1C_14/2023 13.03.2025
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_14/2023
Arrêt du 13 mars 2025
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Juge présidant, Merz et Mecca, Juge suppléant.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Mes Philippe Prost et Laure-Lye Pillonel, avocats,
recourante,
contre
1. Patrimoine Suisse Vaud, domaine de La Doges, chemin des Bulesses 154, 1814 La Tour-de-Peilz, représentée par Me Jean-Claude Perroud, avocat,
2. B.________ et C.________,
3. D.________,
4. E.________,
5. F.________,
6. G.________ et H.________,
7. I.________,
8. J.________,
9. K.________ et L.________,
10. M.________,
11. N.________,
12. O.________,
13. P.________,
14. Q.________,
15. R.________ et S.________,
16. T.________,
17. U.________,
tous représentés par Me Cléa Bouchat, avocate,
18. V.________,
19. Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du paysage (FP), Schwarzenburgstrasse 11, 3007 Berne,
20. W.________,
21. X.________,
22. Y.________,
23. Z.________,
24. AA.________,
25. BB.________ et CC.________,
26. DD.________,
27. EE.________,
28. FF.________,
29. GG.________,
30. HH.________,
31. II.________,
32. JJ.________,
33. KK.________,
34. LL.________,
35. MM.________,
intimés,
Municipalité d'Aubonne, place du Marché 12, 1170 Aubonne,
représentée par Me Denis Bettems, avocat,
Direction générale des immeubles et du patrimoine du canton de Vaud,
place de la Riponne 10, 1014 Lausanne.
Objet
Permis de construire,
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif
et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 18 novembre 2022 (AC.2021.0137).
Faits :
A.
A.________ SA est propriétaire de la parcelle n° 959 de la commune d'Aubonne. D'une surface de 1'068 mètres carrés, la parcelle supporte un pavillon de jardin, qui bénéficie de la note *3* au recensement architectural cantonal. Le solde de la parcelle est constitué de vergers et de jardins.
Le bien-fonds est colloqué en zone de la Vieille Ville selon le plan général d'affectation approuvé par le Conseil d'État du canton de Vaud le 28 avril 1982 et le règlement du plan général d'affectation (révision de la zone de l'ancienne ville et des ensembles à conserver) approuvé le 28 juin 2006. Il est inclus dans le périmètre du plan directeur localisé "Secteur de la Vieille Ville" approuvé par le Conseil d'État à la même date.
Aubonne est inscrite en tant que petite ville à l'Inventaire fédéral des sites construits à protéger en Suisse (ISOS). La parcelle n° 959 fait partie de l'échappée dans l'environnement EE I décrite comme le "Vallon de l'Aubonne, large dépression aux pentes boisées, aux versants raides, protection naturelle qui suscita l'implantation de l'agglomération", dans la catégorie d'inventaire "a" avec un objectif de sauvegarde "a", préconisant la sauvegarde de l'état existant. Elle est entourée à l'est, à l'ouest et au sud, par le périmètre de la Vieille Ville (P1), implantée sur la frange d'un coteau, au pied du château, constituée essentiellement de maisons de deux et trois niveaux datant du 17 è au 19 è siècle, entrant dans la catégorie d'inventaire "A" et soumise à un objectif de sauvegarde "A", préconisant la sauvegarde de la substance.
B.
Le 22 octobre 2020, A.________ SA a déposé une demande de permis de construire un immeuble de 14 logements et un parking souterrain sur deux niveaux. Le bâtiment projeté serait implanté du côté ouest de la parcelle n° 959, sur le front de la rue des Marchands, avec un accès au parking souterrain prévu à l'est, par la ruelle Fontaine Martin. Il compterait huit niveaux, dont cinq seraient dégagés au nord-ouest, visibles depuis la rue des Marchands, et six au sud-est, visibles depuis la ruelle Fontaine Martin. Le dernier niveau prendrait place dans la toiture. La façade sud-ouest serait borgne. Deux colonnes de balcons d'une surface de 20 mètres carrés et d'une profondeur de 2,50 mètres, sur quatre niveaux, depuis le rez supérieur, sont prévues sur les façades sud-est et nord-est. Sur ces mêmes façades, il est également prévu de créer de larges fenêtres à trois ventaux.
