TF 2C_18/2014

2014-2015

Art. 6 et 7 LIFD ; 127 al. 3 Cst. ; 5 al. 3 et 4 de la loi sur les contributions publiques du canton de Zurich du 8 juin 1997 (RS ZH 631.1)

Répartition intercantonale des pertes d’exploitation d’un hôtel en Suisse en propriété de résidants allemands avec des revenus immobiliers dans d’autres cantons.

Un couple résidant en Allemagne est propriétaire en Suisse de plusieurs biens immobiliers dans les cantons des Grisons, de Zurich et de Saint-Gall. Parmi ces biens figure un hôtel sis dans les Grisons exploité sous la forme juridique d’une entreprise individuelle. En 2009, l’administration cantonale grisonne constate une perte de CHF 255'523.- dont elle ne peut pas tenir compte faute de substance imposable. C’est pourquoi, présumant que dans l’Etat de résidence les contribuables bénéficiaient de revenu substantiel, les autorités grisonnes ont imputé cette perte au domicile principal des contribuables (l’Allemagne) et non pas aux autres cantons. Les autorités fiscales zurichoises ayant fait le même raisonnement, elles ne tinrent pas compte des pertes grisonnes dans leur détermination du revenu imposable zurichois. Les recourants, assujettis de manière limitée, due à leur rattachement économique, contestent cette répartition et demandent l’application des règles fédérales en matière d’élimination de la double imposition cantonale.

Cela reviendrait, comme le soulève le TF, à faire supporter d’abord l’entier de la perte aux revenus de source zurichoise et saint-galloise pour subsidiairement transférer la perte résiduelle à l’Allemagne. Un tel concept n’est pas retenu par la Haute Cour, car cela consisterait à faire une consolidation intercantonale en utilisant des dispositions dont le sens et le but sont complètement contradictoires, puisqu’elles visent précisément à délimiter la souveraineté fiscale et non à la consolider. Par ailleurs, cette vision impacterait directement les compétences fiscales subsidiaires des cantons étant donné que ceux-ci ont intégré dans leurs lois cantonales les seuils minimaux fixés aux art. 6 al. 2 et 7 al. 2 LIFD. Ainsi, en déduisant du revenu imposable zurichois (CHF 126'100.-) les pertes grisonnes de CHF 255'523.-, on remarque que les seuils minimaux sont largement enfoncés (le revenu imposable en Suisse doit s’élever au minimum au revenu acquis en Suisse et le taux d’imposition doit s’élever au moins au taux correspondant au revenu acquis en Suisse).

Le TF considère que c’est à l’Etat où se trouvent les immeubles, en l’occurrence la Suisse, de décider si et comment il entend répartir les pertes du contribuable. Le fait que l’Allemagne ne tienne pas compte dans son droit interne de cette perte, car elle applique la « Symetriethese» n’oblige en rien les cantons à la compenser. Enfin, selon le TF, cette interprétation est renforcée par la CDI CH-A, calquée sur le MC OCDE, qui ne connaît pas de dispositions spécifiques pour répartir de telles pertes. De fait, c’est bien au pays qui se voit, selon la convention, octroyer le droit d’imposer, ici la Suisse, puisque les biens immobiliers sont sur son territoire, d’édicter sa pratique concernant la répartition des pertes.