Droit des migrations

ATAF 2022 I/3 (d)

2022-2023

Cette jurisprudence examine la question de savoir si le TAF est compétent pour examiner les faits nouveaux qui n’ont pas été révélés dans le cadre de la procédure de première instance au moyen d’une procédure de révision (art. 45 LTAF en lien avec les art. 121-123 LTF) ou si cela est de la compétence du SEM dans le cadre d’une procédure de réexamen au sens de l’art. 111b LAsi (consid. 8.1). Le TAF tranche cette question de la manière suivante : les faux novas – soit les faits survenus avant la fin de la procédure de première instance – doivent être invoqués dans le cadre d’une procédure de révision tandis que ceux survenus après (vrais novas) ne constituent pas un tel motif de révision mais peuvent donner lieu à une nouvelle décision du SEM dans le cadre d’une procédure de réexamen (consid. 9.4.1). En l’espèce, A., dans le cadre d’une seconde procédure d’asile, déclare avoir dissimulé une part importante de ses motifs de fuite lors de sa première demande d’asile (qui a été rejetée). Il s’agit, partant, de faux novas et de ce fait, le TAF est compétent pour les examiner dans le cadre d’une procédure de révision (consid. 9.5).

ATAF 2022 VI/1 (d)

2022-2023

Dans cette affaire, A. et B. ainsi que leurs deux enfants, de nationalités canadienne et ukrainienne et résidant en Ukraine, font une demande de protection provisoire en Suisse à la suite du déclenchement de la guerre. En l’espèce, le SEM puis le TAF leur refusent dite protection. En effet, le TAF rappelle que la LAsi repose sur le principe de la subsidiarité de la protection, duquel découle le fait que les demandeurs d’asile qui ont plusieurs nationalités ne dépendent pas de la protection d’un pays tiers dans la mesure où ils peuvent trouver une protection contre les persécutions dans l’un des Etats dont ils sont les ressortissants ; le Canada en l’occurrence (consid. 6.3). Pour ces motifs, leur recours est rejeté.

ATAF 2023 VI/1 (d)

2022-2023

Dans cette affaire, le TAF examine quel est le délai de recours devant son Autorité lorsque le SEM refuse l’octroi de la protection provisoire à une personne intéressée. Il parvient à la conclusion que le délai pour déposer un tel recours est de trente jours, et non de cinq dans la mesure où une application par analogie des art. 108 al. 3 en lien avec les art. 40 et 6a LAsi ne se justifie pas, les procédures concernées étant tout à fait différentes (consid. 3.9).

ATF 148 IV 281 (d)

2022-2023

Un requérant d’asile s’étant vu opposer une décision de non-entrée en matière est condamné par les autorités zurichoises à une amende de 150 CHF pour violation de son obligation de collaborer à l’obtention de documents d’identité (art. 120 al. 1 let. e en lien avec les art. 120 al. 2 let. b et 90 let. c LEI). Le TF relève que l’obligation d’un requérant d’asile débouté de collaborer à l’obtention des documents de voyage nécessaires à son renvoi est prévue à l’art. 8 al. 4 LAsi. Cette dernière disposition ne prévoit pas de sanction en cas de violation et prime, en vertu de l’art. 2 al. 1 LEI, sur l’obligation de collaborer prévue à l’art. 90 let. c LEI. Partant, c’est à tort que les autorités cantonales ont condamné le recourant sur la base de ce dernier article.

ATAF 2021 VI/3 (d)

2021-2022

En cas de renvoi d’un MNA, l’autorité est tenue de s’assurer que le mineur concerné sera accueilli par ses parents ou d’autres proches et si ces personnes sont en mesure de couvrir ses besoins. S’il n’est pas possible de retrouver les proches ou s’il s’avère que le retour auprès d’eux n’est pas dans l’intérêt de l’enfant, il convient d’examiner si l’enfant peut éventuellement être placé dans un établissement spécialisé et approprié ou chez un tiers dans son pays. A cet effet, l’autorité ne saurait se borner à des constatations d’ordre générale et doit se baser sur des éléments concrets et des garanties de prises en charge du mineur. Dès lors, le simple fait que les parents ou les proches soient effectivement présents sur le territoire de l’Etat d’origine ou qu’il existe des institutions de placement d’enfants ne suffit pas. L’examen se doit d’être réalisé avant la prise de décision, et ce afin qu’il puisse être contesté dans le cadre d’un éventuel recours. Une violation par le mineur de son obligation de collaborer n’exempte en principe pas l’autorité de procéder à cet examen, sauf dans les cas exceptionnels où la violation de l’obligation de collaborer rend absolument impossible toute instruction.

ATAF 2020 VI/3 (d)

2020-2021

Suite à la disparition d’un requérant d’asile, la procédure de réexamen le concernant devant le TAF est radiée du rôle. Pendant ce temps, ce dernier dépose une demande d’asile dans plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, d’où il est transféré vers la Suisse en application du Règlement Dublin III. En vertu des art. 35a LAsi et art. 18 al. 2 Règlement Dublin III, l’Etat membre responsable (ici, la Suisse) est tenu de reprendre en charge un requérant ayant déposé une demande dans un autre Etat membre ou se trouvant sur ce dernier, sans titre de séjour. La procédure précédemment radiée du rôle doit, en outre, être rouverte. Le TAF précise, dans cet arrêt, qu’une telle obligation ne concerne que les procédures de première instance. En effet, une obligation de réouverture des procédures contentieuses ne découle nullement du libellé de l’art. 18 du Règlement Dublin III et le législateur fédéral a prévu l’art. 35a LAsi dans la section de la loi concernant la procédure de première instance. La portée de l’art. 46 de la directive 2013/32/UE (non-contraignante pour la Suisse mais dont il convient de tenir compte en vertu de l’art. 113 LAsi), des art. 29 et 29Cst. ainsi que la jurisprudence de la Cour EDH relative à l’art. 13 CEDH confortent le TAF dans cette idée. Ainsi, en l’absence de motifs pouvant s’opposer au renvoi du requérant (ce qui est constaté dans le cadre d’un examen sommaire du dossier) et de raisons pouvant justifier son comportement, le TAF conclut que la procédure le concernant n’a pas à être reprise.

