6B_895/2024 05.03.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_895/2024
Arrêt du 5 mars 2025
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Wohlhauser et Guidon.
Greffier : M. Dyens.
Participants à la procédure
A.________,
recourante,
contre
Ministère public central du canton de Vaud,
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
intimé.
Objet
Comportement frauduleux à l'égard des autorités, dénonciation calomnieuse; arbitraire,
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale
du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 26 août 2024 (n° 354 PE20.012388/NAO).
Faits :
A.
Par jugement du 27 février 2024, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a notamment reconnu A.________ coupable de comportement frauduleux à l'égard des autorités et de dénonciation calomnieuse. Il l'a condamnée à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis durant cinq ans, et à une amende de 1'000 fr. convertible en une peine privative de liberté de dix jours en cas de non-paiement dans le délai imparti.
B.
Par jugement du 26 août 2024, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel formé par A.________ à l'encontre du jugement précité, qu'elle a en substance confirmé.
Les faits sont, en résumé, les suivants.
B.a. A.________, ressortissante marocaine née en 1978, est arrivée en Suisse en mars 2017, afin d'y épouser B.________, ressortissant suisse né en 1990.
Leur mariage a été célébré en avril 2017. A.________ s'est ainsi vu octroyer une autorisation de séjour par regroupement familial valable jusqu'au 12 avril 2018, qui a été renouvelée jusqu'au 12 avril 2020.
B.b.
B.b.a. Le 6 février 2019, le Service de la population (ci-après: SPOP) a relevé que A.________ et son époux vivaient séparés depuis le 8 août 2018. Aucune reprise de la vie commune n'était intervenue. Dite autorité a ainsi exposé que la prénommée n'avait plus droit à une autorisation de séjour par regroupement familial et qu'elle ne remplissait pas non plus les conditions permettant la poursuite du séjour après dissolution de la famille. Le SPOP avait par conséquent l'intention de révoquer son autorisation de séjour et de la renvoyer de Suisse.
Dans ses déterminations du 8 avril 2019, A.________ a, en particulier et pour la première fois, déclaré qu'elle avait été victime de comportements harcelants et injurieux de la part de son mari. Lors de son audition du 16 novembre 2018, elle avait affirmé, devant le SPOP, qu'elle n'avait jamais été victime de violence conjugale et avait précisé que B.________ n'était " pas violent ".
Par décision du 2 août 2019, notifiée à A.________ le 12 août suivant, le SPOP a révoqué son autorisation de séjour et lui a imparti un délai de 30 jours pour quitter la Suisse.
Par arrêt du 16 juin 2020, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette décision, considérant notamment que les documents du dossier faisaient apparaître que la recourante n'avait fait état du comportement de son époux à son égard qu'après avoir pris connaissance de la lettre du SPOP du 6 février 2019 l'avertissant du fait qu'il envisageait de révoquer son droit de vivre en Suisse.
Par arrêt du 2 février 2021 (2C_655/2020), le Tribunal fédéral a rejeté le recours déposé le 17 août 2020 par A.________ contre l'arrêt susmentionné.
B.b.b. En date du 25 mai 2022, A.________ a requis du Tribunal d'arrondissement de Lausanne des mesures d'éloignement à l'encontre de B.________, l'autorisation pour qu'ils vivent séparément pour une durée indéterminée, ainsi que le versement d'une contribution d'entretien.
Par ordonnance du 5 juillet 2022, ledit tribunal a déclaré la procédure civile sans objet, la requête formulée par A.________ ayant été considérée comme abusive.
Le 28 septembre 2022, B.________ a déposé une demande d'annulation du mariage auprès du Tribunal d'arrondissement de Lausanne.
B.b.c. Par décision de l'Office Al pour le Canton de Vaud du 3 novembre 2022, A.________ a été mise au bénéfice d'une rente d'invalidité à 100 % à compter du 1er juillet 2021 et a été informée, par courrier du SPOP du 7 juin 2022, de l'obtention d'une autorisation de séjour en sa faveur, sous réserve de l'approbation du Secrétariat d'État aux migrations (SEM).
B.c. Dans le cadre de la présente procédure pénale, il a été retenu qu'en date du 13 avril 2017, en lien avec la célébration de leur mariage, A.________ et B.________ ont, dans le but d'éluder les prescriptions sur l'admission et le séjour des étrangers, contracté un mariage de complaisance, durant lequel ils n'ont d'ailleurs jamais fait ménage commun.
De ce fait, selon les constatations cantonales, A.________ a frauduleusement obtenu une autorisation de séjour (permis B) pour regroupement familial en Suisse. Quant à B.________, il s'est vu promettre la somme de 30'000 fr., laquelle devait lui être remise en espèces. Il n'a finalement touché qu'un tiers du montant convenu, soit à peu près 10'000 fr. au total, dont 6'000 fr. lui ont été remis le jour du mariage. D'autres versements en espèces sont intervenus par la suite, de la part de l'épouse du frère de A.________.
