, la société émiratie A.________ Limited (ci-après: A.________) et B.________ Limited (ci-après: B.________), une société holding ayant son siège aux Îles Vierges britanniques, possédaient chacune la moitié du capital-actions de D.________ (ci-après: D.________), société sise aux Îles Vierges britanniques, dont l'activité commerciale consistait notamment à fournir du carburant pour des avions à réaction sur la base de différents accords conclus avec le Département américain de la Défense. D.________ détenait elle-même plusieurs entités, à savoir E.________ (ci-après: E.________), F.________ Limited (ci-après: F.________) ainsi que la société de droit suisse G.________ SA (ci-après: G.________).
Le 12 octobre 2020, A.________ et B.________ ont conclu un contrat intitulé "Purchase Agreement" (ci-après: le contrat d'achat) en vertu duquel la seconde a cédé à la première ses parts du capital de D.________, raison pour laquelle A.________ est devenue l'actionnaire unique de ladite société.
S'agissant du prix d'achat des titres, les parties l'ont arrêté en combinant un montant fixe total de 40'950'000 dollars américains (USD) avec des paiements complémentaires variables dépendant des résultats futurs de D.________ et de deux sociétés contrôlées par elles (E.________ et F.________), c'est-à-dire avec une méthode d'intéressement plus connue sous le terme anglais d' earn out, lequel sera utilisé ci-après (au sujet de l' earn out ou clause de complément de prix, cf. arrêt 4A_56/2017 du 11 janvier 2018 let. A et les références citées). La procédure à suivre pour calculer le montant de l' earn out était réglée à l'art. 2.4 (b) du contrat d'achat. A.________ devait notamment remettre périodiquement à B.________, au plus tard 45 jours après le dernier jour de chaque période de calcul, fixée en trimestres, une déclaration de calcul de l' earn out ("Earn-out Calculation Statement") contenant un calcul raisonnablement détaillé des bénéfices ou pertes nets de F.________ et E.________ au cours de la période considérée et le montant dû au titre de l' earn out (art. 2.4 [b] [i] du contrat d'achat). B.________ pouvait contester la déclaration de calcul de l' earn out dans les 40 jours. En cas de désaccord persistant entre les parties, chacune d'elles pouvait soumettre le calcul des montants dus au titre de l' earn out à un expert comptable indépendant ("Independant Accounting Firm"; art. 2.4 [b] [iii] du contrat d'achat).
L'art. 3 du contrat d'achat réglait les déclarations et garanties faites, respectivement données par B.________ ("representations and warranties of the Seller"). La clause 3.5 (a) dudit contrat avait la teneur suivante:
"The Seller hereby represents and warrants to the Purchaser that as of the date of this Agreement the statements set forth in this Article 3 are true and correct:
3.5 Compliance with Laws.
(a) Seller is in compliance in all material respects and has complied in all material respects with all Laws, including the Relevant Tax Laws, that are applicable to it and that materially affect the conduct of the Business or the ownership or use of any of the Acquired Companies' respective properties or assets. Seller has not received any notice that any violation of the foregoing is being or may be alleged by any Governmental Authority."
Toujours en date du 12 octobre 2020, B.________, A.________, le fondateur de cette dernière H.________, ainsi que C.________ - en tant que garant de B.________ ("Seller Guarantor") - ont signé une convention (ci-après: la Guaranty), en vertu de laquelle les deux hommes se sont mutuellement porté garants, à titre individuel, des obligations incombant aux deux sociétés précitées en vertu du contrat d'achat. Selon les termes de l'art. 1.5 de la Guaranty, les déclarations et garanties prévues à l'art. 3.5 du contrat d'achat valaient également pour C.________, comme si celui-ci était lui aussi personnellement partie au contrat d'achat.
A.b. Le 5 novembre 2020, les bureaux et résidences de divers individus - qui selon A.________ étaient liés à C.________ - ont été perquisitionnés par les autorités britanniques à la demande du Département américain de la justice ("U.S. Department of Justice [DoJ]").
Le 23 avril 2021, A.________ a reçu une copie des notifications officielles adressées par l'Administration fédérale des contributions de la Confédération suisse (AFC) à un établissement bancaire situé en Suisse. Les documents en question indiquaient que l'AFC avait reçu une demande d'information de la part du DoJ au sujet de C.________ en lien avec les sociétés F.________ et G.________, ce qui avait conduit l'autorité fiscale suisse à ordonner aux banques helvétiques de lui fournir des renseignements à ce sujet.
B.
Le 21 juillet 2021, B.________, se fondant sur la clause d'arbitrage insérée dans le contrat d'achat, a initié une procédure d'arbitrage à l'encontre de A.________. Elle a notamment réclamé le paiement de divers montants au titre de l' earn out et conclu à ce qu'ordre soit donné à la défenderesse de lui remettre plusieurs déclarations de calcul de l' earn out.
Un Tribunal arbitral de trois membres a été constitué, conformément au Règlement suisse d'arbitrage international, sous l'égide du Swiss Arbitration Centre, et son siège fixé à Zurich.
