9C_310/2024 07.11.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_310/2024
Arrêt du 7 novembre 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Scherrer Reber.
Greffière : Mme Perrenoud.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Daniel Känel, avocat,
recourant,
contre
Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg, impasse de la Colline 1, 1762 Givisiez,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 23 avril 2024 (608 2023 120).
Faits :
A.
À la suite d'un premier refus de prestations de l'assurance-invalidité (décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg [ci-après: l'office AI] du 20 janvier 2014, confirmée par arrêt de la II e Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 8 juin 2016, puis par le Tribunal fédéral [arrêt 9C_491/2016 du 26 octobre 2016]), A.________, né en 1971, a déposé successivement deux nouvelles demandes de prestations, en février 2017, puis juillet 2018. L'office AI a refusé d'entrer en matière sur celles-ci (décisions du 30 juin 2017, respectivement 24 octobre 2018). Saisie d'une quatrième demande de prestations de l'assuré au mois d'octobre 2020, l'administration l'a rejetée (décision du 6 juillet 2023), après avoir notamment diligenté une expertise auprès du Centre d'expertise médicale Lancy (CEML; rapport des docteurs B.________, spécialiste en rhumatologie et en médecine interne générale, et C.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, du 7 février 2023).
B.
Statuant le 23 avril 2024 sur le recours formé par l'assuré contre la décision du 6 juillet 2023, le Tribunal cantonal du canton de Fribourg, II e Cour des assurances sociales, l'a rejeté.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont il demande l'annulation. Il requiert le renvoi de la cause à la juridiction cantonale afin qu'elle mette en oeuvre une nouvelle expertise bidisciplinaire en rhumatologie et en psychiatrie, puis statue à nouveau.
Considérant en droit :
1.
Le recourant se contente de prendre des conclusions cassatoires et en renvoi, alors que la nature réformatoire d'un recours en matière de droit public (cf. art. 107 al. 2 LTF) exige en principe des conclusions sur le fond du litige (cf. ATF 137 II 313 consid. 1.2). Ce procédé est toutefois admis à titre exceptionnel lorsqu'en cas d'admission du recours, le Tribunal fédéral ne serait pas en mesure de statuer (ATF 136 V 131 consid. 1.2). Or tel est bien le cas en l'espèce. S'il venait à admettre la nécessité de procéder à des mesures d'instruction supplémentaires comme le requiert le recourant, le Tribunal fédéral serait tenu de renvoyer la cause à la juridiction cantonale, voire à l'intimé, et ne pourrait donc pas trancher le litige. Les autres conditions étant remplies, le recours est dès lors recevable.
2.
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération.
3.
Les constatations de l'autorité cantonale de recours sur l'atteinte à la santé, la capacité de travail de la personne assurée et l'exigibilité - pour autant qu'elles ne soient pas fondées sur l'expérience générale de la vie - relèvent d'une question de fait et ne peuvent donc être contrôlées par le Tribunal fédéral que sous un angle restreint (ATF 132 V 393 consid. 3.2). On rappellera, en particulier, qu'il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de l'autorité cantonale semble concevable, voire préférable (ATF 141 I 70 consid. 2.2; 140 I 201 consid. 6.1). Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4).
4.
4.1. Le litige porte sur le droit de l'assuré à des prestations de l'assurance-invalidité dans le cadre de la nouvelle demande de prestations qu'il a déposée en octobre 2020 (cf. art. 17 al. 1 LPGA, applicable par analogie, en lien avec l'art. 87 al. 2 et 3 RAI; voir aussi ATF 147 V 167 consid. 4.1; 133 V 108 consid. 5 et les arrêts cités). Il s'agit de déterminer si la situation médicale du recourant s'est aggravée depuis la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente (soit la décision du 20 janvier 2014, confirmée par arrêt de la II e Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 8 juin 2016, puis par le Tribunal fédéral [arrêt 9C_491/2016 du 26 octobre 2016]), dans une mesure qui justifierait l'octroi de prestations de l'assurance-invalidité.
4.2. Dans le cadre du "développement continu de l'AI", la LAI, le RAI et la LPGA - notamment - ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (modification du 19 juin 2020, RO 2021 705; FF 2017 2535). Comme ces modifications n'ont pas d'effet sur la présente cause, il n'y a pas lieu de se prononcer plus avant sur d'éventuels aspects de droit transitoire.
4.3. L'arrêt attaqué expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à la notion d'invalidité (art. 7 et 8 al. 1 LPGA en relation avec l'art. 4 al. 1 LAI) et à son évaluation (art. 16 LPGA et art. 28a LAI), ainsi qu'à la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA) et à la valeur probante des rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3). Il suffit d'y renvoyer.
5.
