7B_734/2024 05.03.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_734/2024
Arrêt du 5 mars 2025
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Kölz et Hofmann.
Greffière : Mme Paris.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Loïc Parein, avocat,
recourant,
contre
B.________,
intimé,
Ministère public central du canton de Vaud, Division criminalité économique, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD.
Objet
Expertise psychiatrique; récusation,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 2 mai 2024
(335 - PE18.025095-ARS).
Faits :
A.
A.a. Le 21 décembre 2018, le Centre C.________ a dénoncé auprès du Ministère public central du canton de Vaud (ci-après: le Ministère public) le groupe évangélique D.________, dont les fondements ont été créés en xxx par A.________. Selon les témoignages de huit personnes ayant fréquenté ce groupe entre 2004 et 2018, les fidèles de cette Eglise subissaient des pressions financières importantes pouvant conduire certains d'entre eux à l'endettement.
Ensuite de cette dénonciation pénale, de rapports de police et de plaintes pénales déposées par sept anciens membres de la communauté religieuse, le Ministère public a ouvert le 23 avril 2020 une instruction pénale contre A.________ pour usure (art. 157 CP), qu'il a étendue le 17 janvier 2022 à l'infraction de contrainte (art. 181 CP).
A.b.
A.b.a. Par avis du 17 janvier 2022, le Ministère public a informé les parties qu'il envisageait de soumettre A.________ à une expertise psychiatrique dès lors que certains enregistrements audios permettaient de douter de l'éventuelle pleine et entière responsabilité du prénommé. Par courrier du 28 février 2022, celui-ci s'y est opposé.
Par mandat d'expertise psychiatrique du 8 avril 2022, le Ministère public a désigné en qualité d'experts la Dre E.________ et le Prof. F.________, respectivement médecin et médecin chef auprès du Centre d'expertises de l'Institut de psychiatrie légale du Département de psychiatrie du G.________. Par arrêt du 29 juin 2022, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par A.________ contre le mandat d'expertise, qu'elle a confirmé.
A.b.b. Le 5 avril 2023, la Dre E.________ a informé oralement le Procureur qu'il n'était pas possible d'exécuter le mandat d'expertise sans la collaboration du prévenu. Par courrier du 26 avril 2023, les experts ont confirmé que dans la situation du prévenu, les entretiens paraissaient indispensables pour pouvoir répondre aux questions posées.
A.b.c. Le 1 er décembre 2023, le Ministère public a contacté par téléphone le Prof. B.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, pour s'enquérir de ses disponibilités en vue de réaliser une expertise psychiatrique. Par courrier du 4 décembre 2023, il lui a notamment demandé de lui indiquer si, sur le principe et dans la mesure du possible, en cas de refus de l'expertisé de se soumettre à l'examen personnel, il était également disposé à procéder uniquement sur la base des pièces du dossier pour réaliser une éventuelle analyse psychopathologique. Par lettre du 11 décembre 2023, le Prof. B.________ a répondu par l'affirmative.
A.b.d. Par avis d'expertise du 9 janvier 2024, le Ministère public a informé les parties de son intention de désigner deux nouveaux experts, à savoir le Prof. B.________ et la psychologue H.________. Il leur a remis les questions qu'il entendait soumettre aux experts - soit les mêmes que celles qui figuraient dans le mandat d'expertise du 8 avril 2022 - et leur a fixé un délai pour s'exprimer sur le choix des experts et sur les questions à leur poser.
Le 31 janvier 2024, A.________ a notamment demandé au Procureur si l'entretien téléphonique du 1 er décembre 2023 avec le Prof. B.________ s'était limité à une question de disponibilité.
Par courrier du 6 février 2024, le Procureur a répondu que cet appel s'était inscrit dans les démarches usuelles consistant à s'enquérir de la disponibilité des praticiens concernés; le Prof. B.________ avait été brièvement orienté sur les éléments essentiels ayant fondé l'ouverture de l'instruction pénale, lesquels étaient nécessaires à son appréhension minimale de la cause. Il avait été interpellé sur sa disposition éventuelle à procéder uniquement sur la base des pièces du dossier attendu qu'il lui appartiendrait, le cas échéant, d'en apprécier la faisabilité au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Le Procureur a par ailleurs précisé qu'il avait l'intention de transmettre aux experts les rapports médicaux relatifs aux plaignants dans la mesure où ils apparaissaient indispensables à la réalisation de l'expertise au sens de l'art. 184 al. 4 CPP. Il invitait A.________, en cas d'opposition, à indiquer précisément les éléments visés, respectivement la cote de la pièce et les passages concernés, en motivant sa position de manière circonstanciée.