Soumis à l'enquête publique du 6 novembre au 7 décembre 2020, le projet de construction a fait l'objet de 416 oppositions, lesquelles faisaient valoir que, selon l'ISOS, la parcelle n° 959 faisait partie de l'échappée dans l'environnement EE I et devait ainsi rester libre de construction. Les opposants demandaient que la Municipalité procède à un contrôle préjudiciel du plan d'affectation, qui inscrivait la parcelle n° 959 en zone constructible, et que, dans l'intervalle celle-ci soit placée en zone réservée. Ils critiquaient en outre l'architecture du bâtiment projeté, qu'ils trouvaient trop haut et volumineux et qui ne respectaient pas le périmètre d'implantation. Ils dénonçaient enfin les accès prévus, impropres à permettre le passage de véhicules supplémentaires, des camions de chantier et des véhicules des pompiers.
La Direction générale des immeubles et du patrimoine du canton de Vaud (DGIP) a émis un préavis négatif. La parcelle n° 959 se situait dans les abords d'autres monuments protégés au titre de l'art. 46 al. 2 de la loi cantonale sur la protection de la nature, des monuments et des sites du 10 décembre 1969, dont certains, à l'instar du temple et de la cure protestante, étaient classés. Le projet étonnait au premier abord par une évidente démesure, ne cherchant pas seulement à se comparer à son voisinage, mais à le surpasser au profit de sa situation topographique et une architecture particulièrement peu adaptée à un bourg ancien (mouvements de terre, balcons, mur borgne, etc.) jurant avec son environnement. La réalisation de ce projet porterait atteinte aux abords des objets classés et inscrits à l'inventaire cantonal des monuments historiques non classés, ainsi qu'à un site d'importance nationale, dont le caractère non bâti est à préserver de toute évidence.
La Commission consultative d'urbanisme et d'architecture (CCUA) a émis un préavis défavorable au projet, fin février 2021. Le périmètre de l'ensemble du bourg rencontrait le périmètre de l'environnement dit du Vallon de l'Aubonne au droit de la parcelle n° 959. Cette parcelle appartenait à la pénétrante verte du vallon dans le bourg. Les vues aériennes et les vues prises depuis le coteau de Lavigny montraient une césure verte dans le milieu bâti, dont l'intention était claire et ceci vraisemblablement dès les origines de la Ville. Ce qui apparaissait également, c'est le caractère achevé du bourg, y compris notamment celui qui s'exprime par la présence du bâti au nord-ouest et au sud-ouest de la parcelle n° 959, soit deux pignons pour clore les îlots en présence. Ces constats et considérations l'amenaient à conclure que la parcelle n° 959 n'était pas constructible, que la réglementation actuelle était adéquate et qu'elle ne justifiait pas qu'un permis soit accordé.
Le Commandant du Service de défense contre l'incendie et de secours a émis diverses remarques en lien avec le projet le 4 mars 2021.
C.
Par décision du 25 mars 2021, la Municipalité d'Aubonne a refusé le permis de construire. Partageant les critiques formulées par la DGIP et la CCUA, elle estimait que le projet était incompatible avec les objectifs de l'ISOS, la parcelle n° 959 faisant partie de l'échappée sur l'environnement EE I, qualifiée de partie indispensable du site construit, libre de construction ou dont les constructions participent à l'état d'origine de l'environnement. Elle a rappelé que l'objectif de sauvegarde "a" préconisait la sauvegarde de l'état existant en tant qu'espace agricole ou libre, la conservation de la végétation et des constructions anciennes essentielles pour l'image du site et la suppression des altérations. Elle considérait également que le projet était démesuré et peu adapté à un bourg ancien et qu'à ses abords, il portait atteinte à de nombreux objets protégés. Enfin, elle a exposé que le projet posait problème par rapport à la défense incendie en raison de l'impossibilité pour un véhicule échelle automobile d'accéder du côté sud du bâtiment.
D.
Par arrêt du 18 novembre 2022, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (CDAP) a rejeté le recours formé par A.________ SA contre cette décision après avoir procédé à une inspection locale.