A.________ a proposé le déboutement intégral de son adversaire. Elle a présenté simultanément une requête d'appel en cause visant C.________. Elle a également formé une demande reconventionnelle, concluant à ce que la demanderesse et C.________ soient solidairement condamnés au remboursement du prix d'achat déjà versé sur la base du contrat d'achat qu'elle avait déclaré invalider au cours de la procédure d'arbitrage. Elle a en outre pris une conclusion tendant au paiement solidaire, par B.________ et C.________, de dommages-intérêts. La défenderesse reprochait notamment à ses adversaires d'avoir enfreint l'art. 3.5 du contrat d'achat ainsi que l'art. 1.5 de la Guaranty en raison du non-respect de leurs obligations fiscales respectives.
C.________ a été admis à la procédure d'arbitrage en tant que partie additionnelle le 5 novembre 2021.
Le 22 septembre 2023, la défenderesse a retiré ses conclusions reconventionnelles.
Le Tribunal arbitral a tenu une audience le 26 septembre 2023. Au cours de celle-ci, les parties sont convenues que les arbitres rendraient dans un premier temps une sentence partielle sur les prétentions qui étaient en état d'être jugées et que les autres points litigieux seraient réglés ultérieurement une fois qu'elles auraient initié la procédure prévue par l'art. 2.4 (b) (iii) du contrat d'achat auprès d'un comptable indépendant ("... the Parties agreed that the Arbitral Tribunal should decide on the claims that were ripe for decision and that there should be a stay of the arbitral proceedings for any remaining issues that may arise after the Parties have entered into the reviewing process before the Independent Expert..."; sentence, n. 56).
Le 24 janvier 2024, A.________ a informé le Tribunal arbitral qu'une plainte pénale avait été déposée en Suisse à l'encontre de C.________ et d'autres individus, raison pour laquelle elle a demandé au Tribunal arbitral de s'abstenir de rendre une sentence.
Le 29 janvier 2024, le Tribunal arbitral a répondu qu'il ne voyait aucune raison de surseoir à statuer.
Le 1er février 2024, A.________ a demandé au Tribunal arbitral de lui indiquer les prétentions qu'il estimait prêtes à être tranchées par voie de sentence partielle.
Le 5 février 2024, le Tribunal arbitral a indiqué qu'il n'y avait pas lieu d'accéder à cette requête.
Le même jour, les arbitres ont rendu leur sentence partielle. Le dispositif de cette décision énonce notamment ce qui suit (n. 285) :
"285. In view of the above, the Arbitral Tribunal issues the following
PARTIAL AWARD
1. Claimant's prayer for relief no. i is granted and the Arbitral Tribunal declares that Respondent's rescission of the Purchase Agreement is invalid and without effect.
2. Claimant's prayer for relief no. ii is granted and the Arbitral Tribunal declares that the Purchase Agreement is valid.
3. Claimant's prayer for relief no. iii is granted and Respondent is ordered to pay to Claimant a Swiss Francs amount equivalent to USD 3,379,841.96, including interest at a rate of 5% p.a. from 6 March 2021, as well as a Swiss Francs amount equivalent to USD 1,472,294.11, plus interest calculated at a rate of 5% p.a. from 22 April 2021, with all U.S. dollar amounts to be converted into Swiss Francs at the spot exchange rate quoted by Respondent's bank at the moment and on the day that such payment is made.
4. Claimant's prayer for relief no. iv is granted and Respondent is ordered to provide to Claimant the final version of the Earn-out Calculation Statements for the Subsequent E.________ Periods which ended on 30 September 2022, 31 December 2022, 31 March 2023 and 30 June 2023, within 20 days after the service of this Partial Award.
5. Claimant's prayer for relief no. v is partially granted and Respondent is ordered to provide to Claimant the Earn-out Calculation Statements for the Subsequent E.________ Calculation Periods which ended on 30 September 2023 and 31 December 2023, within 20 days after the service of this Partial Award. Prayer for relief no. (v) is dismissed with regard to any further Earn-out Calculation Statements becoming due in the future.
6. Claimant's prayer for relief no. vi is granted and Respondent is ordered to provide to Claimant the final version of the Earn-out Calculation Statements for the Subsequent F.________ Periods which ended on 30 September 2022 and 31 December 2022, 31 March 2023 and 30 June 2023, within 20 days after the service of this Partial Award.
7. Claimant's prayer for relief no. vii is granted and Respondent is ordered to provide to Claimant the Earn-out Calculation Statements for the Subsequent F.________ Calculation Periods which ended on 30 September 2023 and 31 December 2023, within 20 days after the service of this Partial Award.
(...)
15. AII counterclaims against Claimant and the Additional Party are dismissed due to Respondent's withdrawal of all counterclaims.
(...) ".
Les motifs qui étayent cette décision seront exposés plus loin dans la mesure utile à la compréhension des griefs dont celle-ci est la cible.
C.
Le 11 mars 2024, A.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile, assorti d'une demande d'effet suspensif, aux fins d'obtenir l'annulation partielle de ladite sentence, plus précisément des chiffres 3, 4, 5 (première phrase), 6, 7, 15 ainsi que 17 à 20 (répartition des frais et dépens de la procédure arbitrale) de son dispositif.
Par ordonnance présidentielle du 29 avril 2024, la recourante a été invitée à verser, jusqu'au 20 mai 2024, à la Caisse du Tribunal fédéral, le montant de 70'000 fr., suite au dépôt de deux requêtes de sûretés en garantie des dépens présentées par B.________ (ci-après: l'intimée) et C.________ (ci-après: la partie intéressée). Elle s'est exécutée en temps utile.
