Un ressortissant nigérian entre en Suisse en 2001 et dépose en vain une demande d’asile. Il épouse une ressortissante suisse en 2003 avec laquelle il a deux enfants (jumelles) et reçoit une autorisation de séjour. Il avait été condamné en 2001 par un tribunal autrichien à 4 mois d’emprisonnement pour possession de drogue et est à nouveau condamné en 2006 à 42 mois d’emprisonnement par un tribunal allemand pour trafic de drogue.

L’ODM prononce à l’encontre de l’intéressé une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire suisse valable jusqu’en janvier 2020. Sur le plan personnel, le requérant et son épouse ont divorcé, il bénéficie d’un droit de visite sur ses filles et entretient des contacts réguliers avec elles. Il est père d’une troisième fille depuis août 2012 qu’il a eue avec une autre ressortissante suisse qu’il envisage d’épouser. La Cour reconnaît qu’il y a ingérence dans le droit au respect de la vie familiale du requérant. Au moment d’analyser la proportionnalité de la mesure, la Cour estime que l’atteinte portée par celle-ci est injuste. Plusieurs critères doivent être pris en compte par les autorités pour qu’une atteinte au droit protégé par l’art. 8 §1 CEDH soit justifiée, tels que la nature et la gravité des infractions commises, la situation familiale ou la connaissance de l’infraction par le conjoint au moment de la création du lien familial (cf. §45).

En l’espèce, la Cour met en avant le comportement irréprochable de l’intéressé depuis qu’il a purgé sa peine et estime que cela démontre qu’il ne constitue pas un danger pour l’ordre et la sécurité publics. Le requérant vit depuis sept ans et demi en Suisse, qui constitue le centre de sa vie privée et familiale. Le fait que le lien familial entre la première épouse et les filles du requérant ait été créé avant l’infraction principale du requérant est prépondérant ; l’ex-épouse ne pouvait pas en avoir connaissance au moment du mariage et de la naissance des enfants.

Ce n’est pas le cas pour la troisième fille du requérant ni de sa prétendue future épouse, qui connaissait ou devait connaître la situation précaire de l’intéressé au moment de l’établissement du lien familial. La Cour privilégie l’intérêt supérieur des filles de l’intéressé et estime qu’elles doivent pouvoir évoluer auprès de leurs deux parents. Le seul moyen de garantir cela est d’octroyer une autorisation de séjour au requérant, ce qui permet de garantir le droit des intéressés à vivre ensemble, aspect fondamental du droit au respect de la vie familiale. La Cour constate donc que l’expulsion du requérant constitue une violation de l’art. 8 CEDH. Demande de renvoi devant la Grande Chambre.