6B_44/2025 11.03.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_44/2025
Arrêt du 11 mars 2025
Ire Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux
Muschietti, Juge présidant,
Wohlhauser et Guidon.
Greffière : Mme Rettby.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Philippe Baudraz, avocat,
recourant,
contre
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
intimé.
Objet
Révision (lésions corporelles simples qualifiées,
viol, etc); arbitraire,
recours contre le jugement de la Cour d'appel
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 29 novembre 2024 (n° 481 PE21.003900-ACO).
Faits :
A.
Par jugement du 30 septembre 2022, le Tribunal criminel de l'arrondissement de Lausanne a reconnu A.________ coupable des chefs d'accusation de lésions corporelles simples qualifiées, d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, de tentative de viol, de viol, d'acte d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance et de violation du devoir d'assistance ou d'éducation. Il l'a condamné à une peine privative de liberté de 12 ans, sous déduction de 562 jours de détention subie avant jugement et de six jours pour détention dans des conditions illicites. Il a en outre ordonné l'expulsion de A.________ du territoire suisse pour une durée de 12 ans avec inscription au Système d'information Schengen (SIS).
Statuant le 28 mars 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: cour cantonale) a rejeté l'appel formé par A.________ et a confirmé le jugement du 30 septembre 2022.
Par arrêt du 1er juillet 2024 (6B_1181/2023), la I re Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par A.________ contre le jugement du 28 mars 2023, dans la mesure de sa recevabilité.
B.
Le 3 juillet 2024, A.________ a déposé une demande de révision du jugement du 28 mars 2023, en concluant à l'annulation de celui-ci et au renvoi de la cause au Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois pour complément d'instruction, soit à ce qu'il soit procédé aux auditions de B.________, C.________, D.________, E.________ et F.________, ainsi qu'à toute autre mesure jugée nécessaire.
Statuant le 29 novembre 2024, la cour cantonale a déclaré la demande de révision irrecevable, frais de procédure à la charge de A.________.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 29 novembre 2024. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à ce que celui-ci soit réformé en ce sens que la demande de révision est recevable, que le jugement rendu le 28 mars 2023 est annulé et la cause renvoyée au ministère public pour complément d'instruction, afin de mener les auditions de B.________, C.________, D.________, E.________ et F.________, ainsi que toute autre mesure jugée nécessaire. Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement du 29 novembre 2024 et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle instruction et décision dans le sens des considérants. Par ailleurs, il sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire et la nomination de Me Philippe Baudraz en tant qu'avocat d'office.
Considérant en droit :
1.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir établi les faits de manière arbitraire et d'avoir violé les art. 410 al. 1 let. a et 412 al. 2 CPP. Il dénonce également un défaut de motivation du jugement attaqué.
1.1.
1.1.1. Aux termes de l'art. 410 al. 1 let. a CPP, toute personne lésée notamment par un jugement entré en force peut en demander la révision s'il existe des faits nouveaux antérieurs au prononcé ou de nouveaux moyens de preuve qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère ou plus sévère du condamné ou encore la condamnation de la personne acquittée.
Les faits ou moyens de preuves invoqués doivent ainsi être nouveaux et sérieux. Les faits ou moyens de preuves sont inconnus lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit (ATF 137 IV 59 consid. 5.1.2). Ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 145 IV 197 consid. 1.1; 137 IV 59 consid. 5.1.4).
Savoir si l'autorité cantonale s'est fondée sur une juste conception de faits ou de moyens de preuve nouveaux et sérieux est une question de droit. En revanche, savoir si un fait ou un moyen de preuve était effectivement inconnu du juge est une question de fait qui peut être revue pour arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves. Il en va de même de la question de savoir si un fait nouveau ou un moyen de preuve nouveau est propre à modifier l'état de fait retenu puisqu'elle relève de l'appréciation des preuves, étant rappelé qu'une vraisemblance suffit au stade du rescindant. Enfin, c'est de nouveau une question de droit de savoir si la modification de l'état de fait est juridiquement pertinente, c'est-à-dire de nature, en fonction des règles de droit de fond applicables, à entraîner une décision plus favorable au condamné en ce qui concerne la culpabilité, la peine ou les mesures (ATF 130 IV 72 consid. 1 et les arrêts cités; arrêts 6B_206/2024 du 5 juin 2024 consid. 2.1.1; 6B_1422/2022 du 10 avril 2024 consid. 3.1.4).