En tête de sa réponse, l'intimée a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité et proposé le rejet de la requête d'effet suspensif.
La partie intéressée a pris des conclusions similaires.
Le Tribunal arbitral a déposé des observations visant à démontrer le caractère infondé du recours.
La recourante a répliqué spontanément, suscitant le dépôt d'une duplique de la part de l'intimée.
La demande d'effet suspensif a été rejetée le 25 juillet 2024, l'ordonnance présidentielle ayant octroyé partiellement l'effet suspensif au recours à titre superprovisoire étant simultanément révoquée.
Considérant en droit :
1.
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles se sont servies qui du français (la recourante et l'intimée), qui de l'allemand (la partie intéressée). Dès lors, le présent arrêt sera rendu dans la langue du recours, conformément à l'usage.
2.
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 LTF.
En l'espèce, le siège de l'arbitrage a été fixé à Zurich. Ni la recourante ni l'intimée n'avaient leur siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
3.
Le recours en matière civile visé par l'art. 77 al. 1 let. a LTF en liaison avec les art. 190 à 192 LDIP n'est recevable qu'à l'encontre d'une sentence. L'acte attaquable peut être une sentence finale, qui met un terme à l'instance arbitrale pour un motif de fond ou de procédure, une sentence partielle, qui porte sur une partie quantitativement limitée d'une prétention litigieuse ou sur l'une des diverses prétentions en cause ou encore qui met fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (ATF 143 III 462 consid. 2.1; arrêt 4A_222/2015 du 28 janvier 2016 consid. 3.1.1), voire une sentence préjudicielle ou incidente, qui règle une ou plusieurs questions préalables de fond ou de procédure (sur ces notions, cf. l'ATF 130 III 755 consid. 1.2.1). En revanche, une simple ordonnance de procédure pouvant être modifiée ou rapportée en cours d'instance n'est pas susceptible de recours (ATF 143 III 462 consid. 2.1).
En l'occurrence, le Tribunal arbitral a tranché diverses prétentions en cause dans la décision attaquée. Il s'agit dès lors d'une sentence partielle.
4.
4.1. Le recours en matière d'arbitrage international ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP. Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs qui ont été invoqués et motivés conformément à l'art. 77 al. 3 LTF. Cette disposition institue le principe d'allégation ( Rügeprinzip) et consacre une obligation analogue à celle que prévoit l'art. 106 al. 2 LTF pour le grief tiré de la violation de droits fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal (ATF 134 III 186 consid. 5). Les exigences de motivation du recours en matière d'arbitrage sont accrues. La partie recourante doit donc invoquer l'un des motifs de recours énoncés limitativement et montrer par une argumentation précise, en partant de la sentence attaquée, en quoi le motif invoqué justifie l'admission du recours (arrêt 4A_244/2023 du 3 avril 2024 consid. 4.1 destiné à la publication et les références citées). Les critiques appellatoires sont irrecevables (arrêt 4A_65/2018 du 11 décembre 2018 consid. 2.2).
4.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 2.4; 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3 et les références citées).
La mission du Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_140/2022 du 22 août 2022 consid. 4.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les références citées).
5.
Dans un premier moyen divisé en plusieurs branches, la recourante, invoquant l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, reproche au Tribunal arbitral d'avoir violé son droit d'être entendue à divers titres.
5.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, permet à chaque partie de s'exprimer sur les faits essentiels pour la décision, de présenter son argumentation juridique, de proposer ses moyens de preuve sur des faits pertinents et de prendre part aux séances du tribunal arbitral. S'agissant du droit de faire administrer des preuves, il faut qu'il ait été exercé en temps utile et selon les règles de forme applicables (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1). Le tribunal arbitral peut refuser d'administrer une preuve, sans violer le droit d'être entendu, si le moyen de preuve est inapte à fonder une conviction, si le fait à prouver est déjà établi, s'il est sans pertinence ou encore si le tribunal, en procédant à une appréciation anticipée des preuves, parvient à la conclusion que sa conviction est déjà faite et que le résultat de la mesure probatoire sollicitée ne peut plus la modifier (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1).
La jurisprudence a également déduit du droit d'être entendu un devoir minimum pour le tribunal arbitral d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la sentence à rendre. Il incombe à la partie soi-disant lésée de démontrer, dans son recours dirigé contre la sentence, en quoi une inadvertance des arbitres l'a empêchée de se faire entendre sur un point important. C'est à elle d'établir, d'une part, que le tribunal arbitral n'a pas examiné certains des éléments de fait, de preuve ou de droit qu'elle avait régulièrement avancés à l'appui de ses conclusions et, d'autre part, que ces éléments étaient de nature à influer sur le sort du litige (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 et 4.1.3; arrêt 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 3.2.1). Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il appartiendra de justifier cette omission dans leurs observations sur le recours (ATF 133 III 235 consid. 5.2; arrêts 4A_618/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.2; 4A_478/2017, précité, consid. 3.2.1). Cependant, les arbitres n'ont pas l'obligation de discuter tous les arguments invoqués par les parties, de sorte qu'il ne peut leur être reproché, au titre de la violation du droit d'être entendu en procédure contradictoire, de n'avoir pas réfuté, même implicitement, un moyen objectivement dénué de toute pertinence (ATF 133 III 235 consid. 5.2; arrêt 4A_692/2016 du 20 avril 2017 consid. 5.2).