Dans le cadre d’une procédure de recours ayant trait à une demande d’asile, se pose la question de savoir si le SEM peut rendre une décision en français, alors que selon l’ancien art. 16 al. 2 LAsi, le SEM notifie ses décisions et ses décisions incidentes dans la langue officielle du lieu de résidence du requérant, lequel est domicilié dans une région germanophone dans le cas particulier. Dans cette affaire, le TAF confirme sa jurisprudence selon laquelle les exceptions à ce principe énoncées à l’ancien art. 16 al. 3 LAsi doivent être interprétées en tenant compte des garanties procédurales découlant du droit à un recours effectif et à un procès équitable (art. 29 al. 1 Cst. et art. 13 CEDH). Le tribunal retient que le SEM peut exceptionnellement rendre une décision dans une autre langue sous réserve de prendre des mesures correctives adéquates pour garantir le droit à un recours effectif et à un procès équitable. Si le SEM omet de prendre de telles mesures et n’a pas remédié à cette omission durant la procédure de recours, la décision doit en principe être cassée si le recourant n’est pas représenté par un mandataire. Une cassation ne se justifie cependant pas lorsque la partie est représentée par un mandataire professionnel.

Le TAF rappelle dans cet arrêt qu’une poursuite pénale dans le pays d’origine peut, dans certaines circonstances, constituer une persécution au sens de l’art. 3 LAsi. Tel est notamment le cas en présence d’un « polit malus », soit « lorsque la durée ou la nature de la sanction encourue, ou encore la situation procédurale de l’intéressé qui s’est effectivement rendu coupable d’un délit de droit commun se trouve sensiblement aggravée pour un motif déterminant en droit d’asile ». Les Juges administratifs fédéraux relèvent qu’un tel « polit malus » doit être admis « lorsque la procédure pénale n’est manifestement pas conforme aux exigences de l’Etat de droit (1), lorsque le requérant d’asile est exposé à une sanction constituant une violation de ses droits fondamentaux – notamment parce qu’elle l’expose à des actes de torture ou à des traitements inhumains – (2), et enfin, lorsque sa peine est aggravée par rapport à celles d’autres auteurs dans une situation comparable (« malus relatif ») ou lorsque la sanction encourue, mise en rapport avec la gravité des actes reprochés, apparaît en soi disproportionnément sévère et partant excessive (« malus absolu ») ». Ils précisent que, dans ces dernières hypothèses, « la qualité de réfugié ne sera reconnue au requérant que si le caractère disproportionné de la sanction encourue repose sur un motif pertinent en matière d’asile ». Les Juges administratifs fédéraux rappellent par ailleurs que le droit suisse prévoit, depuis 2011, une coordination entre la procédure d’extradition et la procédure d’asile (cf. art. 41a et 108a LAsi, art. 55a EIMP, ainsi que la loi fédérale du 1er octobre 2010 sur la coordination entre la procédure d’asile et la procédure d’extradition). L’art. 108a LAsi implique ainsi que les autorités de recours doivent prendre en considération le dossier relatif à la procédure d’extradition au moment de statuer sur le recours en matière d’asile. Dans le cas d’espèce, la recourante, une ressortissante du Kazakhstan, a été condamnée à plusieurs années de prison dans son Etat d’origine pour différents délits économiques. Elle a en outre fait l’objet d’une demande d’extradition de la part des autorités du Kazakhstan, laquelle a été rejetée le 19 juin 2014 par l’Office fédéral de la justice. Il s’avère par ailleurs que ledit Office n’a pas engagé d’échange avec le Kazakhstan, parce qu’il « a d’emblée jugé que la procédure engagée par l’Etat requérant visait à poursuivre ou à punir la recourante pour ses opinions politiques ou pour son appartenance à un groupe social déterminé […] ou parce que la procédure pénale risquait d’aggraver sa situation pour l’un de ces mêmes motifs […] et que la recherche de garanties était inutile ». Dans ces circonstances, le TAF retient, eu égard au principe de coordination susmentionné, que la recourante peut se prévaloir d’une crainte fondée de persécution en cas de retour dans son Etat d’origine, de sorte que sa qualité de réfugiée doit être reconnue et que l’asile doit lui être accordé.