Dans ce même courrier, le Procureur a indiqué qu'il avait pris note de l'avis de A.________ selon lequel les conditions nécessaires à la mise en oeuvre d'une expertise sur dossier n'étaient pas établies. Il considérait néanmoins qu'une expertise, fût-elle sur dossier, se justifiait.
A.b.e. Se déterminant sur la mise en oeuvre d'une expertise sur dossier dans le délai fixé par le Ministère public, A.________ a, le 21 février 2024, notamment maintenu que les conditions n'étaient pas réalisées. Il a indiqué qu'avant toute délivrance d'un mandat, il fallait interroger l'expert sur des aspects méthodologiques. Il s'est en outre opposé à ce que les pièces médicales relatives aux plaignants soient mises à disposition de l'expert.
B.
B.a. Par lettre du 2 avril 2024 annexée au mandat d'expertise du même jour (cf. let. B.b infra), le Procureur s'est déterminé sur les observations de A.________ du 21 février 2024. À titre liminaire, il a constaté que, nonobstant les deux sollicitations qui lui avaient été adressées les 9 janvier et 6 février 2024 pour se déterminer sur le choix des experts, A.________ ne s'était pas prononcé; il fallait en déduire qu'il n'avait pas de motifs de récusation à faire valoir.
Le Procureur a par ailleurs considéré qu'il n'y avait pas lieu de revenir sur les critiques du prénommé relatives à la question n° 3 du questionnaire soumis par avis d'expertise du 9 janvier 2024, soit: " L'examen de A.________ et des pièces du dossier met-il en évidence la mise en place de modalités relationnelles particulières avec les membres de la communauté religieuse? Dans l'affirmative, veuillez les décrire le plus précisément possible ". En effet, la Chambre des recours pénale avait déjà eu l'occasion de confirmer la pertinence d'une expertise psychiatrique sur la base du même questionnaire.
En outre, le Procureur a indiqué que la renonciation des experts précédemment désignés à procéder à une expertise sur dossier n'en disqualifiait pas la faisabilité, soulignant que l'attention du Prof. B.________ avait été attirée sur le fait que dans de telles circonstances, à teneur de la jurisprudence du Tribunal fédéral, il lui incomberait en premier lieu d'apprécier si une expertise fondée uniquement sur pièces pourrait exceptionnellement lui permettre de répondre aux questions posées. Il a également souligné que pour pouvoir se déterminer en respectant les réquisits du Tribunal fédéral en la matière, il convenait que les experts puissent se voir soumettre le questionnaire concerné et les pièces pertinentes; il a ainsi rejeté, à ce stade, la demande du recourant tendant à les interroger sur leurs "aspects méthodologiques".
Enfin, s'agissant des pièces médicales relatives à certaines parties plaignantes dont le recourant s'opposait à ce qu'elles paraissent au dossier, elles allaient être communiquées aux experts dans la mesure où elles paraissaient nécessaires à la réalisation de l'expertise au sens de l'art. 184 al. 4 CPP, en particulier en vue de répondre à la question n° 3 du questionnaire. Au demeurant, le recourant n'avait pas motivé sa position en communiquant la cote des pièces, respectivement les passages concernés par sa demande, nonobstant le courrier du Ministère public du 6 février 2024.
B.b. Par mandat d'expertise du 2 avril 2024, le Ministère public a désigné en qualité d'expert le Prof. B.________ et en qualité de co-experte la psychologue H.________, avec mission de répondre à une série de questions. Ledit mandat d'expertise indique également qu'à l'échéance du délai de recours, une série de pièces nécessaires à l'accomplissement de la mission de l'expert et de sa co-experte allait être remise à ces derniers.
