2D_25/2024 15.11.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2D_25/2024
Arrêt du 15 novembre 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes les Juges fédérales
Aubry Girardin, Présidente, Hänni et Ryter.
Greffière : Mme Joseph.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Nangbayadé Constant Aharh,
recourant,
contre
Service de la population et des migrants du canton de Fribourg,
Les Portes-de-Fribourg,
route d'Englisberg 11, 1763 Granges-Paccot,
intimé.
Objet
Droit de cité, établissement, séjour; autorisation de séjour en vue du mariage,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, I e Cour administrative, du 28 août 2024 (601 2024 64, 601 2024 65 et 601 2024 66).
Considérant en fait et en droit :
1.
A.________, ressortissant du Cameroun né en 1988, est entré illégalement en Suisse en mai 2023 depuis la France où il a séjourné durant deux ans.
Le 1er mai 2023, A.________ a déposé une demande d'asile, laquelle a été rejetée le 12 juin 2023 par le Secrétariat d'État aux migrations (ci-après: le SEM) qui a ordonné son renvoi de Suisse. Le 11 septembre 2023, cette décision a été confirmée sur recours par le Tribunal administratif fédéral (ci-après: le TAF). Durant la procédure, A.________ avait été auditionné par le SEM sur les motifs d'asile et ses craintes liées à son orientation sexuelle.
Par courrier du 15 septembre 2023, le SEM a imparti à l'intéressé un délai de départ au 29 septembre 2023 pour quitter la Suisse, auquel celui-ci n'a pas donné suite.
A.________ vit depuis décembre 2023 à Fribourg, auprès de B.________, née en 1979, ressortissante de Côte d'Ivoire au bénéfice d'une autorisation d'établissement.
2.
En janvier 2024, A.________ et B.________ ont ouvert un dossier de mariage auprès du Service des affaires institutionnelles des naturalisations et de l'état civil du canton de Fribourg.
Le 19 mars 2024, A.________ a déposé une demande d'autorisation de séjour en vue de la préparation de son mariage.
Par décision du 1er mai 2024, le Service de la population et des migrants du canton de Fribourg (ci-après: le Service de la population) a refusé de délivrer une autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage et a confirmé l'obligation de A.________ de quitter la Suisse.
Le 15 mai 2024, l'intéressé a recouru contre la décision du 1er mai 2024 auprès du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal). Le même jour, B.________ a également recouru contre la décision précitée. Les causes ont été jointes.
Par arrêt du 28 août 2024, le Tribunal cantonal a rejeté le recours, au motif qu'il s'agissait d'une union fictive de sorte qu'une autorisation de séjour en vue du mariage ne pouvait pas être délivrée à A.________.
3.
Contre l'arrêt du 28 août 2024, A.________ dépose un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à l'octroi d'une autorisation de séjour en vue du mariage. Il requiert par ailleurs implicitement l'effet suspensif.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
4.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (cf. ATF 149 II 66 consid. 1.3; 148 I 160 consid. 1).
4.1. Le recourant a agi par la voie du recours constitutionnel subsidiaire. Or, cette voie n'est ouverte que si la décision attaquée ne peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public (cf. art. 113 LTF). Si la voie du recours en matière de droit public devait être ouverte, l'intitulé erroné du recours ne nuirait toutefois pas à son auteur, pour autant que les conditions de recevabilité du recours qui aurait dû être interjeté soient réunies (ATF 138 I 367 consid. 1.1; 134 III 379 consid. 1.2; 133 II 396 consid. 3.1).
4.2. D'après l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, la voie du recours en matière de droit public est fermée contre les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit. Cela signifie a contrario que cette voie de recours est ouverte lorsque la partie recourante peut se prévaloir d'un droit à l'obtention de l'autorisation sollicitée. Selon la jurisprudence, il suffit à cet égard qu'il existe un droit potentiel à l'autorisation, étayé par une motivation soutenable (ATF 147 I 89 consid. 1.1.1; 139 I 330 consid. 1.1).
