Droit des migrations

ATF 148 I 127 (f)

2022-2023

Les garanties diplomatiques obtenues par les autorités helvétiques afin de s’assurer que l’extradition d’une personne étrangère est conforme au principe de non-refoulement doivent faire l’objet d’un examen de qualité et de fiabilité conformément aux critères développés dans la jurisprudence de la Cour EDH. En outre, selon la pratique du TF, lorsqu’il n’existe pas de précédents permettant de présumer que l’Etat requérant respectera ses garanties, il sied de mettre en place un système de monitoring permettant

à un représentant suisse ou à une personne désignée par la représentation suisse de surveiller le respect de celles-ci. Dans le cas d’espèce, le TF conclut à la fiabilité des garanties diplomatiques offertes par la Russie et confirme l’efficacité du système de monitoring mis en place. Par conséquent, l’extradition du requérant est légale

ATF 149 II 6 (d)

2022-2023

Cet arrêt concerne la conformité à l’art. 16 de la Directive 2008/115/CE (« Directive sur le Retour ») des conditions de détention d’une personne étrangère dans le centre de détention de Moutier (BE). En vertu de ladite directive, la contrainte qui pèse sur les personnes détenues doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire pour garantir une procédure de renvoi efficace. En l’espèce, le TF considère que tel n’est pas le cas de l’enfermement du recourant dans sa cellule pendant dix-huit heures par jour ni de l’impossibilité d’avoir accès à internet dans le centre de détention. Cette dernière restriction constitue, de surcroit, une violation des art. 10 CEDH et 16 Cst. Les restrictions concernant l’utilisation de téléphones privés sont toutefois admissibles, les enregistrements de vidéos ou des sons pouvant porter atteinte au bon fonctionnement du centre de détention.

Principe de non-refoulement. Un ressortissant du Zimbabwe voit sa demande d’asile rejetée par les autorités suisses. L’intéressé invoque l’existence d’un risque de mauvais traitements dans son Etat d’origine en raison de l’activité d’avocat défendeur de victimes de violences étatiques qu’il y exerçait. Le CAT considère que la procédure de l’intéressé est entachée de vices procéduraux qui ont empêché la réalisation d’un examen effectif de sa demande de protection. Plus précisément, le Comité relève que ni le SEM ni le TAF n’ont donné suite à la demande de l’intéressé d’entreprendre les démarches nécessaires à la vérification de l’authenticité des documents qu’il avait produits (authenticité mise en doute par ces mêmes autorités), que son recours et sa demande de réexamen ont tous deux été privés d’effet suspensif et que sa demande de dispense d’avance de frais et d’assistance pour engager un avocat a été rejetée par le TAF, qui a analysé le bien-fondé de son recours par le biais d’un examen anticipé à juge unique sommairement motivé, sans tenir compte d’éléments de preuve nouveaux. Partant, le Comité est de l’avis que l’intéressé n’a pas bénéficié d’une possibilité effective de faire valoir son besoin de protection, ce qui constitue une violation de l’art. 3 UNCAT.

Droit à la protection de la vie familiale. La Cour EDH examine pour la première fois la conformité à l’art. 8 CEDH de la condition d’indépendance à l’aide sociale opposée aux réfugiés admis provisoirement qui déposent une demande de regroupement familial en Suisse (art. 85 al. 7 let. c LEI). Pour la Cour, cette condition doit être appliquée avec souplesse, la dépendance à l’aide sociale ne devant constituer qu’un élément parmi d’autres dans le test de proportionnalité (art. 8 par. 2 CEDH). Plus spécifiquement, les réfugiés ne devraient pas être tenus de « faire l’impossible » pour bénéficier du regroupement familial. Dès lors, un refus d’octroyer le regroupement familial à un réfugié qui ne parvient pas à remplir la condition d’indépendance à l’aide sociale malgré avoir fait tout ce qui est raisonnablement exigible à cet effet est très susceptible d’être disproportionné. Cette flexibilité doit être de plus en plus importante au fur et à mesure que le temps passe et que des obstacles insurmontables à la vie familiale dans le pays d’origine subsistent. Par ailleurs, l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi que les éléments attestant de l’existence de vulnérabilités particulières doivent être dûment pris en compte. Dans le cas d’espèce, la Cour conclut à trois violations de l’art. 8 CEDH par la Suisse.

Droit à la protection de la vie privée ; régularisation de la présence d’une personne sans-papiers. Un ressortissant iranien entre légalement en Suisse en 1969, où il épouse une femme (dont il divorce ultérieurement) et a deux enfants. Entre 1988 et 2004, l’intéressé est condamné à des peines d’emprisonnement d’une durée cumulée d’environ cinq ans pour diverses infractions pénales (par exemple faux dans les titres, abus de confiance répété, contrainte, menaces multiples et délits contre le patrimoine). Pour cette raison, il fait l’objet d’une décision d’expulsion pour une durée de cinq ans et perd son titre de séjour en 2002. Malgré les tentatives d’expulsion menées par les autorités compétentes, l’intéressé réside en Suisse de manière illégale pendant encore seize ans, période pendant laquelle il tente de faire révoquer son expulsion et de régulariser sa présence, mais en vain (notamment par le dépôt d’une demande d’autorisation de séjour pour rentiers). Pendant cette période, il fait, par ailleurs, l’objet de plusieurs condamnations pour séjour illégal et est condamné pour la commission d’un vol d’importance mineure. Analysant la conformité de cette situation au droit humain à la vie privée (art. 8 CEDH), la CourEDH relève qu’au vu du comportement pénalement répréhensible de l’intéressé, les autorités suisses disposent d’un certain intérêt public à vouloir l’expulser. Il faut néanmoins tenir compte du fait que le requérant a séjourné de manière légale en Suisse pendant trente-trois ans et que la durée totale de son séjour en Suisse est de quarante-neuf ans. Cette durée est qualifiée d’« extrêmement longue » par la CourEDH, qui relève également que l’intéressé n’entretient plus de liens significatifs avec son Etat d’origine. La Cour prend aussi en considération son âge avancé – 78 ans au moment où le TF rejette son recours – ainsi que l’absence de graves infractions pénales depuis 2005. En outre, elle juge les efforts réalisés par les autorités nationales pour l’expulser comme insuffisants. Pour ces différentes raisons, la CourEDH considère que les autorités helvétiques n’ont pas ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu, mais ont plutôt attribué un poids excessif à l’intérêt général en refusant d’accorder au requérant une autorisation de séjour pour rentiers. Partant, l’art. 8 CEDH a été violé.

En matière de protection de la vie privée, la présomption d’enracinement après un séjour légal de dix ans en Suisse (ATF 144 I 266) est uniquement applicable lorsqu’il s’agit de prolonger ou de renouveler une autorisation de séjour déjà existante. Ladite présomption ne concerne donc pas les situations où c’est l’octroi d’une première autorisation de séjour initiale à une personne sans-papiers qui est en jeu. La jurisprudence plus ancienne, reconnaissant un droit potentiel à l’obtention d’une autorisation de séjour tiré de l’art. 8 CEDH en cas d’intégration particulièrement réussie en Suisse reste toutefois applicable dans tous les cas.

La compatibilité avec l’art. 8 CEDH des délais d’attente opposés aux bénéficiaires de protection internationale afin de pouvoir déposer une demande de regroupement familial doit faire l’objet d’une analyse au cas par cas. Celle-ci doit permettre d’apprécier un juste équilibre entre les intérêts étatiques au contrôle de l’immigration et les intérêts privés à l’unité familiale. Cela implique, plus précisément, la prise en compte de l’existence d’obstacles insurmontables empêchant que la vie familiale soit vécue sur le territoire d’un autre Etat et l’octroi d’un poids particulièrement important à cet élément lorsque le délai d’attente est supérieur à deux ans. Le fait que les membres de la famille à regrouper soient restés dans un pays marqué par des attaques violentes et des mauvais traitements est également un facteur important dans le cadre de la pesée d’intérêts. Or, dans le cas d’espèce, la pratique danoise ne permet de faire exception à l’exigence d’une attente de trois ans qu’en présence de « circonstances particulières », à savoir la présence d’enfants ou d’éventuels problèmes de santé au sein des familles concernées. Une telle pratique contrevient donc à l’art. 8 CEDH.

Un ressortissant gambien cherchant à être protégé des persécutions qu’il subirait dans son pays d’origine en raison de son homosexualité dépose plusieurs demandes d’asile en Suisse. Débouté à plusieurs occasions par le SEM et le TAF, l’intéressé fait l’objet d’une décision d’expulsion vers la Gambie, dont la législation pénalise les relations homosexuelles. La Cour EDH examine la compatibilité de ce renvoi avec le principe de non-refoulement découlant de l’art. 3 CEDH. La non-connaissance, par les autorités gambiennes, de l’orientation sexuelle de l’intéressé ne saurait écarter le risque de traitement contraire à l’art. 3 CEDH. Effectivement, ladite orientation pourrait encore être découverte par celles-ci dans le futur. La simple pénalisation de l’homosexualité dans l’Etat d’origine ne suffit toutefois pas à établir l’existence d’un risque de traitements contraires à l’art. 3 CEDH, et ce quand bien même les peines prévues à cet égard s’avèreraient très sévères. Il découle de la jurisprudence antérieure de la Cour EDH et de la CJUE, donc la Cour EDH tient compte ici, qu’il convient encore d’examiner si de telles lois sont réellement appliquées, ce qui n’est plus le cas en Gambie. Le risque de traitements prohibés émanant d’actes individuels de certains officiers étatiques ne peut néanmoins pas être écarté. En outre, la discrimination sociétale basée sur l’identité sexuelle en Gambie est une réalité bien établie. Un risque de traitements prohibés émanant d’acteurs privés doit donc être admis. Concernant ce dernier point, la Cour relève le manque de volonté des autorités gambiennes de protéger les personnes homosexuelles de persécutions émanant de particuliers, ce qu’elle met en lien avec le fait que l’homosexualité soit toujours pénalisée par la législation du pays africain. Il découle de ce qui précède que les autorités helvétiques n’ont pas examiné de façon suffisante le risque de traitements contraires à l’art. 3 CEDH émanant d’acteurs non-étatiques en Gambie et le caractère défaillant de la protection étatique contre de tels actes. Un renvoi sans une nouvelle évaluation de ces éléments violerait l’art. 3 CEDH.

Un ressortissant étranger né en Suisse et titulaire d’une autorisation d’établissement fait l’objet d’une expulsion pénale (art. 66a al. 1 let. h CP) d’une durée de cinq ans en raison de la commission d’actes à caractère sexuel sur une mineure. Ces actes lui valent également une condamnation à douze mois de peine privative de liberté avec un sursis de trois ans. Le requérant, adulte de trente-huit ans sans enfants, invoque la protection de sa vie privée (art. 8 CEDH devant les juges de Strasbourg. S’agissant d’un étranger ayant passé l’intégralité de sa vie en Suisse, de solides raisons doivent être avancées afin de justifier son éloignement. La Cour commence par souligner que les infractions dont le requérant s’est rendu coupable ont été commises récemment. La tolérance dont fait normalement preuve la Cour à l’égard des personnes ayant commis des infractions pendant leur adolescence n’a dès lors pas sa place ici. Elle constate également que, si la peine prononcée (douze mois de peine privative de liberté avec un sursis de trois ans) est relativement légère, elle est tout de même supérieure à celle prononcée dans l’affaire Shala c. Suisse, où la peine en question s’élevait à cinq mois et demi, assortie d’un sursis (cf. arrêt de la CourEDH, Shala c. Suisse du 15 novembre 2012, requête no 52873/09). Or, dans cette dernière affaire, la Cour a jugé que l’expulsion du territoire suisse pour une durée de dix ans n’a pas emporté violation de l’article 8 de la Convention. Les infractions commises par le requérant sont considérées comme graves par la Cour, qui relève que l’intégrité sexuelle constitue un bien juridique particulièrement important. En outre, le passé judiciaire du requérant (quatre condamnations au total), le risque de récidive (photos à caractère pédopornographique trouvées sur son téléphone), l’absence de liens sociaux, culturels, familiaux ou professionnels particuliers ainsi que les faibles perspectives de réinsertion (homme âgé de trente-huit ans, n’ayant jamais exercé d’activité professionnelle et ne disposant d’aucune formation) plaident en défaveur de l’intéressé. Concernant ce dernier point, la Cour se rallie à l’avis du TF qui juge que l’activité de serveur exercée par le requérant dans le cadre de l’assistance de probation ou la formation en « permaculture » suivie durant six mois ne sont pas susceptibles de déboucher sur une véritable insertion professionnelle. Partant, une violation de l’art. 8 CEDH ne saurait être retenue.

Dans l’arrêt ultérieur Z c. Suisse, dont les faits sont très similaires, la Cour conclut également à une non-violation de l’art. 8 CEDH alors que le requérant entretient bien des liens sociaux, culturels et familiaux importants avec la Suisse. A cet effet, elle relève de nouveau la gravité des infractions portant atteinte à l’intégrité sexuelle des mineurs mais également les perspectives positives d’intégration du requérant dans son Etat d’origine en cas de renvoi (cf. arrêt de la Cour EDH, Z c. Suisse du 22 décembre 2020, Requête no 6325/15).

