1C_634/2023 30.09.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_634/2023
Arrêt du 30 septembre 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Haag.
Greffière : Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
Services industriels de Genève,
chemin du Château-Bloch 2, 1219 Le Lignon,
recourants,
contre
A.________,
représentée par Me Stéphane Grodecki,
intimée,
Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence du canton de Genève, boulevard Helvétique 27, 1207 Genève.
Objet
Accès à des documents,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, du 17 octobre 2023 (ATA/1138/2023 - A/2600/2022-LIPAD).
Faits :
A.
Depuis 2009, les Services industriels de Genève (SIG), établissement de droit public cantonal, ont lancé des projets éoliens dans l'arc jurassien. Dans ce cadre, ils ont notamment conclu avec la société B.________ SA et d'autres parties, en 2011, un contrat de partenariat (xxx). Des différends étant apparus entre les parties en lien avec ce contrat, un accord transactionnel a été conclu entre les SIG et les autres parties. Cet accord prévoyait que xxx prendrait fin parallèlement à la vente des actions de B.________ SA aux SIG, étant précisé que ceux-ci étaient déjà actionnaires de la société à hauteur de 20 %. Le 12 mai 2014, les parties ont mis fin à xxx et les SIG ont racheté la totalité des actions de B.________ SA. Ainsi, depuis cette date, B.________ SA est détenue à hauteur de 100 % par les SIG.
De 2016 à 2018, B.________ SA a été mandatée, en qualité d'experte indépendante, par le Service de l'énergie du canton de Fribourg en vue de réaliser une étude pour la définition de sites éoliens, dans le cadre de la planification éolienne cantonale fribourgeoise.
Dans le courant de l'année 2021, l'association A.________ a sollicité des SIG l'accès aux documents relatifs à la participation de ceux-ci à la planification de sites éoliens sur le territoire du canton de Fribourg. Les SIG ont répondu ne pas participer à cette planification, de sorte qu'ils n'avaient pas de documents à transmettre. Ils ont néanmoins fait suivre la demande à B.________ SA. L'association A.________ a demandé la mise en oeuvre d'une médiation auprès du Préposé cantonal genevois à la protection des données et à la transparence (ci-après: le Préposé). À la suite d'une rencontre ayant réuni des membres de l'association A.________ et de B.________ SA ainsi que la responsable LIPAD des SIG, l'association a précisé sa demande, en requérant de B.________ SA la production d'un certain nombre de documents, en particulier le contrat de vente de celle-ci aux SIG (ci-après: le contrat), avec ses annexes. B.________ SA a refusé de donner accès aux documents requis. L'association A.________ a demandé qu'une recommandation soit rendue.
Dans sa recommandation du 5 juillet 2022, le Préposé, après avoir consulté les documents sollicités par l'association, a recommandé aux SIG de transmettre à l'association certains d'entre eux, y compris l'accord transactionnel du 12 mai 2014.
Par décision du 15 juillet 2022, les SIG ont transmis à l'association certains documents mais ont refusé de donner accès à l'accord transactionnel du 12 mai 2014 (ci-après: le contrat de 2014).
B.
L'association A.________ a recouru auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: Cour de justice) contre cette décision, concluant à son annulation ainsi qu'à la communication du contrat de 2014 et de ses annexes, sous réserve du caviardage du nom de tiers qui n'étaient pas parties au contrat, voire de celui des parties au contrat.
Les SIG ont transmis à la Cour de justice le contrat et ses annexes. Par arrêt du 17 octobre 2023, la Cour de justice a admis le recours et a ordonné aux SIG de transmettre les documents demandés en caviardant les noms de tiers, en particulier dans les annexes nos 1 à 8, 10 et 12.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, les SIG demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 17 octobre 2023 et de rejeter la demande d'accès aux documents sollicités plus particulièrement au contrat de vente de B.________ SA aux SIG (et ses annexes).
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'intimée conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Les recourants répliquent.
Par ordonnance du 21 décembre 2023, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la demande d'effet suspensif formée par les recourants.
Considérant en droit :
1.
L'arrêt du 17 octobre 2023, relatif à une procédure d'accès à un document au sens de la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD; RS/GE A 2 08), constitue une décision finale (art. 90 LTF) rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF).
Les recourants fondent leur qualité pour recourir sur l'art. 89 al. 1 LTF. Aux termes de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire, est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.
