2C_434/2024 20.11.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_434/2024
Arrêt du 20 novembre 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Ryter et Kradolfer.
Greffière : Mme Meyer.
Participants à la procédure
A.A.________,
recourant,
contre
Service des migrations du canton de Neuchâtel,
rue de Maillefer 11a, 2000 Neuchâtel,
Département de l'emploi et de la cohésion sociale de la République et canton de Neuchâtel,
Château, rue de la Collégiale 12, 2000 Neuchâtel.
Objet
Rejet de la requête de regroupement familial,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, du 16 janvier 2024 (CDP.2024.63-ETR/yr).
Considérant en fait et en droit :
1.
A.A.________, né en 1983, de nationalité ivoirienne, a eu un fils en Côte d'Ivoire, B.A.________, né en 2011, qui vit actuellement avec sa mère dans ce pays.
En 2014, à la suite de son mariage avec une autre femme titulaire d'une autorisation de séjour en Suisse, A.A.________ a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour au titre de regroupement familial. Les époux, qui ont eu deux enfants (art. 105 al. 2 LTF), sont séparés depuis le 6 juillet 2021.
2.
Le 8 juin 2022, A.A.________ a déposé, auprès de l'Ambassade de Suisse à Abidjan, en Côte d'Ivoire, une demande de visa de long séjour (visa D) en faveur de son fils né en 2011, en vue du regroupement familial. La représentation suisse a transmis cette demande au Service des migrations de la République et canton de Neuchâtel (ci-après : le Service cantonal), qui a refusé d'octroyer l'autorisation de séjour sollicitée par décision du 13 juin 2023. Saisi d'un recours de A.A.________, le Département de l'emploi et de la cohésion sociale de la République et canton de Neuchâtel (ci-après : le Département cantonal) a confirmé cette décision par prononcé du 16 janvier 2024. Par arrêt du 15 août 2024, le Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel (ci-après : le Tribunal cantonal) a rejeté le recours formé contre ce prononcé.
3.
A.A.________ forme un "recours" devant le Tribunal fédéral. Il demande, en substance, que son fils né en 2011 en Côte d'Ivoire puisse le rejoindre en Suisse et d'être exonéré des frais judiciaires. Dans un courrier ultérieur, daté du 25 octobre 2024 et non signé, l'intéressé a transmis au Tribunal fédéral un acte de décès, qui attesterait que son frère serait décédé en Côte d'Ivoire.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
4.
4.1. Le recourant a adressé un "recours" au Tribunal fédéral. La désignation erronée de la voie de droit ne saurait toutefois lui nuire si son recours remplit les exigences légales de la voie de droit qui lui est ouverte (cf. ATF 148 I 160 consid. 1.1).
4.2. D'après l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit. Selon la jurisprudence, il suffit toutefois, sous l'angle de la recevabilité, qu'il existe un droit potentiel à l'autorisation en question, étayé par une motivation soutenable, pour que cette clause d'exclusion ne s'applique pas et que, partant, la voie du recours en matière de droit public soit ouverte (ATF 147 I 89 consid. 1.1.1). La question de savoir si les conditions d'un tel droit sont effectivement réunies relève du fond (ATF 139 I 330 consid. 1.1; arrêt 2C_249/2024 du 31 mai 2024 consid. 3.2).
4.3. En l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué (art. 105 al. 1 LTF) que le recourant est titulaire d'une autorisation de séjour. Le regroupement familial requis doit par conséquent être envisagé sous l'angle de l'art. 44 LEI (RS 142.20). Au contraire de l'art. 43 LEI mentionné dans l'arrêt attaqué - applicable aux enfants étrangers du titulaire d'une autorisation d'établissement et non de séjour -, l'art. 44 LEI ne confère pas un droit au sens de l'art. 83 let. c ch. 2 LTF (cf. ATF 139 I 330 consid. 1.2; 137 I 284 consid. 1.2; arrêt 2C_249/2024 précité consid. 3.3). Il s'ensuit que la voie du recours en matière de droit public n'est pas ouverte sur la base de l'art. 44 LEI.
4.4. Même si le droit interne ne prévoit pas de droit au regroupement familial, l'art. 8 CEDH peut conférer, à certaines conditions, un droit de séjourner en Suisse aux enfants étrangers encore mineurs, notamment si leurs parents disposent d'un droit certain à une autorisation de séjour, soit d'un droit de présence assuré en Suisse leur permettant de résider durablement dans le pays (cf. ATF 146 I 185 consid. 6.1; 137 I 284 consid. 2.6).