V.A., une ressortissante azerbaïdjanaise, et ses deux enfants E.A. et U.A. contestent devant le Comité des droits de l’enfant la décision de transfert Dublin qui a été prononcée à leur encontre par le SEM et confirmée par le TAF. Les intéressés indiquent notamment, dans leur communication, que les enfants n’ont pas été entendus dans le cadre de leur procédure d’asile, que ce soit en première ou en deuxième instance. Ils soutiennent que les autorités suisses ont ainsi violé leur droit d’être entendu au sens de l’art. 12 CDE. Appelée à se déterminer, la Suisse soutient que cette disposition ne confère pas aux enfants un droit inconditionnel à être entendus oralement et personnellement, mais uniquement celui de pouvoir faire valoir leur point de vue de façon appropriée, cas échéant par le biais de leur représentant. La Suisse rappelle par ailleurs la pratique du SEM, selon laquelle un enfant ne doit être entendu personnellement que dans les cas où il dispose de la qualité de discernement, laquelle est présumée à partir de l’âge de quatorze ans. Dans le cas d’espèce, la Suisse souligne que les enfants E.A. et U.A. n’étaient âgés que de huit et trois ans lorsque le SEM a rendu sa décision. Elle estime dès lors que c’est à raison, et a fortiori sans violer l’art. 12 CDE, que le SEM ne les a pas auditionnés. Le Comité des droits de l’enfant est d’un autre avis. Il rappelle que l’art. 12 CDE « n’impose aucune limite d’âge en ce qui concerne le droit de l’enfant d’exprimer son opinion, et qu’il décourage les Etats parties d’adopter, que ce soit en droit ou en pratique, des limites d’âge de nature à restreindre le droit de l’enfant d’être entendu sur toutes les questions l’intéressant ». Il estime par ailleurs que les autorités suisses ne pouvaient pas, comme elles l’ont fait, retenir que les intérêts des enfants coïncidaient forcément avec ceux de leur mère. Il souligne en effet que « la détermination de l’intérêt supérieur des enfants requiert que leur situation soit évaluée séparément, nonobstant les raisons ayant motivé la demande d’asile de leurs parents ». Le Comité des droits de l’enfant aboutit ainsi à la conclusion que l’absence d’audition directe des enfants E.A. et U.A. est constitutive d’une violation de l’art. 12 CDE. Il demande à la Suisse de réexaminer la demande d’asile des intéressés, après avoir entendu les enfants. Il lui recommande par ailleurs « de veiller à ce que les enfants soient systématiquement entendus dans le contexte des procédures d’asile » et lui impartit un délai de 180 jours pour lui faire part des mesures prises en ce sens.

Un ressortissant russe quitte son pays d’origine à l’âge de 7 ans avec sa mère pour arriver en Suisse le 5 septembre 2005. Il est mis au bénéfice d’autorisations de séjour par regroupement familial, puis pour études, jusqu’au 30 septembre 2015. En 2011, sa mère est extradée en Russie pour y purger une peine privative de liberté. Condamné pénalement à deux reprises pour infraction la circulation routière et contravention à la LStup, il fait également l’objet de poursuites pour un montant d’environ CHF 18’000.-, mais n’émarge pas à l’aide sociale. Se basant sur l’art. 8 CEDH (droit au respect de la vie privée), il recourt jusqu’au TF, invoquant avoir séjourné en Suisse pendant plus de dix ans. La Haute Cour considère qu’il s’agit d’un cas limite. En effet, ses condamnations sont tout de même de peu de gravité et il a commis des infractions entre 17 et 19 ans, soit lorsqu’il n’était qu’un jeune adulte. Il s’est retrouvé seul en Suisse à l’âge de 15 ans, a réussi à trouver un emploi pour subvenir à ses besoins, s’est intégré socialement en Suisse et a une bonne maîtrise de la langue française. Sa scolarisation s’est principalement effectuée en Suisse et il a séjourné au bénéfice d’autorisations de séjour pendant plus de 10 ans. Cela fait effectivement 18 ans qu’il a quitté son pays d’origine. Le recours est admis, mais le recourant reçoit un avertissement formel quant à son comportement et à sa situation financière.

Art. 3 CEDH

Cet arrêt a trait à l’existence d’un risque réel de traitements contraires à l’art. 3 CEDH pour un ressortissant afghan converti au christianisme. Si la Cour, tout comme le TAF, n’est pas convaincue que la conversion religieuse du requérant soit antérieure à sa fuite et que le requérant ait déjà été recherché en Afghanistan en raison d’actes de prosélytisme chrétien, elle rappelle, en citant sa jurisprudence ainsi que les recommandations du HCR, qu’en cas de conversion postérieure à la fuite, il sied de procéder à une appréciation ex nunc approfondie et rigoureuse des risques auxquels le requérant serait exposé en cas de renvoi en raison de sa nouvelle foi, appréciation que le TAF n’a nullement effectuée.

Art. 8 CEDH

Des ressortissants turcs et marocains ayant obtenu la nationalité française en sont déchus, conformément à la procédure prévue par le code civil français, en raison de leur soutien financier et logistique à l’organisation terroriste islamique « groupe islamique combattant marocain ». Une telle mesure ne porte pas atteinte à la vie familiale protégée par l’art. 8 CEDH étant donné qu’elle ne comporte pas d’obligation de quitter le territoire français et que, si une telle obligation devait survenir dans le futur, les requérants peuvent faire valoir leur droit à la vie familiale à ce moment-là. La nationalité constitue toutefois un élément de l’identité des personnes et la question peut, dès lors, être analysée sous l’angle de la protection de la vie privée, garantie par le même article. Dans le cas d’espèce, les procédures de déchéance litigieuses interviennent plus de dix ans après la commission des infractions, presque huit ans après le jugement de première instance et presque sept ans après l’arrêt d’appel. Le laps de temps écoulé entre les condamnations et les procédures de déchéance de nationalité ne suffit pas à lui seul à qualifier de telles mesures d’arbitraires. En effet, un Etat est légitimé, sous condition d’un strict contrôle de proportionnalité, à « reprendre avec une fermeté renforcée l’évaluation du lien de loyauté et de solidarité existant entre lui-même et des personnes condamnées antérieurement pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ». En outre, s’il est vrai que les mesures litigieuses affectent bel et bien l’identité des requérants, la Cour tient compte du contexte dans lequel lesdites mesures ont été effectuées (attentats terroristes frappant la France en 2015), de la gravité des infractions commises par les requérants et, notamment, de l’exclusion du risque d’apatridie. Effectivement, tous les requérants sont détenteurs d’une autre nationalité. Partant, l’atteinte à leur vie privée ne constitue pas une ingérence disproportionnée, contraire à l’art. 8 CEDH.

Art. 3 CEDH

Des défaillances procédurales contraignant des requérants d’asile à vivre dans la rue pendant des mois, sans ressources, sans accès à des sanitaires, sans pouvoir subvenir à leurs besoins essentiels et craignant constamment d’être attaqués et volés ainsi que la réponse insuffisante des autorités nationales face à une telle situation sont propres à créer des sentiments de peur, d’angoisse ou d’infériorité et constituent, dès lors, des traitements contraires à l’art. 3 CEDH.

Art. 3 CAT, Art. 16 CAT

Cette affaire comporte plusieurs volets. Le Comité y examine premièrement le respect de la protection contre le refoulement conférée par l’art. 3 CAT dans le cadre de l’extradition, vers l’Egypte, d’un journaliste critique envers le régime dudit Etat. Le Maroc n’a pas procédé à une évaluation individualisée du risque personnel et réel auquel le requérant est exposé en Egypte. A cet égard, le Comité tient compte des informations concernant le non-respect des droits de l’homme en Egypte, notamment en ce qui concerne les journalistes et activistes, mais également du caractère absolument disproportionné d’une des condamnations pénales prononcées à l’encontre du requérant. Effectivement, ce dernier a été condamné à la prison à perpétuité en raison de sa présumée implication dans une affaire de faux en écriture authentique, soit un « simple délit ». Ce critère est déterminant dans l’analyse du Comité. Concernant le deuxième volet, la détention du requérant au Maroc, en isolement cellulaire, sans contact avec sa famille et son avocat et ne bénéficiant que d’un accès limité aux soins médicaux constitue un mauvais traitement contraire à l’art. 16 CAT.

Art. 3 CDE, Art. 12 CDE, Art. 20 CDE, Art. 22 CED

Art. 6 du Protocole facultatif à la CDE établissant une procédure de présentation de communications ; il s’agit d’affaires concernant la détermination de l’âge de jeunes requérants d’asile non-accompagnés. Dans la première affaire (communication 17/2017), les autorités nationales n’ont pas effectué les démarches propres à dissiper leurs doutes concernant les documents produits par le requérant. A cet égard, le Comité rappelle que le fardeau de la preuve ne repose pas toujours sur les requérants mais qu’il est partagé entre ces derniers et les Etats en cause. Or, dans le cas d’espèce, les autorités concernées n’avaient contacté les autorités consulaires ivoiriennes, dans le but de vérifier l’authenticité du passeport du requérant, qu’une fois sa majorité établie, soit trop tard. Il en découle une violation de l’art. 3 CDE. Dans la deuxième affaire (communication 27/2017), c’est le caractère insuffisant des preuves dont les autorités nationales avaient tenu compte qui est jugé incompatible avec ce même article. En effet, les examens osseux ne constituent pas une preuve suffisante étant donné l’importante marge d’erreur de la méthode Greulich et Pyle et le fait que le requérant affirme être mineur, pièce à l’appui. Concernant le droit d’être entendu des requérants (art. 12 CDE), tous deux ont été privés de l’accompagnement des tuteurs ou représentants légaux auxquels ils, en tant que potentiels mineurs, avaient droit pendant la procédure de détermination de leur âge. Le Comité accorde une importance primordiale à l’examen rigoureux de l’âge de possibles mineurs, la protection conférée par la Convention en dépendant. Ainsi, dans les deux affaires, l’impossibilité d’effectuer leur demande d’asile en tant que mineurs a privé les requérants de la protection spéciale réservée aux requérants d’asile mineurs non-accompagnés, entrainant ainsi une violation des art. 20 et 22 CDE. Le Comité relève également, dans la deuxième affaire, une violation de l’art. 6 du Protocole facultatif à la Convention établissant une procédure de présentation de communications. Le requérant a été placé dans un centre pour requérants adultes et, ce faisant, l’Etat partie a violé son obligation, découlant dudit article, d’adopter les mesures provisoires nécessaires à la prévention de la survenance d’un dommage irréparable pendant la procédure de communication individuelle menant à la présente décision.

Art. 3 CDE, Art. 12 CDE, Art. 20 CDE, Art. 22 CDE

Art. 6 du Protocole facultatif à la CDE établissant une procédure de présentation de communications ; il s’agit d’affaires concernant la détermination de l’âge de jeunes requérants d’asile non-accompagnés. Dans la première affaire (communication 17/2017), les autorités nationales n’ont pas effectué les démarches propres à dissiper leurs doutes concernant les documents produits par le requérant. A cet égard, le Comité rappelle que le fardeau de la preuve ne repose pas toujours sur les requérants mais qu’il est partagé entre ces derniers et les Etats en cause. Or, dans le cas d’espèce, les autorités concernées n’avaient contacté les autorités consulaires ivoiriennes, dans le but de vérifier l’authenticité du passeport du requérant, qu’une fois sa majorité établie, soit trop tard. Il en découle une violation de l’art. 3 CDE. Dans la deuxième affaire (communication 27/2017), c’est le caractère insuffisant des preuves dont les autorités nationales avaient tenu compte qui est jugé incompatible avec ce même article. En effet, les examens osseux ne constituent pas une preuve suffisante étant donné l’importante marge d’erreur de la méthode Greulich et Pyle et le fait que le requérant affirme être mineur, pièce à l’appui. Concernant le droit d’être entendu des requérants (art. 12 CDE), tous deux ont été privés de l’accompagnement des tuteurs ou représentants légaux auxquels ils, en tant que potentiels mineurs, avaient droit pendant la procédure de détermination de leur âge. Le Comité accorde une importance primordiale à l’examen rigoureux de l’âge de possibles mineurs, la protection conférée par la Convention en dépendant. Ainsi, dans les deux affaires, l’impossibilité d’effectuer leur demande d’asile en tant que mineurs a privé les requérants de la protection spéciale réservée aux requérants d’asile mineurs non-accompagnés, entrainant ainsi une violation des art. 20 et 22 CDE. Le Comité relève également, dans la deuxième affaire, une violation de l’art. 6 du Protocole facultatif à la Convention établissant une procédure de présentation de communications. Le requérant a été placé dans un centre pour requérants adultes et, ce faisant, l’Etat partie a violé son obligation, découlant dudit article, d’adopter les mesures provisoires nécessaires à la prévention de la survenance d’un dommage irréparable pendant la procédure de communication individuelle menant à la présente décision.