Une collectivité publique peut fonder son recours sur cette disposition dans deux situations: lorsqu'elle est atteinte de la même manière qu'un particulier dans sa situation juridique ou matérielle (notamment s'il s'agit de sauvegarder son patrimoine administratif ou financier), ou lorsqu'elle est touchée dans ses prérogatives de puissance publique (" in ihren hoheitlichen Befugnissen berührt ") et dispose d'un intérêt public propre digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'acte attaqué (cf. ATF 141 II 161 consid. 2.1; 140 I 90 consid. 1.2.2 et les références citées).
Les recourants, établissement de droit public cantonal, estiment être atteints de la même manière qu'un particulier dans leur situation juridique car ils sont contraints par l'arrêt attaqué de communiquer des documents en lien avec ce qu'ils considèrent être leur patrimoine financier. La question de savoir si les documents litigieux contiennent des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique est une question de fond, qui n'a pas d'incidence sur la recevabilité du recours. Dans ces circonstances, les recourants, qui ont pris part à la procédure devant l'autorité précédente (art. 89 al. 1 let. a LTF), disposent d'un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'arrêt attaqué (art. 89 al. 1 let. b et c LTF).
Les autres conditions formelles de recevabilité énoncées aux art. 82 ss LTF sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
A teneur de l'art. 99 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Cette exception, dont il appartient au recourant de démontrer que les conditions sont remplies (ATF 143 V 19 consid. 1.1), vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée, par exemple concernant le déroulement de la procédure devant l'instance précédente afin d'en contester la régularité, ou encore des faits postérieurs à l'arrêt attaqué permettant d'établir la recevabilité du recours. En dehors de ces cas, les nova ne sont pas admissibles, qu'il s'agisse de faits ou moyens de preuve survenus postérieurement à la décision attaquée (ATF 144 V 35 consid. 5.2.4) ou d'éléments que les parties ont omis d'alléguer dans la procédure cantonale (ATF 143 V 19 consid. 1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3).
A l'appui de leur recours, les recourants ont produit la documentation de la conférence de presse du 16 août 2022 et un article de presse du 17 novembre 2023. Les recourants ne démontrent pas qu'ils ne pouvaient pas produire en instance cantonale la documentation de la conférence de presse établie antérieurement à l'arrêt attaqué. Il n'en sera par conséquent pas tenu compte. Quant à l'article de presse, il est postérieur au prononcé de l'arrêt attaqué. Il s'agit donc d'un vrai novum, qui échappe à la cognition du Tribunal fédéral.
3.
Il n'est pas contesté que les SIG sont soumis à la LIPAD en vertu de l'art. 3 al. 1 let. c LIPAD. Les recourants soutiennent toutefois que le contrat de 2014 et ses annexes seraient exclus du droit d'accès institué par la LIPAD, car ces documents ne contiendraient pas de renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique. Ils reprochent à la cour cantonale d'avoir fait preuve d'arbitraire dans la qualification de tâche publique au sens de l'art. 25 al. 1 LIPAD.
3.1. Appelé à revoir l'application ou l'interprétation d'une norme sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution éventuellement plus judicieuse paraît possible (ATF 144 III 368 consid. 3.1 et les arrêts cités). Dans ce contexte, la partie recourante est soumise aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF.
3.2. Dans le canton de Genève, la LIPAD régit l'information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1 al. 1 LIPAD). Selon l'art. 24 al. 1 LIPAD, toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions publiques, sauf exception prévue ou réservée par la loi. Ces documents sont tous les supports d'informations détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique (art. 25 al. 1 LIPAD).
3.3. En l'espèce, la Cour de justice a considéré que le contrat de 2014 et ses annexes, qui portent notamment sur l'achat des actions de la société B.________ SA (active dans le domaine de l'éolien) contenaient des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique au sens de l'art. 25 al. 1 LIPAD.
A la suivre, comme les SIG étaient les actionnaires uniques de B.________ SA, celle-ci devait être considérée comme une société d'économie mixte, qui avait notamment pour but social l'exploitation d'installations de production d'énergies renouvelables, principalement l'énergie éolienne; ce but social s'inscrivait dans l'un des principes de la politique énergétique du canton de Genève, à savoir le développement prioritaire des énergies renouvelables et indigènes, mais aussi dans l'un des objectifs poursuivis par les SIG, soit la fourniture d'énergie et d'électricité dans le canton de Genève, qui constituent des tâches publiques prévues expressément par les art. 167 et 168 de la constitution du canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE; RS 131.234).