B.c. Par arrêt du 2 mai 2024, la Chambre des recours pénale a rejeté le recours formé par A.________ contre le mandat d'expertise du 2 avril 2024.
En particulier, après avoir confirmé le mandat d'expertise dans son principe, elle a rejeté, d'une part, la requête du recourant tendant à ce que la question n° 3 du mandat soit supprimée et à ce que les pièces médicales des plaignants ne soit pas remises aux experts et, d'autre part, la demande du recourant tendant à intégrer des questions complémentaires au mandat d'expertise. La cour cantonale a par ailleurs déclaré irrecevable, pour cause de tardiveté, la demande de récusation visant le Prof. B.________.
C.
A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 2 mai 2024. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens qu'aucune expertise psychiatrique ne soit entreprise. Subsidiairement, il demande que le questionnaire soit expurgé de la question n° 3 et que le dossier ne contienne pas de pièces relatives à la situation médicale des plaignants (ch. IV des conclusions subsidiaires). Il requiert en outre que les questions complémentaires précédemment requises soient intégrées au mandat d'expertise (ch. V des conclusions subsidiaires). Toujours à titre subsidiaire, il demande à ce que le Prof. B.________ et la psychologue H.________ ne soient pas désignés comme experts (ch. III des conclusions subsidiaires). Plus subsidiairement, A.________ conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Il sollicite en outre l'octroi de l'effet suspensif.
Invités à se déterminer, le Ministère public conclut au rejet du recours et s'en remet à justice s'agissant de la requête d'effet suspensif, tandis que la Chambre des recours pénale a renoncé à se déterminer sur le fond et s'en remet à justice quant à la requête d'effet suspensif. Les parties plaignantes, agissant par leur mandataire commune, se sont déterminées spontanément sur la requête d'effet suspensif, en s'en remettant à justice.
Par ordonnance du 25 juillet 2024, le Président de la IIe Cour de droit pénal a admis la requête d'effet suspensif.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2).
1.2. L'arrêt de la Chambre des recours pénale, qui confirme en dernière instance cantonale le mandat d'expertise psychiatrique décerné par le Ministère public à l'endroit du recourant, est de nature à exposer celui-ci à un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF et peut faire l'objet d'un recours immédiat auprès du Tribunal fédéral nonobstant son caractère incident (cf. arrêts 1B_215/2023 du 16 mai 2025 consid. 1; 1B_520/2017 du 4 juillet 2018 consid. 1.2). Il en va de même de la décision de la cour cantonale relative à la demande de récusation de l'expert (art. 78 et 92 al. 1 LTF; ATF 144 IV 90 consid. 1).
Le recourant a un intérêt juridique à obtenir l'annulation de l'arrêt attaqué qui confirme le mandat d'expertise psychiatrique décerné à son endroit et qui déclare irrecevable sa demande de récusation. Il a donc qualité pour agir en vertu de l'art. 81 al. 1 LTF. Le recours a pour le surplus été interjeté en temps utile (art. 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF), si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
2.1. Invoquant une violation du droit fédéral et de son droit d'être entendu sous forme d'un défaut de motivation (art. 29 Cst.), le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir confirmé, sur le principe, le mandat d'expertise du 2 avril 2024 décerné par le Ministère public à de nouveaux experts.
2.1.1. Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst., 3 al. 2 let. c CPP et 6 par. 1 CEDH) implique notamment, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu, et pour que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 142 I 135 consid. 2.1). Il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt 6B_925/2022 du 29 mars 2023 consid. 3.1).
2.1.2. Selon l'art. 189 CPP, d'office ou sur demande d'une partie, la direction de la procédure fait compléter ou clarifier une expertise par le même expert ou désigne un nouvel expert dans les cas suivants: l'expertise est incomplète ou peu claire (let. a), plusieurs experts divergent notablement dans leurs conclusions (let. b), l'exactitude de l'expertise est mise en doute (let. c).
