1C_637/2023 30.09.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_637/2023
Arrêt du 30 septembre 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Haag.
Greffière : Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
B.________ SA,
représentée par Me Martin Anderson, avocat,
recourante,
contre
A.________,
représentée par Me Stéphane Grodecki,
intimée,
Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence du canton de Genève, boulevard Helvétique 27, 1207 Genève.
Objet
Accès à des documents,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, du 17 octobre 2023 (ATA/1137/2023 - A/2599/2022-LIPAD).
Faits :
A.
De 2016 à 2018, la société B.________ SA, société entièrement détenue par les Services industriels de Genève (SIG), établissement de droit public cantonal, a été mandatée, en qualité d'experte indépendante, par le Service de l'énergie du canton de Fribourg en vue de réaliser une étude pour la définition de sites éoliens, dans le cadre de la planification éolienne cantonale fribourgeoise.
Dans le courant de l'année 2021, l'association A.________ a sollicité de B.________ SA la production de documents liés à son activité et à celle des SIG dans la prospection et la planification de sites éoliens dans le canton de Fribourg, notamment "toute la correspondance écrite échangée entre les SIG, respectivement B.________ SA, et l'administration cantonale fribourgeoise". B.________ SA a transmis à l'association A.________ certains documents, mais pas la correspondance susmentionnée. L'association A.________ a alors sollicité du Préposé cantonal genevois à la protection des données et à la transparence (ci-après: le Préposé) la mise en oeuvre d'une procédure de médiation. Après une rencontre de médiation ayant réuni des membres de l'association A.________ et de B.________ SA ainsi que la responsable LIPAD des SIG, l'association A.________ a persisté à demander la production d'un certain nombre de documents, en particulier "les courriels échangés ainsi que les pièces annexées entre d'une part C.________ de U.________ ou D.________, et d'autre part, E.________, respectivement F.________". B.________ SA a refusé de donner accès aux documents requis, dans la mesure notamment où les demandes étaient disproportionnées et imprécises. L'association A.________ a demandé qu'une recommandation soit rendue.
Dans sa recommandation du 5 juillet 2022, le Préposé, après avoir consulté les documents sollicités par l'association, a recommandé à B.________ SA de transmettre à l'association A.________ certains d'entre eux, en particulier les courriels - transmis à titre exemplatif - échangés entre les collaborateurs de B.________ SA et ceux du Service de l'énergie du canton de Fribourg (SdE).
Par décision du 15 juillet 2022, B.________ SA a transmis à l'association A.________ un certain nombre de documents mais a refusé de lui faire parvenir les courriels de travail échangés entre ses collaborateurs et ceux du SdE.
B.
L'association A.________ a recouru auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: Cour de justice) contre cette décision, concluant à son annulation ainsi qu'à la communication de "tous les courriels échangés entre les collaborateurs de B.________ SA et ceux du SdE ces cinq dernières années". Dans sa réponse au recours, B.________ SA a transmis à la Cour de justice et, sur la base de l'art. 63 de la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD; RS/GE A 2 08), les courriels échangés entre les collaborateurs de B.________ SA et ceux du SdE des cinq dernières années.
Sur demande du juge délégué, B.________ SA a transmis tous les échanges et demandes antérieurs à la procédure de médiation intervenus entre elle et l'association A.________. Par arrêt du 17 octobre 2023, la Cour de justice a admis le recours et a ordonné à B.________ SA de transmettre les documents demandés.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, B.________ SA demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 17 octobre 2023 et de rejeter la demande d'accès aux documents sollicités. Elle conclut subsidiairement au renvoi de l'affaire à la Cour de justice pour nouvelle décision au sens des considérants.
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'intimée conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. La recourante réplique.
Par ordonnance du 21 décembre 2023, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la demande d'effet suspensif formée par la recourante.
Considérant en droit :
1.