Examinant l'évolution de l'état de santé du recourant depuis la décision administrative du 20 janvier 2014, les juges précédents ont d'abord rappelé que dans leur arrêt du 8 juin 2016, confirmé par le Tribunal fédéral (arrêt 9C_491/2016 du 26 octobre 2016), ils avaient admis que si l'intéressé présentait une capacité de travail nulle dans l'activité habituelle de maçon, une activité adaptée respectant ses limitations fonctionnelles somatiques (absence de port de charges à gauche, de mouvements au-dessus de l'horizontale avec le bras gauche, ne pas utiliser le bras gauche et ne pas monter sur une échelle ou un échafaudage) était exigible de lui à 100%. En se fondant sur l'expertise du 7 février 2023, à laquelle ils ont accordé une pleine valeur probante, ils ont ensuite constaté que l'assuré avait conservé une pleine capacité dans une activité adaptée jusqu'en septembre 2020; dès le 24 septembre 2020, cette capacité de travail était en revanche de 75% sans diminution de rendement dans une activité simple respectant les limitations fonctionnelles retenues (port de charges de maximum 5 kg, absence d'activités manuelles avec les bras au-dessus de l'horizontale, ne pas se pencher en avant de façon répétitive, absence de positions monotones ou défavorables comme en porte-à-faux, de position à genou ou accroupie, de marche sur des terrains irréguliers, absence de montée et descente d'échelles et d'échafaudage et nécessité d'alterner les positions assis/debout et marche, avec possibilité de changer de position toutes les heures). Après avoir exposé les raisons pour lesquelles elle a considéré que les avis des médecins traitants de l'assuré ne permettaient pas de remettre en cause les conclusions des experts, la juridiction cantonale a nié que l'évolution défavorable de la situation médicale du recourant depuis septembre 2020 (capacité de travail de 75% dans une activité adaptée) pût lui ouvrir droit à une rente de l'assurance-invalidité (taux d'invalidité de 7,5% [arrondi à 8%] jusqu'au 23 septembre 2023, puis de 30,62% [arrondi à 31%] depuis lors). Partant, les premiers juges ont confirmé la décision administrative du 6 juillet 2023.
6.
Le recourant se prévaut en substance d'une appréciation arbitraire des preuves et des faits. Il reproche aux premiers juges d'avoir "suivi d'emblée" les conclusions de l'expertise du 7 février 2023, sans avoir pris en compte de manière objective les rapports de ses médecins traitants. L'assuré conteste également l'évaluation de son taux d'invalidité, en faisant grief à la juridiction cantonale d'avoir refusé d'opérer un abattement de 15% sur le salaire statistique d'invalide.
6.1. Dans une première argumentation, le recourant affirme que l'instruction du "volet" psychiatrique du dossier est insuffisante et que les réponses "approximatives et peu claires" de l'expert psychiatre ne permettent pas d'"écarter" l'appréciation de la doctoresse D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, qui avait posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent, avec des troubles de la mémoire du travail, et attesté une incapacité totale de travail. Ce faisant, l'assuré ne fait pas état d'éléments cliniques ou diagnostiques concrets et objectifs susceptibles de mettre en cause les conclusions suivies par les juges précédents, ni de motifs susceptibles d'établir le caractère arbitraire de leur appréciation. Quoi qu'en dise l'intéressé, le docteur C.________ a dûment exposé les raisons pour lesquelles il n'a pas retenu de diagnostic psychiatrique incapacitant (rapport d'expertise psychiatrique, ch. 6-8 p. 92-98) et ses conclusions sont claires et précises. Cela ressort du reste des constatations cantonales (cf. consid. 4.2.1 et 4.3.2 p. 7 et 13 de l'arrêt entrepris). L'instance précédente a par ailleurs expliqué de manière convaincante que la doctoresse D.________ avait repris les incapacités et limitations fonctionnelles en lien avec les troubles physiques de l'assuré, sans faire état de limitations psychiatriques et sans non plus se prononcer sur le pourcentage auquel l'activité adaptée qu'elle considérait comme exigible pouvait être exercée. Le recourant ne peut dès lors pas être suivi lorsqu'il affirme que l'instance précédente a "écarté de manière expéditive et sans aucune motivation valable" le rapport établi par sa psychiatre traitante le 8 mars 2022.
Quant au fait que le docteur C.________ a indiqué que l'assuré n'avait "pas compris la question d'un éventuel diagnostic psychiatrique malgré la présence d'une traductrice en portugais", on ne voit pas en quoi il permettrait de douter des "informations factuelles" retenues par l'expert psychiatre. En particulier, le fait que l'assuré n'exprime pas d'émotion, reste peu précis dans ses réponses ou présente parfois une certaine tristesse ne suffit pas pour considérer que le tableau symptomatique d'un trouble dépressif serait objectivement rempli. Or selon les constatations faites par l'expert psychiatre lors de l'examen, l'assuré, dont la mémoire (immédiate et à long terme) était préservée, avait une humeur neutre et ne présentait pas d'attitude morose et pessimiste ni d'émoussement ou d'abrasion des affects, qui étaient appropriés. Dans ce contexte, on rappellera qu'il ne suffit pas d'affirmer que la mise en oeuvre de mesures d'instruction complémentaires (sous la forme d'une expertise) pourrait apporter des renseignements supplémentaires pour mettre en évidence que la juridiction cantonale aurait procédé de manière arbitraire à une appréciation anticipée des preuves (à ce sujet, voir ATF 140 I 285 consid. 6.3.1) ou aurait établi les faits de manière incomplète (cf. consid. 2 supra).