Art. 8 CEDH

L’affaire concerne un ressortissant kosovar installé en Suisse depuis 1993, condamné en 2003 pour viol, peine devenue définitive en 2005, ce qui amena les autorités suisses à ordonner son expulsion du canton en 2006, puis de l’ensemble de la Suisse en 2010. Son recours contre la décision d’expulsion fut rejeté par le TAF en 2015 au motif que les autorités disposaient d’une importante marge d’appréciation en la matière. Le requérant, déclaré invalide à 80% en 2012, est dépendant à l’égard de ses enfants majeurs. La Cour considère, sous l’angle de l’art. 8 CEDH, que l’expulsion constituerait une ingérence dans la vie familiale du requérant, père d’enfants mineurs nés en Suisse ainsi qu’à l’égard de ses enfants majeurs dont il est dépendant. Quant à la proportionnalité de la mesure de renvoi, la Cour estime que les autorités n’ont pas procédé à un juste équilibre entre les intérêts en cause et qu’elles ont dès lors outrepassé leur marge d’appréciation qui leur revient dans le domaine de l’immigration. A cet égard, la Cour considère que l’analyse par le TAF de la proportionnalité de la mesure de renvoi est superficielle, celui-ci s’étant borné à prendre en considération la gravité de l’infraction, le risque de récidive et les difficultés en cas de renvoi au Kosovo. D’autres éléments, tenant à la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec la Suisse et le Kosovo, l’invalidité du requérant, sa dépendance à l’égard de ses enfants majeurs, l’évolution de son comportement après l’infraction et l’impact de son état de santé sur le risque de récidive. En conséquence, la Cour conclut à la violation de l’art. 8 CEDH.

Art. 3, 5 § 1, 5 § 4 et 13 CEDH

Dans ces deux affaires, la Cour examine la situation des requérants d’asile mineurs non accompagnés en mettant au centre de son raisonnement la vulnérabilité particulière de cette catégorie de personnes et les obligations positives de l’Etat en matière de protection. Ainsi, dans l’arrêt Khan c. France, la Cour a conclu à la violation de l’art. 3 CEDH en raison des conditions de vie indignes dans la « jungle » de Calais du requérant, alors âgé de 12 ans et seul. La Cour a estimé, sous l’angle du volet matériel de l’art. 3 (traitement dégradant), que le requérant n’avait pas été pris en charge de manière adaptée à son âge, notamment en raison du fait qu’il n’avait pas été identifié comme « mineur isolé étranger » par les autorités françaises. Une ordonnance du juge des enfants est, par ailleurs, restée inexécutée. L’affaire H.A. et autres c. Grèce, rendue le même jour, concerne la détention de mineurs non accompagnés. La Cour conclut à une violation de l’art. 3 CEDH (traitement dégradant) en raison des conditions dans lesquelles les mineurs ont été détenus dans des postes de police, et notamment de leur isolement du monde extérieur en rapport avec leur jeune âge, mais considère que les conditions de vie dans un centre d’accueil qui dispose d’une zone spécifique pour mineurs non accompagnés (safe zone) n’ont pas dépassé leur seuil d’intensité exigé par l’article 3. Dans cette affaire, la Cour a également jugé que les requérants n’avaient pas disposé d’un recours effectif pour se plaindre de leurs conditions de détention (art. 13 combiné avec art. 3 CEDH) ; que leur placement dans des postes de police s’analysait comme une « privation de liberté » qui était irrégulière, au sens de l’art. 5 § 1 CEDH dans la mesure où la législation appliquée (« garde protectrice ») n’était pas prévue pour les mineurs et où l’ensemble de la procédure n’a pas pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant ; et, enfin, que les requérants n’ont pas eu les moyens de contester en justice leur détention dans des postes de police du fait notamment qu’ils n’étaient pas officiellement détenus et qu’ils n’ont, dès lors, pas été notifiés de leurs droits (art. 5 § 4 CEDH).

Art. 3, 14 et 16 CAT

Ces deux affaires concernent le transfert, dans le cadre du Règlement Dublin III (communication 742/2016) et de l’Accord européen sur le transfert de responsabilité à l’égard des réfugiés (communication 758/2016) de la Suisse vers l’Italie de personnes ayant été victimes de torture dans leur pays d’origine. Au regard de leur vulnérabilité particulière en tant que victimes de torture et demandeurs d’asile, le Comité contre la torture a estimé que la Suisse n’avait pas procédé à une « évaluation individualisée du risque personnel et réel » auquel le requérant serait exposé en Italie s’agissant du défaut d’une assistance médicale et de conditions d’accueil adaptées. Le Comité a conclu dans ces deux affaires similaires à une violation de l’art. 3 CAT. En outre, dans la décision sur la communication 742/2016, le Comité a conclu que le transfert en Italie priverait le requérant de son droit en vertu de la Convention contre la torture d’obtenir une réadaptation (art. 14 CAT), ce qui constitue en soi un mauvais traitement interdit par l’art. 16 CAT.

Art. 3 CAT

Cette affaire concerne un requérant d’asile érythréen débouté par le TAF, dernière instance de recours dans le domaine de l’asile en Suisse. Son cas n’a été examiné que sommairement par un juge unique et déclaré irrecevable faute de paiement de l’avance de frais de 600 francs alors que le requérant avait demandé une dispense du fait de son indigence. Le Comité contre la torture, qui se prononce principalement sur des questions procédurales, admet une violation de l’art. 3 CAT qui contient le droit à un examen effectif, indépendant et impartial d’une décision d’expulsion ou de renvoi car la Suisse n’a pas donné la possibilité au requérant de démontrer les risques qu’il encoure en cas de retour forcé en Erythrée. En effet, le TAF a seulement procédé à une appréciation anticipée et sommaire des arguments du requérant, sur la base d’une remise en question de l’authenticité des documents fournis, mais sans prendre de mesures pour vérifier celle-ci. En outre, l’exigence des frais de procédure alors que le requérant se trouvait dans une situation précaire l’a privé de la possibilité de s’adresser à la justice afin de voir son recours examiné par les juges du TAF.

Art. 3, 12 CDE ; 6 Protocole facultatif

Cette décision concerne la procédure de détermination de l’âge d’une jeune personne demandant l’asile et alléguant sa minorité. Le Comité rappelle l’importance fondamentale que revêt la détermination de l’âge au vu des conséquences juridiques qui en découlent pour la suite de la procédure et, à la lumière de l’intérêt supérieur de l’enfant, le principe selon lequel en cas de doute la personne doit être présumée mineure. Le Comité rappelle à cet égard son Observation générale n°6 quant aux principes applicables. Dans cette décision en particulier, le Comité exprime ses doutes sur la fiabilité de la méthode « Greulich et Pyle » en matière de radiographies osseuses et considère que cette méthode ne saurait être seule déterminante pour déterminer l’âge d’une personne. Il critique également le fait qu’aucun représentant légal n’a été attribué à la personne alléguant sa minorité, affirmant sur ce point que toute personne prétendant être mineure doit être accompagnée d’un représentant légal (disposant des compétences linguistiques nécessaires), gratuitement, durant la procédure de détermination de l’âge afin d’assurer l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3 CDE) et son droit d’être entendu (art. 12 CDE). Le Comité conclut ainsi à la violation de ces deux dispositions. Par ailleurs, le Comité condamne l’Etat pour violation de l’art. 6 du Protocole facultatif à la CDE en raison de l’inexécution de la mesure provisoire, ordonnée par le Comité, visant à transférer la personne dans un centre pour personnes mineures pendant l’examen de son cas.

Art. 2, 3 CEDH

Ce cas concerne un requérant d’asile iranien dont la demande d’asile déposée en Suisse est rejetée en raison d’invraisemblances et de contradictions. Il dépose une demande de réexamen – traitée comme deuxième demande d’asile – suite à sa conversion au christianisme. Celle-ci est rejetée car le SEM estime qu’il n’y a pas de réel risque de persécution. Saisi sur recours, le TAF est d’avis qu’il n’y aurait un risque que si la foi avait été manifestée publiquement en Suisse de sorte à la rendre visible. La CourEDH retient que la sincérité de la conversion doit être admise même si des doutes subsistent mais que les conséquences de celle-ci ont été évaluées dans la procédure d’asile. En outre, les autorités suisses considèrent qu’il n’y a un risque de violation des art. 2 et 3 que si le requérant manifeste publiquement sa foi « d’une manière perçue comme une menace par les autorités iraniennes » (critère posé par CJUE dans les arrêts C-71/11 et C-99/11). Dans le cas contraire, comme ici, il n’y a pas de vrai risque car les autorités iraniennes savent que certaines personnes se convertissent pour renforcer leur demande d’asile et en tiennent compte.

Art. 3 CEDH

Cette affaire concerne un requérant d’asile sierra-léonais dont la demande d’asile, dans laquelle il invoquait des persécutions liées à son orientation sexuelle, est rejetée pour manque de vraisemblance. Dans son arrêt, la CourEDH reprend la grille d’analyse posée par le HCR dans ses principes directeurs sur la protection internationale n° 9, la Cour reconnaît la difficulté à établir les faits pertinents dans les cas liés à l’orientation sexuelle des requérants et estime que l’appréciation de la crédibilité doit donc « être menée de manière individualisée et avec délicatesse ». En outre, la Cour prend également en compte la difficulté pour le requérant, « au regard du caractère sensible des questions ayant trait à la sphère personnelle d’une personne et notamment à sa sexualité » d’étayer ses allégations.

ATF 144 I 91 (f)

2017-2018

Art. 8 CEDH

L’intéressé est un ressortissant algérien, entré en Suisse en 2009 suite à son mariage avec une Française titulaire d’une autorisation d’établissement et père d’un enfant né en 2009 également. Suite au divorce, l’autorité cantonale refuse de prolonger l’autorisation de séjour basée sur le regroupement familial mais propose, sous réserve de l’approbation du SEM, de lui en octroyer une nouvelle sur la base de l’art. 50 LEtr. Suite au refus du SEM d’approuver l’octroi, l’intéressé saisi le TF et invoque l’art. 8 CEDH. Après un état des lieux de la jurisprudence relative à cet article, le TF rappelle que trois conditions doivent être remplies pour qu’un droit de séjour puisse être accordé sur cette base : 1) des relations affectives et économiques étroites et effectives avec l’enfant ; 2) l’impossibilité de maintenir la relation en raison de l’éloignement du parent concerné ; 3) un comportement irréprochable de celui-ci. Une approche « exclusivement objective » de la relation économique, ne prenant en compte ni les éventuels motifs indépendants de la volonté de l’intéressé pouvant expliquer l’absence de paiement d’une pension, ni les éventuelles prestations en nature découlant d’un droit de garde quasiment équivalent à une garde alternée n’est pas admissible. Il en va de même du fait de considérer une condamnation pour non-paiement d’une obligation d’entretien comme permettant de nier le comportement irréprochable car, il « est nécessaire d’éviter que les difficultés que l’étranger a rencontrées par le passé s’agissant du paiement de la pension alimentaire ne s’ajoutent au reproche tiré d’une éventuelle condamnation pénale pour défaut de paiement de ladite pension, lorsqu’il apparaît, les années passant, que le lien économique s’est renforcé ensuite à la faveur de l’écoulement du temps au point que cette relation doive être qualifiée à l’heure actuelle d’étroite et forte » (consid. 6.2).

Art. 8 CEDH

Un ressortissant argentin se voit mis au bénéfice d’une autorisation de séjour suite à son mariage, puis à un concubinage. A l’issue de ce dernier, le canton de Zurich refuse de lui renouveler son autorisation. Etant au bénéfice d’une autorisation qui ne garantit pas un droit de séjour, le recourant invoque donc devant le TF la garantie du droit à la vie privée prévue par l’art. 8 CEDH. Le TF procède à une évaluation globale de la situation afin de savoir si la mesure de renvoi est compatible avec la garantie de la vie privée. Afin de garantir la sécurité du droit et l’égalité de traitement, certaines lignes directrices sont posées : après un séjour légal d’une dizaine d’années, il est considéré que les relations sociales avec le pays sont d’une intensité telle qu’il faut des raisons particulières pour mettre fin au séjour. Le droit à la vie privée peut également être touché après une période moins longue si la personne concernée présente une intégration particulièrement réussie. Dans un tel cas de figure, il est notamment dans l’intérêt économique du pays de permettre à la personne concernée de continuer son séjour. Dès lors, l’intérêt légitime de la Suisse à limiter l’immigration ne suffit pas à lui seul à refuser une prolongation de l’autorisation de séjour. En l’espèce, le recourant est parfaitement intégré sur les plans sociaux et professionnels. Il manque donc une raison particulière de lui refuser la prolongation de son autorisation de séjour, ce qui amène le TF à admettre le recours du ressortissant argentin. Cet arrêt primordial constitue une concrétisation de la pratique du TF qui évalue le droit de séjour d’un étranger sur la seule base du droit au respect de la vie privée.

Art. 6 CEDH ; 30 Cst.

Dans cet arrêt, sur un cas de placement en détention, un ressortissant turc critique le fait que le juge de l’instance inférieure ait lui-même et en tant que juge unique tranché la demande de récusation dont il faisait l’objet. Il estime cette manière de faire contraire à la loi cantonale et aux garanties des art. 6 CEDH et 30 Cst. Les juges fédéraux rappellent qu’il n’est en principe pas autorisé à un magistrat de rendre une décision sur une demande de récusation le visant sauf si celle-ci est abusive ou inutile. Autre principe rappelé par le TF : une demande de récusation basée sur le seul argument que le juge ciblé a déjà tranché dans une procédure antérieure contre l’une des parties impliquées est inadmissible et peut faire l’objet d’une décision de non-entrée en matière à laquelle participe le juge ciblé. Après une revue des cas dans lesquels une récusation a été prononcée ou refusée, le TF estime qu’au vu du principe selon lequel une personne ne peut être impartiale dans une cause la concernant et de la jurisprudence très variée en la matière, la demande de récusation de l’intéressé ne devait pas être considérée comme à ce point mal fondée que le juge concerné puisse s’en saisir lui-même puisque le du juge de la détention a participé précédemment à la procédure relative à la levée de l’autorisation d’établissement et à la procédure de reconsidération.