L'arrêt du 17 octobre 2023, relatif à une procédure d'accès à un document au sens de la LIPAD, constitue une décision finale (art. 90 LTF) rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). La recourante, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente (art. 89 al. 1 let. a LTF), est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué qui lui impose une obligation de transmission de documents. Quoi qu'en dise l'intimée, la recourante, société anonyme, dispose ainsi d'un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'arrêt attaqué (art. 89 al. 1 let. b et c LTF). Les autres conditions formelles de recevabilité énoncées aux art. 82 ss LTF sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
A teneur de l'art. 99 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Cette exception, dont il appartient au recourant de démontrer que les conditions sont remplies (ATF 143 V 19 consid. 1.1), vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée, par exemple concernant le déroulement de la procédure devant l'instance précédente afin d'en contester la régularité, ou encore des faits postérieurs à l'arrêt attaqué permettant d'établir la recevabilité du recours. En dehors de ces cas, les nova ne sont pas admissibles, qu'il s'agisse de faits ou moyens de preuve survenus postérieurement à la décision attaquée (ATF 144 V 35 consid. 5.2.4) ou d'éléments que les parties ont omis d'alléguer dans la procédure cantonale (ATF 143 V 19 consid. 1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3).
A l'appui de son recours, la recourante a produit la documentation de la conférence de presse du 16 août 2022 et un article de presse du 17 novembre 2023. La recourante ne démontre pas qu'elle ne pouvait pas produire en instance cantonale la documentation de la conférence de presse établie antérieurement à l'arrêt attaqué. Il n'en sera par conséquent pas tenu compte. Quant à l'article de presse, il est postérieur au prononcé de l'arrêt attaqué. Il s'agit donc d'un vrai novum, qui échappe à la cognition du Tribunal fédéral.
3.
Il n'est pas contesté que la recourante est soumise à la LIPAD, dans la mesure où elle est détenue à hauteur de 100 % par les SIG (art. 3 al. 2 let. a ch. 1 LIPAD), eux-mêmes soumis à cette loi (art. 3 al. 1 let. c LIPAD). Par ailleurs, la recourante ne prétend plus que l'accès aux documents litigieux serait propre à révéler des informations couvertes par des secrets au sens de l'art. 26 LIPAD.
La recourante reproche toutefois à la Cour de justice d'avoir fait preuve d'arbitraire dans l'interprétation de la notion de documents au sens de la LIPAD. Il convient ainsi de déterminer si les courriels échangés litigieux peuvent être qualifiés de documents selon l'art. 25 al. 2 LIPAD. La recourante fait aussi valoir à cet égard une violation de l'art. 28 al. 2 de la constitution du canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE; RS 131.234). Ces griefs se confondent, de sorte qu'ils seront examinés ensemble.
3.1. Appelé à revoir l'application ou l'interprétation d'une norme sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution éventuellement plus judicieuse paraît possible (ATF 144 III 368 consid. 3.1 et les arrêts cités). Dans ce contexte, la partie recourante est soumise aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF.
3.2. Dans le canton de Genève, la LIPAD régit l'information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1 al. 1 LIPAD). Selon l'art. 24 al. 1 LIPAD, toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions publiques, sauf exception prévue ou réservée par la loi. Ces documents sont tous les supports d'informations détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique (art. 25 al. 1 LIPAD). L'art. 25 al. 2 LIPAD énumère à titre d'exemples les rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de position, préavis ou décisions. Les notes à usage personnel, les brouillons ou autres textes inachevés ainsi que les procès-verbaux non encore approuvés ne constituent pas des documents au sens de la loi (art. 25 al. 4 LIPAD). L'art. 6 du règlement d'application de la LIPAD du 21 décembre 2011 (RIPAD; RS/GE A 2 08.01) précise encore que constituent notamment des notes à usage personnel au sens de l'art. 25 al. 4 LIPAD, qu'elles soient manuscrites ou non et quels qu'en soient la forme ou le support, les notes prises en vue de la rédaction future d'un document (let. a) ou encore les notes de séance éventuellement prises à défaut d'une obligation légale ou réglementaire d'élaborer des procès-verbaux (let. b).