C'est le lieu de rappeler que le grief tiré de la violation du droit d'être entendu ne doit pas servir, pour la partie qui se plaint de vices affectant la motivation de la sentence, à provoquer par ce biais un examen de l'application du droit de fond (ATF 142 III 360 consid. 4.1.2).
Selon la jurisprudence, la partie qui s'estime victime d'une violation de son droit d'être entendue ou d'un autre vice de procédure doit l'invoquer d'emblée dans la procédure arbitrale, sous peine de forclusion (arrêts 4A_332/2021 du 6 mai 2022; 4A_668/2016 du 24 juillet 2017 consid. 3.1). Depuis le 1er janvier 2021 (RO 2020 4181), l'art. 182 al. 4 LDIP prévoit expressément qu'une partie qui poursuit la procédure d'arbitrage sans faire valoir immédiatement une violation des règles de procédure qu'elle a constatée ou qu'elle aurait pu constater en faisant preuve de la diligence requise ne peut plus se prévaloir de cette violation ultérieurement.
5.2.
5.2.1. En premier lieu, la recourante reproche au Tribunal arbitral d'avoir refusé d'admettre les preuves régulièrement offertes par elle visant à démontrer qu'elle avait spontanément remis à l'intimée, postérieurement à l'audience tenue le 26 septembre 2023, les déclarations de calcul de l' earn out concernant les sociétés E.________ et F.________ pour la période comprise entre le 1er juillet 2022 et le 30 septembre 2023 (ci-après: les Documents pour Q3 2022 à Q3 2023). A cet égard, elle fait valoir que la production desdits documents avait été débattue au cours de l'audience du 26 septembre 2023. Selon la recourante, le Tribunal arbitral avait accepté qu'elle puisse produire ultérieurement les documents en question. Pourtant, de l'avis de la recourante, il a refusé après coup, à deux reprises et sans raison valable, d'admettre les preuves offertes par elle en vue de démontrer qu'elle avait remis à l'intimée les Documents pour Q3 2022 à Q3 2023. D'après la recourante, les preuves concernées étaient de nature à influer sur le sort du litige, puisque les arbitres, après avoir refusé leur production, l'ont condamnée, sous chiffres 4 à 7 du dispositif de leur sentence, à remettre à l'intimée les Documents pour Q3 2022 à Q3 2023 qui lui avaient déjà été transmis auparavant. La recourante estime qu'elle possède un intérêt digne de protection à l'annulation des chiffres 4 à 7 du dispositif de la sentence querellée, étant donné que ceux-ci créent une insécurité juridique et qu'ils ont occasionné des coûts inutiles qui ont été mis injustement à sa charge.
5.2.2. Selon l'art. 76 al. 1 let. b LTF, la partie recourante doit, notamment, avoir un intérêt digne de protection à l'annulation de la décision attaquée. L'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à son auteur, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 137 II 40 consid. 2.3). L'intérêt doit être actuel, c'est-à-dire qu'il doit exister non seulement au moment du dépôt du recours, mais encore au moment où l'arrêt est rendu (ATF 137 I 296 consid. 4.2; 137 II 40 consid. 2.1). Le Tribunal fédéral déclare le recours irrecevable lorsque l'intérêt digne de protection fait défaut au moment du dépôt du recours. En revanche, si cet intérêt disparaît en cours de procédure, le recours devient sans objet (ATF 137 I 23 consid. 1.3.1 et les références citées).
5.2.3. La recourante prétend qu'elle dispose d'un intérêt digne de protection à l'annulation des chiffres 4 à 7 du dispositif de la sentence querellée en tant qu'ils la condamnent à remettre à l'intimée les Documents pour Q3 2022 à Q3 2023.
Quoi que soutienne la recourante, les explications fournies par elle ne permettent pas d'établir qu'elle posséderait toujours un intérêt actuel à l'annulation des chiffres 4 à 7 de la décision entreprise. Dans sa réponse au recours, l'intimée a reconnu avoir reçu les Documents pour Q3 2022 à Q3 2023. Les injonctions à l'adresse de la recourante formulées par le Tribunal arbitral, sous ch. 4 à 7 du dispositif de sa sentence, se révèlent dès lors sans objet en tant qu'ils concernent les Documents pour Q3 2022 à Q3 2023. Conclure à l'annulation des chiffres 4 à 7 du dispositif de la décision querellée, pour l'unique raison qu'ils condamnent la recourante à remettre les Documents pour Q3 2022 à Q3 2023 à l'intimée - documents que celle-ci reconnaît avoir reçus avant le prononcé de ladite sentence - ne répond en effet à aucun intérêt actuel. La Cour de céans ne discerne ainsi pas quelle utilité pratique présenterait l'admission du grief considéré pour la recourante.
La recourante ne peut pas davantage être suivie lorsqu'elle fait valoir que la prétendue violation de son droit d'être entendue a eu une incidence sur le sort des frais de la procédure arbitrale mis à sa charge. Sous n. 278 de sa sentence, le Tribunal arbitral a en effet considéré ce qui suit:
"Considering the fact that Claimant was awarded the amounts it claimed in full, while some of its further requests for relief were dismissed, and further considering that the counterclaims considerably exceeded the main claims not only regarding their amount, but also as to the volume of pleadings and evidence presented and the resulting work for the Arbitral Tribunal and the Parties, and were subsequently withdrawn in full, the Arbitral Tribunal finds that it is appropriate for Respondent to carry 95% of the fees and expenses of the Arbitral Tribunal while Claimant has to bear 5% of these costs. This allocation also applies to the Parties' legal and other costs, with the exception of the expert costs claimed by Respondent...".