En l'espèce, le recourant prétend de manière défendable avoir droit à une autorisation de séjour de courte durée en vue de son mariage, en vertu de l'art. 14 Cst. Dès lors que cette disposition est, sous certaines conditions, susceptible de lui conférer un tel droit de séjour, il y a lieu d'admettre que son recours ne tombe pas sous le coup de l'art. 83 let. c ch. 2 LTF (cf. arrêts 2C_178/2024 du 31 mai 2024 consid. 1.2; 2C_1019/2022 du 7 juin 2023 consid. 1.1; 2C_349/2011 du 23 novembre 2011 consid. 1.3, non publié in ATF 137 I 351). Le point de savoir si un tel droit doit être reconnu en l'espèce relève du fond et non de la recevabilité (cf. ATF 139 I 330 consid. 1.1).
4.3. Au surplus, le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. b LTF) et dans les formes prescrites par la loi (art. 42 LTF), par la destinataire de l'arrêt attaqué qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 89 al. 1 LTF). Il est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par une autorité cantonale supérieure de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Il convient donc d'entrer en matière sur le recours en tant que recours en matière de droit public.
5.
5.1. Saisi d'un recours en matie?re de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral et du droit international (cf. art. 95 let. a et b et art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrue (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 149 III 81 consid. 1.3; 148 I 127 consid. 4.3; 145 V 304 consid. 1.2).
Le recourant se prévaut d'une violation de l'art. 8 al. 2 Cst. À le comprendre, il aurait été moins bien traité en raison de son lieu d'origine, soit le Cameroun. Or, le recourant n'explique nullement en quoi il serait concrètement victime d'une discrimination et on ne le voit pas non plus. Insuffisamment motivé, le grief ne peut pas être examiné (cf. art. 106 al. 2 LTF). Au surplus, cette disposition ne permet en principe pas de conférer un droit à un titre de séjour (ATF 147 I 89 consid. 1.1.4).
5.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces derniers n'aient été établis de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitrairement (ATF 133 III 393 consid. 7.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), ce qu'il appartient à la partie recourante de démontrer dans sa motivation (cf. art. 106 al. 2 LTF). À défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 141 IV 369 consid. 6.3; 137 II 353 consid. 5).
Dès lors, il ne sera pas tenu compte de la partie "En fait" figurant au début du mémoire, en tant qu'elle s'écarte de manière appellatoire de ceux établis dans l'arrêt entrepris. Au surplus, le recourant n'invoque pas l'arbitraire dans l'établissement des faits. Le Tribunal fédéral statuera exclusivement sur la base des seuls faits constatés dans l'arrêt attaqué.
6.
Le recourant, citant l'art. 14 Cst., soutient en substance qu'il remplit les conditions pour obtenir une autorisation de séjour en vue de son mariage en Suisse. C'est de manière arbitraire (art. 9 Cst.) que l'instance précédente aurait retenu qu'il s'agissait d'une union de complaisance.
6.1. L'instance précédente a correctement exposé la jurisprudence relative au droit au mariage tel que garanti par l'art. 14 Cst. et 12 CEDH, dispositions qui sont interprétées de manière analogue (cf. ATF 139 I 37 consid. 3.5.2). Il peut donc être renvoyé aux considérants de l'arrêt attaqué sur ces points (cf. art. 109 al.3 LTF), étant rappelé que les autorités de police des étrangers sont tenues de délivrer un titre de séjour en vue du mariage lorsqu'il n'y a pas d'indice que l'étranger entende, par cet acte, invoquer abusivement les règles sur le regroupement familial et qu'il apparaît clairement que celui-ci remplira les conditions d'une admission en Suisse après son union (cf. art. 17 al. 2 LEI par analogie; ATF 139 I 37 consid. 3.5.2; 138 I 41 consid. 4; 137 I 351 consid. 3.7). Il y a mariage fictif constitutif d'abus lorsque celui-ci est contracté dans le seul but d'éluder les dispositions de la loi, ce qui est en particulier le cas si les époux, voire seulement l'un d'eux, n'ont jamais eu la volonté de former une véritable communauté conjugale. Une telle volonté est un élément intime, qui, par la nature des choses, ne pourra être établi qu'au moyen d'un faisceau d'indices (ATF 130 II 113 consid. 10.2; 127 II 49 consid. 4a et 5a; arrêt 2C_814/2020 du 18 mars 2021 consid. 5.1).