Toute personne a le droit de prendre connaissance des informations et d'accéder aux documents officiels, à moins qu'un intérêt prépondérant ne s'y oppose (art. 28 al. 2 Cst-GE). Cette disposition n'a pas une portée plus large que la LIPAD (arrêt 1C_291/2023 du 18 décembre 2023 consid. 5.1).
3.3. La loi fédérale sur le principe de la transparence dans l'administration du 17 décembre 2004 (LTrans; RS 152.3), qui vise à promouvoir la transparence quant à la mission, l'organisation et l'activité de l'administration fédérale, en garantissant notamment l'accès aux documents officiels (art. 1 LTrans), et renverse ainsi le principe du secret des activités administratives au profit de celui de la transparence (ATF 136 II 399 consid. 2.1; 133 II 209 consid. 2.3.1; FF 2003 1807, p. 1819), contient une disposition similaire à l'art. 25 al. 1 LIPAD, en prévoyant que, par document officiel, on entend toute information qui concerne l'accomplissement d'une tâche publique (art. 5 al. 1 let. c LTrans).
La LTrans prévoit que les documents qui n'ont pas atteint leur stade définitif d'élaboration ne constituent pas des documents officiels (art. 5 al. 3 let. b LTrans). Un document a atteint son stade définitif d'élaboration lorsque l'autorité dont il émane l'a signé (art. 1 al. 2 let. a de l'ordonnance sur le principe de la transparence dans l'administration du 24 mai 2006 [OTrans; RS 152.31]), ou lorsque son auteur l'a définitivement remis au destinataire notamment à titre d'information ou pour que celui-ci prenne position ou une décision (art. 1 al. 2 let. b OTrans). Selon le message du Conseil fédéral du 12 février 2003 relatif à LTrans, cette entorse au principe de transparence est motivée par le souci de préserver l'autonomie d'action de l'administration qui doit pouvoir modifier et faire évoluer ses projets avec toute la latitude nécessaire. Afin d'illustrer la notion de document inachevé, on citera par exemple un texte raturé ou annoté - de manière manuscrite ou électronique - avant sa correction définitive, un tableau récapitulatif en cours d'élaboration, la version provisoire d'un rapport, l'esquisse d'un projet, les brouillons de séance, les notes de travail informelles, les ébauches de texte, les notes récapitulatives en vue d'une réunion ou encore les notes établies lors de l'exécution de révisions internes et qui forment la base pour un rapport de révision. La notion de document achevé ou inachevé est un concept juridiquement indéterminé. C'est à la pratique et à la jurisprudence qu'il incombera de la préciser (FF 2003 1807, 1840).
3.4. En l'espèce, la cour cantonale a considéré que les échanges de courriels sollicités ne constituaient pas de simples notes à l'usage personnel de son auteur, ni des documents amenés à être revus et/ou corrigés en vue de la rédaction d'un rapport final; il s'agissait bien plutôt de correspondances externes entre les membres des entités concernées, soit des écrits définitifs remis à leurs destinataires à titre d'information ou dans le but d'obtenir des réponses aux questions posées, et tombant ainsi sous le coup de l'art. 25 al. 2 LIPAD; si le rapport d'expertise pouvait certes évoluer au fil du temps, tel n'était pas le cas des échanges concernés, qui étaient définitifs; ceux-ci ne constituaient pas des ébauches de ce rapport, qui seraient par hypothèse la base de travail de son auteur, mais bien des discussions autour de son processus d'élaboration intervenues entre des membres d'un service étatique et ceux de son mandataire.