Le passage précité démontre que l'admission de certaines conclusions prises par l'intimée tendant à ce qu'ordre soit donné à son adversaire de produire diverses déclarations de calcul de l' earn out n'a pas exercé d'influence décisive sur la clé de répartition des frais et dépens retenue par les arbitres. Mais il y a plus. Dans ses observations sur le recours, le Tribunal arbitral expose en effet de façon convaincante que, dans l'hypothèse où il aurait admis la production des documents litigieux peu de temps avant la reddition de la sentence, cela n'aurait eu aucune incidence sur le sort des frais et dépens, étant donné que la recourante avait refusé de les fournir auparavant, ce qui avait contraint l'intimée à maintenir ses conclusions. De plus, dans cette hypothèse-là, il n'aurait pas considéré que l'intimée avait succombé, mais plutôt jugé comme sans objet les conclusions visées par les chiffres IV à VII du dispositif de sa sentence, en tant qu'ils concernaient les Documents pour Q3 2022 à Q3 2023.
Au vu de ce qui précède, le moyen considéré ne peut qu'être rejeté dans la mesure où il ne se révèle pas sans objet, respectivement irrecevable.
5.3.
5.3.1. En deuxième lieu, la recourante fait grief au Tribunal arbitral d'avoir refusé d'entendre les parties au sujet de l'impact sur le présent litige de la procédure pénale ouverte en Suisse à l'encontre de la partie intéressée. Elle rappelle avoir avisé les arbitres, par courrier du 24 janvier 2024, qu'une plainte pénale avait été déposée auprès du Ministère public de la Confédération contre la partie intéressée et d'autres individus. Dans le pli en question, elle avait prié le Tribunal arbitral de ne pas rendre de sentence vu les implications importantes de la procédure pénale sur les prétentions litigieuses, requête que ledit Tribunal a rejeté sans motifs le 29 janvier 2024. La recourante souligne qu'elle a renouvelé cette demande le 1er février 2024 et a invité les arbitres à lui préciser quelles prétentions ils estimaient prêtes à être tranchées ("ripe for decision"). Or, selon la recourante, le Tribunal arbitral a refusé de donner suite à cette requête le 5 février 2024, sans fournir le moindre motif pour justifier sa décision.
5.3.2. Tel qu'il est présenté, le grief ne saurait prospérer.
Sous le couvert d'une prétendue atteinte à son droit d'être entendue, la recourante se plaint, en réalité, de ce que le Tribunal arbitral a rejeté certaines requêtes procédurales formulées par elle et tente, par une voie détournée, de remettre en question le bien-fondé des décisions procédurales en question, ce qui n'est pas admissible.
Quoi qu'il en soit, la Cour de céans ne discerne pas de trace d'une violation du droit d'être entendu de la recourante. Par courrier du 29 janvier 2024, cette dernière a certes informé le Tribunal arbitral qu'une plainte pénale avait été déposée en Suisse à l'encontre de la partie intéressée et d'autres individus pour blanchiment d'argent aggravé, gestion déloyale, faux témoignage dans le cadre du présent arbitrage ainsi que d'autres infractions pénales non spécifiées. Elle n'a toutefois fourni aucune preuve étayant semblable allégation, ni fourni de précisions quant à la date du dépôt de la plainte en question, ni exposé clairement en quoi cette procédure pénale était susceptible d'influer sur le sort du procès arbitral. La recourante n'a pas davantage expliqué pour quelle raison elle avait fait état de cet élément à un stade aussi avancé de la procédure d'arbitrage. Dans ces circonstances, le Tribunal arbitral pouvait légitimement considérer qu'il n'y avait pas de raison d'accéder à la requête de la recourante tendant à différer le prononcé de la sentence attaquée, sans qu'il soit nécessaire d'offrir aux parties la possibilité de se déterminer plus avant sur cette question. Autrement dit, il apparaît que le Tribunal arbitral a visiblement considéré, à tout le moins de manière implicite, que les explications fournies par la recourante au sujet des investigations pénales en cours visant notamment la partie intéressée ne suffisaient pas à établir que celles-ci pouvaient affecter le sort de la procédure d'arbitrage. Que cette appréciation soit fondée ou non importe peu sous l'angle du moyen pris de la violation du droit d'être entendu.