B.________ a dénoncé le cas le 6 octobre 2020.
B.d. Toujours selon les constatations cantonales, les 20 juillet et 6 octobre 2020, à U.________, lors de son dépôt de plainte au Ministère public, respectivement lors de son audition par cette autorité, et subséquemment, A.________ a, alors qu'elle le savait pertinemment innocent, faussement accusé son époux B.________ d'avoir, entre le mois d'avril 2017, soit dès le début de leur mariage, et jusqu'au printemps 2019, exercé de manière quotidienne des violences psychologiques à son encontre, notamment en la brimant, en la dénigrant physiquement, en la rabaissant et en la culpabilisant, lui causant des problèmes psychiques qui ont nécessité une prise en charge médicale.
Aux dires des juges précédents, elle a agi dans le but qu'une enquête pénale soit ouverte contre son époux, laquelle devait lui permettre de demeurer en Suisse, ses possibilités de rester dans ce pays étant de plus en plus compromises. En effet, au moment du dépôt de sa plainte, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal venait, par arrêt du 16 juin 2020, de confirmer la décision du SPOP du 2 août 2019 ordonnant la révocation de son autorisation de séjour et son expulsion de Suisse.
C.
Par acte daté du 6 novembre 2024, A.________, représentée par sa curatrice, forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement rendu par la Cour d'appel pénale en date du 26 août 2024. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, en substance, à son acquittement. Elle sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.
La question de savoir si la recourante est valablement représentée par sa curatrice souffre de rester indécise, sur le vu de ce qui suit.
2.
Invoquant les art. 9 Cst. et 32 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II, 6 par. 2 CEDH et 10 CPP, la recourante se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation de preuves. Elle fait en outre grief à la cour cantonale d'avoir violé la présomption d'innocence.
2.1. Les principes relatifs aux dispositions précitées et à leurs conditions d'application s'agissant de l'interdiction de l'arbitraire et de la présomption d'innocence ont été rappelés encore récemment aux ATF 150 I 50 consid. 1.1; 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1 ou encore ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3, auxquels il peut être renvoyé.
En outre, selon la jurisprudence constante, lorsque l'autorité cantonale a forgé sa conviction quant aux faits sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit en effet être examinée dans son ensemble. Il n'y a ainsi pas d'arbitraire si l'état de fait retenu pouvait être déduit de manière soutenable du rapprochement de divers éléments ou indices. De même, il n'y a pas d'arbitraire du seul fait qu'un ou plusieurs arguments corroboratifs apparaissent fragiles, si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (cf. encore tout récemment: arrêts 6B_441/2024 du 30 janvier 2025 consid. 3.1; 6B_820/2024 du 2 décembre 2024 consid. 1.1; 6B_71/2024 du 6 novembre 2024 consid. 1.1.1).
2.2. En l'espèce, en tant qu'elle s'en prend aux constatations cantonales lui imputant d'avoir conclu un mariage de complaisance, la recourante fait essentiellement valoir que les juges précédents ont arbitrairement apprécié les différents témoignages à charge et arbitrairement jugés non probants ceux à décharge. Or, par ce biais, la recourante développe une démarche argumentative qui consiste avant tout à opposer sa propre appréciation des témoignages à celle des juges précédents. Tel qu'articulé, ce pan du grief, s'avère très largement appellatoire et, en conséquence, irrecevable.
En tout état, il n'est pas en soi insoutenable, de tenir compte de certains éléments ressortant d'un témoignage tout en écartant d'autres aspects en les jugeant non probants, comme l'a fait la cour cantonale dans le cas de la témoin C.________, dont les propos ont été pris en compte en ce qui concerne le fait que B.________ ait pu demander de l'argent à la prénommée, mais non en ce qui concerne la réalité des sentiments qu'elle nourrissait à l'égard de ce dernier et dont elle aurait fait part à la témoin.
La cour cantonale a au demeurant forgé sa conviction quant à l'existence d'un mariage de complaisance notamment sur des échanges de messages entre la recourante et B.________, les déclarations de ce dernier en audition ainsi que celles de la compagne de celui-ci. À la suite du premier juge, la cour cantonale a également relevé, entre autres, que la recourante n'avait pas été capable de décrire un seul évènement marquant de sa vie de couple, dont elle n'a conservé aucune photographie ni message attestant d'une relation sentimentale entre les intéressés. À cela s'ajoutait encore le fait qu'elle était restée très vague sur la manière dont s'était déroulée la demande en mariage et qu'elle était demeurée dans l'incapacité de se rappeler la couleur et les noms des deux chats supposés avoir vécu au domicile conjugal. La cour cantonale a encore relevé que la recourante avait conclu un contrat de leasing au mois de juillet 2018 en indiquant qu'elle vivait seule à une autre adresse que celle de son époux, et ce depuis le 17 mars 2017. Les juges précédents en ont conclu que les différents éléments mis en exergue ne laissaient planer aucun doute sur le caractère fictif du mariage conclu entre la recourante et le prénommé.