Dans cet arrêt de principe, le TAF estime qu’un requérant d’asile peut invoquer le droit au respect de sa vie familiale au sens de l’art. 8 CEDH pour s’opposer à son transfert Dublin, quand bien même le membre de sa famille qui séjourne en Suisse n’y dispose pas d’un droit de présence assuré. Les Juges administratifs fédéraux observent en effet qu’une telle exigence est étrangère à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, dont il découle que l’art. 8 CEDH s’applique en présence d’une vie familiale effective, indépendamment du titre de séjour des personnes concernées. Ils soulignent toutefois, toujours en référence aux arrêts rendus par les Juges de Strasbourg, que le statut du membre de la famille qui séjourne en Suisse doit être pris en compte dans le cadre de l’examen du cas individuel, autrement dit au moment d’opérer une balance des intérêts au sens de l’art. 8 par. 2 CEDH. Dans le cas d’espèce, le TAF retient ainsi que la recourante et ses deux filles peuvent se prévaloir de l’art. 8 CEDH pour s’opposer à leur transfert Dublin, quand bien même le membre de leur famille, c’est-à-dire l’époux de celle-là et le père de celles-ci, séjourne en Suisse au bénéfice d’une simple admission provisoire. Le tribunal considère toutefois que l’intérêt public à exécuter leur transfert l’emporte sur l’intérêt des intéressés à poursuivre leur vie familiale en Suisse. Il aboutit à cette conclusion eu égard au fait que cette famille a été créée après l’entrée en Suisse de la recourante et la détermination de la responsabilité de la Croatie pour le traitement de sa demande d’asile, autrement dit à un moment où les intéressés avaient connaissance du caractère précaire de leur situation. Le TAF arrive ainsi à la conclusion que le transfert de la recourante et de ses deux filles est conforme à l’art. 8 CEDH, de sorte que la Suisse ne saurait être considérée comme responsable du traitement de leur demande d’asile. Les Juges administratifs fédéraux vont néanmoins admettre leur recours et renvoyer la cause au SEM pour complément d’instruction et nouvelle décision, pour les raisons suivantes : l’art. 17 al. 1 du Règlement Dublin III et l’art. 29a al. 3 OA 1 permettent au SEM de traiter une demande d’asile quand bien même la Suisse n’est pas l’Etat Dublin responsable ; le SEM jouit, dans ce cadre, d’un large pouvoir d’appréciation, ce qui n’est plus le cas du TAF depuis l’abrogation de l’art. 106 al. 1 let. c LAsi ; depuis la date à laquelle le SEM a rendu la décision attaquée, la recourante a donné naissance à un deuxième enfant, ce qui pourrait l’amener à faire usage de cette possibilité.

Art. 8 LAsi, Art. 51 LAsi, Art. 106 LAsi al. 1 let. a, Art. 106 LAsi al. 1 let. b, Art. 29 Cst. al. 2

Une requérante d’asile tibétaine se prétendant de nationalité chinoise voit sa demande d’asile à titre originaire refusée en raison de la violation de son obligation de collaborer (art. 8 LAsi) dans le cadre de la détermination de son origine. Ayant contracté mariage avec un ressortissant chinois reconnu en tant que réfugié en Suisse, elle introduit, par la suite, une demande d’asile familial (art. 51 LAsi). Cette dernière est rejetée par le SEM. Une violation grave de l’obligation de collaborer effectuée dans le cadre de la procédure d’asile familial peut constituer une « circonstance particulière » au sens de l’art. 51 LAsi et s’opposer ainsi à l’octroi de l’asile familial lorsque ce manquement empêche le SEM de vérifier si l’intéressé (le regroupé) a la nationalité d’un Etat autre que l’Etat d’origine du membre de sa famille reconnu en tant que réfugié (le regroupant). Si le SEM peut, dans le cadre de la procédure portant sur l’asile familial, tenir compte du manquement à l’obligation de collaborer s’étant produit dans la procédure précédente, il se doit d’inviter la recourante à se déterminer de nouveau sur son origine, à produire d’éventuels nouveaux moyens de preuve ou à modifier ou compléter ses allégués de fait avant de procéder, par la suite, à l’appréciation de l’existence de « circonstances particulières » s’opposant à l’octroi de l’asile familial. L’autorité n’ayant pas agi de la sorte, la requérante a été privée de la possibilité de participer à la nouvelle procédure et de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise concernant l’asile familial. Il en découle que le SEM a manqué à son obligation découlant de la maxime inquisitoire et violé le droit d’être étendu de la recourante.

Art. 24a LAsi al. 1, Art. 107 LAsi, Art. 5 CEDH, Art. 13 CEDH, Art. 2 Pacte ONU II al. 3, Art. 12 Pacte ONU II, Art. 10 Cst. al. 2, Art. 29a Cst.

Dans cette affaire, la légalité de l’assignation d’un requérant d’asile au centre des Verrières (NE) est analysée sous l’angle de plusieurs griefs ayant trait aux droits humains. En dépit du couvre-feu que le Centre des Verrières impose à ses résidents, l’assignation ne constitue pas une privation de liberté au sens de l’art. 5 CEDH puisque les modalités d’exécution de cette mesure ne sont pas suffisamment strictes (les résidents sont libres de se déplacer à l’intérieur du centre ainsi qu’à l’extérieur en dehors du couvre-feu et les visites sont permises tous les jours entre 14 heures et 20 heures). La mesure litigieuse constitue donc une simple restriction à la liberté de circuler, liberté toutefois garantie par l’art. 10 al. 2 Cst. ainsi que par l’art. 12 Pacte ONU II. Dans le cas d’espèce, la restriction est fondée sur une base légale, répond à un intérêt public (en raison du comportement du recourant, ayant porté atteinte au fonctionnement et la sécurité du centre pour requérants d’asile dans lequel il se trouvait auparavant) et est proportionnée au sens de l’art. 36 Cst. et 12 par. 3 Pacte ONU II. Pour finir, le TAF analyse la conformité de l’art. 107 LAsi (lié à l’art. 24a LAsi) avec le droit à un recours effectif, garanti par les articles 2 par. 3 Pacte ONU II et 29a Cst. Effectivement selon l’art. 107 al. 1 LAsi, en lien avec l’art. 24a LAsi, une décision incidente d’assignation à un centre spécifique ne peut être contestée que dans le cadre d’un recours contre la décision finale. En l’occurrence, la décision finale (soit la décision d’asile au fond) a été notifiée douze jours après la décision incidente (soit celle d’assignation au centre des Verrières) de sorte que le recourant a dû attendre douze jours avant de pouvoir recourir contre cette dernière. Un tel délai est raisonnable et l’on ne saurait, dès lors, conclure que le recourant a été privé de recours effectif dans le cadre de l’atteinte à la libre circulation subie.