1.1.2. La procédure du rescindant instituée par le CPP se déroule, en principe, en deux phases, à savoir un examen préalable de la recevabilité (art. 412 al. 1 et 2 CPP) et un examen des motifs invoqués (art. 412 al. 3 et 4 et 413 CPP). Il s'agit de deux étapes d'une seule et même procédure, pour laquelle la juridiction d'appel est compétente (art. 412 al. 1 et 3 CPP).
Selon l'art. 412 al. 2 CPP, la juridiction d'appel n'entre pas en matière sur la demande de révision si celle-ci est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé. La procédure de non-entrée en matière selon cette disposition est en principe réservée à des vices de nature formelle (par exemple le défaut de qualité pour recourir, le caractère non définitif du jugement entrepris, etc.). Il est néanmoins loisible à la juridiction d'appel de refuser d'entrer en matière si les motifs de révision invoqués apparaissent d'emblée non vraisemblables ou mal fondés (ATF 143 IV 122 consid. 3.5), ou encore lorsque la demande de révision apparaît abusive (arrêts 6B_206/2024 du 5 juin 2024 consid. 1.1.2; 6B_1422/2022 du 10 avril 2024 consid. 3.2; 6B_394/2023 du 5 septembre 2023 consid. 2.1.2).
1.1.3. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; sur la notion d'arbitraire v. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 143 IV 241 consid. 2.3.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 148 IV 356 consid. 2.1; 147 IV 73 consid. 4.1.2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 150 I 50 consid. 3.3.1; 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2).
1.1.4. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 3 al. 2 let. c CPP (cf. aussi art. 6 par. 1 CEDH) implique notamment, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 142 I 135 consid. 2.1). Il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt 6B_388/2023 du 4 décembre 2023 consid. 3.2.1).
1.2. Après avoir rappelé les motifs qui l'avaient amenée, dans son jugement du 28 mars 2023, à confirmer la culpabilité du recourant telle que retenue par l'autorité de première instance quant aux infractions commises à l'encontre de F.________ et de E.________, puis avoir fait état des motifs développés par le recourant à l'appui de sa demande de révision, la cour cantonale a retenu que ces derniers apparaissaient d'emblée non vraisemblables, de sorte que la demande de révision devait être déclarée irrecevable (cf. jugement entrepris, p. 5 à 7).
L'autorité précédente a exposé que le recourant ne faisait valoir qu'un témoignage indirect dont la valeur probante était inexistante. S'y ajoutait le contexte dans lequel lui et B.________ s'étaient rencontrés et avaient échangé, à savoir en détention et à un moment où tous deux avaient réalisé qu'ils avaient le même défenseur d'office. Enfin et surtout, les éléments de preuve matériels sur lesquels la cour cantonale avait fondé son appréciation pour arrêter les faits concernant F.________ à l'encontre du recourant n'étaient pas susceptibles d'être remis en cause par des déclarations de témoins indirects et/ou dépourvus de crédibilité: perforations anciennes de l'hymen révélées lors d'un contrôle gynécologique au CURML, entorse au bras du 27 juillet 2019 relevée dans un rapport de l'Hôpital de l'enfance, souhait de l'enfant - avant de quitter I'hôpital - et de sa mère de loger dans une chambre séparée du recourant, images de l'enfant dénudée enregistrées dans le téléphone portable du recourant, consultation par ce dernier de vidéos pornographiques mettant en scène des relations sexuelles entre un beau-père et sa belle-fiIle, enregistrement d'un appel téléphonique entre E.________ et sa mère faisant état des abus sexuels du recourant à l'encontre de l'enfant et l'éventualité de les dénoncer, et enfin demande d'un logement distinct de celui du recourant en août 2019. Selon les juges cantonaux, le recourant se prévalait en outre de moyens susceptibles, selon lui, de conduire à son acquittement concernant l'enfant, mais n'exposait pas les motifs pour lesquels il devrait en aller de même concernant son ex-compagne. Dans de telles circonstances, les auditions requises ne méritaient en aucun cas une confrontation avec les victimes des agissements du recourant. En d'autres termes, le témoignage des personnes dont il sollicitait l'audition n'apparaissait pas sérieux et propre à ébranler les constatations de fait sur lesquelles était fondée sa condamnation. Ces témoignages ne permettraient donc pas de modifier l'état de fait pour rendre possible un jugement qui lui serait sensiblement plus favorable (cf. jugement entrepris, p. 7).