4.5. En l'occurrence, on comprend des écritures du recourant, qui agit sans l'assistance d'un avocat et qui argue que son fils âgé de 13 ans serait dans une situation grave et risquerait de se retrouver seul en Côte d'Ivoire car sa mère serait mourante, qu'il entend se prévaloir du droit au respect de la vie familiale consacré par l'art. 8 CEDH, bien qu'il n'invoque pas expressément cette disposition.
4.6. L'intéressé a eu deux autres enfants, qui sont mineurs et résident en Suisse. Il travaille dans notre pays, où il séjourne légalement depuis environ dix ans (cf. ATF 149 I 207 consid. 5.3.2 et 5.3.3; 146 I 185 consid. 5.2 et les arrêts cités). Dans ce contexte, le recourant peut se prévaloir d'un potentiel droit de séjour durable. En outre, le fils du recourant visé par la demande de regroupement familial, qu'il soutient financièrement, est mineur. Il convient donc d'admettre qu'il puisse se prévaloir d'un droit potentiel à rejoindre son père en Suisse déduit de l'art. 8 CEDH (cf. ATF 145 I 227 consid. 3.1; arrêt 2C_215/2023 du 6 février 2024 consid. 1.3). Sous cet angle, la voie du recours en matière de droit public est donc en principe ouverte.
4.7. Dans la mesure où l'on comprend, à la lecture des écritures du recourant, que celui-ci demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt attaqué en ce sens qu'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial soit accordée à son fils né en 2011, il y a lieu de ne pas se montrer trop formaliste et d'admettre que les conclusions sont suffisantes (cf. ATF 141 I 49 consid. 3.2; arrêt 2C_249/2024 précité consid. 3.5). Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies (art. 82 let. a, 86 al. 1 let. d et al. 2, 89 al. 1, 90 et 100 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière.
5.
5.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 149 I 105 consid. 2.1). Il procède à cet examen sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. Les faits et critiques invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (cf. ATF 148 I 160 consid. 3). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF).
5.2. En l'occurrence, le recourant présente sa propre version des faits concernant l'état de santé de la mère de son fils résidant en Côte d'Ivoire et sa capacité à s'occuper de celui-ci, sans toutefois invoquer l'arbitraire, ni exposer en quoi la constatation des faits effectuée par l'instance précédente serait manifestement inexacte. Une telle argumentation, appellatoire, n'est pas recevable.
En outre, le Tribunal fédéral ne peut pas tenir compte de l'acte de décès du frère du recourant car il s'agit d'un fait postérieur à l'arrêt attaqué.
Le Tribunal fédéral statuera donc sur la base des faits tels qu'ils ressortent de l'arrêt attaqué.
6.
Le litige porte sur le refus d'accorder une autorisation de séjour par regroupement familial au fils du recourant né en 2011 en Côte d'Ivoire. Il s'agit essentiellement de savoir si le Tribunal cantonal a, à bon droit, nié l'existence de raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEI, y compris sous l'angle de l'art. 8 CEDH.
7.
Le recourant se plaint que le Service cantonal ne l'aurait pas informé de l'existence des délais prévus à l'art. 47 al. 1 LEI, grief qu'il convient d'examiner en premier lieu.
Le Tribunal cantonal a correctement exposé les dispositions légales (art. 57 al. 1 LEI) et la jurisprudence en matière d'information et de conseil aux personnes étrangères (art. 109 al. 3 LTF; arrêt 2C_513/2021 du 18 novembre 2021 consid. 4.1; 2C_323/2018 du 21 septembre 2018 consid. 7.2.1). Il a en particulier rappelé que, selon la jurisprudence, les mesures d'instruction des autorités en lien avec l'examen d'une demande de regroupement familial ne sont en principe pas de nature à susciter des attentes légitimes (arrêt 2C_323/2018 précité consid. 7.2.2). L'instance précédente en a déduit, à juste titre, qu'il appartenait au recourant de s'informer sur les conditions du regroupement familial. Au surplus, le recourant n'invoque aucunement la protection de la bonne foi ou l'art. 9 Cst. devant le Tribunal fédéral, qui ne peut dès lors examiner ses critiques sous cet angle (cf. art. 106 al. 2 LTF).
8.
Le non-respect des délais prévus à l'art. 47 al. 1 LEI n'est, à juste titre, pas contesté par le recourant. En revanche, celui-ci argue que la condition des raisons personnelles majeures prévue à l'art. 47 al. 4 LEI serait remplie car la mère de son fils né en 2011 serait mourante et que personne ne pourrait le prendre en charge en Côte d'Ivoire.