Art. 31a LAsi al. 1 let. b, Art. 3 CEDH

Dans cette affaire concernant le transfert d’une famille de requérants d’asile vers l’Italie en application du Règlement de Dublin III, le TAF rappelle la jurisprudence de la CourEDH Tarakhel c. Suisse selon laquelle « en l’absence d’informations détaillées et fiables quant à la structure précise de destination, aux conditions matériels d’hébergement et à la préservation de l’unité familiale, la Suisse ne peut exécuter le transfert de familles vers l’Italie, au risque de violer l’art. 3 CEDH. » S’il est vrai que la capacité du système d’accueil italien a connu une évolution favorable, la situation des familles dans les centres de premier accueil et les CAS italiens reste celle en vigueur lors de l’arrêt de la CourEDH susmentionné. Il en découle que les autorités suisses ne peuvent procéder au transfert de familles vers l’Italie sans obtenir auparavant de garanties supplémentaires de la part des autorités italiennes.

Art. 26 LAsi, Art. 26c LAsi, Art. 26d LAsi, Art. 37 LAsi, Art. 29a Cst., Art. 3 CEDH, Art. 13 CEDH

Le 1er mars 2019, les nouvelles procédures d’asile accélérées découlant de la révision de la LAsi sont entrées en vigueur. En vertu de l’art. 26 LAsi, la phase préparatoire (soit la phase d’enquêtes préliminaires nécessaire à la suite de la procédure d’asile) est de vingt-et-un jours. Une fois la phase préparatoire terminée, la procédure peut continuer par la voie de la procédure accélérée ou de la procédure étendue. Cette dernière est réservée aux affaires plus complexes. Dans le cadre de la procédure accélérée, la décision sur le fond doit être prise dans les huit jours suivant la fin de la phase préparatoire. En principe, si la décision sur le fond ne peut être rendue dans ce délai, la procédure étendue est la règle. Un retard de quelques jours est toutefois acceptable s’il existe des raisons valables et qu’il est prévisible que la décision puisse être rendue dans un centre de la Confédération (art. 37 al. 3 LAsi). Dans le cas d’espèce, le requérant d’asile concerné a été attribué à la procédure accélérée mais la décision négative de première instance n’a été rendue que soixante-huit jours après la fin de la phase préparatoire. Cette durée dépasse largement la marge de manœuvre laissée par le législateur et prouve qu’il s’agit d’une affaire complexe nécessitant des clarifications supplémentaires, affaire ne pouvant donc pas être traitée en procédure accélérée. La procédure accélérée ne prévoit qu’un délai de recours de sept jours afin d’attaquer la décision de première instance, délai qui, dans le cas d’espèce, s’avère insuffisant pour préparer un recours. Ainsi, par le choix erroné de procédure, le SEM a privé le recourant de ses droits procéduraux et violé les art. 29Cst. et 13 CEDH (combiné à l’art. 3 CEDH).

ATAF 2018 VI/6 (d)

2018-2019

Art. 51 al. 4 LAsi

Après avoir obtenu l’asile le 2 mars 2016, un ressortissant érythréen dépose, le 2 avril 2016, une demande de regroupement familial pour sa femme et ses deux enfants, demande qui est rejetée par le SEM au motif que le requérant n’aurait pas réussi à démontrer avoir vécu dans une communauté familiale avant sa fuite. En l’espèce, le Tribunal doit se déterminer sur le fait de savoir s’il existait une communauté familiale préexistante afin d’octroyer le regroupement familial sur la base de l’art. 51 al. 4 LAsi. Tel est le cas si les époux vivaient en ménage commun au moment de la séparation, à savoir que la communauté familiale a été séparée par la fuite à l’étranger du membre de la famille ayant droit à l’asile ou lorsque la vie commune n’était plus possible dans le pays d’origine pour des raisons impérieuses. En outre, la relation doit avoir été maintenue après la séparation physique et une rapide réunification familiale doit avoir été recherchée. Le recourant remplit toutes ces conditions, ce qui amène à l’admission du recours.

Art. 31a al. 1 let. b LAsi ; 29a OA 1

Cet arrêt concerne une mère et ses deux enfants afghans, ayant déposé une demande d’asile en Bulgarie avant de venir en Suisse. Par application du RD III, la Suisse demande à la Bulgarie de les prendre en charge et rend une décision de non-entrée en matière. Les recourants font valoir que le SEM aurait dû appliquer la clause de souveraineté car ils sont des personnes vulnérables et la mère a, en outre, des problèmes de santé. Le SEM dispose d’un large pouvoir d’appréciation afin de déterminer s’il entend faire usage ou non de la clause de souveraineté, pouvoir que le TAF doit respecter depuis la suppression de l’art. 106 al. 1 let. c LAsi. Or, en l’espèce, malgré les arguments soulevés par la recourante concernant sa santé, le SEM s’est contenté de dire qu’au vu du dossier rien ne justifiait l’application de ladite cause. En n’examinant pas les griefs soulevés, il n’a pas fait usage de son pouvoir d’appréciation de manière conforme à la loi (excès négatif) et a donc commis une violation du droit. Dès lors, le recours est admis et la cause renvoyée au SEM pour nouvel examen.