Pour la cour cantonale, l'acquisition des actions de B.________ SA par les SIG se justifiait par l'intérêt public au ravitaillement suffisant de la population en énergie, auquel elle participait à travers son activité consistant notamment à développer des projets éoliens; elle devait donc être considérée comme une entreprise remplissant des tâches publiques, et non comme une entreprise privée développant une activité purement commerciale. Dans ces conditions, les actions de B.________ SA faisaient partie du patrimoine administratif des recourants.
3.4. Les recourants mettent en doute ce raisonnement en particulier au regard des circonstances ayant conduit au rachat des actions de B.________ SA et des activités menées par celle-ci depuis son rachat. Ils se contentent cependant d'affirmer, sans le démontrer, que B.________ SA fonctionnerait aujourd'hui davantage comme une entreprise d'ingénierie et de conseil dans le domaine de l'énergie éolienne que comme un instrument des SIG pour le développement de parcs éoliens. Ils affirment que, compte tenu de l'activité purement commerciale de B.________ SA (soumise au régime de la pleine concurrence et dans le but de réaliser des profits), la participation des SIG dans celle-ci ferait partie du patrimoine financier de l'État. Ils en déduisent que le contrat litigieux ne pourrait pas être considéré comme conclu dans le cadre du développement de l'approvisionnement en électricité à proprement parler et ne contiendrait pas de renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique au sens de l'art. 25 LIPAD.
Les recourants se bornent en réalité à formuler une appréciation subjective des éléments, ce qui ne suffit pas à rendre déraisonnable la motivation de la cour cantonale. Ils se limitent en effet à opposer leur propre interprétation de l'activité de rachat de la société B.________ SA (active dans le domaine de l'énergie éolienne) à l'appréciation de l'instance précédente, sans toutefois en démontrer le caractère arbitraire. Or il est soutenable de considérer que l'acquisition en 2014 des actions de B.________ SA, spécialisée dans le développement de projets éoliens, avait un but d'approvisionnement en électricité par le biais d'énergies renouvelables et qu'ainsi une tâche publique au sens de l'art. 25 al. 1 LIPAD était accomplie. Il n'est en effet pas déraisonnable de considérer qu'une activité en matière de développement de l'énergie éolienne relève d'une tâche de l'État au sens de la LIPAD. L'interprétation des juges cantonaux de la notion de "tâche publique" au sens de la LIPAD n'est d'ailleurs pas contraire à celle qui peut être faite de la notion figurant à l'art. 5 al. 1 let. c de la loi fédérale sur le principe de la transparence dans l'administration du 17 décembre 2004 (LTrans; RS 152.3). De manière similaire à l'art. 25 al. 1 LIPAD, cette disposition prévoit en effet que, par document officiel, on entend toute information qui concerne l'accomplissement d'une tâche publique. Selon le message du Conseil fédéral du 12 février 2003 relatif à LTrans, "la Confédération reste soumise au principe de transparence lorsqu'elle agit en droit privé, par exemple lorsqu'elle gère son patrimoine financier ou lorsqu'elle acquiert du matériel et des fournitures nécessaires à l'exercice de ses activités. Les documents officiels se rapportant aux contrats de droit privé de l'administration doivent par conséquent être communiqués selon les règles [de la LTrans]" (FF 2003 1807, 1837).
Par conséquent, la cour cantonale n'a pas appliqué arbitrairement l'art. 25 LIPAD en considérant que les SIG accomplissaient une tâche publique en achetant les actions d'une société active dans les projets éoliens.
4.
Les recourants reprochent aussi à la Cour de justice d'avoir considéré que l'accès aux documents litigieux ne serait pas propre à révéler des informations couvertes par le secret des affaires. Ils se plaignent d'une application arbitraire de l'art. 26 al. 2 let. i LIPAD.
4.1. La LIPAD ne confère pas un droit d'accès absolu, mais prévoit des exceptions, aux fins notamment de garantir la sphère privée des administrés et de permettre le bon fonctionnement des institutions. Aux termes de l'art. 26 al. 1 LIPAD, les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s'oppose sont soustraits au droit d'accès institué par la LIPAD. L'art. 26 al. 2 let. i LIPAD prévoit que tel est le cas, notamment, lorsque l'accès aux documents est propre à révéler des informations couvertes par des secrets professionnels, de fabrication ou d'affaires, le secret fiscal, le secret bancaire ou le secret statistique.