D'après la jurisprudence, la mise en oeuvre d'une seconde expertise n'est pas autorisée seulement dans les cas prévus par l'art. 189 CPP (ATF 146 IV 1 consid. 3.3; arrêt 6B_388/2023 du 4 décembre 2023 consid. 3.5.3). Le Tribunal fédéral a en effet déjà considéré que, dans le cadre de la libre appréciation des preuves (art. 10 al. 2 CP), lorsque le ministère public arrivait à la conclusion que les limites fixées par un premier expert n'étaient pas, dès le départ, définitivement pertinentes pour l'établissement de l'expertise mais que des constatations psychiatriques légales plus étendues semblaient possibles, la direction de la procédure était autorisée, voire obligée compte tenu de la maxime de l'instruction (art. 6 CPP), d'ordonner d'office une autre expertise (ATF 146 IV consid. 3.3.2; arrêt 6B_388/2023 précité consid. 3.5.3).
2.1.3. La cour cantonale a constaté que l'avis des Drs E.________ et F.________ excluant une expertise sur dossier était clair et que le Ministère public n'avait pas indiqué les raisons pour lesquelles il s'en était écarté. Elle a en outre estimé que l'appréciation du Prof. B.________ sur la possibilité d'effectuer une expertise sur dossier n'avait que peu de pertinence, ce médecin n'ayant pas encore eu accès au dossier. Elle a cependant considéré qu'au vu de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, en particulier de l'arrêt 6B_388/2023 du 4 décembre 2023, le Ministère public pouvait soumettre le dossier à un autre expert, à charge pour celui-ci d'indiquer comment il pouvait répondre aux questions posées sur la base du dossier et poser un diagnostic alors que le dossier ne contenait aucun examen médical du prévenu.
2.1.4. Le recourant reproche aux juges cantonaux d'avoir confirmé le mandat d'expertise délivré aux nouveaux experts en méconnaissant - sans motivation - l'avis des premiers experts. Ils n'auraient en particulier pas démontré, comme l'exigeait la jurisprudence, que les limites retenues par ces derniers n'étaient pas définitivement pertinentes et que d'autres constatations, plus étendues, semblaient possibles.
2.1.5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, questionnés sur la possibilité d'effectuer une expertise sur dossier compte tenu du refus du prévenu de se soumettre à un examen personnel, les premiers experts se sont bornés à indiquer que "dans la situation de Monsieur A.________", l'examen de celui-ci "leur paraissait indispensable" pour répondre aux questions posées (cf. pièce 186 du dossier cantonal; art. 105 al. 2 LTF). Il ressort ainsi sans ambiguïté de la formulation utilisée par les experts, en particulier du verbe "paraître", qu'ils exprimaient une impression. Il est également indubitable que celle-ci n'impliquait que leur propre opinion, laquelle n'était en outre pas développée et ne laissait donc nullement penser qu'aucune autre constatation n'était possible. Aussi le Ministère public pouvait-il raisonnablement retenir que les considérations des premiers experts n'étaient pas définitivement pertinentes et que des constatations psychiatriques légales plus étendues semblaient possibles. Partant, la direction de la procédure pouvait - voire devait au regard de la maxime de l'instruction - demander l'avis de nouveaux experts (cf. consid. 2.1.2 supra). Les explications (plus étendues) du Prof. F.________ sur son refus, dans un autre dossier, de procéder à un examen sans rencontrer l'expertisé, dont se prévaut le recourant sont dénuées de toute pertinence dès lors qu'elles ne concernent pas le cas d'espèce.
Vu ce qui précède, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en confirmant, sur le principe, le mandat d'expertise du 2 avril 2024 confié à de nouveaux experts. Par ailleurs, en critiquant le bien-fondé de la motivation cantonale sur ce point, le recourant démontre l'avoir comprise, ce qui exclut toute violation de son droit d'être entendu (cf. consid 2.1.1 supra).
2.1.6. Les considérations qui précèdent suffisent pour rejeter la conclusion principale du recourant.
2.2.