Rendu le même jour, par le même collège de juges et sur la même thématique (transfert Dublin en Bulgarie), cf. TAF D-5407/2016 du 31 octobre 2018 (d).

ATAF 2018 VI/5 (f)

2018-2019

Art. 53 LAsi

Dans cet arrêt, la question litigieuse est de savoir si le refus d’accorder l’asile à un ressortissant turc d’ethnie kurde sur la base de son appartenance au Komalen Ciwan est légitime. Le Komalen Ciwan est une organisation chargée du recrutement de jeunes combattants pour la branche armée du PKK qui apporte donc une aide logistique aux structures hiérarchiques et factions militaires à ladite organisation. L’intéressé n’ayant commis aucun acte répréhensible au sens de l’art. 53 let. a LAsi, c’est donc sur les notions juridiques indéterminées d’atteinte ou de menace à la sécurité intérieure ou extérieure que le Tribunal va porter son examen. Après une analyse des structures du PKK (consid. 4), le TAF conclut que l’appartenance ou le soutien à une organisation ou association clandestine du PKK ayant pour but de fournir une aide logistique à ses factions radicales ou militaires permet de présumer une activité illégitime de nature à compromettre la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse. Cela n’est pas le cas en présence de cas de simple propagande politique lorsqu’elle est dénuée d’appels à la violence ou à la haine. En l’espèce, la seule appartenance du recourant au Komalen Ciwan permet au Tribunal de présumer, avec le SRC et le SEM, une activité illégitime de nature à compromettre la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse. Au vu de l’imprécision des réponses du requérant entraînant une violation de son obligation de collaborer, le requérant n’a pas réussi à renverser la présomption selon laquelle il est engagé et actif au sein de cette organisation. Partant, il y a des raisons sérieuses de croire que le recourant compromet la sûreté de la Suisse au sens de l’art. 53 let. b LAsi.

Art. 25 LPD

Ordonnance SYMIC ; dans cette affaire, l’objet du litige a trait à l’inscription de la date de naissance du recourant dans le système d’information central sur la migration (SYMIC). En effet, suivant la date inscrite au SYMIC, cela aurait comme conséquences de faire pencher la balance en faveur de la minorité ou de la majorité du recourant lors du dépôt de sa demande d’asile. Les dispositions spécifiques du droit des étrangers (ordonnance SYMIC et LDEA) prévoient que les droits d’accès des personnes concernées sont régis par la LPD, notamment l’art. 25 LPD concernant notre litige. Dès lors, la date de naissance doit être déterminée selon la vraisemblance prépondérante et non comme l’allègue le recourant selon la règle du « in dubio pro minore ». Concernant l’application des preuves, le TF est limité à l’arbitraire (art. 97 al. 1 LTF). Dès lors, il ne peut pas procéder à un libre examen mais va examiner si le TAF a violé le droit fédéral en considérant l’inscription existante (date de naissance : xx.xx.1998) comme plus probable que l’inscription demandée par le recourant (date de naissance : xx.xx.2000). Sur la base de l’expertise opérée par l’institut médico-légal de l’Université de Bâle (examen osseux du poignet et examen dentaire) et des différents éléments du dossier, le TF arrive à la conclusion que le TAF a correctement apprécié les preuves et estimé que le recourant pouvait être majeur au moment du dépôt de sa demande d’asile. Dès lors, il n’y a pas arbitraire et le recours doit par conséquent être rejeté.

Pour un autre arrêt à cinq juges sur la thématique du changement de date, cf. TF 1C_710/2017 du 12 février 2019 (d).

Art. 6 LPD ; 97 LAsi

Dans cet arrêt rendu à cinq juges se pose la question de la recevabilité devant le TF d’un recours relevant du domaine de l’asile mais où le grief allégué a trait à une question de protection des données (transmission d’informations personnelles du requérant à son pays d’origine, le Sri Lanka). Le droit de la protection des données est une matière transversale dont les aspects doivent être traités en lien avec la procédure spéciale en jeu, car les questions de faits et de fond se recoupent tant au niveau du droit matériel que formel. Cependant, un litige, relatif au traitement de données en lien avec une matière matériellement exclue de la compétence du TF, peut tout de même être porté devant ce dernier si les questions qu’il soulève sont importantes du point de vue du droit de la protection des données. Par contre, si le traitement des données concerne des questions qui relèvent d’une clause d’exclusion de l’art. 83 LTF alors un recours en matière de droit public sera irrecevable. En droit d’asile, c’est l’art. 97 LAsi qui traite de la communication des données à l’Etat d’accueil ou de provenance. En tant que lex speciali, il déroge à l’art. 6 LPD. Dès lors, dès que les conditions de l’art. 97 LAsi sont remplies, la transmission de données est légale. En l’espèce, le recourant a déposé plusieurs demandes d’asile (demandes d’asile multiples) et, s’il entendait tirer une prétention en lien avec la protection des données, il aurait dû contester cet aspect dans la procédure relative à la transmission de ces données, ce qu’il n’a pas fait. Dès lors, sa demande vise à remettre en cause des aspects déjà tranchés par le TAF et qui ont acquis force de chose jugée, ce qui n’est pas admissible. Le TF déclare donc le recours irrecevable.