6.2. En l'espèce, il ressort des faits de l'arrêt attaqué, qui ne sont pas contestés sous l'angle de l'arbitraire et qui lient par conséquent le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que le recourant est arrivé illégalement en Suisse au printemps 2023 et que sa demande d'asile a été rejetée en juin 2023, un délai pour quitter la suisse lui ayant été imparti à fin septembre 2023. L'arrêt attaqué précise qu'il ressort de l'audition du recourant menée dans le cadre de la procédure d'asile que celui-ci est homosexuel depuis sa précoce adolescence, qu'il a vécu plusieurs relations homosexuelles suivies dans son pays d'origine et qu'il est venu en Suisse notamment en raison des associations Caritas et LGBT qui s'y trouvent. Il ressort encore de l'arrêt entrepris que le recourant avait également fait part de son homosexualité aux autorités françaises, ainsi qu'aux associations suisses défendant les droits des personnes LGBT. Puis, selon les faits constatés, le recourant a déposé un dossier de mariage en janvier 2024, soit 6 mois après le rejet de sa demande d'asile par le SEM, afin d'épouser B.________. Il a indiqué avoir fait la connaissance de cette femme en août 2023, soit 6 mois avant de déposer son dossier de mariage, et dit être tombé amoureux en octobre 2023. Enfin, les intéressés vivaient ensemble depuis décembre 2023, soit depuis un mois.
Dans de telles circonstances et quoi qu'en dise le recourant, on ne peut pas reprocher aux juges cantonaux d'avoir retenu qu'il existait des doutes légitimes et concrets quant aux véritables intentions du recourant et d'avoir conclu qu'il y avait tout lieu de craindre, sur la base de ces indices, que le recourant ne projetait de se marier que dans le but d'éluder les dispositions de la LEI. Dès lors, il n'y avait en effet pas lieu de se demander si le recourant remplirait a priori les conditions d'octroi d'un titre de séjour par regroupement familial une fois l'union célébrée.
Les juges cantonaux ont précisé que l'attestation Queeramnesty du 8 mai 2024, indiquant que l'entretien s'étant déroulé avec le recourant aurait montré qu'il se considérerait désormais comme bisexuel, mais qu'il n'en était pas sûr car l'affection pour sa fiancée était quelque chose de nouveau pour lui et qu'il ne pouvait pas encore la nommer précisément, n'y changeait rien. On ne voit en effet pas en quoi le fait que le recourant ne soit pas certain de son orientation sexuelle en l'état soit à même de mettre à mal la précédente appréciation.
6.3. Dans son mémoire, le recourant invoque qu'il serait erroné de retenir qu'il pourrait se marier dans un autre pays que la Suisse, par exemple au Cameroun ou en Côte d'Ivoire, en raison du sort généralement réservé aux personnes homosexuelles ou bisexuelles dans ces pays.
Or, comme le relève explicitement le Tribunal cantonal, le mariage fictif exclut de toute façon le regroupement familial. C'est ainsi à titre superfétatoire que le Tribunal cantonal a indiqué que rien dans le dossier n'indiquait que les démarches en vue du mariage ne pourraient pas être poursuivies dans un autre pays que la Suisse, par exemple au Cameroun, de sorte que l'on ne se trouvait pas dans une situation où une tolérance de séjour en vue du mariage (cf. arrêts 2C_178/2024 du 31 mai 2024 consid. 4.5; 2C_154/2020 du 7 avril 2020 consid. 3.10) devait être envisagée.
Enfin, on peine particulièrement à suivre le recourant lorsqu'il invoque que la décision entreprise, selon laquelle rien ne s'oppose à ce qu'il se marie avec sa fiancée dans un autre pays, par exemple au Cameroun, aurait pour conséquence qu'il serait contraint de "cacher son orientation sexuelle".
6.4. Il s'ensuit que le Tribunal cantonal, en confirmant le refus d'octroi d'une autorisation de séjour en vue du mariage du recourant, n'a pas violé l'art. 14 Cst.
7.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours envisagé comme un recours en matière de droit public, en application de la procédure de l'art. 109 LTF.
En tant que le recourant sollicite l'effet suspensif, sa demande est sans objet.
Succombant, le recourant supportera les frais judiciaires réduits (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (cf. art. 68 al. 1 et 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours, considéré comme un recours en matière de droit public, est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, I e Cour administrative, et au Secrétariat d'État aux migrations.
Lausanne, le 15 novembre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : M. Joseph