La LTrans contient une disposition similaire à l'art. 26 al. 2 let. i LIPAD. Selon l'art. 7 al. 2 let. g LTrans, le droit d'accès est limité, différé ou refusé si l'accès à un document officiel peut révéler des secrets professionnels, d'affaires ou de fabrication. La notion de secret doit être comprise dans un sens large puisqu'il s'agit de toute information qu'une entreprise est légitimée à vouloir conserver secrète, soit plus concrètement les données susceptibles d'influer sur la marche de ses affaires ou d'entraîner une distorsion de concurrence au cas où des entreprises concurrentes en prendraient connaissance (ATF 142 II 340 consid. 3.2). L'existence d'un secret protégé dépend de la réalisation de quatre conditions cumulatives: il doit y avoir un lien entre l'information et l'entreprise; l'information doit être relativement inconnue, c'est-à-dire ni notoire ni facilement accessible; il doit exister un intérêt subjectif au maintien du secret (volonté du détenteur de ne pas révéler l'information) et cet intérêt doit être objectivement fondé (intérêt objectif; ATF 144 II 77 consid. 3) (arrêt 1C_533/2018 du 26 juin 2019 consid. 2.6). En règle générale, on admet que le secret d'affaires couvre les données techniques, organisationnelles, commerciales et financières qui sont spécifiques à l'entreprise et qui peuvent avoir une incidence sur le résultat commercial et en conséquence sur la capacité concurrentielle (ATF 142 II 268 consid. 5.2.3; arrêt 1B_450/2020 du 14 janvier 2021 consid. 3.5.1 et les arrêts cités).
4.2. En l'espèce, l'accord transactionnel de 2014 a pour objet "de convenir des termes auxquels les parties mettent un terme effectif à xxx et règlent ses éléments connexes", en particulier l'acquisition par les SIG des 80 % restants du capital-actions de B.________ SA. Ce contrat comporte les clauses usuelles d'un contrat de vente d'actions. Les annexes au contrat contiennent en particulier la liste des dettes de B.________ SA au 30 avril 2014 (annexe 2), celle des travaux en cours au 30 avril 2014 (annexe 2a), celle des contrats en vigueur au moment de la signature du contrat (annexe 3) ainsi que celle des projets éoliens en cours à ce moment-là (annexe 9).
4.3. La Cour de justice a considéré que la transmission du contrat de 2014 et de ses annexes n'était pas susceptible de révéler des informations couvertes par un secret d'affaires.
4.3.1. S'agissant du contrat de 2014, la cour cantonale a jugé que les SIG se contentaient de se référer de façon générale à des secrets d'affaires, sans toutefois indiquer quelles dispositions du contrat en contiendraient ni pour quel motif elles seraient couvertes par un tel secret; dès lors, leur argumentation ne suffisait pas à démontrer l'existence d'un secret d'affaires ni, dans ces conditions, à retenir que la transmission du contrat serait susceptible de révéler des informations couvertes par un tel secret.
Dans leur mémoire, les recourants ne motivent pas plus leur demande. Ils se bornent en effet à mentionner que le contrat de 2014 leur "apparaît hautement confidentiel" et qu'il s'inscrivait à l'époque dans un "contexte fortement politisé et contentieux" et qu'ils avaient un intérêt légitime à ne pas le rouvrir près de 10 ans après les faits. Ils relèvent aussi que le chapitre A du contrat contiendrait des informations spécifiques et confidentielles au sujet des prix payés pour le rachat. Partant, ils n'exposent toujours pas en quoi ces informations qui datent de mai 2014 pourraient avoir une incidence sur le résultat commercial et partant sur la capacité concurrentielle des SIG. Quant aux noms des personnes possédant des participations dans B.________ SA avant son rachat, ils seront caviardés, de sorte que les recourants ne peuvent pas en tirer argument.