E.
Par acte du 5 janvier 2023, A.________ SA a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière de droit public en concluant à l'annulation de cet arrêt et de la décision de la Municipalité d'Aubonne du 25 mars 2021 refusant son projet de construction, respectivement à la réforme de cette décision en ce sens que le permis de construire requis est délivré.
Par ordonnance du 6 février 2023, la requête d'effet suspensif a été rejetée. La requête de suspension a été admise et la procédure de recours suspendue jusqu'à droit connu sur la procédure d'approbation de la zone réservée de la Vieille Ville d'Aubonne, puis le 14 février 2024, jusqu'à droit jugé sur le recours formé le 20 novembre 2023 par A.________ SA devant la Cour de droit administratif et public contre la décision du Conseil communal d'Aubonne le 28 mars 2023 et la décision du Département des institutions, du territoire et du sport le 19 octobre 2023 qui adopte, respectivement qui approuve le plan de zone réservée concernant le secteur de la Vieille Ville d'Aubonne.
Par ordonnance du 9 janvier 2025, le Président de la Cour a rejeté la requête de A.________ SA tendant à ce que la cause demeure suspendue jusqu'à la publication du nouveau plan d'affectation communal, subsidiairement jusqu'au 31 décembre 2026 dans la mesure où elle n'entendait pas contester l'arrêt de la CDAP du 27 novembre 2024 rejetant son recours du 20 novembre 2023. La reprise de cause a été ordonnée.
Il a été renoncé à un échange d'écritures. Le Tribunal cantonal a produit le dossier de la cause.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision rendue en dernière instance cantonale dans le domaine du droit public des constructions, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a pris part à la procédure de recours devant l'instance précédente. Elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué qui confirme le refus de la Municipalité d'Aubonne de lui délivrer le permis de construire et a un intérêt digne de protection à en demander l'annulation. Elle bénéficie ainsi de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il convient d'entrer en matière.
2.
La recourante reproche à la cour cantonale de ne pas avoir clairement indiqué que l'instruction était close après l'audience d'inspection locale tenue le 2 juin 2002 et la transmission du compte-rendu d'audience intervenue le 8 juin 2022, laissant ainsi entrevoir la possibilité pour les parties de se déterminer notamment sur la question de la portée de la zone réservée de la vieille ville en cours d'adoption évoquée par la Commune lors de la visite des lieux. Elle se réfère à ce propos à l'art. 34 al. 2 let. d de la loi vaudoise sur la procédure administrative du 28 octobre 2008 (LPA-VD; BLV 173.36), à teneur duquel les parties peuvent présenter des offres de preuve au plus tard jusqu'à la clôture de l'instruction. Le point de savoir si l'on doit déduire de cette disposition une obligation d'informer les parties de la clôture de l'instruction peut demeurer indécise. La recourante s'est vue accorder à la demande de son précédent conseil un délai au 23 juin 2022 pour déposer des déterminations sur le compte-rendu d'audience. Elle a fait part de ses observations le dernier jour du délai et produit une photographie aérienne des toitures dans le secteur de la vieille ville. Elle ne s'est pas déterminée sur la question de la zone réservée évoquée à l'audience et n'a pas requis l'administration d'autres actes d'instruction. La CDAP n'a quoi qu'il en soit rien tiré de l'annonce faite par la Municipalité à l'audience de son intention d'instaurer une zone réservée dans le secteur de la vieille ville. Dans ces conditions, elle n'a pas violé le droit d'être entendu de la recourante en ne lui donnant pas expressément la possibilité de s'exprimer sur ce point avant de statuer. La recourante ne précise au surplus pas les offres de preuve qu'elle souhaitait encore apporter. Elle n'indique pas davantage à quelle disposition la CDAP aurait contrevenu en statuant par voie de circulation sans tenir de débats.