Art. 1C CR ; 63 LAsi

Cet arrêt concerne un citoyen de l’ancienne Province autonome socialiste du Kosovo ayant déposé une demande d’asile en Suisse au début des années 1990. Le SEM lui retire la qualité de réfugié au motif que les circonstances ayant permis la reconnaissance de ladite qualité ont disparu et que la situation au Kosovo a profondément changé depuis lors. Le TAF commence par se pencher sur les conditions relatives à la citoyenneté en République du Kosovo. Cette dernière peut être obtenue sur simple demande s’il est attesté que la personne est née sur le territoire de la République. Dès lors, il s’agit d’une reconnaissance quasi automatique et non pas d’une naturalisation au sens strict. Si, à la suite d’un changement substantiel de la situation dans le pays d’origine, il est à nouveau possible de se réclamer de la protection de l’Etat concerné, la protection internationale n’a plus lieu d’être et la qualité de réfugié peut être retirée (cf. art. 1C ch. 5 CR). Cet arrêt confirme l’arrêt de référence D-1213/2011 du 30 janvier 2015 dans lequel le TAF avait constaté que la situation au Kosovo avait foncièrement changé pour les personnes d’ethnie albanaise. Dès lors, le recours est rejeté.

CR et art. 50 LAsi

Dans cet arrêt, le TAF est amené à trancher la question de savoir quelles conditions préalables le premier Etat d’accueil doit remplir afin que la personne puisse ensuite se prévaloir de l’art. 50 LAsi (second asile). Le TAF doit en particulier se pencher sur la question de savoir si le premier Etat doit être parti à la CR, comme soutenu par le SEM. L’analyse historique tant de la version de 1979 que de celle de 1998 de la LAsi ne donne pas beaucoup d’informations, si ce n’est la volonté du législateur d’améliorer la situation des réfugiés. Ce qui importe n’est donc pas tant que le premier Etat d’accueil soit membre de la CR mais qu’il respecte les règles de droit international, comme le principe de non-refoulement et qu’il accorde, au moins de manière factuelle, un droit de séjour durable à la personne requérante. En l’espèce, tel est le cas de l’Inde dont la pratique envers les requérants tibétains est généreuse et les protège d’un refoulement vers la Chine, ce que reconnaît par ailleurs le SEM. Dès lors, la requérante remplit les conditions de l’art. 50 LAsi et le recours est admis.

Art. 83 al. 4 LEI

Dans ce nouvel arrêt de principe, le TAF se penche sur l’exigibilité d’un renvoi vers Mazar-I-Sharif en lien avec l’évolution de la situation dans cette ville depuis l’arrêt de principe ATAF 2011/49. Après examen des sources disponibles, le TAF arrive à la conclusion que la situation sécuritaire s’est détériorée ces dernières années alors que la situation humanitaire s’est un peu améliorée, ce qui permet de conserver un certain équilibre. Il n’y a donc pas lieu de déclarer le renvoi comme généralement inexigible à Mazar-I-Sharif. Cependant, il faut que certains critères – les mêmes que ceux prévalant pour un renvoi vers Kaboul (cf. TAF D-5800/2016 du 13 octobre 2017) – soient examinés dans chaque cas concret à savoir, l’âge du requérant, son état de santé, sa profession et ses chances de réintégration professionnelles ainsi que son réseau social et la capacité de ce dernier à l’accueillir et lui fournir un logement. Si ces différents critères sont remplis, le renvoi peut être considéré comme exigible au sens de l’art. 83 al. 4 LEI.

Art. 51 LAsi

Cet arrêt traite de « l’asile accordé aux familles » et plus précisément de la vraisemblance de l’union conjugale ainsi que de l’existence de « circonstance particulière » excluant le regroupement. Le TAF estime tout d’abord que le SEM a rejeté à tort la vraisemblance d’une union conjugale conclue en Erythrée. S’agissant des circonstances particulières, la question est de savoir si le fait que le regroupé potentiel soit déjà reconnu comme réfugié dans un autre Etat – en l’occurrence l’Italie – exclut l’octroi de l’asile familial ? Le TAF s’appuie sur le fait que l’art. 51 poursuit deux buts : d’une part, assurer le droit à la vie familiale et, d’autre part, offrir une protection aux membres de la famille de réfugiés. Il estime ensuite que le but de protection serait vidé de son sens si l’asile familial pouvait être accordé alors que la personne visée bénéficie déjà du statut de réfugié – et donc d’une protection – dans un Etat tiers. Dès lors, il existe donc bien une « circonstance particulière » excluant l’octroi de l’asile familial quand le membre de la famille pouvant en bénéficier est reconnu comme réfugié dans un Etat tiers.

Cet arrêt concerne une dénonciation au TF pour déni de justice de la part du TAF dans une affaire relevant du droit d’asile et plus précisément un cas Dublin pour lequel le TAF a un délai de traitement prévu à l’art. 109 LAsi. Cette affaire a cela de particulier qu’en cours de procédure, il a été demandé qu’elle soit traitée par un collège de cinq juges, ce qui a eu pour conséquences de prolonger sensiblement la durée de ladite procédure. Dans cet arrêt, le TF n’examine s’il y a déni de justice que dans la mesure où ce dernier serait illustratif d’un problème structurel de nature organisationnelle ou administrative. En l’espèce, un délai de 23 mois après clôture de la procédure d’instruction n’est pas convenable. Le TF invite donc le TAF à examiner comment des mécanismes de prise de décision rapide pourraient être mis en place dans les procédures pour lesquelles des périodes de court traitement légal (cf. art. 109 LAsi) s’appliquent. (NB : l’arrêt sur le fond de l’affaire, TAF D-4248/2015, a été rendu le 28 février 2018 et est résumé ci-dessus dans la partie sur Dublin).

