ATAF D-6069/2008

2009-2010

žDans l’arrêt ATAF D-6069/2008 du 3 février 2010, le recourant est un ressortissant irakien entré illégalement en Suisse le 11 août 2008 et qui demande l’asile le jour même de son entrée en Suisse. N’ayant pas présenté de papiers, on lui demande de les produire dans les 48 heures. Le recourant signe alors un document qui lui rappelle ses devoirs en la matière. Lors de la première audition, le requérant déclare ne pas posséder de passeport mais une carte d’identité qui se trouve chez ses parents. Interrogé sur ses intentions, il dit vouloir tout entreprendre pour les récupérer. Le 16 septembre 2008, l’ODM décide de ne pas entrer en matière sur cette demande en vertu des articles 32 al. 2 let. a et al. 3 LAsi. Par ailleurs, l’ODM enjoint le plaignant à quitter le territoire le premier jour d’entrée en force de sa décision. Par le biais d’un recours au TAF, le recourant demande l’annulation de l’ordonnance de renvoi de l’ODM, de sorte que son dossier soit renvoyé à l’ODM pour examen de la demande d’asile. Dans son recours, il indique avoir pu contacter sa sœur et certifie que sa carte d’identité arrivera en Suisse sous peu par voie postale. Par lettre d’accompagnement du 25 septembre 2008, le recourant présente sa carte d’identité au TAF munie des documents d’acheminement (shipping-papers). L’ODM demande malgré tout le rejet du recours.

ž Sur le plan du droit, l’arrêt porte principalement sur la distinction entre motifs recevables (art. 32 al. 3 let. a à c LAsi) quant au non-respect de l’obligation de présenter des papiers d’identité dans les 48 heures et les motifs non recevables (application stricte de l’art. 32 al. 3 let. a LAsi : non-entrée en matière si pas de papiers dans les 48 heures). In casu, les conditions d’application de l’article 32 al. 2 let. a LAsi sont données (non-respect des 48 heures). L’ODM estime que l’article 32 al. 3 LAsi ne s’applique pas. Selon lui, si le recourant a réussi à trouver 12'000 dollars en trois jours pour quitter le pays, il aurait également pu récupérer sa pièce d’identité. L’ODM insiste sur cette position, malgré la production des papiers plus tard, en estimant qu’au moment de l’audition, aucune raison valable ne pouvait être avancée pour statuer en faveur du recourant. Le TAF pose dès lors la question de savoir si le fait d’avoir produit des papiers plus tard peut être considéré comme suffisant pour remplir la condition de l’article 32 al. 3 let. a LAsi. En consacrant le délai de 48 heures et ses exceptions, le but du législateur était de combattre les situations de fraude ou de dissimulation de la réalité qui avaient été constatées auparavant. Cette disposition ne s’applique cependant pas si le demandeur d’asile peut faire valoir de manière crédible que, pour des raisons excusables, il n’est pas en mesure de produire ses papiers, voire si l’on est face à des indices de persécution que l’on ne peut pas considérer de manière évidente comme non fondés. Le requérant d’asile peut faire la preuve que dans sa situation l’article 32 al. 2 let. a LAsi ne s’applique pas afin de pouvoir bénéficier de l’application de l’article 32 al. 3 let. a LAsi. Concernant les raisons excusables, on peut déduire des révisions antérieures (LAsi de 1998) que des raisons valables existent quand la personne peut faire admettre qu’elle n’a pas intentionnellement caché ses papiers pour pouvoir rester plus longtemps en Suisse. Sur cette base, il se pose, dans le cas présent, la question de statuer sur la situation d’une personne qui dispose de papiers valables sans pour autant pouvoir les produire dans les 48 heures car ses papiers se trouvent dans son pays d’origine. On peut partir du principe que les gens savent qu’il faut produire des papiers quand on demande l’asile. Cependant, ce devoir ne devient réel qu’au moment de déposer une demande. Il peut y avoir différentes raisons qui expliquent l’absence de papiers. Si la personne peut faire admettre qu’elle entend tout mettre en œuvre pour récupérer ses papiers, elle remplit son devoir de coopération. In casu, il ressort des procès-verbaux d’audition dans le centre d’accueil que le recourant a décrit de manière précise, plausible et crédible son trajet d’Irak en Suisse. Par ailleurs, rien n’indique qu’il a souhaité soustraire des informations sur son identité aux autorités suisses. Il a par ailleurs produit sa pièce d’identité. Il a dès lors respecté les articles 8 al. 1 let. a (devoir de divulguer son identité) et let. d (produire sa pièce d’identifié) LAsi. Le recourant n’appartient dès lors pas à la catégorie de personnes requérant l’asile dont le législateur a souhaité sanctionner le comportement par une décision de non-entrée en matière selon l’article 32 al. 2 let. a LAsi et placer moins bien dans la procédure. On constate que le recourant peut faire valoir des raisons excusables au sens de l’article 32 al. 3 let. a LAsi sur la base de ces indications crédibles quant à son voyage et à l’emplacement de sa carte d’identité, ainsi qu’en tenant compte du fait de sa production ultérieure. L’article 32 al. 2 let. a LAsi ne s’applique donc pas.