La recourante considère que l'inspection locale n'aurait pas dû être limitée à la visite de sa parcelle et qu'elle aurait dû s'étendre à d'autres secteurs de la vieille ville, ce qui aurait permis de démontrer que des bâtiments similaires à celui qu'elle projette ont été autorisés. Il ne ressort pas du compte-rendu de l'audience d'inspection locale que le conseil de la recourante aurait demandé à pouvoir se déplacer dans d'autres quartiers du bourg et que cette requête aurait été rejetée. Au vu de l'élément tenu principalement pour décisif pour rejeter le recours et confirmer le refus du permis de construire, à savoir le défaut d'intégration du bâtiment projeté à ceux qui l'entourent, il n'était pas nécessaire de se rendre dans d'autres quartiers, ce d'autant qu'il n'y a pas d'égalité dans l'illégalité et que la recourante ne pourrait pas se plaindre qu'un projet présentant des caractéristiques analogues aurait été autorisé dans un autre secteur de la vieille ville (cf. ATF 146 I 105 consid. 5.3.1). Le conseil de la recourante a d'ailleurs relevé dans ses déterminations du 23 juin 2022 l'existence de nombreuses ouvertures dont la dimension horizontale était plus importante que la dimension verticale lors du déplacement qui a eu lieu en fin d'audience. Il a en outre produit une photographie aérienne des toitures du secteur de la vieille ville dans lequel s'inscrirait la construction projetée.
3.
La recourante dénonce une constatation manifestement inexacte des faits notamment en lien avec l'ISOS et son périmètre. La cour cantonale n'a pas ignoré le fait que la parcelle n° 959 ne s'inscrivait pas dans le périmètre protégé de la Vieille Ville (P1) et qu'elle était située dans l'échappée dans l'environnement EE I, avec un objectif de sauvegarde "a", qui préconise la sauvegarde de l'état existant en tant qu'espace agricole ou libre; elle n'a pas entériné le refus du permis de construire parce que la parcelle serait située dans un périmètre que l'ISOS entend maintenir non constructible, mais parce que le bâtiment projeté ne présentait pas un aspect architectural satisfaisant en harmonie avec la typologie des bâtiments alentour et que, de par sa volumétrie démesurée, il ne s'intégrerait pas à l'environnement bâti, portant en outre atteinte à la silhouette du bourg historique et au caractère remarquable du secteur de la Vieille Ville d'Aubonne et de ses environs immédiats, inventoriés à l'ISOS.
La recourante soutient également que la CDAP aurait occulté le fait que l'implantation, la hauteur et le volume de la construction projetée s'inscrivent dans les règles constructives de la zone et qu'elles sont parfaitement respectées. La Cour cantonale n'a nullement ignoré ces règles ni retenu que le projet contreviendrait à celles-ci. Elle a admis qu'il puisse y être dérogé pour des motifs relevant de l'esthétique, de la protection des monuments historiques et des sites, ainsi que de l'intégration de la construction dans son environnement bâti. Le grief ne relève à cet égard pas de la constatation inexacte des faits, mais de leur appréciation.
La recourante reproche encore à la CDAP d'avoir établi les faits de manière lacunaire en lien avec la préexistence de balcons, de grandes fenêtres et de percements en toiture dans le secteur, ainsi que de bâtiments surplombant le Vallon de l'Aubonne. En particulier, elle aurait omis de prendre en considération les éléments avancés dans sa prise de position du 23 juin 2022 sur le compte-rendu de l'audience d'inspection locale, et une photographie des toitures du secteur, qui permettent de constater que toutes les maisons situées en vieille ville bénéficient d'ouvertures, sous forme de lucarnes ou de fenêtres de toit. Ce faisant, la recourante s'en prend aux considérations que la cour cantonale a déduites de l'inspection locale et à l'appréciation faite de son projet au regard de son intégration dans l'environnement bâti, questions qui seront traitées au considérant suivant.
4.
Sur le fond, la recourante dénonce l'arbitraire dans l'application du droit cantonal et de la norme d'esthétique. Elle relève que son projet respecte les dispositions réglementaires applicables et réputées conformes à l'ISOS puisqu'elles ont été adoptées après l'édiction de l'inventaire en 2012.