Art. 25 Règlement (CE) n° 810/2009

Cet arrêt fait suite à une question adressée à la Cour par la Belgique après le rejet par les autorités belges de la demande de visa humanitaire d’une famille syrienne visant à pouvoir ensuite déposer une demande d’asile en Belgique. Selon les autorités belges, suivies par la CJUE, la famille avait pour objectif de déposer des demandes d’asile et donc de séjourner pour plus de 90 jours et ne rentrait par conséquent pas dans le champ d’application du code des visas. Au contraire, dans la mesure où il n’existe pas de texte communautaire relatif à l’octroi de visa humanitaire pour un séjour plus long que 90 jours, seul le droit national est applicable. Dans cet arrêt, la Cour a rejeté l’opinion de l’avocat général Paolo Mengozzi selon lequel le code des visas doit s’appliquer « si, eu égard aux circonstances de l’espèce, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que le refus de procéder à la délivrance de ce document conduira à la conséquence directe d’exposer ce ressortissant à subir des traitements [inhumains ou dégradants] prohibés par l’article 4 de la charte des droits fondamentaux, en le privant d’une voie légale pour exercer son droit de demander une protection internationale dans cet État membre ».

 

Art. 3, 8 et 13 CEDH

žCet arrêt concerne un ressortissant turc ayant déposé une demande d’asile en Grèce en 2002 et dans l’attente d’une décision formelle sur son recours contre le refus d’octroi de l’asile depuis cette année-là. La Cour conclut à une violation de l’art. 8 CEDH en raison de l’absence de procédure d’examen rapide de la demande du requérant qu’elle examine comme une violation de l’obligation positive de la Grèce de protéger le droit à la vie privée de l’intéressé. Une violation de l’art. 3 en lien avec l’art. 13 CEDH est également reconnue en raison du risque persistant de renvoi inopiné en Turquie alors même qu’il existe des indices de risque de traitements contraires à l’art. 3 dans ce pays.

Art. 8 CEDH

Il est question dans cet arrêt de la prise en compte du bien de l’enfant dans l’examen de l’octroi du regroupement familial. En l’occurrence, la Suisse a refusé d’accorder le regroupement familial en faveur du fils âgé de 15 ans d’un ressortissant d’origine égyptienne marié avec une Suissesse et naturalisé. Le fils avait bénéficié d’un premier regroupement familial avant d’être renvoyé en Egypte par son père en raison de problèmes relationnels avec la belle-mère et de difficultés scolaires. Pour la Cour, la Suisse a certes effectué une pesée d’intérêts entre ceux de la famille et l’intérêt public à contrôler la migration – en prenant en compte le fait que l’enfant avait passé la majeure partie de sa vie en Egypte et y bénéficiait de plus d’attaches – mais elle n’a pas suffisamment pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant. La violation de l’art. 8 est donc reconnue, de même que le non-respect des obligations découlant de la Convention sur les droits de l’enfant.

Art. 3 et 5 CEDH

Cet arrêt concerne le cas de deux ressortissants du Bangladesh ayant déposé une demande d’asile dans la zone de transit entre la Serbie et la Hongrie. Suite au rejet de leur demande, ces deux personnes sont expulsées vers la Serbie. La Cour reconnaît une violation de l’art. 3 CEDH en raison du déroulement de la procédure ayant mené au renvoi vers la Serbie (absence de traducteur, informations données par écrit alors que les requérants ne savaient pas lire, charge excessive en matière de preuve). Elle reconnaît également une violation de l’art. 5, par. 1 CEDH en raison du maintien des intéressés dans la zone de transit durant plus de trois semaines sans que l’on puisse considérer qu’ils avaient volontairement choisi de rester dans celle-ci.

Art. 3 et 13 CEDH ; 4 Protocole 4 CEDH

Ce cas concerne plusieurs ressortissants tunisiens dont le bateau a été arraisonné par les garde-côtes italiens alors qu’ils tentaient de rejoindre ce pays. Ils sont ensuite amenés dans un centre de Lampedusa puis transférés sur deux navires dans le port de Palerme avant d’être renvoyés en Tunisie par avion. Par rapport aux expulsions collectives, la Cour précise que l’art. 4 Protocole 4 CEDH n’exige pas dans tous les cas un entretien individuel mais que ses exigences peuvent être satisfaites lorsque chaque personne a réellement et effectivement la possibilité de s’opposer à son expulsion et que ses arguments sont examinés de manière adéquate par l’Etat en cause. En l’espèce, la Cour estime que tel a été le cas puisque les recourants ont été identifiés à deux reprises, que leur nationalité a été établie et qu’ils ont eu la possibilité de développer des arguments s’opposant à leur renvoi. Les juges rejettent également la violation de l’art. 13 CEDH en lien avec l’art. 4 Protocole 4 CEDH ainsi que la violation de l’art. 3 CEDH, invoqué en raison des conditions de rétention avant le renvoi.

Art. 3 CEDH

Dans cet arrêt, la Cour analyse le recours d’un requérant d’asile érythréen dont la demande a été rejetée par la Suisse en raison du manque de crédibilité des éléments allégués. Selon le recourant, le renvoyer en Erythrée constituerait une violation de l’art. 3 CEDH. La Cour rejette cette analyse en arguant que la situation en matière de droit de l’homme en Erythrée ainsi que sa situation personnelle ne permettent pas de retenir l’existence d’un risque réel de subir des traitements contraires à l’art. 3 CEDH. Cet arrêt est intéressant car la CourEDH semble indirectement remettre en cause l’approche retenue par le Tribunal administratif fédéral suisse depuis le début de l’année 2017 s’agissant des déserteurs et personnes fuyant la conscription. En effet, elle reconnaît que les mauvais traitements subis par ces personnes sont largement rapportés et que l’effet de la signature d’une « lettre de regret » est contesté.

Art. 3 et 8 CEDH

Cette affaire concerne un ressortissant géorgien résidant en Belgique dont la situation personnelle est marquée par plusieurs condamnations pénales et de graves problèmes de santé. Suite au rejet de sa demande d’asile, l’intéressé, dont la famille a fini par être régularisée, a lui-même demandé à plusieurs reprises sa régularisation. Dans cet arrêt, la Cour précise la notion d’« autres cas très exceptionnels » dans lesquels des considérations humanitaires peuvent s’opposer à un renvoi (notion mentionnée dans l’arrêt D. c. Royaume-Uni du 2 mai 1997, requête n° 30240/96). Selon la Cour, il s’agit de cas concernant « une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l’absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou du défaut d’accès à ceux-ci, à un risque réel d’être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie ». L’analyse se fait au cas par cas en comparant l’état de santé avant le renvoi et celui qu’aurait la personne suite au renvoi dans son Etat d’origine et en vérifiant la suffisance, l’adéquation et l’accessibilité effective des soins dans ce pays.

Art. 2 et 3 CEDH

Cette affaire concerne un ressortissant syrien arrivé en Russie au bénéfice d’un visa puis condamné pour être resté dans le pays au-delà de la validité de celui-ci. En raison de cette condamnation, son expulsion vers la Syrie est prononcée. Une demande d’asile temporaire est ensuite rejetée par la Russie qui estime que la situation en Syrie n’en justifie pas l’octroi. Pour la CourEDH, une expulsion en Syrie entrainerait une violation des art. 2 et 3 CEDH en raison des conditions humanitaires et sécuritaires ainsi que de la situation de violence généralisée dans le pays.

Art. 8 CEDH

La Cour se penche dans cet arrêt sur le recours d’un ressortissant macédonien, titulaire d’une autorisation d’établissement en Suisse qui voit celle-ci lui être retirée suite à une condamnation à cinq ans de prison pour un meurtre par dol éventuel et des infractions graves à la loi sur la circulation routière. La Cour reconnaît une ingérence de la Suisse dans le droit au respect de la vie privée et familiale de l’intéressé ainsi que le but légitime de celle-ci. La question qui se pose est donc celle de la nécessité dans une société démocratique. Après avoir effectuée une pesée d’intérêts prenant en compte notamment la durée de vie en Suisse, les liens du recourant avec la Suisse et la Macédoine, les possibilités de réintégration en Macédoine de la femme et des enfants de celui-ci ainsi que leur droit à poursuivre leur séjour en Suisse, la Cour arrive à la conclusion que l’expulsion et l’interdiction d’entrée n’ont pas empêché la vie familiale mais l’ont déplacé en Macédoine. Par conséquent, la Suisse n’a pas violé l’art. 8 CEDH dans cette affaire.

Art. 3 CEDH

žDans cet arrêt la CourEDH traite le recours d’un ressortissant sri-lankais renvoyé par la Suisse dans son pays suite au rejet de sa demande d’asile. A son retour, il est emprisonné et torturé. Ayant appris la situation, le SEM rapatrie la famille puis octroie un visa humanitaire et finalement l’asile à l’intéressé lorsque celui-ci est libéré. Attaquée pour violation de l’art. 3 CEDH, la Suisse estime que l’intéressé ne peut plus se prévaloir de sa qualité de victime en raison du fait que des mesures ont été prises en sa faveur. La Cour est d’avis que ces mesures équivalent bien à une reconnaissance de la violation de l’art. 3 CEDH mais que l’absence de réparation suffisante fait que l’intéressé conserve tout de même sa qualité de victime. Une violation de l’art. 3 est également formellement reconnue par la Cour.

Art. 3 et 5 CEDH

Cet arrêt traite le cas de quatre requérants d’asile qui, arrivés à l’aéroport de Moscou, se voient refuser le droit d’entrer sur le territoire russe et retenus dans la zone internationale de transit dudit aéroport. Ils y passent entre cinq et vingt-deux mois durant lesquels ils ne disposent pas de douches, doivent se nourrir de rations du HCR russe et dormir sur des matelas à même le sol de la zone d’embarquement. La Cour analyse ce traitement comme une restriction à la liberté acceptable que dans la mesure où il est accompagné « de garanties adéquates pour les personnes qui en font l’objet et ne se prolonge pas de manière excessive ». En l’occurrence, les juges estiment que leur rétention doit être considérée comme une privation de liberté de facto. De plus, elle reconnaît que celle-ci est dépourvue de base légale en droit russe. La Cour reconnaît également une violation de l’art. 3 CEDH en raison de la souffrance psychique découlant de cette rétention prolongée et des conditions de celle-ci.

Art. 2 et 3 CEDH

Ces arrêts sont tous deux relatifs à des ressortissants soudanais ayant vu leur demande d’asile respective rejetée par la Suisse en raison du manque de vraisemblance des éléments allégués et qui font face à une décision de renvoi. La question que se pose la Cour est de savoir si un renvoi au Soudan emporte violation des art. 2 et 3 CEDH examinés conjointement. A ce sujet, ces arrêts sont intéressants parce qu’ils ont permis à la Cour de poser une grille d’analyse précise du risque pour une personne d’être suspectée par les autorités soudanaises d’être un opposant politique. Parmi ces critères figurent notamment l’intérêt passé des autorités soudanaises pour ces personnes, leur appartenance, au Soudan ou dans leur pays de résidence, à une organisation d’opposition ou encore leur lien avec des membres de l’opposition. Après avoir reconnu dans les deux cas que les circonstances invoquées pour justifier la fuite manquent de vraisemblance, la Cour arrive à un résultat différent dans l’analyse du risque. La différence se fait sur le fait que N.A. ne possédait pas de lien avec des opposants alors que A.I. avait régulièrement côtoyé des dirigeants de l’opposition en Suisse.

ATF 143 I 21 (d)

2016-2017

Art. 8 CEDH ; 3, 9, 18 CDE ; 50 al. 1 let. b LEtr

Cet arrêt constitue la première reprise par le TF de l’arrêt de la CourEDH El Ghatet c. Suisse (cf. supra). Dans le cas soumis au Tribunal, il est question d’une ressortissante nigériane titulaire d’une autorisation de séjour puis d’établissement suite à son mariage avec un ressortissant suisse. Durant le mariage, cette personne a deux enfants avec un ressortissant nigérian, raison pour laquelle l’autorité compétente – estimant qu’elle a fait de fausses déclarations durant la procédure d’octroi – décide de lui retirer son autorisation d’établissement. L’applicabilité de l’art. 50 al. 1 let. b LEtr est rejetée par le TF dans la mesure où celui-ci ne prend en compte que les intérêts des enfants communs, à l’exclusion d’enfants hors mariage, tels que ceux en cause ici. L’analyse des juges fédéraux se concentre donc sur l’art. 8 CEDH. C’est dans le cadre de cette analyse que le TF fait référence à l’arrêt El Ghatet pour reconnaître l’intérêt de l’enfant à grandir en contact étroit avec ses deux parents comme un élément essentiel, parmi d’autres, de la pesée d’intérêts à effectuer. Appliqué au cas d’espèce, ce principe ne permet toutefois pas au TF de reconnaître un droit au regroupement familial inversé sur la base de l’art. 8 CEDH en raison de l’absence d’une relation particulièrement forte entre le père et les enfants.