Le 1er février 2024, la recourante s'est une nouvelle fois adressée au Tribunal arbitral afin qu'il lui indique quelles prétentions il jugeait en état d'être tranchées, sous prétexte que la réponse à cette question était devenue cruciale en raison des investigations pénales en cours visant la partie intéressée. Le Tribunal arbitral ne partageait manifestement pas l'avis de la recourante, raison pour laquelle il a refusé de donner suite à cette requête le 5 février 2024. Quoi qu'il en soit, la recourante n'est pas crédible lorsqu'elle prétend, en substance, qu'elle n'était pas en mesure de déterminer quelles prétentions le Tribunal arbitral allait trancher dans sa sentence partielle. Les parties avaient en effet débattu de cette question lors de l'audience tenue le 26 septembre 2023 et il avait été convenu que le Tribunal arbitral statuerait sur les prétentions "en état d'être jugées" ("ripe for decision"). Or, elles n'ont jamais soutenu, dans les jours et les semaines qui ont suivi cette audience, que la notion de "prétentions en état d'être jugées" était floue ou nécessitait certains éclaircissements de la part du Tribunal arbitral. Au lieu d'interpeller immédiatement celui-ci si réellement elle nourrissait le moindre doute à ce propos, la recourante a attendu plus de quatre mois, soit le 1er février 2024, pour venir affirmer que les parties ne savaient pas quelles prétentions étaient en état d'être tranchées. Une réaction aussi tardive n'apparaît guère compatible avec les règles de la bonne foi, ce d'autant que la recourante n'a pas expliqué pourquoi, dans l'hypothèse où elle n'aurait effectivement pas réussi à déterminer quelles prétentions étaient en état d'être jugées à l'issue de l'audience tenue le 26 septembre 2023, elle n'avait pas interpellé plus rapidement le Tribunal arbitral à cet égard. Dans ces circonstances, on ne saurait reprocher aux arbitres de ne pas avoir indiqué à la recourante, en réponse à son courrier du 1er février 2024, c'est-à-dire 4 jours avant la reddition de la sentence entreprise, quels points il allait régler dans le cadre de cette décision. Bien qu'elle affirme le contraire, il apparaît, en réalité, que la recourante avait parfaitement réussi à identifier les prétentions que le Tribunal arbitral entendait trancher dans la sentence attaquée, raison pour laquelle la recourante, dans son courrier du 1er février 2024, a tenté, en vain, d'inciter les arbitres à ne pas statuer sur certains aspects du litige.
5.4.
5.4.1. En troisième et dernier lieu, la recourante reproche au Tribunal arbitral d'avoir omis de prendre en considération des preuves importantes établissant que l'intimée fait partie d'une structure mise en place par la partie intéressée dans le but de pouvoir frauder les autorités fiscales américaines. À cet égard, elle fait valoir que diverses pièces figurant au dossier de la cause démontrent que la partie intéressée a dissimulé sa qualité d'ayant droit économique de l'intimée, en commettant des infractions pénales et en faisant de fausses déclarations au sujet de sa situation fiscale au moment de la conclusion du contrat d'achat. Selon la recourante, la partie intéressée ne respectait pas ses obligations fiscales lors de la signature dudit contrat et savait, respectivement aurait dû savoir que l'autorité fiscale américaine ("Internal Revenue Service" [IRS]) risquait de prononcer des sanctions à son encontre. Se référant notamment à la demande d'entraide de l'IRS du 23 mars 2021, produite comme pièce R-19 dans la procédure d'arbitrage, la recourante relève que la partie intéressée s'est dénoncée volontairement auprès de ladite autorité, en octobre 2016, en vue de régulariser sa situation. Elle souligne également que l'IRS considère que la partie intéressée n'a pas déclaré tous ses revenus depuis 2016, notamment ses intérêts financiers dans les sociétés E.________ et F.________. La recourante ajoute que ces faits sont corroborés par d'autres pièces du dossier de l'arbitrage. Elle fait valoir que le Tribunal arbitral a considéré, à tort, qu'il ne disposait pas des éléments de preuve nécessaires permettant de retenir que l'intimée et la partie intéressée avaient enfreint l'art. 3.5 du contrat d'achat et l'art. 1.5 de la Guaranty. Sur ce point, elle soutient que les arbitres ont retenu, de manière erronée, que toutes les preuves pertinentes figurant au dossier avaient été exclues de celui ci lorsqu'elle avait retiré ses prétentions reconventionnelles. Elle prétend en outre que le Tribunal arbitral aurait dû examiner attentivement les pièces qui demeuraient au dossier, puisqu'il avait été informé de l'existence d'une plainte pénale déposée contre la partie intéressée et d'autres individus, notamment pour cause de prétendus faux témoignages intervenus dans le cadre de la procédure d'arbitrage. Selon la recourante, le Tribunal arbitral pouvait aisément déduire que les accusations de faux témoignage formulées dans le cadre de cette plainte pénale se rapportaient aux déclarations faites par le témoin I.________, qui étaient en contradiction évidente avec le contenu de la requête d'entraide de l'IRS du 23 mars 2021 et d'une autre pièce figurant au dossier de la cause d'arbitrage. De l'avis de la recourante, il ressort de ladite demande d'entraide que la partie intéressée, avec la complicité de son épouse et dudit témoin, a dissimulé ses avoirs aux autorités fiscales américaines par la mise en place d'une structure de détention complexe de trusts, dont elle aurait caché être le véritable ayant droit économique, se rendant ainsi coupable d'actes répréhensibles. D'après la recourante, le Tribunal arbitral, s'il avait effectivement pris en considération tous ces éléments, n'aurait ainsi pas pu la condamner à payer des montants importants à une structure établie et contrôlée par la partie intéressée pour frauder les autorités fiscales américaines.
5.4.2. Semblable argumentation n'emporte pas la conviction de la Cour de céans.
Sur le vu des motifs énoncés dans la sentence attaquée et des explications fournies par le Tribunal arbitral dans sa réponse au recours, il n'apparaît pas que les arbitres auraient omis de prendre en considération certains éléments de preuve prétendument décisifs.
