ATF 139 II 243

2012-2013

Art. 75b et 197 ch. 9 al. 2 Cst.

Applicabilité directe et applicabilité dans le temps des nouvelles dispositions constitutionnelles sur la limitation des résidences secondaires dans les communes comptant plus de 20% de résidences secondaires. Conformément aux art. 195 Cst. et 15 al. 3 LDP, les modifications de la Constitution fédérale entrent en vigueur le jour de leur acceptation par le peuple et les cantons, à moins que le projet prévoie une solution différente. L’art. 75b Cst. et ses dispositions transitoires sont dès lors entrés en vigueur le 11 mars 2012. Les dispositions constitutionnelles peuvent être suffisamment précises pour être d’application directe dès leur entrée en vigueur sans législation d’exécution, en sorte qu’elles peuvent déployer des effets (entièrement ou partiellement) pour les particuliers. Il convient de déterminer si cela est le cas par le biais de l’interprétation (consid. 8).

L’interdiction de délivrer des autorisations de construire énoncée par l’art. 197 ch. 9 al. 2 Cst. constitue une interdiction provisoire qui équivaut dans son résultat à un moratoire, voire à une zone réservée dans toutes les communes comptant plus de 20% de résidences secondaires. Cette interprétation se fonde sur le titre de l’initiative ainsi que sur les travaux préparatoires (consid. 9.1 et 9.2). L’applicabilité directe d’une disposition constitutionnelle requiert que l’état de fait et les conséquences juridiques soient formulés avec suffisamment de précision. La notion de résidence secondaire est déjà consacrée dans de nombreuses dispositions fédérales, cantonales et communales, en particulier à l’art. 8 al. 2 et 3 LAT. Par ailleurs, la proportion de 20% est une valeur statistique qui peut être établie dans les cas d’application (consid. 10 à 10.4). Sous l’angle du principe de la légalité, la possibilité d’une modification juridique du fait de l’acceptation éventuelle de l’initiative avait été thématisée depuis longtemps dans le public et le moratoire sur les constructions avait fait l’objet d’une large discussion, de sorte que les destinataires de la norme étaient connus. Rien ne s’oppose donc à l’applicabilité directe du « noyau dur » de la nouvelle norme constitutionnelle, quand bien même elle implique une restriction non négligeable à la garantie de la propriété (art. 26 Cst.). L’interdiction provisoire qui découle de l’applicabilité directe de l’art. 75b Cst. en lien avec l’art. 197 ch. 9 al. 2 Cst. doit être interprétée de façon large pour ne pas anticiper sur le travail du législateur et pour éviter de préjuger des futures dispositions d’exécution (consid. 10.5).

L’applicabilité dans le temps des nouvelles dispositions constitutionnelles fait l’objet de dispositions transitoires à l’art. 197 ch. 9 Cst. Celles-ci ne règlent toutefois pas expressément le sort des autorisations de construire délivrées après l’entrée en vigueur de l’art. 75b Cst. le 11 mars 2012, mais avant le 1er janvier 2013. Au vu des différentes méthodes d’interprétation, il faut considérer que l’art. 197 ch. 9 al. 2 Cst. n’admet pas de période transitoire permettant de continuer à appliquer l’ancien droit, mais qu’il énonce uniquement un renforcement des conséquences juridiques (nullité au lieu d’annulabilité) jusqu’à l’entrée en vigueur de la législation d’exécution. Pour la période précédente, ce sont donc les conséquences juridiques ordinaires qui s’appliquent : les permis de construire délivrés après le 11 mars 2012 mais avant le 1er janvier 2013 sont annulables. S’ils ne sont pas attaqués, ils acquièrent force de chose jugée et peuvent être utilisés, sous réserve de leur révocation. Les permis de construire délivrés en première instance avant le 11 mars 2012 ne tombent pas sous le coup des nouvelles dispositions constitutionnelles et demeurent valables, indépendamment de la date à laquelle ils ont acquis force de chose jugée (consid. 11.3 à 11.6).