Art. 31a LAsi, Règlement Dublin-III

Dans cet arrêt, il est question de la pertinence des exigences posées dans la jurisprudence Tarakhel de la CourEDH s’agissant de personnes particulièrement vulnérables autres que des familles avec enfant. En l’occurrence, le recourant est un ressortissant sri lankais sur la demande d’asile duquel le SEM n’est pas entré en matière en raison de la compétence de l’Italie (l’intéressé est entré dans ce pays au bénéfice d’un visa). Dans son analyse, le Tribunal relève notamment que, dans l’arrêt Tarakhel, la Cour a clairement montré que sa réflexion était intimement liée au respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et à la situation dans laquelle se trouvent les familles. Il en déduit que les exigences posées par la Cour n’ont pas vocation à protéger d’autres personnes particulièrement vulnérables, telles que les personnes gravement malades.

ATAF 2017 VI/9 (d)

2017-2018

Règlement Dublin-III

Cet arrêt de principe élargit la portée de la jurisprudence du TAF relative au Règlement Dublin-III. Les recourants sont une famille originaire d’Irak contre laquelle une décision de non-entrée en matière a été prononcée en raison de la compétence d’un autre Etat membre Dublin pour traiter leur demande d’asile (art. 31a al. 1 let. b LAsi). Devant le TAF, la famille invoque une application erronée des critères prévus par le Règlement. La question qui se pose pour le Tribunal est donc de savoir si un tel argument est admissible ou si les critères ont uniquement vocation à régler une situation interétatique. Jusque-là, et contrairement à la pratique de la CJUE, le TAF distinguait entre les règles directement applicables qui consacraient des droits fondamentaux pour les requérants d’asile et celles ne pouvant être invoquées car jugées purement techniques. Suivant le principe d’uniformité d’application et d’interprétation du règlement Dublin-III, le TAF estime qu’il n’existe pas de motifs valables l’autorisant à ne pas suivre la jurisprudence européenne. Cet arrêt ouvre donc la porte à des recours pour application erronée de tous les critères du Règlement Dublin-III.

Art. 31a LAsi ; 9 Règlement Dublin-III

Cet arrêt concerne le recours d’une ressortissante irakienne contre une décision de non-entrée en matière sur sa demande d’asile. Le SEM estime que la France est responsable du traitement de sa demande d’asile car la recourante dispose d’un visa émis par ce pays. Elle, au contraire, estime que la Suisse est responsable en vertu de l’art. 9 Règlement Dublin-III car son mari, dont le renvoi est inexigible, dispose d’une autorisation de séjour en Suisse. La question que se pose le TAF est de savoir si cet article exige une relation conjugale réelle, stable et effectivement vécue. A ce sujet, le Tribunal retient, d’une part, que l’art. 2 let. g Dublin-III ne prévoit pour les conjoints pas d’autre condition que celle d’être mariés (contrairement aux partenaires non mariés) et, d’autre part, que l’art. 9 Dublin-III renonce expressément à exiger que le mariage ait été conclu dans le pays d’origine. Ainsi, le fait qu’en l’occurrence le mariage, conclu dans le pays d’origine, n’ait pas été directement suivi d’une vie conjugale durable ne peut pas être invoqué par le SEM. Pour le surplus, le Tribunal estime que l’art. 9 reste applicable lorsque les conditions ayant justifié l’octroi d’une admission provisoire existent toujours après que la personne concernée ait reçu une autorisation de séjour.

Art. 31a LAsi, Règlement Dublin-III

Cet arrêt s’intéresse à la situation de la Pologne vis-à-vis du système Dublin. En effet, la recourante invoque, d’une part, des défaillances systémiques dans le système d’asile polonais (art. 3 par. 2 Dublin-III) et, d’autre part, le devoir de la Suisse de faire usage de la clause humanitaire dans son cas. S’agissant du premier argument, le Tribunal estime qu’il n’existe aucune raison sérieuse d’admettre l’existence de défaillances systémiques en Pologne. Concernant ensuite la clause de souveraineté, le TAF estime que le SEM a correctement utilisé son pouvoir d’appréciation mais que l’un des éléments nouveaux invoqués dans le recours est à même de justifier l’application de la clause de souveraineté. Il s’agit du fait que, durant les nombreux séjours en hôpital rendus nécessaires par l’état de santé de la recourante, les filles de celle-ci seraient placées dans une structure d’accueil pour requérants d’asile mineurs non accompagnés.

Art. 83 LEtr

Cet autre arrêt de principe traite de la question de l’exigibilité du renvoi dans la région sri lankaise du Vanni. La dernière jurisprudence en la matière reconnaît l’exigibilité du renvoi dans le nord du pays mais laisse de côté la question de la région du Vanni. Dans sa décision, le TAF estime que la situation sécuritaire s’est améliorée depuis la fin de la guerre en 2009 et que l’armée, toujours présente, n’est plus vue comme une source d’insécurité. En outre, les infrastructures sont rétablies, même si certaines ne le sont qu’imparfaitement. Comme c’est le cas pour Kaboul, le TAF estime ici qu’une distinction est nécessaire entre, d’une part, les personnes qui disposent d’un soutien familial ou social sur place, qui sont donc à même de se loger et satisfaire leurs besoins à court terme et dont le renvoi est exigible et, d’autre part, les personnes les plus vulnérables à l’isolement et l’extrême pauvreté dont le renvoi doit toujours être considéré comme inexigible.