Au vu de ce qui précède, ce constat ne saurait être qualifié d'insoutenable, respectivement d'arbitraire. Le grief s'avère mal fondé, dans la faible mesure de sa recevabilité.
2.3. S'agissant ensuite des faits retenus à la charge de la recourante en lien avec sa condamnation pour dénonciation calomnieuse, la cour cantonale a relevé que cette dernière avait accusé B.________ d'avoir commis de nombreuses infractions. Elle l'a notamment accusé d'avoir dès, le début de leur mariage, exercé de manière quotidienne des violences psychologiques à son encontre, notamment en la brimant, en la dénigrant physiquement, en la rabaissant et en la culpabilisant, lui causant des problèmes psychiques qui auraient nécessité une prise en charge médicale, dont elle a fait état en appel en invoquant des certificats médicaux. Elle a en particulier affirmé que B.________ avait tenté de la contrôler, lui avait dit qu'elle n'était qu'une arabe et une étrangère, qu'elle n'avait ni le droit de sortir ni celui de s'exprimer, ou encore qu'il avait de la chance de ne pas avoir d'enfants avec elle. Elle a en outre déclaré qu'il aurait dérobé plusieurs de ses téléphones cellulaires ainsi que l'entier de ses économies gagnées au Maroc, soit environ 10'000 fr., affirmant encore qu'il l'aurait régulièrement menacée de mort pour le cas où elle parlerait des violences psychiques et verbales subies, et menacée de la détruire en la renvoyant dans son pays d'origine, où elle risquait de mourir.
À l'instar du premier juge, la cour cantonale a cependant retenu que, dans la mesure où la recourante et B.________ n'avaient pas logé dans le même appartement ni partagé de vie de couple, on ne voyait pas comment ce dernier aurait pu, chaque jour, exercer des violences psychologiques à l'encontre de la recourante. De même fallait-il constater que les allégations de violences psychiques étaient apparues lorsque le SPOP avait commencé à émettre des doutes sur la réalité du mariage. En outre, les certificats médicaux produits étaient certes probants quant au fait que la recourante avait subi un état dépressif sévère et une modification durable de sa personnalité, mais n'en demeuraient pas moins basés sur ses propres déclarations aux soignants consultés. Certains des certificats médicaux produits ne mentionnaient pas la cause des troubles. L'un d'entre eux évoquait uniquement une symptomatologie anxio-dépressive liée à une séparation de couple, mais non des violences psychiques, d'autres mentionnant la perspective de son possible renvoi du territoire suisse comme ayant clairement contribué à entretenir sa fragilité psychique. Sur la base de ces éléments, la cour cantonale a donc jugé que la recourante avait accusé B.________ de s'être rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées alors qu'elle le savait innocent, dans le but qu'une enquête pénale - qui devait lui permettre de demeurer en Suisse - soit ouverte contre lui. Quant aux autres accusations portées par la recourante à l'encontre de son époux, elles étaient, selon les juge précédents, également inexistantes, et la recourante le savait.
Sur ce point également, les constatations cantonales ne sauraient être qualifiées d'insoutenables. La cour cantonale était à l'évidence, quoi qu'en dise la recourante sur ce point, fondée à pointer d'emblée les contradictions manifestes entre des accusations de violences psychologiques quotidiennes et le fait, retenu sans arbitraire, qu'il n'y ait jamais eu de vie commune. De même, on ne saurait reprocher à la cour cantonale d'avoir établi les faits de manière insoutenable en soulignant, sous un angle chronologique, que les accusations étaient apparues après que le SPOP eut émis des doutes sur la réalité du mariage. Plus précisément encore, il ressort du jugement attaqué (art. 105 al. 1 LTF) que les accusations ont été formulées pour la première fois en avril 2019, après avoir appris que le SPOP avait l'intention de révoquer son autorisation de séjour, alors même qu'au cours d'une audition s'étant déroulée peu de temps auparavant, en novembre 2018, elle avait précisé que B.________ n'était pas violent (cf. supra B.b et B.c). À cet égard, c'est en vain que la recourante soutient notamment qu'elle n'a pu dénoncer les faits la concernant qu'au début de la procédure diligentée par le SPOP. En tout état, on ne saurait considérer que les constatations cantonales sont insoutenables ou qu'elles auraient été établies en violation de la présomption d'innocence.
Sur ce point également, les griefs de la recourante s'avèrent manifestement mal fondés, dans la mesure où ils sont recevables.
3.
Autant que l'on discerne dans l'écriture de la recourante des griefs relatifs à une violation des art. 118 al. 1 LEI et 303 CP, ceux-ci reposent en réalité sur sa version des faits et non sur une critique topique de l'application de ces deux dispositions par la cour cantonale. Dans cette mesure, les griefs en question s'avèrent irrecevables (art. 42 al. 2 LTF).
4.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires, dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 5 mars 2025
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
Le Greffier : Dyens