Art. 3, 5 et 8 CEDH

Ce cas concerne une famille afghane composée du père, de la mère et de quatre enfants. Après l’échec d’une première tentative de renvoi, la mère est placée en détention à l’aéroport de Zurich en compagnie du plus jeune des enfants alors que le père est détenu dans le canton de Zoug et que les trois autres enfants sont placés dans un foyer. Au sujet de l’art. 3 CEDH, les juges fédéraux reconnaissent que la séparation a créé une situation de stress pour la famille et en particulier pour les trois enfants les plus âgés, situation renforcée par l’impossibilité de communiquer entre les membres de la famille. Cependant, ils estiment que le seuil de gravité de l’art. 3 CEDH n’est juste pas atteint. Le TF reconnaît par contre une violation de l’art. 8, le placement des enfants et leur traitement comme des MNA étant analysés comme une ingérence dans le droit à la vie familiale des recourants. Dans le cadre de la pesée des intérêts, les juges estiment que le bien de l’enfant doit prendre une grande place et que la proportionnalité ne peut être respectée que si la mesure est une ultima ratio. En l’occurrence, le Tribunal reconnaît qu’il n’y a pas eu d’évaluation de la possibilité de prendre une autre mesure que l’internement des parents et le placement des enfants et que par conséquent la mesure prise ne peut pas être qualifiée d’ultima ratio. La violation de l’art. 8 est donc reconnue et la question de la violation de l’art. 5 CEDH laissée ouverte.

Art. 8 CEDH

Dans cet arrêt, les juges se posent la question de l’effectivité du mariage conclu entre une ressortissante helvète et un Sénégalais suite au dépôt par ce dernier d’une demande d’entrée en Suisse afin d’y vivre auprès de sa nouvelle épouse. Selon le Tribunal, l’art. 8 CEDH ne protège que le mariage « légal et non fictif », il implique ainsi l’existence d’une relation « étroite et effective ». Les juges dressent une liste d’indices servant à évaluer si un mariage est réel ou non : une grande différence d’âge ; des difficultés, voire une impossibilité des époux à communiquer entre eux ; une méconnaissance du cadre et des conditions de vie de l’autre époux ; un arrangement financier en vue du mariage ; une période courte entre la rencontre et le mariage et l’absence de vie commune avant le mariage ; ou encore, une procédure de renvoi en cours contre l’un des fiancés. Dans le cas présent, le Tribunal rejette le recours en mettant en cause la rapidité des préparatifs du mariage ainsi que le fait que les époux ne se connaissaient guère et n’avaient passé que peu de temps ensemble avant de se marier.

Art. 8 CEDH

Cet arrêt traite de la question du droit au regroupement familial d’une personne titulaire d’une carte de légitimation du DFAE sur la base de l’art. 8 CEDH. Selon la jurisprudence du TF, l’art. 8 n’est invocable qu’en présence d’un « droit de séjour durable » en Suisse, la question est donc de savoir si une carte de légitimation de type H permet de remplir cette exigence. Selon les juges, un tel titre de séjour offre un statut moins stable qu’une autre autorisation de droit des étrangers et même qu’une admission provisoire. Ainsi, le titulaire d’une telle autorisation ne peut se prévaloir ni d’une intégration professionnelle et sociale forte car son droit de séjour est soumis à la volonté de l’employeur de renouveler le contrat de travail, ni de l’impossibilité du retour dans le pays d’origine. Par conséquent, malgré un séjour de sept ans, le statut reste néanmoins précaire, ce d’autant plus que l’employeur, s’il souhaitait engager la personne de manière durable, pourrait obtenir pour elle une carte de légitimation offrant plus de droits.

Art. 3 et 13 CEDH

Cet arrêt traite du cas d’un ressortissant irakien entré illégalement et détenu en Grèce après avoir fui son pays par crainte de persécutions liées à son travail pour les forces américaines. Sur la base des allégations du requérant ainsi que de plusieurs rapports concordants, la CourEDH déclare contraires à l’art. 3 CEDH les conditions de détention de cette personne au poste-frontière. Une violation de l’art. 3 combiné à l’art. 13 CEDH est également invoquée et reconnue en raison des défaillances de la procédure d’asile grecque et en particulier en raison de l’absence d’enregistrement de la procédure d’asile de l’intéressé et du manque d’information à ce sujet. Ce faisant, la Cour confirme encore une fois que l’arrêt M.S.S. c. Belgique et Grèce du 21 janvier 2011 reste d’actualité.

Art. 14 CEDH

Dans cet arrêt, il est question de la condition de l’attachement imposée au Danemark comme prérequis du regroupement familial. Cette condition, qui stipule que le regroupement familial n’est possible que lorsqu’il n’y a pas de lien plus étroit avec un autre pays que le Danemark, n’existe que pour les personnes naturalisées, ou vivant légalement au Danemark, depuis moins de 28 ans. Selon les travaux préparatoires de ladite loi, celle-ci a pour justification « une perception négative du mode de vie des Danois d’origine ethnique étrangère ». La Cour rappelle que selon sa jurisprudence « des présupposés d’ordre général ou attitudes sociales majoritaires ayant cours dans un pays donné » ne sont pas suffisants pour justifier une différence de traitement basée sur le sexe et décide d’étendre ce principe à la discrimination en cause ici. Par conséquent, une violation de l’art. 14 CEDH est reconnue.

Art. 2 et 3 CEDH

Un ressortissant iranien dépose une demande d’asile en Suède et, peu après son arrivée dans ce pays, se convertit au christianisme. A l’appui de sa demande d’asile, il invoque le fait que ses activités politiques et sa conversion au christianisme l’exposent, en cas de retour dans son pays d’origine, à un vrai risque de mauvais traitement, voire de condamnation à mort. Jugeant ces arguments infondés, l’autorité suédoise rejette la demande d’asile. Selon la CourEDH, les autorités suédoises ne peuvent pas, en raison du caractère absolu des art. 2 et 3 CEDH, refuser d’examiner certaines circonstances du cas – ici le risque pour le requérant de subir des mauvais traitements en Iran à cause de sa conversion – au prétexte que cet argument n’est pas invoqué dès le début à l’appui de la demande d’asile.

Art. 3 CEDH

Cet arrêt analyse la légalité au regard de l’art. 3 CEDH d’un renvoi en Irak de personnes ayant travaillé pour les forces américaines et étant, pour cette raison, ciblées par al-Qaïda. Pour la Cour, le niveau de protection à même d’être offert par les autorités irakiennes est diminué mais peut toutefois être considéré comme suffisant pour un citoyen lambda. Par contre, s’agissant d’une personne qui a suffisamment démontré appartenir à un groupe ciblé, les juges ne sont pas convaincus que l’Etat irakien est à même d’offrir une protection suffisante. Par conséquent, un renvoi vers ce pays constituerait une violation de l’art. 3 CEDH.

Art. 4 du Protocole n° 4 à la CEDH

Cet arrêt, qui concerne trois ressortissants tunisiens interceptés en mer par l’Italie puis expulsés vers la Tunisie, permet à la Cour d’apporter des précisions sur la notion d’expulsions collectives. Divers éléments amènent les juges à considérer l’expulsion de ces personnes comme une expulsion collective : (1) l’absence de référence à la situation personnelle des requérants dans les décrets d’expulsion ; (2) le fait qu’un grand nombre de Tunisiens aient vécu le même sort à cette période ; (3) l’existence d’accords – non publiés – entre l’Italie et la Tunisie en matière d’immigration irrégulière, qui prévoient le rapatriement après une procédure simplifiée. Selon la Cour, ces éléments suffisent à exclure l’existence de garanties suffisantes d’une analyse « réelle et différenciée de la situation individuelle » des requérants.

Art. 3 CEDH

La requérante est une ressortissante somalienne dont la demande d’asile a été rejetée en Suède et qui prétend qu’un renvoi dans son pays violerait l’art. 3 CEDH en raison du risque de persécutions par sa famille qui lui reproche d’avoir fui un mariage forcé, d’agression sexuelle ou de marginalisation en tant que femme célibataire ainsi qu’en raison de la situation humanitaire en Somalie. Les juges considèrent que l’examen fait dans l’arrêt K.A.B. c. Suède du 5 septembre 2013 de la situation en Somalie est toujours valable et que la situation ne s’est pas détériorée depuis. Ils estiment également que les circonstances propres à la requérante ne sont pas de nature à engendrer une violation de l’art. 3 CEDH. Mentionnons toutefois une opinion dissidente coécrite par trois juges qui considèrent que la majorité a accordé trop peu de poids aux rapports disponibles et que si les conditions d’accueil et d’hébergement en Italie atteignent le seuil permettant de reconnaître une violation de l’art. 3 CEDH (cf. arrêt Tarakhel c. Suisse du 4 novembre 2014), il est difficilement envisageable que ça ne soit pas également le cas en l’espèce.

Art. 14 CEDH

Cet arrêt fait suite au refus par l’Italie d’accorder un permis de séjour pour raisons familiales à un ressortissant néo-zélandais en couple homosexuel non marié avec un ressortissant italien. La loi italienne ne fait pas de distinction entre couples homosexuels et hétérosexuels mais prévoit un droit au séjour pour les « membres de la famille » limité aux couples mariés – excluant de fait les partenaires homosexuels. Les juges estiment que l’application de cette même règle à deux situations distinctes – d’une part des couples hétérosexuels non régularisés et, d’autre part, des couples homosexuels – dans l’unique but de préserver la famille traditionnelle constitue une discrimination envers les requérants et donc une violation de l’art. 14 CEDH.

Art. 8 CEDH

La Cour se penche sur la plainte d’un couple de ressortissants afghans qui invoque une violation de l’art. 8 CEDH en raison du refus de la Suisse de reconnaître une vie familiale pertinente au sens de cet article. Ce refus est dû à l’incompatibilité de ce mariage à l’ordre public suisse – au moment de la conclusion du mariage, la requérante était âgée de 14 ans – et au caractère pénalement répréhensibles des relations sexuelles avec une personne de moins de 16 ans. Selon la Cour, ni l’art. 8, ni l’art. 12 CEDH n’obligent un Etat membre à reconnaître le mariage contracté par une personne de quatorze ans. Il en découle que la Suisse n’a pas violé l’art. 8 CEDH en refusant de reconnaître le mariage des requérants.

Art. 3 et 5 CEDH

Dans cette affaire, la Cour se prononce sur la légalité du placement en rétention administrative de familles avec enfants en vue de leur éloignement du territoire français. Les juges reconnaissent, dans toutes ces affaires, une violation de l’art. 3 CEDH en raison du cumul de trois facteurs : (1) la longue durée de la rétention ; (2) le bas âge des enfants concernés ; (3) l’inadéquation des locaux concernés à la rétention d’enfants. Selon eux, passée une courte durée, le maintien d’un enfant en bas âge dans un tel centre peut avoir des conséquences graves, dépassant ainsi le seuil de gravité fixé par l’art. 3 CEDH. La Cour rappelle également que, pour être conforme à l’art. 5 CEDH, la rétention d’enfant ne doit pas pouvoir être remplacée par une autre mesure moins contraignante. Toutefois, aucune violation de cet article n’est reconnue dans les cas présents.

Art. 14 CEDH ; 42, al. 2 LEtr

Le Tribunal fédéral examine la compatibilité de l’art. 42 al. 2 LEtr – lequel instaure une discrimination à rebours en matière de regroupement familial – à l’interdiction des discriminations de l’art. 14 CEDH. Le Tribunal fédéral rappelle le développement de cette problématique aussi bien du point de vue juridique que du point de vue politique. Il en conclut que la Suisse est légitimée à mettre en œuvre une politique migratoire restrictive puisqu’il s’agit d’un intérêt public important et digne de protection et que le critère de la nationalité peut être utilisé dans ce cadre sans que cela relève d’une discrimination au sens de l’art. 14 CEDH. Le législateur fédéral est seul compétent pour remédier à cette inégalité de traitement.

Art. 3 CEDH

Un requérant d’asile soudanais, séjournant à Calais (France), invoque l’art. 3 CEDH pour s’opposer à une décision de renvoi vers le Soudan. Il allègue que son appartenance à une ethnie non arabe du Darfour ainsi que le fait qu’il soit soupçonné par le gouvernement d’être un opposant engendrent pour lui un risque de mauvais traitement. Cette violation est reconnue en raison de la violence endémique dont sont victimes les ethnies darfouries (en particulier les ethnies non arabes) et du risque de mauvais traitements encouru par toute personne soupçonnée par le gouvernement d’être un opposant, ce que le requérant a rendu crédible en disant avoir été interrogé, torturé (certificat médical à l’appui) et condamné à une peine de prison.

Art. 3 CEDH

La CourEDH statue sur un recours contre un arrêt du TAF (rendu par un juge unique) qui confirme le refus d’octroyer l’asile à un ressortissant iranien risquant une peine de sept ans de prison et septante coups de fouet s’il est renvoyé dans son pays. Cette décision se basait sur le manque de vraisemblance lié aux différences dans les déclarations faites lors des deux auditions ainsi que sur le refus de prendre en compte les documents présentés, ceux-ci n’étant que des copies. La CourEDH estime que les invraisemblances et différences peuvent s’expliquer par la nature différente des deux auditions ainsi que la longue durée entre les deux (presque deux ans). Les documents auraient également dû être examinés, le recourant ayant expliqué de manière satisfaisante pourquoi il ne produisait que des copies et proposé des solutions pour les faire authentifier. De plus, les conditions de détention en Iran constitueraient une violation de l’art. 3 CEDH et il en va de même des septante coups de fouet.