1.3. Le recourant reproche en substance à la cour cantonale d'avoir retenu qu'il ne faisait valoir qu'un témoignage indirect, alors que C.________ serait un témoin direct, qu'à l'instar de B.________, elle serait crédible, n'ayant aucun intérêt à mentir, et que les moyens de preuve nouveaux, dont le témoignage de C.________ et de D.________, seraient sérieux et susceptibles d'ébranler les déclarations de F.________. Il fait également grief à l'autorité précédente de ne pas avoir motivé en quoi les motifs de révision invoqués seraient d'emblée non vraisemblables, respectivement d'avoir rejeté en bloc les réquisitions de preuve, dont en particulier l'audition de C.________, sans motivation circonstanciée, alors qu'il aurait toujours nié la commission des infractions en cause et que des doutes subsisteraient, notamment quant aux comportements adoptés par F.________. La motivation du jugement entrepris serait ainsi arbitraire et ne permettrait pas de comprendre pourquoi, par exemple, le témoignage de C.________ ou l'audition de D.________ apparaîtraient manifestement non vraisemblables à modifier le jugement d'appel.
1.4. Il n'est pas contesté que B.________, lequel aurait rapporté à son avocat les confidences que F.________ aurait faites à C.________, n'est qu'un témoin indirect. On parle en effet de témoin par ouï-dire (" vom Hörensagen "; témoignage indirect) lorsqu'un témoin fait part de ce qu'un tiers lui a relaté de ce qu'il avait lui-même constaté. Le témoin par ouï-dire n'est témoin direct que de la communication que lui a faite le tiers; il n'est témoin qu'indirect des faits décrits, dont il ne peut rapporter que ce qui lui en a été dit mais non si cela était vrai (ATF 148 I 295 consid. 2.4 et les références citées). Quant à la question de savoir si C.________ est un témoin direct ou indirect, respectivement s'il existe en l'espèce un témoin direct, elle est en définitive sans pertinence, la cour cantonale ayant retenu que le témoignage des personnes dont le recourant sollicite l'audition - soit celui de C.________ notamment - n'apparaît pas sérieux et propre à ébranler les constatations de fait sur lesquelles repose sa condamnation. Ce grief s'avère dès lors infondé.
Le recourant ne peut pas non plus être suivi lorsqu'il critique un défaut de motivation du jugement entrepris. La cour cantonale a mentionné les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision (cf. supra, consid. 1.2). Elle n'était en particulier pas tenue de traiter séparément chaque réquisition d'audition, spécialement celle de C.________, les motifs mentionnés valant pour chacune d'elles. Le recourant pouvait ainsi se rendre compte de la portée du jugement entrepris et l'attaquer en connaissance de cause. Ce grief est également infondé.
Pour le surplus, le recourant échoue à démontrer que la cour cantonale aurait arbitrairement retenu que le témoignage des personnes dont il sollicite l'audition n'apparaît pas sérieux et propre à ébranler les constatations de fait sur lesquelles repose sa condamnation, ignorant en particulier l'ensemble des éléments de preuve matériels sur lesquels la cour cantonale a fondé son appréciation pour arrêter les faits concernant F.________ (cf. supra, consid. 1.2). Du reste, en se référant à des éléments qui ne ressortent pas du jugement entrepris pour établir qu'il existe des doutes, notamment quant aux comportements de F.________, sans démontrer leur omission arbitraire (art. 105 al. 1 LTF), le recourant propose une argumentation irrecevable.
2.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 11 mars 2025
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Muschietti
La Greffière : Rettby