3.5. La recourante soutient au contraire que les documents litigieux entreraient dans le champ d'application de l'art. 25 al. 4 LIPAD; en tant que courriels de travail, ils ne sauraient être considérés comme des documents officiels car ils seraient préparatoires à l'élaboration d'un rapport d'expertise, qualifié lui de document officiel; ils feraient suite à des séances de travail et contiendraient tantôt des propositions d'adaptations de texte, tantôt des commentaires, tantôt des projets ou une synthèse de conversation téléphonique en relation avec l'élaboration du rapport d'expertise; ils auraient tout aussi bien pu être inclus en marge ou en notes dans les projets successifs de rapport; des réflexions individuelles relatives au texte qui figurent dans un courriel (plutôt que sous forme d'annotations en marge du projet de rapport) ne sauraient être qualifiées de documents officiels; il s'agirait d'échanges de vue de nature politique ou stratégique exprimés dans les notes internes servant aux discussions des organes publics. La recourante critique ainsi la distinction opérée par la cour cantonale entre les échanges considérés comme définitifs et le rapport lui-même dont elle reconnaît qu'il peut évoluer sous la forme d'ébauches successives sans pour autant devenir définitif.
La recourante se contente en réalité de formuler une appréciation subjective des éléments, ce qui ne suffit pas à rendre déraisonnable la motivation de la cour cantonale. Elle se limite en effet à opposer ses propres interprétation et lecture de l'art. 25 LIPAD à l'appréciation de l'instance précédente, sans toutefois en démontrer le caractère arbitraire. Or il est soutenable de ne pas qualifier les documents en question de textes inachevés au sens de l'art. 25 al. 4 LIPAD, même si une autre solution aurait été possible. Les juges cantonaux peuvent en effet interpréter sans arbitraire la notion juridique indéterminée de "texte inachevé" en ce sens qu'elle ne comprend pas les correspondances définitives échangées entre des entités différentes entraînant des questions et des réponses ou livrant des informations. Dans ce sens, les juges cantonaux peuvent considérer que ces correspondances ne constituent pas des ébauches de rapport.
La recourante fait aussi valoir qu'à la lumière des art. 22 al. 3 et 29 al. 1 let. b de la loi fribourgeoise sur l'information et l'accès aux documents du 9 septembre 2009 (LInf/FR; RS/FR 17.5) et de l'art. 5 al. 1 LTrans, l'interprétation de la notion de document inachevé défendue par la cour cantonale s'avérerait insoutenable.
La recourante ne peut toutefois pas tirer argument de la loi fribourgeoise qui ne s'applique pas en l'espèce, puisque le champ d'application de la loi ne découle pas du lieu d'activité de la recourante mais du fait qu'elle est détenue par un établissement de droit public genevois. La notion de document inachevé au sein de la LTrans étant aussi une notion juridique indéterminée, il n'apparaît pas d'emblée que les documents litigieux pourraient être considérés comme des documents "qui n'ont pas atteint leur stade définitif d'élaboration" au sens du droit fédéral (art. 5 al. 3 let. b LTrans et art. 1 al. 2 let. a et let.b OTrans). La présente demande d'accès s'examine cependant uniquement à l'aune du droit cantonal que le Tribunal fédéral n'examine que sous l'angle de l'arbitraire. Or l'interprétation faite par la cour cantonale de l'art. 25 LIPAD n'apparaît pas en contradiction manifeste avec le but de la loi et avec l'art. 28 al. 2 Cst-GE.
Par conséquent, la cour cantonale n'a pas appliqué arbitrairement l'art. 25 LIPAD en ordonnant à la recourante de donner accès à l'intimée aux documents sollicités. Le grief de la violation de l'art. 28 al. 2 Cst./GE doit aussi être écarté dans la mesure où cette disposition ne définit pas la notion de document officiel.
4.
La recourante considère enfin que la cour cantonale aurait violé le principe de l'interdiction de l'abus de droit (art. 9 Cst.) en omettant de constater que la demande d'accès litigieuse était chicanière. Elle prétend que l'intimée lui aurait demandé de manière systématique et répétée des documents qu'elle possédait déjà et aurait utilisé les documents obtenus pour l'attaquer publiquement lors de conférences de presse et ainsi ternir sa réputation.