2.2.1. Dans une argumentation subsidiaire, le recourant soutient que si le mandat d'expertise devait être confirmé, il faudrait écarter la question n° 3 du questionnaire et ne pas remettre aux experts les pièces médicales concernant les plaignants. Il y aurait par ailleurs lieu d'ajouter au mandat d'expertise les questions suivantes: " Pour quel motif estimez-vous être en mesure de réaliser une expertise sur dossier sans avoir eu connaissance le contenu de ce dernier là où les premiers experts ayant eu un plein accès au dossier l'ont exclu en l'absence d'entretien avec l'expertisé? A combien de reprises avez-vous effectué une expertise pénale avant jugement sur dossier? Selon les règles de l'art, quelles sont les pièces utiles à une expertise sur dossier, notamment sur le plan médical? Quelle est la portée de l'absence d'entretien avec l'expertisé s'agissant de la valeur d'une expertise psychiatrique sur dossier? ". En rejetant les requêtes du recourant allant dans ce sens, la cour cantonale aurait contrevenu au droit fédéral et, s'agissant en particulier des questions complémentaires, elle aurait violé son droit d'être entendu sous forme d'un défaut de motivation.
2.2.2. Aux termes de l'art. 184 al. 4 CPP, la direction de la procédure remet à l'expert avec le mandat les pièces et les objets nécessaires à l'établissement de l'expertise. C'est ainsi à la direction de la procédure qu'il appartient d'informer l'expert des éléments qu'il doit considérer pour que son travail soit utile à la procédure. Dans ce cadre, l'autorité opérera en principe un tri pour ne transmettre à l'expert que les pièces pertinentes pour l'établissement de l'expertise (ANDREAS DONATSCH, in: Donatsch et al., Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 3e éd. 2020, n° 44 ad art. 184 CPP; JOËLLE VUILLE, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, n° 27 ad art. 184 CPP). Cela étant, il s'agit quoi qu'il en soit de garantir aux parties qu'elles soient en mesure de vérifier les conclusions de l'expertise, ce qui suppose qu'elles disposent des mêmes informations et documents que l'expert (ATF 144 IV 302 consid. 3.3.3; arrêt 1B_546/2020 du 10 décembre 2020 consid. 3.1). La jurisprudence confère à la direction de la procédure un large pouvoir d'appréciation s'agissant des documents et des informations qu'elle estime nécessaires à l'établissement de l'expertise (arrêt 1B_203/2023 du 8 juin 2023 consid. 3 3).
Selon la jurisprudence, en cas de refus du prévenu de se soumettre à une expertise, une expertise sur dossier peut, sous certaines conditions, être effectuée (cf. ATF 146 IV 1 consid. 3.2.2; 127 I 54; cf. également p. ex. arrêt 6B_1165/2019 du 30 janvier 2020 consid. 1.4; cf. sur cette question MARIANNE HEER, in Basler Kommentar, Strafprozessordnung, 3e éd. 2023, n° 5g ad art. 185 CPP et IVANA BABIC, Das psychiatrische Gutachten im Strafverfahren unter Berücksichtigung rechtlicher, medizinischer und ethischer Aspekte, 2019, ZStStr p. 19-44, p. 23). Ensuite seulement se pose la question de sa valeur probante (cf. HEER, op. cit., n° 5i ad art. 185 CPP; VUILLE, in Commentaire romand CPP, 2e éd. 2019, n° 11 ad art. 189 CPP).
Il incombe en premier lieu à l'expert désigné d'apprécier si une expertise fondée uniquement sur les pièces peut exceptionnellement permettre de répondre aux questions posées (ATF 146 IV 1 consid. 3.2.2; 127 I 54 consid. 2e et 2f; arrêts 6B_690/2022 du 13 juillet 2022 consid. 1.5.1; 6B_257/2018 du 12 décembre 2018 consid. 7.6.2). Le point de savoir si et comment le fait que l'appréciation de l'expert ne se fonde pas sur une évaluation directe affecte la valeur probante d'une expertise fondée uniquement sur les pièces doit être apprécié de manière différenciée selon l'objet spécifique de l'expertise. L'expert doit indiquer (si nécessaire séparément selon la question) s'il ne peut pas du tout répondre à une question sans examen, s'il peut y répondre seulement sous forme générale ou alors s'il le peut sans restriction. Cela permet aux autorités de poursuite pénale de déterminer la valeur de l'évaluation fondée uniquement sur les pièces par rapport aux autres moyens de preuve (ATF 146 IV 1 consid. 3.2.2).
Le point de savoir jusqu'à quel point un expert peut et veut se déterminer sur la base des pièces du dossier si aucun examen personnel ne peut avoir lieu est laissé, dans une certaine mesure, à son appréciation d'expert (ATF 146 IV 1 consid. 3.2.4; arrêt 6B_1165/2019 du 30 janvier 2020 consid. 1.4).