S'agissant de la clause de confidentialité figurant dans le contrat, les juges cantonaux ont estimé qu'elle ne s'opposait pas non plus à la transmission de ces documents; en effet, selon l'art. 68 al. 1 du statut du personnel des SIG, les collaborateurs sont tenus de garder le secret sur les affaires de l'entreprise dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions dans la mesure où la LIPAD ne leur permettait pas de les communiquer à autrui; la clause de confidentialité figurant dans le contrat ne faisait que répéter ces principes et réservait d'ailleurs expressément "les prescriptions légales ou injonctions d'autorités judiciaires ou administratives qui obligeraient les parties à communiquer des informations et/ou documents en relation avec le [contrat]".
Sans répondre à cette argumentation, les recourants se limitent à affirmer sans le motiver que la clause de confidentialité figurant dans le contrat ferait pencher la balance en faveur du maintien du secret. Cette simple assertion ne parvient toutefois pas à rendre insoutenable l'argumentation contraire de la cour cantonale.
4.3.2. Concernant l' annexe 1 contenant une liste des dettes existantes au 30 avril 2014, la Cour de justice a jugé que si une telle liste pouvait certes constituer des données financières spécifiques à l'entreprise pouvant avoir une incidence sur le résultat commercial à un moment donné, elle avait été établie il y avait plus de neuf ans et n'était pas susceptible de donner des informations suffisamment précises sur le résultat commercial actuel de l'entreprise, vu l'écoulement du temps. Les recourants ne répondent pas à cette argumentation et ne se prononcent pas sur ce point.
4.3.3. Concernant l' annexe 3 comprenant la liste des contrats conclus par B.________ SA en 2014, l'instance précédente a considéré que l'on voyait mal en quoi elle donnerait des informations susceptibles de conférer un avantage indu à la concurrence (et les SIG ne l'expliquaient d'ailleurs pas). Les recourants ne se déterminent pas non plus sur cette annexe.
4.3.4. Quant à l' annexe 9 contenant la liste des projets en cours au moment de la signature du contrat, la cour cantonale a relevé que les projets en cours étaient publiés sur le site Internet de B.________ SA; la liste des projets en cours en 2014 faisait toutefois apparaître d'autres projets et on ignorait si ceux-ci étaient toujours d'actualité; les SIG n'indiquaient cependant pas à satisfaction de droit pour quel motif cette liste serait concrètement couverte par le secret, ni quel avantage sa divulgation procurerait à d'éventuels concurrents, qu'ils ne désignaient par ailleurs pas; aucun élément suffisamment concret ne permettait dès lors de retenir qu'elle serait couverte par le secret des affaires.
Face à ce raisonnement, les recourants se bornent à nouveau à affirmer qu'il existerait un risque que des projets concurrents soient développés afin de contrer et de prendre le pas sur des idées ainsi que des plans innovants et financés par les SIG; la révélation à la concurrence des informations relatives à l'organisation interne des SIG, à la stratégie adoptée sur le marché des parcs éoliens ainsi qu'aux investissements accomplis dans ce domaine reviendrait à lui donner des avantages indus, ce qui perturberait l'équilibre des opérations commerciales.
Partant, les recourants ne répondent pas à l'argumentation de la Cour de justice. Ils n'indiquent toujours pas si la liste des projets en cours en 2014 est toujours d'actualité. Ils ne désignent toujours pas quels seraient leurs concurrents ni quel avantage concret la divulgation de l'annexe 9 procurerait à d'éventuels concurrents, étant donné qu'il s'agit de données remontant à plus de dix ans. Ils affirment de façon générale que la révélation permettrait à la concurrence d'accéder à des informations sensibles concernant le positionnement commercial de B.________ SA et des SIG sur le marché de l'énergie éolienne, tout en admettant que cette annexe se réfère à des engagements pris en avril 2014. Ils se contentent de souligner que les engagements ne sont pas limités dans le temps, sans toutefois exposer en quoi ils seraient encore d'actualité. Cela est insuffisant à rendre arbitraire l'argumentation de la cour cantonale.
4.4. En définitive, les recourants ne parviennent pas à démontrer que la cour cantonale aurait procédé à une application insoutenable de l'art. 26 al. 2 let. i LIPAD en refusant de considérer que ce contrat conclu il y a plus de dix ans révélerait des informations couvertes par le secret des affaires. Le résultat auquel est parvenue la cour cantonale est d'autant moins choquant que, comme le relèvent les recourants eux-mêmes, le principe du rachat des actions de B.________ SA par les SIG et la cessation du projet de partenariat xxx sont connus du grand public depuis de nombreuses années.