4.1. À teneur de l'art. 86 al. 1 de la loi cantonale du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC; BLV 700.11), la Municipalité veille à ce que les constructions, quelle que soit leur destination, ainsi que les aménagements qui leur sont liés, présentent un aspect architectural satisfaisant et s'intègrent à l'environnement. Elle refuse le permis pour les constructions ou les démolitions susceptibles de compromettre l'aspect et le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue, ou de nuire à l'aspect d'un édifice de valeur historique, artistique ou culturelle (art. 86 al. 2 LATC). L'alinéa 3 de cette disposition prévoit que les règlements communaux doivent contenir des dispositions en vue d'éviter l'enlaidissement des localités et de leurs abords.
La loi sur la protection de la nature des monuments et des sites du 10 décembre 1969 (aLPNMS), applicable lorsque la Municipalité a rendu sa décision, instaurait une protection générale notamment des objets immobiliers méritant d'être sauvegardés (art. 4 et 46 al. 1 aLPNMS). Étaient également protégés les terrains contenant ces objets et leurs abords ou leur environnement (art. 46 al. 2 aLPNMS). Aucune atteinte ne pouvait leur être portée qui en altérait le caractère (art. 46 al. 3 aLPNMS). Les mesures de protection instituées par la loi étaient la mise à l'inventaire (art. 49 aLPNMS), le classement (art. 52 aLPNMS) ou les mesures conservatoires en faveur d'objets répondant aux critères de l'art. 46 al. 1 aLPNMS et que l'on aurait omis de mettre à l'inventaire. Le recensement architectural cantonal instauré à l'art. 30 du règlement d'application de la LPNMS (aRLPNMS) sert à mettre en évidence les bâtiments dignes d'intérêt de manière à permettre à l'autorité de prendre les mesures de protection prévues par la loi.
Lorsqu'une question en lien avec l'ISOS se pose, comme en l'espèce, dans le cadre de l'exécution d'une tâche communale, cet inventaire ne déploie pas d'effet directement contraignant; il intervient en tant qu'expression d'un intérêt fédéral de protection du patrimoine. À ce titre, il appartient au juge d'en tenir compte dans la pesée des intérêts exigée en matière d'intégration et de préservation des sites (cf. arrêts 1C_391/2023 du 8 août 2024 consid. 6.1; 1C_572/2022 du 2 novembre 2023 consid. 3.2).
4.2. La CDAP a tout d'abord relevé que la Municipalité d'Aubonne avait refusé le projet pour des motifs tenant principalement à l'esthétique, à l'intégration des constructions et à la protection du patrimoine, et qu'à la différence des opposants, elle ne remettait pas en cause la constructibilité de la parcelle, mais soutenait que n'importe quel projet ne saurait y être autorisé. Selon elle, le projet litigieux, démesuré et peu adapté à un bourg ancien, allait à l'encontre des objectifs de l'ISOS et portait atteinte à de nombreux objets protégés.
Selon la jurisprudence, l'application d'une clause d'esthétique ne doit cependant pas aboutir à ce que, de façon générale, la réglementation sur les zones en vigueur soit vidée de sa substance. Une intervention des autorités dans le cas de la construction d'un immeuble réglementaire qui ne serait pas en harmonie avec les bâtiments existants, ne peut s'inscrire que dans la ligne tracée par la loi elle-même et par les règlements communaux, qui définissent en premier lieu l'orientation que doit suivre le développement des localités. Ainsi, lorsqu'un plan d'affectation prévoit que des constructions d'un certain volume peuvent être édifiées dans tel secteur du territoire, une interdiction de construire fondée sur l'art. 86 LATC ne peut se justifier que par un intérêt public prépondérant. Il faut que l'utilisation des possibilités de construire réglementaires apparaisse déraisonnable et irrationnelle (ATF 115 Ia 363 consid. 3a). Tel sera par exemple le cas s'il s'agit de protéger un site, un bâtiment ou un ensemble de bâtiments présentant des qualités esthétiques remarquables, qui font défaut à l'immeuble projeté ou que mettrait en péril sa construction (ATF 101 Ia 213 consid. 6c; arrêt 1C_391/2023 du 8 août 2024 consid. 6.1).