Sous n. 155 de sa sentence, le Tribunal arbitral a souligné que la recourante, pour étayer ses prétentions reconventionnelles, avait soumis plusieurs rapports d'expertise au soutien de son allégation selon laquelle la partie intéressée n'avait pas respecté ses obligations fiscales et, partant, enfreint les art. 3.5 du contrat d'achat et 1.5 de la Guaranty. Il a noté que les rapports en question examinaient de manière approfondie le point de savoir si la partie intéressée s'était conformée ou non à la législation fiscale américaine. Le Tribunal arbitral a constaté que la recourante avait retiré ces moyens de preuve lors du retrait de ses prétentions reconventionnelles, ce que ne conteste du reste pas cette dernière. Après le retrait desdits rapports, il a estimé, en substance, qu'il ne disposait pas des éléments de preuve nécessaires ("the necessary evidentiary basis") pour conclure à l'existence d'une éventuelle violation des art. 3.5 du contrat d'achat et 1.5 de la Guaranty. Ce faisant, il a considéré, à tout le moins de manière implicite, que les autres éléments à sa disposition, ne suffisaient pas à établir une telle violation. Que le Tribunal arbitral ne se soit pas référé expressément à tel ou tel moyen de preuve ne signifie pas pour autant qu'il aurait omis de prendre en considération les autres éléments qui demeuraient au dossier. Dans ses observations sur le recours, le Tribunal arbitral expose du reste, de manière tout à fait crédible, qu'il a bel et bien tenu compte des éléments de preuve qui figuraient encore au dossier, y compris la pièce R-19 et les autres éléments auxquels se réfère la recourante. Il a toutefois estimé que, sans l'assistance des experts juridiques qui avaient été proposés par la recourante, les moyens de preuve restants se révélaient insuffisants pour conclure à l'existence d'une violation des art. 3.5 du contrat d'achat et 1.5 de la Guaranty. Dans ces conditions, la recourante ne saurait être suivie lorsqu'elle affirme que le Tribunal arbitral aurait omis de prendre en considération certains moyens de preuve. C'est le lieu du reste de rappeler que la recourante ne saurait obtenir des explications détaillées sur chaque aspect du raisonnement tenu par les arbitres.
Pour le reste, il appert des critiques formulées par la recourante, sur un mode nettement appellatoire au demeurant, que celle-ci, sous le couvert du grief de violation de son droit d'être entendue, cherche, en réalité, à remettre en cause la manière dont le Tribunal arbitral a apprécié les preuves à sa disposition et le résultat de cette appréciation, ce qui n'est pas admissible. Que le résultat de cette discussion ne satisfasse pas la recourante est compréhensible, mais cela n'implique en rien une violation du droit d'être entendu de cette partie.
6.
Dans un second moyen, divisé en deux branches, la recourante prétend que la sentence querellée est contraire à l'ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP).
6.1. Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.3). On distingue un ordre public procédural et un ordre public matériel.
6.1.1. Une sentence est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.1). Qu'un motif retenu par un tribunal arbitral heurte l'ordre public n'est pas suffisant; c'est le résultat auquel la sentence aboutit qui doit être incompatible avec l'ordre public (ATF 144 III 120 consid. 5.1). L'incompatibilité de la sentence avec l'ordre public, visée à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, est une notion plus restrictive que celle d'arbitraire (ATF 144 III 120 consid. 5.1; arrêts 4A_318/2018 du 4 mars 2019 consid. 4.3.1; 4A_600/2016 du 29 juin 2017 consid. 1.1.4). Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable (ATF 137 I 1 consid. 2.4; 136 I 316 consid. 2.2.2 et les références citées). Pour qu'il y ait incompatibilité avec l'ordre public, il ne suffit pas que les preuves aient été mal appréciées, qu'une constatation de fait soit manifestement fausse ou encore qu'une règle de droit ait été clairement violée (arrêts 4A_116/2016 du 13 décembre 2016 consid. 4.1; 4A_304/2013 du 3 mars 2014 consid. 5.1.1; 4A_458/2009 du 10 juin 2010 consid. 4.1). L'annulation d'une sentence arbitrale internationale pour ce motif de recours est chose rarissime (ATF 132 III 389 consid. 2.1).
6.1.2. Il y a violation de l'ordre public procédural lorsque des principes de procédure fondamentaux et généralement reconnus ont été violés, conduisant à une contradiction insupportable avec le sentiment de la justice, de telle sorte que la décision apparaît incompatible avec les valeurs reconnues dans un État de droit (ATF 141 III 229 consid. 3.2.1; 140 III 278 consid. 3.1; 136 III 345 consid. 2.1).
6.2.