5.
Les recourants considèrent enfin que la cour cantonale aurait violé le principe de l'interdiction de l'abus de droit (art. 9 Cst.) en omettant de constater que la demande d'accès litigieuse était chicanière. Ils prétendent que l'intimée aurait utilisé les documents obtenus pour attaquer publiquement B.________ SA et les SIG lors de deux conférences de presse.
5.1. Ancré à l'art. 9 Cst., et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2).
En droit public, le principe de la bonne foi est explicitement consacré par l'art. 5 al. 3 Cst., en vertu duquel les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Il y a fraude à la loi - forme particulière d'abus de droit - lorsqu'un justiciable évite l'application d'une norme imposant ou interdisant un certain résultat par le biais d'une autre norme permettant d'aboutir à ce résultat de manière apparemment conforme au droit (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.3). La norme éludée doit alors être appliquée nonobstant la construction juridique destinée à la contourner (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.3; ATF 134 I 65 consid. 5.1). Pour être sanctionné, un abus de droit doit apparaître manifeste. L'autorité qui entend faire appliquer la norme éludée doit établir l'existence d'une fraude à la loi, ou du moins démontrer l'existence de soupçons sérieux dans ce sens. Cette appréciation doit se faire au cas par cas, en fonction des circonstances d'espèce (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.5 et la jurisprudence citée).
A l'instar de tous les griefs d'ordre constitutionnel, celui-ci est soumis aux conditions de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF: la partie recourante doit donc exposer, de manière claire et détaillée, en quoi consiste la violation du droit constitutionnel.
5.2. En l'occurrence, la cour cantonale a considéré que la demande d'accès litigieuse ne saurait être considérée comme abusive ou chicanière ou consacrant un abus de droit. S'agissant des attaques personnelles et publiques qu'aurait subies les recourants lors de conférences de presse auxquelles l'intimée aurait participé, la Cour de justice s'est référée au communiqué de presse du 24 août 2022 rédigé par les recourants eux-mêmes: il en ressort en particulier que la première conférence de presse organisée par les opposants à l'énergie éolienne dans le canton de Fribourg avait été le théâtre d'attaques sans précédent contre des entreprises privées et des services de l'administration fribourgeoise, et que lesdits opposants, utilisant des arguments sans fondement, jetaient le discrédit sur la planification fribourgeoise par des procès d'intention, des accusations fallacieuses et des attaques personnelles.
La Cour de justice a considéré que rien ne permettait objectivement de retenir que l'intimée aurait utilisé, ou souhaiterait utiliser, les documents transmis, respectivement requis, pour attaquer publiquement la recourante et ternir sa réputation; ce communiqué de presse, malgré son contenu explicite, ne suffisait pas à lui seul à prouver à satisfaction de droit les faits dont se prévalaient les recourants; de surcroît, ce communiqué ne faisait que relater les faits de façon subjective, ou du moins avec une objectivité et une force probante devant être fortement relativisée, puisqu'émanant des recourants eux-mêmes.
Les recourants se contentent d'affirmer péremptoirement à cet égard qu'il "ne peut être sérieusement soutenu qu'il n'y a pas eu d'attaques acharnées à [leur] encontre, ni qu'il n'y aura pas de telles attaques à la suite de la transmission des documents litigieux". Dans la mesure où elle ne relève pas du procès d'intention, cette simple assertion ne suffit pas à consacrer un exercice abusif du droit d'accès aux documents au sens des art. 24 ss LIPAD de la part de l'intimée, ce d'autant moins qu'en vertu de l'art. 28 al. 1 LIPAD une demande d'accès n'a pas à être motivée.
5.3. Mal fondé, le grief de violation de l'interdiction de l'abus de droit - dont il faut de surcroît rappeler qu'il doit être admis restrictivement - doit être écarté, dans la mesure de sa recevabilité.
6.
Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
Les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants qui succombent (art. 66 al. 1 LTF). Ceux-ci verseront aussi une indemnité de dépens à l'intimée qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 francs, sont mis à la charge des recourants.
3.
Une indemnité de dépens de 2'000 francs est allouée à l'intimée, à la charge des recourants.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants et de l'intimée, au Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence et à la Cour de justice du canton de Genève (Chambre administrative).
Lausanne, le 30 septembre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Tornay Schaller