La recourante ne saurait ainsi être suivie lorsqu'elle allègue que le permis de construire n'aurait pas pu être refusé sur la base des prescriptions régissant l'esthétique parce qu'il serait en tout point réglementaire. Reste ainsi à examiner si la CDAP a correctement fait usage de son pouvoir d'appréciation en entérinant le refus du permis de construire pour un tel motif, étant rappelé que lorsqu'il est amené à examiner l'application de clauses d'esthétique, le Tribunal fédéral fait preuve de retenue dans l'appréciation des circonstances locales, spécialement en matière de protection des monuments et des sites bâtis, compte tenu du large pouvoir d'appréciation reconnu dans ce domaine aux autorités locales (cf. ATF 146 II 367 consid. 3; 142 I 162 consid. 3.2.2), en particulier s'agissant de savoir si une construction ou une installation est de nature à compromettre l'aspect ou le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue (cf. ATF 115 Ia 114 consid. 3d; arrêt 1C_383/2021 du 13 septembre 2022 consid. 2.2.1).
La CDAP a correctement et sans violer le droit fédéral rappelé que l'ISOS devait être pris en considération dans la pesée des intérêts exigée en matière d'intégration et de préservation des sites (cf. arrêt 1C_391/2023 du 8 août 2024 consid. 6.1). Elle a également tenu compte que conformément à l'art. 46 al. 2 aLPNMS, les abords des objets classés ou inventoriés devaient également être protégés. Elle a relevé qu'aux alentours directs de la parcelle n° 959, se trouvaient de nombreux bâtiments protégés, soit plusieurs maisons bourgeoises et paysannes, le temple et la cure attenante. Elle a ensuite constaté que le projet litigieux se caractérisait par le fait qu'il tendait à maximiser l'espace construit au détriment du respect des caractéristiques spécifiques de l'ISOS et du bourg ancien dans lequel il se trouvait. Le bâtiment projeté compte huit niveaux, dont cinq seraient dégagés au nord-ouest, visibles depuis la rue des Marchands, et six au sud-est, visibles depuis la ruelle Fontaine Martin. Le projet litigieux cherchait à s'aligner aux constructions présentes sur des parcelles aux altitudes plus élevées. Il en résultait un projet de construction particulièrement imposant par rapport aux constructions environnantes. Le projet posait également problème au regard du mur borgne prévu sur la façade sud-ouest, visible depuis la rue des Marchands. Ce choix architectural, dicté par des règles de droit privé, altérerait les qualités urbanistiques du périmètre, qui ne connaît aucun mur de ce type. De même, les vastes balcons, de 20 mètres carrés et d'une profondeur de 2,50 mètres, prévus sur quatre niveaux de deux façades du bâtiment, contribuaient au sentiment d'écrasement sur les constructions environnantes. Ils ne correspondaient pas à la typologie des constructions médiévales du bourg. À l'exception du bâtiment sis sur la parcelle n° 186, qui comporte deux balcons en bois d'une profondeur d'environ 2 mètres, aucune construction environnante n'était affublée de balcons. Enfin, les fenêtres de grandes dimensions à trois ventaux et les importants percements en toiture accentuaient le caractère contemporain de la construction projetée, sans tenir compte des caractéristiques des autres bâtiments du bourg. Force était donc de constater que le projet de construction litigieux ne présentait pas un aspect architectural satisfaisant en tant qu'il ne s'harmonisait pas avec la typologie des bâtiments alentour. En outre, de par sa volumétrie démesurée, il ne s'intégrerait pas à l'environnement bâti composé notamment de nombreux bâtiments dignes de protection. Il porterait ainsi atteinte à la silhouette du bourg historique et au caractère remarquable du secteur de la Vieille Ville d'Aubonne et de ses environs immédiats, inventoriés à l'ISOS avec un objectif de protection maximal.