8.1. Le Tribunal cantonal a correctement exposé le droit applicable
en matière de regroupement familial différé (cf. art. 75 OASA [RS 142.201] et art. 8 CEDH), ainsi que la jurisprudence relative à la condition des raisons familiales majeures prévues à l'art. 47 al. 4 LEI (cf. en particulier ATF 146 I 185 consid. 7.1.1; 133 II 6 consid. 3.1.2; arrêt 2C_948/2019 du 27 avril 2020 consid. 3.2; cf. également arrêts 2C_281/2023 du 11 octobre 2023 consid. 4.3; 2C_865/2021 du 2 février 2022 consid. 3.4 et les arrêts cités), si bien qu'il peut être renvoyé à l'arrêt attaqué sur ces aspects (art. 109 al. 3 LTF). En particulier, l'instance précédente a rappelé que les raisons familiales majeures pour le regroupement familial hors délai devaient être interprétées d'une manière conforme au droit fondamental au respect de la vie familiale (art. 13 Cst. et 8 CEDH; cf. ATF 146 I 185 consid. 7.1.1).
8.2. Le Tribunal cantonal a en outre procédé à une analyse détaillée et convaincante du cas d'espèce. Il a retenu que le recourant n'avait, dans un premier temps, pas fondé la demande de regroupement familial sur un changement de circonstances important. à aucun moment lors du dépôt de cette demande, il n'avait invoqué que la mère de son fils en Côte d'Ivoire serait confrontée à des problèmes de santé ou qu'elle ne serait plus capable de prendre soin de leur fils. Cette dernière n'avait pas non plus mentionné de telles circonstances dans son courrier adressé au Service cantonal. Ce n'était que lors de la contestation de la décision de celui-ci devant le Département cantonal que le recourant s'était prévalu de ce motif. Or, selon l'instance précédente, les documents médicaux déposés par le recourant, qui révélaient une épiphysiolyse droite ainsi qu'une spondylarthrite ankylosante, ne permettaient pas de conclure que le pronostic vital de la mère serait engagé ou qu'elle ne serait plus en mesure de prendre en charge son fils, qui, vu son âge, demandait moins d'attention et de soins qu'un très jeune enfant. Plus particulièrement, ces documents ne décrivaient pas de limitations fonctionnelles. En outre, les allégations du recourant quant à l'incapacité pour ses parents vivant en Côte d'Ivoire de s'occuper de son fils en raison de leur état de santé n'étaient pas documentées. Il n'avait ainsi pas démontré que la mère serait le seul soutien de leur fils dans ce pays et qu'il n'existerait pas de solutions de prise en charge alternatives. Sur la base de ces éléments, l'instance précédente a considéré, à juste titre, qu'il n'existait pas de raisons personnelles majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEI justifiant un regroupement familial malgré le non-respect du délai prévu à l'art. 47 al. 1 LEI. Une telle conclusion est en outre conforme à l'art. 8 CEDH (cf. ATF 146 I 185 consid. 7.1.1).
8.3. Il découle de ce qui précède que le Tribunal cantonal n'a nullement violé l'art. 8 CEDH, en lien avec l'art. 47 LEI, en confirmant le refus d'octroyer un permis de séjour au titre du regroupement familial au fils du recourant vivant depuis sa naissance avec sa mère en Côte d'Ivoire.
9.
Le recourant se plaint d'avoir dû assumer des frais judiciaires devant l'instance précédente, alors qu'il en aurait été exonéré dans le cadre de son "divorce" en avril 2024. Il n'invoque cependant ni l'art. 29 al. 3 Cst. ni ne motive son grief d'une manière conforme à l'art. 106 al. 2 LTF. Au demeurant, l'instance précédente a détaillé les charges du recourant, avant d'aboutir à la conclusion qu'avec un salaire net de 5'400 fr., il bénéficiait d'un disponible suffisant pour assumer les frais de la procédure menée devant le Tribunal cantonal, d'un montant de 880 fr. Dans ce contexte, on ne voit pas en quoi le Tribunal cantonal aurait pu violer l'art. 29 al. 3 Cst. en refusant d'exonérer le recourant des frais judiciaires. Partant, pour autant que recevable, le grief du recourant doit être rejeté.
10.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, manifestement infondé, en application de la procédure simplifiée de l'art. 109 LTF.
Le recours étant d'emblée dénué de chance de succès, la demande d'assistance judiciaire, limitée aux frais, est rejetée (cf. art. 64 al. 1 LTF). Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires, qui seront toutefois réduits (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Service des migrations du canton de Neuchâtel, au Département de l'emploi et de la cohésion sociale de la République et canton de Neuchâtel, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et au Secrétariat d'État aux migrations.
Lausanne, le 20 novembre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : L. Meyer