Art. 3 et 13 CEDH ; 4 du Protocole no 4 à la CEDH

Dans cette affaire, plusieurs personnes originaires de différents pays se plaignent d’avoir été refoulées par l’Italie en direction de la Grèce avec le risque d’être ensuite refoulées vers leur pays d’origine respectif et d’y subir des traitements inhumains ou dégradants. Ils disent avoir été renvoyés sur-le-champ et collectivement par l’Italie à leur arrivée dans le port d’Ancône. Deux violations de la CEDH sont reconnues. Tout d’abord une violation de l’art. 13 CEDH en relation avec l’art. 3 CEDH en raison de l’absence de voie de recours disponible alors même que leur situation faisait craindre un risque de refoulement vers leur pays d’origine. Une violation de l’art. 4 Protocole no 4 est également reconnue en raison de l’absence de preuve de l’existence d’un examen individuel de la situation des requérants ou de participation des autorités d’asile dans la procédure d’identification de ces personnes et en raison des rapports concordants faisant état de « push-back » vers la Grèce par l’Italie.

Art. 3 CEDH

Refus d’entrée en matière sur la demande d’asile d’une famille afghane et décision de renvoi en Italie dans le cadre du règlement Dublin. La situation du système d’asile italien n’est pas propre à empêcher tout renvoi vers ce pays en application du règlement Dublin. Cependant, les données à disposition permettent d’avoir des doutes quant aux capacités de l’Italie à héberger tous les requérants d’asile dont elle a la charge. Par conséquent, il incombe aux autorités suisses de s’assurer que les personnes renvoyées dans ce pays seront hébergées dans des endroits et dans des conditions adaptés à l’âge des enfants et permettant de protéger l’unité de la famille.

Art. 2 et 3 CEDH

Un citoyen turc, séjournant en Suisse depuis 26 ans et bénéficiant du statut de réfugié, perd son autorisation de séjour à cause d’une condamnation pour homicide. En raison d’un trouble schizophrénique décelé durant la procédure pénale, cette personne a besoin d’un suivi psychiatrique. Pour cette raison, elle estime qu’un renvoi vers la Turquie violerait les art. 2 et 3 CEDH. La Cour rappelle qu’une baisse significative de l’espérance de vie à cause de l’expulsion et d’une maladie physique ou mentale ne suffit pas à reconnaître une violation de l’art. 3 CEDH. Une telle violation pourrait être reconnue, mais uniquement en présence d’arguments particulièrement forts.

Art. 2, 3 et 13 CEDH

Après avoir déposé une première demande d’asile en France, une famille serbe (7 personnes, dont une fille handicapée moteur et cérébral) se rend en Belgique et y dépose une seconde demande d’asile. Ne s’estimant pas responsable, la Belgique délivre un ordre de quitter le territoire puis n’offre plus d’hébergement à cette famille qui se retrouve donc à la rue pendant quelques jours avant de retourner en Serbie avec l’aide d’une association caritative. Une violation de l’art. 3 est reconnue pour la période durant laquelle la famille n’avait pas de lieu d’hébergement, puisque, quand bien même le système d’accueil était saturé, la Belgique n’aurait pas dû laisser ces personnes dans de telles conditions (dans la rue, sans ressource ni accès à des installations sanitaires) et sans perspective d’amélioration de leur situation.

Art. 50 LEtr ; 8 CEDH

Refus du renouvellement de l’autorisation de séjour et subsidiairement de la demande d’octroi d’une autorisation d’établissement à un ressortissant ivoirien, suite à son divorce d’avec une citoyenne suisse et à l’attribution de la garde de leur enfant commun à celle-ci. Vu l’absence de lien affectif ou économique fort avec l’enfant et comme le retour dans le pays d’origine n’est pas gravement compromis, les conditions des art. 50, al. 1, let. a et b et 8 CEDH ne sont pas remplies. Sur recours, le TF précise les conditions d’application de l’art. 8 CEDH.

Art. 8 CEDH

Un ressortissant italien, né en Suisse et toxicodépendant, peut invoquer l’article 8 CEDH pour éviter une révocation de son permis en raison d’une pondération liée à plusieurs titres : le décès de son épouse italienne d’une overdose, les relations étroites entretenues avec son seul enfant qui est placé chez les grands-parents, l’évolution positive de sa situation et la très longue durée de vie en Suisse.

Art. 8 CEDH ; 3 et 10 CDE

Il s’agit du cas d’une ressortissante kosovare entrée en Suisse illégalement suite à son mariage avec un compatriote détenant une autorisation de séjour en Suisse et au refus par le SEM du regroupement familial. Suite au divorce, celle-ci demande une autorisation de séjour pour cas de rigueur qui lui est refusée aussi bien par le SEM que par le TAF. Sa demande se base sur l’art. 8 CEDH en raison de la relation entretenue entre son ex-mari et l’enfant du couple ainsi qu’entre elle-même et cet enfant.

Selon la jurisprudence récente, une autorisation de séjour justifiée par l’exercice d’un droit de visite ne peut être accordée que s’il existe une relation économique et affective particulièrement étroite, que celle-ci ne pourrait pas être poursuivie en raison de l’éloignement du pays d’origine et que le parent en question a eu en Suisse un comportement irréprochable. Cette possibilité est encore plus restreinte dans la mesure où le parent demandant une autorisation de séjour est le titulaire du droit de garde et qu’il la demande dans le but de faciliter le droit de visite de l’autre parent. Vu les circonstances, il n’est pas possible de reconnaître l’existence d’une relation particulièrement étroite entre le père et l’enfant, par conséquent, le retour de ce dernier au Kosovo avec sa mère n’est pas propre à engendrer une violation du droit fédéral.

Art. 8 et 12 CEDH

Un ressortissant camerounais voit sa demande d’autorisation de séjour en Suisse, respectivement de simple tolérance de son séjour, en vue de s’y marier avec une ressortissante suisse, mère de ses deux enfants, refusée par le SEM. Une seconde demande – traitée comme demande de réexamen – est également refusée une année plus tard. Le couple n’étant pas marié, le cas ne peut être traité comme une demande de regroupement familial et doit être examiné directement au regard du droit au mariage protégé par l’art 12 CEDH. L’octroi d’une autorisation de séjour est refusé en raison de l’existence d’un motif de révocation (art. 51, al. 2, let. b LEtr en lien avec l’art. 62, let. b et c LEtr).

La demande subsidiaire d’octroi d’une « attestation de tolérance du séjour » est également refusée. Ce refus se justifie par le fait que l’art. 12 CEDH n’offre pas de droit absolu au mariage, la jurisprudence admet en effet que celui-ci puisse être limité à des fins de lutte contre les mariages de complaisance. Une telle justification est admise ici puisque le requérant fait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse de durée illimitée liée à plusieurs condamnations pénales.

Art. 51 LAsi ; 12 CEDH ; 14 Cst.

Le TF précise la portée de l’art. 51 LAsi en lien avec l’art. 12 CEDH. Une ressortissante iranienne demande une autorisation de court séjour pour pouvoir épouser en Suisse un compatriote au bénéfice d’une admission provisoire. Saisi de l’affaire, le Tribunal fédéral analyse les conditions sous l’angle des articles 8 et 12 CEDH et 14 de la Constitution. Une telle autorisation peut être accordée dans le cas où le mariage ne peut pas être célébré dans un autre pays. Admettant que l’homme ne peut pas retourner en Turquie et que le mariage ne peut pas être célébré dans un autre pays, le TF, dans une interprétation conforme à la Constitution et à la CEDH reconnaît le droit à une autorisation de séjour. Cependant, les recourants ont certes le droit de se marier en Suisse. Toutefois, cela doit se faire dans le cadre d’un séjour soumis à autorisation pour lequel la recourante ne remplit pas les conditions. Le recours est donc rejeté.

Il s’agit d’un ressortissant burkinabé, né en 1975 et résidant à Genève. Le 2 mai 2005, il fait l’objet d’un contrôle par deux gendarmes qui aurait mal tourné (violences physiques, injures racistes). Un constat médical établit qu’il souffre d’une fracture distale de la clavicule droite, qui lui vaut un arrêt de travail de 21 jours.

La procédure pénale échoue devant les autorités pénales cantonales et il faut un arrêt du TF pour qu’une nouvelle enquête soit diligentée, mais cette dernière aboutit également à une ordonnance de classement qui est finalement confirmée par la Haute Cour.

Saisis de l’affaire, les juges de Strasbourg considèrent qu’il y a eu violation de l’art. 3 CEDH, l’intéressé ayant bien été victime de mauvais traitements de la part de la police genevoise (volet matériel : emploi disproportionné de la force). De plus, s’agissant du volet procédural, la Suisse a manqué à son obligation de diligenter une enquête effective. Selon elle, l’instruction de cette affaire n’a pas été complète (une contre-expertise aurait dû être faite concernant le bris de la matraque d’un des gendarmes).

Un ressortissant d’Iran engage une procédure d’asile, en France. À l’appui de sa demande, il invoque des mauvais traitements subis à la suite de ses prises de position contre les abus commis par les Bassidjis et le risque d’être interpellé dès son arrivée à l’aéroport de Téhéran. Il n’obtient pas gain de cause devant les autorités françaises et saisit avec succès la CourEDH.

Selon les juges de Strasbourg, il est « important de prendre en compte les risques spécifiques encourus par les Iraniens qui retournent dans leur pays sans pouvoir prouver qu’ils ont quitté légalement le territoire. Il ressort des rapports internationaux consultés que ces personnes sont fréquemment interpellées et interrogées quant aux conditions de leur départ du pays.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le requérant a quitté illégalement l’Iran et qu’il est détenteur d’un laissez-passer délivré par les autorités consulaires iraniennes en France et non d’un passeport.

Par conséquent, il est probable que celui-ci, à son arrivée à l’aéroport de Téhéran, attire l’attention des autorités et que son passé de Bassidji et ses anciennes prises de position contre les abus commis par les membres de cette milice soient révélés. L’effet cumulé de ces différents facteurs constitue un risque supplémentaire ».

Un ressortissant de Somalie, originaire de Mogadiscio, engage, en Suède, une procédure, mais en vain.

L’intéressé saisit la CourEDH, mais n’obtient pas gain de cause. Pour les juges de Strasbourg, le niveau général de violence à Mogadiscio diminue depuis 2011 ou au début de l’année 2012. S’agissant de la situation personnelle de l’intéressé, il n’est pas établi qu’il risque réellement d’être tué ou soumis à des mauvais traitements en cas de l’exécution de la décision de renvoi.

Par ailleurs, il n’appartient à aucun groupe qui présente un risque d’être visé par le groupe islamiste Al-Chabaab, cela d’autant plus qu’il aurait un domicile à Mogadiscio où réside son épouse.

Le requérant est un ressortissant du Pakistan, arrivé au Royaume-Uni, en octobre 2006, aux fins d’études. Le 8 avril 2009, il est arrêté, avec quatre autres Pakistanais, car les autorités les soupçonnent de mener une attaque massive au Nord-Est de l’Angleterre. La libération est ordonnée faute de charges établies contre les intéressés. Par contre, ils sont mis en détention administrative en vue de leur expulsion du territoire britannique. Le 21 août 2009, l’intéressé quitte volontairement le Royaume-Uni.

Le 18 décembre 2009, son autorisation de séjour est révoquée par le Secrétariat d’Etat pour des motifs de sécurité nationale. L’intéressé conteste en vain cette décision devant les autorités britanniques. C’est alors qu’il saisit la CourEDH et invoque la violation de plusieurs normes, dont notamment les art. 2, 3, 5 et 6 CEDH. Les juges de Strasbourg déclarent sa requête irrecevable, car il n’est plus sous la juridiction du Royaume-Uni. En effet, la compétence juridictionnelle au sens de l’art. 1 CEDH est en principe territoriale.

La compétence extra-territoriale est reconnue exceptionnellement dans deux cas : le contrôle d’une partie du territoire d’un Etat par les agents d’un autre Etat et le contrôle effectif en mer. Le retour volontaire du requérant au Pakistan n’entre dans aucune des deux exceptions précitées. C’est dire que son cas est différent de celui d’Al-Saadoon et de Mufdi ou encore des personnes de l’affaire Al-Skeini et consorts.

Un ressortissant turc saisit en vain la CourEDH. Dans cet arrêt, les juges de Strasbourg rappellent les principes directeurs à appliquer en présence d’une affaire relevant de la protection de la vie privée. Il n’est pas contesté que l’intéressé peut valablement invoquer cette protection, car il a vécu en Suisse entre 1989 et 2008, avec une courte interruption de 1993 à 1994.

Il a travaillé dans ce pays et y a fondé une famille. Par contre, sous l’angle de la pesée des intérêts, c’est-à-dire dans l’optique de l’art. 8 § 2 CEDH, le dossier pénal pèse en défaveur de l’intéressé : 19 condamnations entre 1995 et 2005, même si la plupart ont trait à des infractions mineures et même si on ne saurait en déduire de fortes intentions criminelles.

Toutefois, il y a lieu de tenir compte des violences conjugales survenues en 1999, la persistance dans la voie des infractions, malgré les avertissements prononcés par les autorités. Par ailleurs, le dossier montre qu’il peut se réintégrer sans grandes difficultés en Turquie.

Un ressortissant géorgien, né en 1958, arrive en Belgique en 1998, avec son épouse et l’enfant de celle-ci, alors âgé de six ans. Par la suite, le couple donne naissance à deux enfants. L’intéressé est condamné à plusieurs reprises, entre 1998 et 2007, notamment pour vol avec violence et participation à une organisation criminelle. Bien qu’il ait une famille en Belgique et souffre de plusieurs pathologies graves dont une leucémie lymphoïde chronique et la tuberculose, la CourEDH juge que son renvoi vers la Géorgie est compatible avec l’art. 8 CEDH.