Cette appréciation résiste aux critiques que lui adresse la recourante et n'appelle pas d'intervention du Tribunal fédéral au regard de la retenue dont il doit faire preuve. À titre liminaire, il sied de constater que non seulement la Municipalité d'Aubonne, mais l'ensemble des intervenants ont critiqué le manque d'intégration du projet dans son environnement bâti, que ce soit la DGIP ou la CCUA. La CDAP s'est rendue sur les lieux et a ainsi pu apprécier concrètement l'impact de la construction projetée sur les bâtiments inscrits à l'inventaire et son intégration dans le site bâti environnant, que ce soit au regard de l'ISOS, qui attribue un objectif de sauvegarde maximal au secteur de la vieille ville dans lequel il s'encastre sur trois côtés, ou des objectifs de sauvegarde de l'aLPNMS attachés aux bâtiments inventoriés en notes *2* et *3* et aux bâtiments classés situés aux alentours. Les plans de façades montrent également le caractère imposant du bâtiment projeté par rapport à l'immeuble voisin en raison de la pente. La recourante fait état de la présence de nombreuses ouvertures en toiture, que ce soit sous forme de lucarnes ou de châssis rampants, ainsi que d'autres bâtiments qui présenteraient des ouvertures analogues dans le secteur de la vieille ville. Or, ce n'est pas tant les ouvertures en toiture ou en façade qui posent problème en soi que leur nombre et leur importance, à l'instar des ouvertures en façades à trois vantaux prévues sur quatre étages, ainsi que leur proximité avec des bâtiments classés qui comportent des ouvertures moins importantes. Au demeurant, il s'agit d'éléments parmi d'autres, à l'instar des balcons, qui peuvent être tenus pour accessoires par rapport à la hauteur et au volume du bâtiment qui ont été jugé problématiques au regard des bâtiments alentours et de la qualité architecturale de la vieille ville composée essentiellement de maisons de deux à trois niveaux datant du 17 è au 19 è siècle. La cour cantonale pouvait également tenir compte de la présence d'une façade borgne dans l'appréciation de l'esthétique du projet, indépendamment du fait qu'elle serait conforme au règlement. Le photomontage produit par la recourante en annexe à son recours permet au surplus de constater la hauteur et la volumétrie particulièrement imposantes du bâtiment projeté dont la façade nord-est serait visible dans sa quasi intégralité depuis l'autre côté du Vallon de l'Aubonne et son impact sur l'environnement bâti et la silhouette de la vieille ville.
Les griefs pris d'une violation du principe de la légalité, de l'intérêt public ou encore de la proportionnalité sont infondés puisque le permis de construire a été refusé sur la base d'une application correcte et non arbitraire des règles d'esthétiques et d'intégration posées à l'art. 86 LATC et découlant de l'ISOS et de l'aLPNMS, lesquels poursuivent toutes un intérêt public important lié à la sauvegarde des monuments et des sites construits protégés, et que la CDAP n'a pas d'emblée exclu la présentation d'un projet de construction moins imposant dans le cadre de la réglementation qui prévalait lorsqu'elle a rendu son arrêt et sur la base de laquelle la Cour de céans doit statuer (cf. art. 99 al. 1 et 105 al. 1 et 2 LTF).
5.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Au vu des considérants qui précèdent, il apparaît peu probable que le projet de construction, tel que présenté, pourra être exécuté sous un nouveau plan d'affectation communal, de sorte qu'il n'y a pas lieu de suspendre la présente procédure jusqu'à sa publication, comme le demandait la constructrice.
La recourante, qui succombe, prendra en charge les frais judiciaires (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Elle versera une indemnité réduite à titre de dépens à Patrimoine Suisse Vaud, d'une part, ainsi qu'à B.________ et consorts (intimés 2 à 17), d'autre part, qui ont pris position sur sa requête d'effet suspensif et de suspension par l'entremise d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). La Municipalité d'Aubonne ne saurait en revanche prétendre à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). Il en va de même des autres opposants qui se sont prononcés sur la requête d'effet suspensif et de suspension dans la mesure où ils ont procédé seul, sans l'assistance d'un avocat.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera la somme de 1'000 fr. à titre de dépens à Patrimoine Suisse Vaud.
4.
La recourante versera la somme de 1'000 fr. à titre de dépens à B.________ et consorts, créanciers solidaires.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au mandataire de la Municipalité d'Aubonne, ainsi qu'à la Direction générale des immeubles et du patrimoine et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 13 mars 2025
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Kneubühler
Le Greffier : Parmelin