2D_22/2024 14.11.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2D_22/2024
Arrêt du 14 novembre 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Hänni et Kradolfer.
Greffière : Mme Joseph.
Participants à la procédure
A.A.________,
agissant par Centre de contact Suisses-Immigrés CCSI,
Chantal Uwamahoro, juriste,
recourante,
contre
Service de la population et des migrants du canton de Fribourg,
Les Portes-de-Fribourg,
route d'Englisberg 11, 1763 Granges-Paccot,
intimé.
Objet
Autorisation de séjour, regroupement familial, violences conjugales, renvoi,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, I e Cour administrative, du 2 août 2024 (601 2024 35, 601 2024 36, 601 2024 37).
Considérant en fait et en droit :
1.
A.A.________, ressortissante de Madagascar née en 1969, a épousé B.A.________, ressortissant suisse né en 1961, le 17 avril 2021. Le 21 avril 2021, une autorisation de séjour échéant le 16 avril 2024 lui a été délivrée.
Le couple s'est séparé une première fois le 19 janvier 2022.
Le 16 février 2022, A.A.________ a déposé une plainte pénale, complétée le 24 février 2022, contre son époux pour harcèlement moral, rabaissements et injures.
Le 15 mars 2022, le Service de la population et des migrations du canton de Fribourg (ci-après: le Service de la population) a informé A.A.________ qu'au vu de la séparation du couple, il envisageait de révoquer son autorisation de séjour et l'a invitée à se déterminer. Par courriers des 4 et 11 avril 2022, les intéressés ont annoncé au Service de la population qu'ils avaient repris la vie commune le 20 mars 2022.
En juin 2022, A.A.________ a entamé un suivi psychologique auprès d'un psychologue, qu'elle a interrompu fin 2022 au motif notamment que, selon ses propres dires, "la vie du couple s'améliorait".
Le 31 août 2022, sur demande de A.A.________, le Ministère public a suspendu la procédure pénale pour une durée de six mois, puis, par ordonnance du 16 mars 2023, il l'a classée au motif que lors de son audition, l'épouse avait indiqué que sa situation s'était "stabilisée voire améliorée" et qu'elle retirait sa plainte.
Le 17 avril 2023, B.A.________ a déposé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale. Le 11 juillet 2023, une audience a eu lieu. Le juge a constaté la séparation du couple.
Ensuite de la séparation, les époux ont continué de vivre sous le même toit. A.A.________ a appelé la police à deux voire trois reprises, ensuite de disputes avec B.A.________. La police est intervenue une fois sur place. Les époux ont en outre chacun déposé plainte pénale l'un contre l'autre.
2.
Par décision du 8 février 2024, le Service de la population a révoqué l'autorisation de séjour de A.A.________ et prononcé son renvoi de Suisse et de l'espace Schengen. En substance, il a retenu que la durée effective de la communauté conjugale n'avait pas dépassé trois ans, que les violences conjugales invoquées ne justifiaient pas le maintien de l'autorisation de séjour et qu'un retour à Madagascar ne présentait pas de difficultés particulières et était raisonnablement exigible.
A.A.________ a recouru auprès du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal) contre la décision du 8 février 2024, concluant à son annulation et à la prolongation de son autorisation de séjour.
Par arrêt du 2 août 2024, le Tribunal cantonal a rejeté le recours.
3.
A.A.________ dépose un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt du 2 août 2024 et, partant, au renvoi de la cause au Service de la population pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle demande également que la possibilité de déposer une demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité (art. 30 al. 1 let. b LEI) lui soit accordée. Elle requiert par ailleurs l'effet suspensif, ainsi que le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Par ordonnance du 17 septembre 2024, la Présidente de la II e Cour de droit public a octroyé l'effet suspensif au recours.
Le 20 septembre 2024, le Tribunal de céans a renoncé provisoirement à exiger une avance de frais et dit qu'il sera statué ultérieurement sur l'octroi de l'assistance judiciaire.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
4.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (cf. ATF 149 II 66 consid. 1.3; 148 I 160 consid. 1).
4.1. La recourante a déposé un recours constitutionnel subsidiaire. Or, cette voie n'est ouverte que si la décision attaquée ne peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public (cf. art. 113 LTF). Si la voie du recours en matière de droit public devait être ouverte, l'intitulé erroné du recours ne nuirait toutefois pas à son auteur, pour autant que les conditions de recevabilité du recours qui aurait dû être interjeté soient réunies (ATF 138 I 367 consid. 1.1; 134 III 379 consid. 1.2).
4.2. En l'espèce, la recourante, qui vit séparée d'un ressortissant suisse, bénéficie d'un droit à la prolongation de son autorisation de séjour fondé sur l'art. 50 LEI (cf. ATF 144 I 266 consid. 2.1; arrêt 2C_63/2024 du 18 avril 2024 consid. 3.1). Il en découle que le présent recours échappe à la clause d'irrecevabilité de l'art. 83 let. c ch. 2 LTF et que le recours en matière de droit public est partant ouvert (ATF 139 I 330 consid. 1.1).