2.2.3. Dans un premier temps, la cour cantonale a constaté que la question n° 3 du questionnaire dont le recourant demandait le retranchement était identique à celle formulée dans le mandat d'expertise du 8 avril 2022, confirmé par l'autorité cantonale dans son arrêt du 29 juin 2022. Le recourant n'avait alors pris aucune conclusion formelle tendant à la suppression, à la modification ou à l'ajout de l'une ou l'autre des questions figurant dans le mandat d'expertise attaqué, de sorte que son grief tendant à faire supprimer cette question dans le nouveau mandat d'expertise apparaissait tardif. Dans tous les cas, la question perdait une partie de son sens dès lors qu'elle se référait à l'examen du prévenu qui n'aurait vraisemblablement pas lieu. Pour le reste, rien ne commandait de ne pas soumettre aux nouveaux experts les informations et les pièces dont le recourant demandait le retranchement, soit en particulier les dossiers médicaux des plaignants. Ceux-ci permettraient à l'expert, dans l'optique d'un bon accomplissement du mandat, de saisir la nature des faits reprochés et rien n'indiquait que l'expert ne pourrait pas prendre le recul nécessaire par rapport aux informations sur la personnalité du recourant qui pourraient être déduites de ces rapports médicaux.
Dans un second temps, la juridiction cantonale a rejeté les questions complémentaires requises par le recourant; celles-ci ne s'avéraient pas pertinentes dans la mesure où la jurisprudence du Tribunal fédéral admettait le principe de l'expertise sur dossier. Par ailleurs, s'agissant de la possibilité de remplir le mandat conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'expert n'avait pas encore eu connaissance du dossier, de sorte que la question s'avérait prématurée.
2.2.4. En l'espèce, la question de savoir si le grief du recourant tendant à faire supprimer la question n° 3 figurant dans le mandat d'expertise querellé était tardif peut demeurer indécise. En effet, quoi qu'il en soit, la jurisprudence confère à la direction de la procédure un large pouvoir d'appréciation s'agissant des documents et informations qu'elle estime nécessaires à l'établissement de l'expertise (cf. consid. 2.2.2 supra). La direction de la procédure doit alors faire en sorte que l'expert puisse se prononcer sur des questions entrant dans son domaine de compétence, soit en particulier en lien avec une éventuelle diminution de responsabilité, le risque de récidive et l'opportunité d'une mesure (cf. arrêt 1B_195/2020 du 18 mai 2020 consid. 2.4). En l'occurrence, les modalités relationnelles entre les membres de la communauté religieuse et le recourant - qui pourraient notamment ressortir des dossiers médicaux des plaignants - sont des éléments susceptibles de permettre à l'expert de saisir la nature des faits reprochés et de contribuer au bon accomplissement de son mandat, étant rappelé que la jurisprudence admet que l'expert psychiatre, qui se fonde en particulier sur les faits ressortant du dossier pénal, puisse établir son expertise en prenant en compte l'hypothèse selon laquelle le prévenu expertisé pourrait être l'auteur de l'infraction (cf. arrêts 1B_546/2020 du 10 décembre 2020 consid. 3.2; 1B_195/2020 du 18 mai 2020 consid. 2.4). Dans ces conditions, la cour cantonale était fondée à retenir que la question n° 3 du mandat d'expertise et les dossiers médicaux des plaignants pouvaient figurer au dossier.
Pour le reste, il incombera aux experts - désignés par le mandat d'expertise du 2 avril 2024 que la cour cantonale a confirmé à bon droit (cf. consid. 2.1.5 supra) - d'apprécier si une expertise fondée uniquement sur les pièces du dossier pourra exceptionnellement permettre de répondre aux questions posées. Il leur appartiendra en particulier d'indiquer s'ils ne peuvent pas du tout répondre à une question sans examen, s'ils peuvent y répondre seulement sous forme générale ou alors s'ils le peuvent sans restriction, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral; le Ministère public pourra alors déterminer la valeur de l'évaluation fondée uniquement sur les pièces par rapport aux autres moyens de preuve (cf. consid. 2.2.2 supra). Dans ces circonstances, les questions que souhaite ajouter le recourant au questionnaire ne sont pas déterminantes et la cour cantonale était fondée à les écarter. Par ailleurs, les motifs avancés par la cour cantonale sur ce point sont suffisamment clairs et le recourant a pu les attaquer utilement, de sorte que son droit d'être entendu n'a pas été violé (cf. consid. 2.1.1 supra).