4.1. Ancré à l'art. 9 Cst., et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2).
En droit public, le principe de la bonne foi est aussi explicitement consacré par l'art. 5 al. 3 Cst., en vertu duquel les organes de l'Etat et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Il y a fraude à la loi - forme particulière d'abus de droit - lorsqu'un justiciable évite l'application d'une norme imposant ou interdisant un certain résultat par le biais d'une autre norme permettant d'aboutir à ce résultat de manière apparemment conforme au droit (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.3). La norme éludée doit alors être appliquée nonobstant la construction juridique destinée à la contourner (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.3; ATF 134 I 65 consid. 5.1). Pour être sanctionné, un abus de droit doit apparaître manifeste. L'autorité qui entend faire appliquer la norme éludée doit établir l'existence d'une fraude à la loi, ou du moins démontrer l'existence de soupçons sérieux dans ce sens. Cette appréciation doit se faire au cas par cas, en fonction des circonstances d'espèce (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.5 et la jurisprudence citée).
A l'instar de tous les griefs d'ordre constitutionnel, celui-ci est soumis aux conditions de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF: la partie recourante doit donc exposer, de manière claire et détaillée, en quoi consiste la violation du droit constitutionnel.
4.2. En l'occurrence, la cour cantonale a considéré que la demande d'accès litigieuse ne saurait être considérée comme abusive ou chicanière ou consacrant un abus de droit. Elle a d'abord relevé que les documents qui font l'objet de la présente procédure n'avaient pas été mis à la disposition de l'intimée, de sorte que l'on ne saurait lui reprocher d'avoir demandé de manière systématique et répétée des documents qu'elle possédait déjà. La recourante n'expose pas en quoi cette affirmation serait erronée. Elle ne démontre pas que l'intimée aurait déjà disposé des documents en question ou qu'elle les aurait réclamés à plusieurs reprises après les avoir obtenus.
Ensuite, s'agissant des attaques personnelles et publiques qu'aurait subies la recourante lors de conférences de presse auxquelles l'intimée aurait participé, la Cour de justice s'est référée au communiqué de presse du 24 août 2022 rédigé par la recourante elle-même: il en ressort en particulier que la première conférence de presse organisée par les opposants à l'énergie éolienne dans le canton de Fribourg avait été le théâtre d'attaques sans précédent contre des entreprises privées et des services de l'administration fribourgeoise, et que lesdits opposants, utilisant des arguments sans fondement, jetaient le discrédit sur la planification fribourgeoise par des procès d'intention, des accusations fallacieuses et des attaques personnelles.
La Cour de justice a considéré que rien ne permettait objectivement de retenir que l'intimée aurait utilisé, ou souhaiterait utiliser, les documents transmis, respectivement requis, pour attaquer publiquement la recourante et ternir sa réputation; ce communiqué de presse, malgré son contenu explicite, ne suffisait pas à lui seul à prouver à satisfaction de droit les faits dont se prévalait la recourante; de surcroît, ce communiqué ne faisait que relater les faits de façon subjective, ou du moins avec une objectivité et une force probante devant être fortement relativisée, puisqu'émanant de la recourante elle-même.
La recourante se contente d'affirmer péremptoirement à cet égard qu'il "ne peut être sérieusement soutenu qu'il n'y a pas eu d'attaques acharnées à [son] encontre, ni qu'il n'y aura pas de telles attaques à la suite de la transmission des documents litigieux". Dans la mesure où elle ne relève pas du procès d'intention, cette simple assertion ne suffit pas à consacrer un exercice abusif du droit d'accès aux documents au sens des art. 24 ss LIPAD de la part de l'intimée, ce d'autant moins qu'en vertu de l'art. 28 al. 1 LIPAD une demande d'accès n'a pas à être motivée.
4.3. Mal fondé, le grief de violation de l'interdiction de l'abus de droit - dont il faut de surcroît rappeler qu'il doit être admis restrictivement - doit être écarté, dans la mesure de sa recevabilité.
5.
Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
Les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera aussi une indemnité de dépens à l'intimée qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 francs, sont mis à la charge de la recourante.
3.
Une indemnité de dépens de 2'000 francs est allouée à l'intimée, à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante et de l'intimée, au Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence du canton de Genève et à la Cour de justice du canton de Genève (Chambre administrative).
Lausanne, le 30 septembre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Tornay Schaller