4.3. La recourante conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause au Service de la population. Dès lors que l'on comprend clairement, à la lecture de son mémoire, qu'elle demande principalement la prolongation de son autorisation de séjour et subsidiairement le renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision, il convient de ne pas se montrer trop formaliste (cf. ATF 137 II 313 consid. 1.3) et d'admettre de telles conclusions, malgré le caractère de réforme du recours au Tribunal fédéral (art. 107 al. 2 LTF).
4.4. En revanche, la recourante ne peut invoquer l'art. 30 al. 1 let. b LEI, cette disposition ne lui conférant aucun droit à une autorisation de séjour (art. 83 let. c ch. 2 LTF). Elle relève au surplus des dérogations aux conditions d'admission, exclues de la voie du recours en matière de droit public (art. 83 let. c ch. 5 LTF). Sa conclusion en lien avec l'octroi d'une autorisation de séjour fondé sur cette disposition est irrecevable.
4.5. Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies (art. 42, 46 al. 1 let. b, 82 let. a, 86 al. 1 let. d et al. 2, 89 al. 1, 90 et 100 al. 1 LTF), il convient d'entrer en matière sur le recours en tant que recours en matière de droit public, sous réserve de ce qui précède.
5.
5.1. Saisi d'un recours en matie?re de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral et du droit international (cf. art. 95 let. a et b et art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrue (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 149 III 81 consid. 1.3; 148 I 127 consid. 4.3; 145 V 304 consid. 1.2).
5.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces derniers n'aient été établis de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitrairement (ATF 133 III 393 consid. 7.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), ce qu'il appartient à la partie recourante de démontrer dans sa motivation (cf. art. 106 al. 2 LTF). À défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 141 IV 369 consid. 6.3; 137 II 353 consid. 5). Les faits nouveaux sont inadmissibles (art. 99 al. 1 LTF; cf. ATF 143 V 19 consid. 1.1 sur la notion de véritables nova).
Dès lors, il ne sera pas tenu compte de la partie "Faits" figurant au début du mémoire, en tant qu'elle s'écarte de manière appellatoire des constatations de l'arrêt entrepris. Par ailleurs à l'appui de son raisonnement juridique, la recourante présente sa propre vision des événements, laquelle diverge sur certains points de l'état de fait retenu dans l'arrêt attaqué. Elle n'invoque cependant pas l'arbitraire dans l'établissement des faits par le Tribunal cantonal et a fortiori ne le démontre pas. Le Tribunal fédéral statuera exclusivement sur la base des seuls faits constatés dans l'arrêt attaqué.
Hormis les actes qui figuraient déjà au dossier cantonal, le Tribunal fédéral ne tiendra pas compte des pièces nouvelles produites, qui sont postérieures à l'arrêt attaqué.
6.
En substance, la recourante invoque avoir été victime de violences conjugales lesquelles ont conduit à sa séparation. L'arrêt attaqué, qui confirme la révocation de son autorisation de séjour et son renvoi de suisse, violerait ainsi sa dignité humaine (art. 7 Cst.), son intégrité physique et psychique (art. 10 al. 2 Cst.), son droit à la protection contre les traitements inhumains ou dégradants (art. 3 CEDH) et son droit à la protection de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH).
6.1. En premier lieu, il convient de mentionner que c'est à juste titre que la recourante ne se prévaut pas d'une violation de l'art. 50 al. 1 let. a LEI, puisque l'union conjugale, au sens de la jurisprudence, n'a pas duré trois ans (ATF 140 II 345 consid. 4).
6.2. L'art. 50 al. 1 let. b LEI fonde un droit à la poursuite du séjour en Suisse de l'étranger dont l'union conjugale a duré moins de trois ans en cas de raisons personnelles majeures. Parmi celles-ci figurent notamment les violences conjugales - physiques et/ou psychiques - ainsi que la réintégration fortement compromise dans le pays d'origine (cf. art. 50 al. 2 LEI). L'instance précédente a correctement exposé la jurisprudence relative à ces deux cas de rigueur (cf. 138 II 393 consid. 3 et 6; 138 II 229 consid. 3; 137 II 345 consid. 3.2; arrêt 2C_215/2024 du 17 septembre 2024 consid. 5.2 et 5.3). Il peut ainsi être renvoyé aux considérants de l'arrêt attaqué sur ces points (cf. art. 109 al. 3 LTF), en particulier à la jurisprudence selon laquelle la violence conjugale doit revêtir une certaine intensité pour tomber sous le coup de l'art. 50 al. 1 let. b LEI (ATF 138 II 229 consid. 3 consid. 6.2).