6.2.1. Dans la première branche du moyen considéré, la recourante prétend que le chiffre 3 de la sentence attaquée est incompatible avec l'ordre public visé par l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, en tant qu'il la condamne à verser un montant important à l'intimée, qui est, à son avis, une structure mise en place et contrôlée par la partie intéressée pour frauder les autorités fiscales américaines en y faisant passer les dividendes perçus de la part de E.________ et F.________ pour les utiliser ensuite à des fins personnelles, ce qui serait constitutif de blanchiment d'argent pour délit fiscal qualifié en droit suisse. Selon la recourante, une telle condamnation revient à légitimer les actes criminels de la partie intéressée au détriment du fisc américain. La recourante soutient en outre qu'elle pourrait elle-même s'exposer à des sanctions pénales si elle exécutait la sentence attaquée, puisqu'elle enrichirait ainsi une structure mise en place dans l'unique objectif de frauder les autorités fiscales américaines. A cet égard, elle fait valoir que le Tribunal arbitral a indûment omis de tenir compte de certains éléments au dossier démontrant que la partie intéressée avait créé l'intimée afin de frauder l'administration fiscale américaine.
6.2.2. Semblable argumentation tombe à faux.
En argumentant de la sorte, la recourante perd de vue que le Tribunal fédéral est lié par les constatations factuelles du tribunal arbitral et qu'il ne peut tenir compte d'aucune circonstance nouvelle ou qui s'écarte de l'état de fait ressortant de la sentence attaquée. Sur la base des faits constatés souverainement par le Tribunal arbitral qui lient la Cour de céans, l'existence d'une contrariété à l'ordre public ne saurait être tenue pour établie.
En l'occurrence, la recourante assoit toute son argumentation sur la prémisse de fait selon laquelle l'intimée aurait été constituée par la partie intéressée dans le seul but de frauder le fisc américain. Or, semblable constatation factuelle ne ressort nullement de la sentence attaquée. En réalité, la recourante se contente de présenter sa propre vision des choses - en se fondant de surcroît en partie sur des éléments survenus postérieurement au prononcé de la sentence attaquée (cf. en particulier l'acte d'accusation ["Indictement"] du 3 juillet 2024 auquel se réfère la recourante dans sa réplique) -, ainsi que de substituer son appréciation personnelle des preuves administrées à celle du Tribunal arbitral et de s'en prendre aux conclusions qu'il en a tirées en droit, ce qui n'est pas admissible. Contrairement à ce que prétend par ailleurs la recourante, le Tribunal arbitral n'a pas ignoré les divers moyens de preuve figurant au dossier auxquels elle se réfère et on peut reprendre ici, mutatis mutandis, les mêmes considérations que celles émises ci-dessus au sujet de la prétendue violation de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP. En tout état de cause, il sied de préciser que la circonstance selon laquelle les autorités américaines mènent actuellement une enquête à l'encontre de la partie intéressée, respectivement l'accusent d'avoir commis certaines infractions, ne signifie pas encore que la personne incriminée serait coupable des faits qui lui sont reprochés, ni, a fortiori, que l'intimée aurait effectivement été créée dans l'unique objectif de frauder les autorités fiscales américaines. C'est dès lors en vain que la recourante prétend que le fait de devoir payer une certaine somme à l'intimée reviendrait à enrichir une structure mise en place dans le seul but de frauder les autorités fiscales américaines. Sur le vu des constatations souveraines du Tribunal arbitral qui lient la Cour de céans, il n'est pas davantage possible de retenir que la recourante s'exposerait à des sanctions pénales si elle réglait à l'intimée les montants qui ont été alloués dans la sentence entreprise, étant précisé ici que le simple fait qu'une plainte pénale ait été déposée en Suisse à l'encontre de la partie intéressée ne modifie pas cette appréciation. Pour le reste, les autres explications avancées par la recourante ne permettent pas de démontrer que le résultat auquel ont abouti les arbitres, sur la base des faits constatés souverainement par eux, serait incompatible avec l'ordre public visé par l'art. 190 al. 2 let. e LDIP.
6.3. Dans la seconde branche du moyen considéré, la recourante reproche au Tribunal arbitral d'avoir conduit la procédure de manière contraire aux règles de la bonne foi. Elle formule toutefois, en substance, les mêmes critiques que celles formulées précédemment sous l'angle de la prétendue violation de son droit d'être entendue. Elle se plaint en effet, essentiellement, de ce que le Tribunal arbitral l'aurait indûment empêchée de produire, après l'audience tenue le 26 septembre 2023, des moyens de preuve visant à établir qu'elle avait remis à l'intimée les Documents pour Q3 2022 à Q3 2023. Elle fait en outre grief aux arbitres d'avoir omis de tenir compte de la procédure pénale ouverte en Suisse à l'encontre de la partie intéressée et de ne pas lui avoir indiqué les prétentions qu'ils estimaient en état d'être tranchées. Pareilles critiques sont vouées au même sort que celles qui ont déjà été écartées lors de l'examen des violations alléguées de l'art. 190 al. 2 let. LDIP. En tout état de cause, la Cour de céans estime que les éléments pointés du doigt par la recourante ne sauraient de toute façon suffire à atteindre le degré requis pour conclure à une contrariété à l'ordre public au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP.
7.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). La partie intéressée, qui a été invitée à se déterminer sur le recours, a droit à des dépens dans la mesure où elle a conclu au rejet du recours dans la mesure où il était recevable. Les indemnités allouées à l'intimée et à la partie intéressée seront prélevées sur les sûretés fournies par la recourante.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 30'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée et à la partie intéressée une indemnité de 35'000 fr. chacune à titre de dépens. Ces deux indemnités seront prélevées sur les sûretés déposées à la Caisse du Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal arbitral avec siège à Zurich.
Lausanne, le 23 octobre 2024
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant : Kiss
Le Greffier : O. Carruzzo