Les juges de Strasbourg ne manquent pas de préciser à plusieurs reprises que la présente cause doit être distinguée des affaires Udeh c. Suisse du 16 avril 2013 et de Nunez c. Norvège du 28 juin 2011. Plusieurs motifs sont invoqués pour justifier le jugement de la CourEDH : durant les quinze années de vie en Belgique, à aucun moment, l’intéressé n’a bénéficié d’un titre de séjour régulier (§ 149), les autorités belges ont fait preuve d’une « remarquable tolérance » à son égard et à l’endroit de sa famille (§ 150), il n’a pas de liens sociaux particuliers en Belgique, aucun membre de la famille n’a la nationalité d’un pays d’accueil, la mère paraît être mesure de s’occuper seule des enfants qui n’ont pas de besoins spécifiques (§ 153).

La CourEDH émet certes une réserve et admet « qu’eu égard au volet médical particulier de la présente espèce, (...) le seul maintien de contacts réguliers pourrait ne pas suffire à satisfaire " l’intérêt supérieur " des enfants ». Mais, au final, elle juge que cette réserve ne l’emporte pas sur les éléments qui précèdent.

Un ressortissant d’Afghanistan, se rend en Autriche, en août 2008, avec sa femme, pour engager une procédure d’asile, après avoir séjourné quelques mois en Grèce. Le 8 avril 2009, il est transféré vers ce pays. Cette mesure est-elle compatible avec l’art. 3 CEDH ? Oui, répond la CourEDH, car il s’agit d’un transfert antérieur à l’affaire M.S.S. c. Belgique et Grèce du 21 janvier 2011. En avril 2009, les autorités autrichiennes étaient certes au courant des déficiences de la procédure d’asile en Grèce, ainsi que des conditions de vie et de détention des requérants d’asile. Mais, à l’époque, il n’était pas établi qu’elles n’étaient pas compatibles avec l’art. 3 CEDH.

Art. 83 al. 7 LEtr ; 8 CEDH

A., un Erythréen est mis au bénéfice de l’admission provisoire, par décision de l’ODM du 24 décembre 2006. Le 23 avril 2012, l’autorité cantonale compétente transmet à l’ODM son avis concernant la demande d’inclusion, présentée en février 2012, de B., une ressortissante d’Erythrée résidant au Soudan, dans l’admission provisoire d’A. Elle mentionne que la condition de l’autonomie financière n’est pas remplie. A la suite du rejet de la demande de regroupement familial, un recours est déposé au TAF qui le rejette.

Sous l’angle de l’art. 8 CEDH, les juges administratifs fédéraux relèvent ce qui suit : l’admission provisoire étant un statut précaire, puisqu’il règle la présence en Suisse de l’étranger aussi longtemps que l’exécution de son renvoi n’est pas licite, n’est pas raisonnablement exigible ou n’est pas possible (art. 83 al. 1 LEtr), le recourant n’est pas au bénéfice d’une autorisation de séjour lui conférant un droit de présence assuré sur la base duquel il peut se prévaloir d’un droit au regroupement familial en vertu de la LEtr. Toutefois, le titulaire d’une admission provisoire ne peut momentanément pas être renvoyé de Suisse.

Pour le TAF, au regard des éléments à prendre en considération, le refus d’autoriser l’entrée en Suisse de B. et de sa fille apparaît légitime et proportionné. En effet, il correspond à l’intérêt public visant à intégrer les étrangers et par conséquent à limiter l’octroi d’autorisations aux seules personnes qui ne dépendent pas de l’assistance publique, du moins de manière durable et significative.

Le Tribunal fédéral a certes émis des doutes sur le rejet de la demande de regroupement familial d’une personne admise provisoirement, sous l’angle de l’art. 8 § 2 CEDH, lorsque les perspectives d’un équilibre financier paraissent réalistes à brève échéance. Dans le cas particulier toutefois, une telle perspective n’apparaît pas être possible à court ou moyen terme.

Dès lors, la décision de l’ODM refusant l’autorisation d’entrer en Suisse et l’inclusion de B. et de sa fille dans l’admission provisoire d’A. est fondée sur une pesée des intérêts conforme à l’art. 8 § 2 CEDH .

TAF D-3694/2013

2013-2014

Il est rappelé qu’un réfugié mis au bénéfice de l’asile peut également invoquer valablement l’art. 8 CEDH.

Un ressortissant kosovar entre en Suisse en 1997, il se marie avec une Suissesse et obtient une autorisation d’établissement en 2005. Il se sépare de sa première femme et épouse une compatriote en 2007, qu’il connaissait depuis 1993 et avec laquelle il a trois enfants au Kosovo. Elle bénéficie du regroupement familial et reçoit finalement une autorisation d’établissement en 2012. Elle dépose une demande de regroupement familial pour ses trois enfants en décembre 2007, le service cantonal refuse précisant qu’aucun des requérants n’avait évoqué l’existence de ces enfants au moment de leur arrivée en Suisse. Les enfants entrent clandestinement en Suisse peu de temps après, un quatrième enfant naît en 2010. Les requérants invoquent une violation de l’art. 8 CEDH. La Cour estime que la séparation de la famille résulte ici d’un choix des requérants de quitter leur pays d’origine et qu’ils n’ont pas été empêchés de mener une vie familiale. Les juges estiment de plus que les enfants ont de solides liens sociaux et culturels avec leur pays d’origine et qu’ils n’ont pas vécu suffisamment longtemps en Suisse pour que ces liens puissent être considérés comme rompus. Le comportement des requérants pendant la procédure joue également en leur défaveur. L’art. 8 CEDH ne garantit pas le droit de choisir le lieu le plus approprié à la vie familiale. La Suisse ne viole donc pas l’art. 8 CEDH en refusant d’accorder des titres de séjour aux enfants des requérants.

Une ressortissante philippine est séparée de son compagnon dont elle a un enfant né en 2001 et sur lequel elle exerce l’autorité parentale. L’intéressée retourne aux Philippines avec l’enfant suite à une mesure de renvoi prise à son égard en 2002, puis autorise le père à prendre l’enfant en Suisse pour des vacances en 2004. Le père ne rend pas l’enfant à sa mère, celle-ci entreprend différentes démarches en vue de récupérer son enfant, et dépose une demande d’autorisation d’entrée en Suisse en 2006 afin de pouvoir vivre auprès de son fils, refusée par l’ODM en 2008 puis par le TAF en 2009. Elle est finalement mise au bénéfice d’une autorisation de séjour en octobre 2012. La requérante allègue que le refus de lui octroyer une autorisation de séjour pendant plus de six ans a violé son droit au respect de la vie familiale garanti par l’art. 8 CEDH (§45). La Suisse n’a entrepris aucune démarche pour protéger la vie familiale de l’intéressée, le fait de ne pas lui octroyer d’autorisation de séjour pendant plus de six ans constitue une ingérence dans sa vie familiale. Selon la Cour, l’écoulement du temps peut avoir des conséquences irréversibles sur la relation entre un parent et son enfant, il faut donc que la réunification de ceux-ci puisse se faire rapidement. Il y a en l’espèce violation de l’art. 8 CEDH du fait que la requérante ait été privée de l’exercice effectif de sa vie familiale avec son enfant pendant plus de six ans. Le récent octroi d’une autorisation de séjour ne permet pas, selon la Cour, d’effacer suffisamment les conséquences de cette séparation.

Un ressortissant kosovar entre en Suisse en 1990 dans le cadre du regroupement familial, il est au bénéfice d’une autorisation d’établissement. Il fait l’objet de diverses condamnations dès 2003. Il se marie en 2007 avec une ressortissante kosovare pour laquelle il dépose une demande de regroupement familial. L’intéressé est expulsé de Suisse le 31 mars 2008. Le requérant allègue que son expulsion est disproportionnée, étant donné qu’il a vécu 18 ans en Suisse. La Cour reconnaît que le requérant a passé plus des deux tiers de sa vie en Suisse et que celui-ci n’a pas commis de nouvelles infractions depuis sa dernière condamnation en 2007. Elle estime cependant que la gravité des infractions commises est relativement importante (notamment menaces de mort à l’encontre de son ex-amie). Le fait que l’expulsion du requérant soit d’une durée limitée (10 ans) et qu’il n’est pas contesté qu’il pourrait se réintégrer au Kosovo dont il connaît encore les coutumes et habitudes, la Cour estime qu’il n’y a pas violation de l’art. 8 CEDH, compte tenu également de la gravité des infractions et les attaches du requérant avec le Kosovo de par son épouse kosovare également.

Un ressortissant nigérian entre en Suisse en 2001 et dépose en vain une demande d’asile. Il épouse une ressortissante suisse en 2003 avec laquelle il a deux enfants (jumelles) et reçoit une autorisation de séjour. Il avait été condamné en 2001 par un tribunal autrichien à 4 mois d’emprisonnement pour possession de drogue et est à nouveau condamné en 2006 à 42 mois d’emprisonnement par un tribunal allemand pour trafic de drogue.

L’ODM prononce à l’encontre de l’intéressé une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire suisse valable jusqu’en janvier 2020. Sur le plan personnel, le requérant et son épouse ont divorcé, il bénéficie d’un droit de visite sur ses filles et entretient des contacts réguliers avec elles. Il est père d’une troisième fille depuis août 2012 qu’il a eue avec une autre ressortissante suisse qu’il envisage d’épouser. La Cour reconnaît qu’il y a ingérence dans le droit au respect de la vie familiale du requérant. Au moment d’analyser la proportionnalité de la mesure, la Cour estime que l’atteinte portée par celle-ci est injuste. Plusieurs critères doivent être pris en compte par les autorités pour qu’une atteinte au droit protégé par l’art. 8 §1 CEDH soit justifiée, tels que la nature et la gravité des infractions commises, la situation familiale ou la connaissance de l’infraction par le conjoint au moment de la création du lien familial (cf. §45).

En l’espèce, la Cour met en avant le comportement irréprochable de l’intéressé depuis qu’il a purgé sa peine et estime que cela démontre qu’il ne constitue pas un danger pour l’ordre et la sécurité publics. Le requérant vit depuis sept ans et demi en Suisse, qui constitue le centre de sa vie privée et familiale. Le fait que le lien familial entre la première épouse et les filles du requérant ait été créé avant l’infraction principale du requérant est prépondérant ; l’ex-épouse ne pouvait pas en avoir connaissance au moment du mariage et de la naissance des enfants.

Ce n’est pas le cas pour la troisième fille du requérant ni de sa prétendue future épouse, qui connaissait ou devait connaître la situation précaire de l’intéressé au moment de l’établissement du lien familial. La Cour privilégie l’intérêt supérieur des filles de l’intéressé et estime qu’elles doivent pouvoir évoluer auprès de leurs deux parents. Le seul moyen de garantir cela est d’octroyer une autorisation de séjour au requérant, ce qui permet de garantir le droit des intéressés à vivre ensemble, aspect fondamental du droit au respect de la vie familiale. La Cour constate donc que l’expulsion du requérant constitue une violation de l’art. 8 CEDH. Demande de renvoi devant la Grande Chambre.

Un ressortissant serbe entre en Suisse en 1983, où il vit avec son épouse jusqu’en 2004, au bénéfice d’une autorisation d’établissement depuis 1993. Le couple a deux enfants nés en 1982 et 1984. Le requérant est retourné dans son pays d’origine en 2004 et a annoncé son départ définitif à sa commune. Il revient en Suisse quelques mois plus tard au bénéfice d’un visa touriste et vit chez son épouse, laquelle dépose une demande de regroupement familial en faveur du requérant. La demande est rejetée. Le requérant a entre-temps souffert de problèmes de santé, bénéficié de l’assistance publique à hauteur de 160 000 CHF et fait l’objet de diverses condamnations pour infractions à la LCR et violation de domicile. Les requérants allèguent que le refus d’octroyer une autorisation de séjour ou d’établissement à l’intéressé alors qu’il a passé plus de vingt ans en Suisse constitue une violation de l’art. 8 CEDH. La Cour considère que l’expulsion de résidents de longue date ressort tant de la « vie privée » que de la « vie familiale », deux aspects protégés par l’art. 8 CEDH, et les circonstances de l’affaire l’amènent à axer son jugement sur un volet ou l’autre. En l’occurrence, il s’agit de la vie familiale du requérant qui est touchée, la mesure le tenant éloigné de son épouse et de leurs enfants (§49). Au stade de l’examen de la proportionnalité de l’ingérence, la Cour estime que le bien-être économique du pays ne permet pas de justifier la mesure en cause, compte tenu notamment de la durée considérable du séjour en Suisse des requérants et de leur intégration sociale. La Suisse a donc violé l’art. 8 CEDH.

ATF 139 I 16

2012-2013

Un ressortissant macédonien entre en Suisse en 1994 par le biais du regroupement familial. Il est au bénéfice d’une autorisation d’établissement. En 2010, il est condamné à 18 mois de privation de liberté pour trafic de drogue à la suite de quoi l’autorité cantonale (Thurgovie) lui retire son autorisation d’établissement et prononce son renvoi de Suisse. Le Tribunal fédéral juge le retrait contraire notamment à l’art. 8 CEDH. Lors de l’examen de la proportionnalité de la mesure, le Tribunal fédéral retient que l’intéressé est en Suisse depuis l’âge de sept ans, qu’il y a effectué toute sa scolarité et son apprentissage de peintre. Il était âgé de 19 ans au moment des faits et n’a pas commis de nouvelles infractions depuis sa condamnation. Les juges estiment que l’intéressé n’a de plus pas joué un rôle prépondérant dans le trafic, mais a agi par naïveté due à son âge ainsi que par manque de sens critique. Selon le Tribunal fédéral, l’art. 121 al. 3-6 Cst. (initiative sur le renvoi) n’a aucune influence sur le cas d’espèce car cette disposition n’est pas d’application directe, du moment où elle est en conflit avec les lois en vigueur et le droit international. Les alinéas 3 à 6 de l’art. 121 Cst. doivent donc être transposés par le législateur et ne priment pas sur les droits fondamentaux ou les garanties de la CEDH.