6.2. Ensuite, l'affirmation de l'assuré selon laquelle il est "irréaliste" et "insoutenable" que l'expert rhumatologue soit parvenu à la conclusion qu'il avait conservé une pleine capacité de travail dans une activité adaptée de mai 2012 à septembre 2020, ne lui est d'aucun secours. Il se limite en effet à opposer les conclusions de ses médecins traitants sur sa capacité de travail dans une activité adaptée ("environ 50%-60%", selon le recourant) à celles du docteur B.________, sans discuter les différents éléments qui ont convaincu la juridiction cantonale de suivre l'avis de ce médecin. Le recourant n'expose en particulier pas, même de manière succincte, quels éléments objectivement vérifiables de l'avis du docteur E.________, spécialiste en anesthésiologie (rapport du 15 mars 2022), auraient été ignorés ou méconnus par les premiers juges et seraient suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions du docteur B.________. Par conséquent, au regard du pouvoir d'examen du Tribunal fédéral quant aux faits, il n'y a pas lieu de s'écarter de l'appréciation des preuves effectuée par l'instance précédente (consid. 2 supra). Le recourant ne développe pas dans son mémoire une argumentation susceptible d'en établir le caractère arbitraire.
L'assuré ne peut pas non plus être suivi lorsqu'il affirme qu'une baisse de rendement de 25% n'est manifestement pas assez élevée au vu de ses limitations fonctionnelles et de la symptomatologie douloureuse. Outre que cette argumentation est purement appellatoire, le docteur B.________ a constaté que dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles somatiques qu'il a décrites, le recourant présentait une capacité de travail de 75% (soit 6 heures par jour de temps de présence journalier maximal) au vu de la nécessité d'effectuer des pauses pour permettre une récupération adéquate et compte tenu aussi des lésions dégénératives présentes qui comportaient une diminution de la performance (cf. rapport d'expertise rhumatologique, ch. 8.2 p. 78-79).
6.3. C'est finalement en vain que le recourant soutient qu'un abattement de 15% devait être opéré sur le revenu statistique d'invalide retenu par l'office intimé et confirmé par les premiers juges (soit un revenu de 65'683 fr. 55, obtenu en se fondant sur l'ESS 2020 [tableau TA1_tirage_skill_level, total des salaires, niveau 1, homme], et réduit de 25% dès septembre 2020 [soit 49'262 fr. 45] afin de tenir compte de la diminution de rendement de 25% attestée par les experts, non contesté en tant que tel par l'assuré). À la suite de l'instance précédente, on rappellera que le recourant, né en 1971, n'avait clairement pas atteint le seuil à partir duquel on peut parler d'âge avancé (cf. ATF 138 V 457 consid. 3). Quant à l'absence d'activité depuis 2012, ce motif ne constitue pas un facteur d'abattement au sens de la jurisprudence (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa et bb; arrêt 9C_273/2019 du 18 juillet 2019 consid. 6.3). À cet égard, une activité adaptée à plein temps était du reste exigible de l'assuré depuis la décision du 20 janvier 2014. Le fait que l'assuré "doit commencer une nouvelle activité professionnelle après avoir travaillé de nombreuses années uniquement dans la construction et sans être au bénéfice d'une quelconque formation professionnelle à l'exception de celle de grutier" ne s'inscrit pas non plus au sein des facteurs limitant les perspectives salariales admis par la jurisprudence (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc; arrêt 9C_231/2020 du 17 juin 2020 consid. 5.1). Pour le surplus, le recourant ne s'en prend pas à la constatation de la juridiction cantonale selon laquelle un large panel d'activités légères ne nécessitant pas de connaissances scolaires ou linguistiques particulières étaient adaptées à son état de santé et à ses limitations fonctionnelles.
6.4. En définitive, compte tenu des arguments avancés, il n'y a pas lieu de s'écarter des conclusions de la juridiction cantonale quant à la capacité de travail de l'assuré (entière dans une activité adaptée jusqu'au 23 septembre 2023, puis de 75%) et quant à son taux d'invalidité (de 31% depuis le 24 septembre 2023), insuffisant pour ouvrir le droit à une rente de l'assurance-invalidité. Le recours est mal fondé.
7.
Au vu de l'issue du litige, les frais de justice doivent être mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 7 novembre 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
La Greffière : Perrenoud