2.2.5. Les considérations qui précèdent conduisent au rejet des conclusions subsidiaires du recourant figurant sous ch. IV et V tendant, d'une part, à ce que le questionnaire soit expurgé de la question n° 3 et que le dossier ne contienne pas de pièces relatives à la situation médicale des plaignants et, d'autre part, à ce que les questions complémentaires requises soient intégrées au mandat d'expertise.
3.
3.1. Dans une autre conclusion subsidiaire, le recourant demande la récusation du Prof. B.________. Sur ce point, il reproche à la cour cantonale d'avoir considéré que sa demande de récusation déposée le 15 avril 2024 était tardive.
3.2.
3.2.1. La direction de la procédure désigne l'expert (art. 184 al. 1 CPP). Elle donne préalablement aux parties l'occasion de s'exprimer sur le choix de l'expert et les questions qui lui sont posées et de faire leurs propres propositions (art. 184 al. 3 CPP). Le sens et le but de cette disposition consiste à donner aux parties l'occasion de faire valoir à temps d'éventuels motifs de récusation et de prendre part à la détermination de l'objet de la preuve. Cette disposition contribue à l'économie de procédure (ATF 148 IV 22 consid. 5.5.2 et la référence citée).
3.2.2. Sur la base de l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3). De jurisprudence constante, les réquisits temporels de l'art. 58 al. 1 CPP sont ainsi satisfaits lorsque la demande de récusation est déposée dans les six ou sept jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, tandis qu'ils ne le sont pas lorsqu'elle est formée trois mois, deux mois, deux à trois semaines ou vingt jours après que son auteur a pris connaissance du motif de récusation. Il incombe dès lors à la partie qui se prévaut d'un motif de récusation de rendre vraisemblable qu'elle a agi en temps utile, en particulier eu égard au moment de la découverte de ce motif (arrêts 7B_143/2024 du 3 juin 2024 consid. 4.1.1; 1B_163/2022 du 27 février 2023 consid. 3.1; 1B_348/2022 du 11 août 2022 consid. 3 et l'arrêt cité).
3.3. En l'espèce, le recourant fonde son motif de récusation sur le contenu des échanges intervenus au mois de décembre 2023 entre le Procureur et le Prof. B.________, respectivement sur les apparences de partialité que les renseignements donnés par le premier au second auraient fait naître. Or le Ministère public a informé le recourant le 9 janvier 2024 qu'il envisageait de désigner deux nouveaux experts, soit le Prof. B.________ et la psychologue H.________. Il lui a imparti un délai au 31 janvier 2024 pour s'exprimer sur le choix des experts. Avant l'expiration du délai, le recourant a demandé au Procureur si la première prise de contact avec le B.________ s'était limitée à une question de disponibilité et lui a indiqué qu'il estimait que les conditions nécessaires à une expertise sur dossier n'étaient pas établies. Le 6 février 2024, le Procureur a exposé au recourant les modalités de sa prise de contact avec l'expert au mois de décembre 2023. Ainsi, n'en déplaise au recourant, le motif de récusation était connu au plus tard au mois de février 2024; le fait que le Ministère public n'aurait pas répondu exhaustivement à toutes les questions posées en lien avec les nouveaux experts n'y change rien.
Il s'ensuit que la cour cantonale était fondée à considérer que la demande de récusation intervenue le 15 avril 2024 était manifestement tardive. Mal fondé, le grief doit être rejeté, ce qui conduit au rejet de la conclusion subsidiaire prise par le recourant sous ch. III.
4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al.1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public central du canton de Vaud, Division criminalité économique, à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, à I.________, à J.________, à K.________, à L.________, à M.________, à N.________, à O.________ et à P.________.
Lausanne, le 5 mars 2025
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
La Greffière : Paris