Dans le premier arrêt Emre du 22 mai 2008 (requête n° 42034/04), la Cour a retenu une violation de l’article 8 CEDH par le prononcé d’une mesure d’éloignement de durée illimitée (eu égard à la gravité relative des condamnations du requérant et aux liens qu’il entretient avec son pays d’origine). A la suite de cet arrêt, le TF a réduit la durée de la mesure à 10 ans (TF 2F_11/2008 du 6 juillet 2009). Le requérant invoque une nouvelle violation de l’article 8 CEDH en soutenant que l’interdiction d’entrer sur le territoire suisse pendant dix ans porte atteinte au respect de sa vie privée et familiale au sens de cette disposition ; ainsi que l’article 46 CEDH, car l’interprétation de l’arrêt de la Cour par le TF ne respecte pas le raisonnement sous-tendant la violation de l’article 8 CEDH auquel est parvenue la Cour dans cet arrêt. La Suisse est à nouveau condamnée pour violation de l’article 8 CEDH, la Cour estime en effet que l’interdiction de territoire de dix ans est un laps de temps important et disproportionné, qui, par conséquent, ne respecte pas l’article 8 § 2 CEDH.

Les requérants (11 ressortissants somaliens et 13 ressortissants érythréens) font partie d’un groupe d’environ 200 migrants qui a quitté la Lybie à bord de trois embarcations dans le but de se rendre en Italie. Arrivés à 35 miles au sud de Lampedusa, les garde-côtes italiens les interceptent et reconduisent les migrants à Tripoli. Les requérants invoquent l’article 3 CEDH et estiment également avoir fait l’objet d’une expulsion collective interdite par l’article 4 du Protocole n° 4. Tout d’abord, la Cour estime que les requérants relèvent bel et bien de la juridiction de l’Italie au sens de l’article 1 CEDH (§82). La Cour examine ensuite l’applicabilité de l’article 4 du Protocole n° 4 à un cas d’éloignement d’étrangers vers un Etat tiers effectué en dehors du territoire national (§169). Elle considère que l’article 4 du Protocole n° 4 s’applique aussi dans une expulsion telle que celle en cause (migrants empruntant la voie maritime), afin d’éviter de priver cette disposition de tout effet utile si elle ne s’appliquait qu’aux expulsions collectives effectuées à partir du territoire national des Etats parties (§177). La Cour constate donc l’existence d’une expulsion collective en l’espèce, les autorités italiennes n’ayant pas examiné la situation individuelle de chaque requérant (§185) et conclut à la violation de l’article 4 du Protocole n° 4, ainsi que des articles 3 et 13 CEDH (§207).

Un ressortissant du Soudan invoque les articles 13 et 3 CEDH et soutient ne pas avoir disposé d’un recours effectif en France, en raison de l’examen de sa demande d’asile selon la procédure prioritaire. Le requérant allègue ne pas avoir été informé des démarches à suivre (ni lors de son interpellation, ni en garde à vue, ni en détention) et n’avoir bénéficié d’aucune assistance juridique ou linguistique pour préparer son recours pendant le délai imparti (48h). La Cour réitère les principes inhérents à l’article 13 qui exige un recours interne habilitant à examiner le contenu d’un « grief défendable » fondé sur la Convention. La portée de l’obligation que cette disposition fait peser sur les Etats contractants varie en fonction de la nature du grief du requérant, mais le recours doit être effectif en pratique comme en droit. L’effectivité implique des exigences de qualité, de rapidité et de suspensivité, compte tenu particulièrement de l’importance que la Cour attache à l’article 3 CEDH, et de la nature irréversible du dommage susceptible d’être causé en cas de réalisation du risque de torture ou de mauvais traitements. La Cour constate que l’accessibilité des recours a été limitée en pratique par plusieurs facteurs, liés au classement automatique de la demande du requérant en procédure prioritaire, à la brièveté des délais de recours et aux difficultés matérielles et procédurales d’apporter des preuves lorsque le requérant était détenu. Elle constate donc que le requérant n’a pas disposé en pratique de recours effectifs lui permettant de faire valoir le bien-fondé du grief tiré de l’article 3 CEDH alors que son éloignement vers le Soudan était en cours et conclut à la violation de l’article 13 combiné avec l’article 3.

Conséquences de la condition du droit de présence assuré. Conditions d’applicabilité de l’art. 8 CEDH.

En raison de la très longue durée du séjour du requérant en Suisse, le refus de lui octroyer une autorisation de séjour pour raisons humanitaires constitue une ingérence dans le droit au respect de sa vie « privée ». Il importe peu à cet égard que, comme le prétend le Gouvernement, l’intéressé ait interrompu sa présence sur le territoire suisse par des séjours à l’étranger. Pareille ingérence enfreint la Convention si elle ne remplit pas les exigences du § 2 de l’art. 8. L’ingérence était prévue par la loi et poursuivait les buts légitimes invoqués par le Gouvernement, à savoir le bien-être économique du pays, la défense de l’ordre et la prévention d’infractions. Compte tenu de la nature irrégulière du séjour du requérant en Suisse depuis 1997, de l’absence de volonté de sa part de s’intégrer en Suisse, de son manque de respect des règles suisses et ce malgré les avertissements des autorités compétentes, ainsi que du fait que le lien avec son pays d’origine ne semble pas être complètement rompu, il n’y aurait pas violation de l’art. 8 si une mesure d’éloignement était mise en œuvre.

La procédure d’asile d’un ressortissant de Bosnie-Herzégovine qui est arrivé en Suisse en 1997 avec sa femme, après avoir vécu dans l’enclave de Srebrenica pendant la guerre de Bosnie s’est soldée par un échec.

Le couple et ses quatre enfants ayant refusé de quitter la Suisse, les mesures de contraintes ont été ordonnées. La mise en détention pendant 22 jours de l’intéressé n’est pas intervenue « selon les voies légales ». Le cas relève du deuxième volet de la let. f de l’art. 5 § 1 CEDH dans la mesure où la procédure d’expulsion contre l’intéressé et sa famille était « en cours » lors de sa mise en détention le 3 août 2005. Toutefois, l’application du droit interne (art. 13b let. c aLSEE ‑ indices concrets permettant de supposer que la personne étrangère entend se soustraire au refoulement), ne cadre pas avec l’exigence d’une interprétation restrictive à laquelle est soumis l’art. 5 CEDH. Il existait certes une décision de renvoi exécutoire, mais l’intéressé a décliné son identité exacte, ainsi que celle de son épouse, dès son arrivée en Suisse. Il a déposé une carte d’identité et s’est toujours présenté aux convocations du service cantonal de la population. Il avait quatre enfants à sa charge, tous mineurs, et son épouse souffrait d’une maladie psychique. Autrement dit, il n’existait pas « d’indices concrets » permettant de supposer qu’il entendait « se soustraire au refoulement ». Le refus exprimé à plusieurs reprises par le requérant de quitter le territoire suisse ne saurait être interprété comme son intention de se soustraire à la décision de renvoi.

Violation de l’art. 3 CEDH. Transfert Dublin. Violation par ricochet. Malgré l’afflux des demandeurs d’asile en Grèce, un Etat se doit de respecter le caractère absolu de l’art. 3 CEDH.

Ceci passe par des conditions d’accueil des requérants dans ce pays qui respectent sa dignité. Avec un centre où 145 détenus se partagent 110 m2 et avec en moyenne un lit pour 17 personnes, la Grèce ne respecte manifestement pas ces minimas. La condamnation de la Belgique pour une « violation par ricochet » de l’article 3 CEDH est une première. En appliquant Dublin, les États doivent s’assurer que la procédure d’asile du pays compétent offre des garanties suffisantes permettant d’éviter qu’un demandeur ne soit expulsé dans son pays d’origine. En l’espèce, la Belgique devait savoir que l’intéressé n’avait aucune garantie de voir sa demande d’asile examinée sérieusement par la Grèce. Elle aurait donc dû s’opposer à son transfert.

ATF 2C_266/2009

2009-2010

Le TF a admis, au titre de la protection de la vie privée au sens de l'article 8 CEDH, le recours d'un ressortissant camerounais, né en 1969, entré en Suisse le 3 octobre 1997, mis au bénéfice d'une autorisation pour études le 5 novembre 1997, puis d'une autorisation de séjour en raison d'un mariage intervenu le 3 mai 2002, avec une ressortissante suisse, à Yaoundé. Malgré le décès de l'épouse le 5 juillet 2004, l'Office de la population du canton de Genève a accepté de prolonger le permis. Mais la procédure d'approbation devant l'ODM s'est soldée par un échec. Pour la Haute Cour, la protection de la vie privée au sens de l'article 8 § 1 CEDH doit être accordée, car même si la durée de présence de l'intéressé en Suisse n'est pas particulièrement longue (11 ans, avec cependant des durées de séjour à caractère temporaire pour études et des périodes couvertes par plusieurs effets suspensifs), la période accomplie en bénéficiant d'une autorisation de séjour dont il pouvait escompter le renouvellement a été interrompue par le décès de son épouse, il est parvenu à créer des liens spécialement intenses, dépassant ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (engagement pour une durée indéterminée par la Délégation permanente de l'Union africaine auprès de l'ONU et des organisations internationales à Genève, activité de conseil juridique au sein d'une société qu'il a créée, engagement au service de l'Evêché de Lausanne, Genève et Fribourg en tant qu’enseignant de la catéchèse deux fois par semaine, nomination à la fonction de ministre auxiliaire de l'eucharistie, sans compter le fait que la tombe de son épouse est en Suisse). Dans le cadre de la balance des intérêts au sens de l'article 8 § 2 CEDH, le TF considère que l'intérêt privé l'emporte en raison de son parcours professionnel, de ses relations sociales, de son engagement ecclésial. En outre, le fait que le mariage ait été dissous par le décès brutal de l'épouse, alors que les conjoints poursuivaient normalement leur vie conjugale en Suisse, est une autre circonstance qui plaide en sa faveur dans la pesée des intérêts.

ATF 135 I 79

2008-2009

Art. 15 Cst. et 9 CEDH

Les dispenses pour deux élèves de confession musulmane de cours obligatoires de natation pour des motifs de liberté de conscience et de croyance, ne sont pas admises par le TF. Les parents invoquent que, selon le précepte islamique invoqué, les croyants ne doivent pas voir le corps largement dénudé de personnes de l'autre sexe. Dans sa pesée des intérêts, le TF indique qu’il y a lieu de prendre en considération notamment les diverses aspirations à l'intégration de la population musulmane. Assortie de mesures d'accompagnement, l'obligation litigieuse ne constitue pas, pour les enfants musulmans non plus, une atteinte inadmissible à la liberté religieuse. Cet arrêt est à lire en parallèle avec une récente décision de la Cour EDH (Décision Dogru et Kervanci c. France, du 4 décembre 2008, Requêtes n° 31645/04 et 27058/05) qui considère que la France n’a pas violé le droit conventionnel en excluant de manière définitive d’un établissement scolaire public des jeunes filles refusant de retirer leurs foulards en cours d’éducation physique et sportive.

Art. 3, 5 al. 1 et 4 CEDH

Ressortissant turc arrêté dans son pays, ayant subi des tortures sévères lui ayant laissé des séquelles cliniques et psychologiques importantes. Fuite en Grèce où il est arrêté pour séjour illégal et placé au centre de détention de Souffli durant deux mois, puis au centre de détention pour étrangers de l’Attique où il est détenu pendant six jours. Les conditions de détention (enfermement dans une baraque préfabriquée, sans possibilité de sortir à l’extérieur, de se promener, de téléphoner, de disposer de couvertures, de draps propres et de produits d’hygiène suffisants) combinées avec la durée excessive de sa détention en pareilles conditions, sont considérées par la Cour comme un traitement dégradant contraire à l’art. 3 CEDH. Cet arrêt met clairement en évidence les violations de la CEDH survenues dans la gestion des requérants d’asile en Grèce. Dans le cadre de l’application du Règlement Dublin, tous les Etats membres de l’UE sont tenus de respecter la Convention de Genève relative au statut de réfugié et la CEDH. Malgré la réglementation communautaire en matière d’asile, l’arrêt rend significatif le fait que la situation des requérants d’asile varie encore beaucoup selon les pays. Pour cette raison et afin de respecter le principe de non-refoulement, le Règlement Dublin prévoit une dérogation à son art. 3 par. 2 selon lequel chaque État membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés. Cette problématique devrait susciter des analyses pour la Suisse dans la mesure où l’art. 34 al. 2 LAsi dispose que si le requérant vient de l’un des Etats membres, il n’est pas entré en matière sur sa demande ou son recours, à moins qu’il n'existe des indices de persécution. Le TAF et l’ODM appliquent strictement l’art. 34 al. 2 LAsi (cf. ci-dessous ATAF E-1269/2009, du 19 mars 2009).