6.3. En l'occurrence, il ressort des constatations cantonales, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) et que la recourante ne remet pas en cause sous l'angle de l'arbitraire (cf. supra consid. 5.2), que cette dernière a indiqué être victime d'une première vague de violences psychologiques quelques mois après son arrivée en Suisse et jusqu'en janvier 2023. Son époux l'aurait dévalorisée, insultée et aurait tenté de contrôler ses ressources, ce qui l'avait conduite à déposer plainte pénale. Sous cet angle, l'autorité précédente a considéré que la situation décrite par la recourante, sans la remettre en doute, n'atteignait pas l'intensité exigée par la jurisprudence. Elle a précisé que le certificat médical du généraliste, selon lequel la recourante avait souffert, en juin 2022, de douleurs abdominales aiguës possiblement liées à un stress psychologique familial n'y changeait rien, celui-ci se référant à une consultation isolée et n'émettant qu'une hypothèse. En outre, s'il pouvait être admis que la recourante avait entamé un suivi psychologique à cette période, elle l'avait interrompu fin 2022, au motif que sa vie de couple s'était améliorée. Le Tribunal cantonal a ensuite retenu que la nouvelle vague de violences psychologiques dont se prévalait la recourante était postérieure à la séparation, ces faits et les pièces y relatives ne pouvaient partant pas être pris en compte. Le Tribunal cantonal a enfin relevé que la recourante avait indiqué, tout au long de la procédure, qu'elle continuerait à vivre en ménage commun avec son époux jusqu'à ce qu'une décision définitive ne la contraigne à quitter le domicile conjugal, notamment car elle souhaitait garder son autorisation de séjour. Dans ces circonstances, les juges cantonaux ont retenu que la violence conjugale invoquée, pour peu qu'elle porte sur une période où l'union conjugale durait encore, n'avait pas revêtu une intensité susceptible de constituer une raison personnelle majeure au sens de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI.
Pour le reste, le Tribunal cantonal a constaté que la recourante, qui était en Suisse depuis trois ans, avait vécu toute sa vie à Madagascar où résidait son fils, sa soeur et son père. Avant d'arriver dans notre pays, elle exerçait la profession d'avocate et gérait un institut de soins. Dès lors, il a conclu que la réintégration sociale et professionnelle dans le pays d'origine ne devait pas poser de problème particulier.
6.4. Dans son mémoire, la recourante se limite à une argumentation appellatoire inadmissible (cf. supra consid. 5.2). Elle n'explique pas, et on ne voit pas non plus, en quoi la "première vague de violences psychologiques" telle qu'elle ressort des faits constatés (art. 105 al. 1 LTF) aurait atteint l'intensité exigée par la jurisprudence ni en quoi les faits qui se sont déroulés postérieurement à la fin de l'union conjugale seraient pertinents.
Enfin, la recourante ne remet pas en cause l'appréciation du Tribunal cantonal s'agissant de sa faculté de réintégration dans son pays d'origine, mais se contente d'affirmer que son renvoi la placerait dans une détresse profonde, ce qui n'est quoi qu'il en soit pas suffisant pour admettre l'existence d'une raison personnelle majeure sous cet angle.
6.5. Partant, la recourante ne peut pas se prévaloir de raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI aptes à justifier le maintien de l'autorisation de séjour. Les griefs de la violation des art. 7 Cst., 10 al. 2 Cst., 3 CEDH et 8 CEDH, qui reposent sur les prémisses non constatées de violences conjugales et d'un risque à son intégrité en cas de retour à Madagascar, pour autant qu'ils soient suffisamment motivés ( supra consid. 5.1), sont infondés.
7.
La recourante prétend encore qu'elle disposerait, en vertu de son droit d'accès à un juge (art. 29a Cst.), d'un droit de demeurer en Suisse jusqu'à droit connu sur les plaintes pénales qu'elle a déposées contre son conjoint, le juge pénal n'ayant pas encore statué.
La recourante, qui se fonde à nouveau sur des faits non constatés, n'expose pas concrètement en quoi la décision entreprise empêcherait son accès au juge en lien avec les procédures pénales déposées. Au demeurant, on peine à voir qu'elle puisse déduire un droit de séjourner en Suisse d'une potentielle violation de l'art. 29a Cst. en lien avec d'autres procédures.
8.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, considéré comme un recours en matière de droit public, dans la mesure de sa recevabilité, en application de la procédure de l'art. 109 LTF.
Le recours étant d'emblée dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Succombant, la recourante supportera les frais judiciaires réduits (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (cf. art. 68 al. 1 et 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours, considéré comme un recours en matière de droit public, est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, I e Cour administrative, et au Secrétariat d'État aux migrations.
Lausanne, le 14 novembre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : M. Joseph