Art. 44 LAsi ; 83 LEtr

Cet arrêt est l’occasion pour le TAF d’une analyse très détaillée de la situation en Afghanistan et en particulier dans la ville de Kaboul. Pour rappel, jusque-là le TAF jugeait exigible un renvoi vers Kaboul, Mazar-i-Sharif et Herat mais inexigible dans le reste du pays en raison d’une situation de violence généralisée. Dans cet arrêt, le TAF arrive à la conclusion que la situation sécuritaire et humanitaire s’est considérablement dégradée depuis sa dernière analyse. Il estime donc qu’un renvoi vers cette ville n’est en principe pas exigible mais qu’il peut l’être dans des cas particuliers lorsque des facteurs favorables sont réunis. Ainsi, les jeunes hommes en bonne santé, ayant déjà vécu à Kaboul et y disposant d’un réseau social pouvant leur permettre de trouver un emploi et un hébergement présentent des profils pouvant permettre d’admettre l’exigibilité du renvoi.

Art. 83 LEtr

Cet arrêt analyse l’exigibilité du renvoi en Libye et plus précisément à Tripoli. Le TAF conclut à l’existence d’une situation de violence généralisée dans une grande partie du pays. La même chose vaut pour le renvoi à Tripoli, sauf en présence de facteurs favorables. Cette jurisprudence, tout comme celle concernant Kaboul résumée ci-dessus, est difficilement compréhensible dans la mesure où le TAF retient dans les deux cas une situation de violence généralisée et surtout visant de manière indifférenciée civils et belligérants puis estime que certains facteurs comme le fait d’être un jeune homme en bonne santé permettent toutefois de reconnaître l’exigibilité du renvoi.

Art. 4 CEDH ; 83 LEtr

Ce dernier arrêt examine la licéité et l’exigibilité du renvoi en Erythrée. Il vient à la suite de deux arrêts de référence rendus sur l’Erythrée respectivement en janvier et août 2017 et se penche en particulier sur la question restée ouverte jusqu’à ce jour des conditions du service national. Après un constat de la situation générale déplorable concernant les conditions et la durée du service national, le TAF examine si ce dernier viole l’interdiction de l’esclavage et du travail forcé prévus par l’art. 4 CEDH rendant ainsi l’exécution du renvoi illicite. Il arrive à la conclusion que même si les conditions de ce service national sont difficiles, les sources disponibles ne permettent pas de conclure à une violation systématique et flagrante de l’art. 4 CEDH. Le TAF reconnaît donc que les conditions de ce service sont problématiques mais pas suffisamment pour rendre de manière générale l’exécution du renvoi illicite ou inexigible.

ATAF 2017 VI/8 (d)

2017-2018

Art. 29 al. 3 Cst. ; 65 PA

Dans cet arrêt, le TAF rappelle qu’il est possible d’obtenir l’assistance judiciaire gratuite également en procédure non contentieuse sur la base des art. 29 al. 3 Cst. et 65 PA. Le TAF examine en particulier l’indigence du recourant ainsi que la nécessité de l’assistance judiciaire dans le cadre d’une procédure de révocation de l’asile et de retrait de la qualité de réfugié. Conditions remplies en l’espèce car dans cette procédure, le recourant ne se voit qu’accorder le droit d’être entendu par écrit de la part du SEM. En outre, ce dernier est professionnellement et socialement mal intégré, n’a pas de connaissance juridique et souffre de troubles psychiques. Dès lors, au vu des enjeux de la procédure, une assistance judiciaire lui est nécessaire. En outre, cet arrêt précise également que la requête d’assistance judiciaire doit être examinée lorsque le recourant obtient gain de cause car l’institution des dépens n’est pas connue en procédure d’asile non contentieuse.

Art. 29 Cst.

Cet arrêt partiel traite de questions purement procédurales et aborde en particulier la question de savoir si la partie a le droit de connaître qui a pris part à la décision qui a été rendue à son égard. Selon l’art. 29 Cst., toute personne a droit à ce que sa cause soit examinée par une autorité légalement composée, compétente et impartiale. Le seul moyen pour la personne concernée de savoir si ce droit est respecté est de connaître quels membres de l’autorité ont participé à l’élaboration de sa décision. Dès lors, la pratique du SEM ne donnant pas systématiquement le nom du fonctionnaire ayant travaillé sur la décision est contraire à la loi et doit être adaptée.

Art. 41a, 108a LAsi ; 83 let. d ch. 1 LTF

Cet arrêt s’intéresse au problème de la coordination entre procédures d’extradition et de renvoi. Un ressortissant moldave fait l’objet d’une décision négative sur l’asile assortie d’une décision de renvoi puis d’une demande d’extradition par son pays d’origine rejetée par l’OFJ faute de garanties suffisantes, il estime que son renvoi en Moldavie serait illicite car contraire au principe de non-refoulement (art. 3 CEDH). Saisi d’un recours fondé sur l’art. 83 let. d ch. 1 LTF, le TF accepte d’entrer en matière en raison du fait que la décision de refuser l’extradition est basée sur des motifs formels (absence de garantie) et pourrait dès lors être rouverte. Le recours se base sur les art. 41a et 108a LAsi qui exigent des autorités d’asile de prendre en compte le dossier relatif à la procédure d’extradition afin d’éviter que des décisions contradictoires soient rendues dans les deux domaines. En l’occurrence, la décision négative du TAF sur l’asile a été rendue avant celle relative à l’extradition et, dans la mesure où la coordination n’a pas eu lieu, le TF relève que le risque de contradiction est évident. Il admet le recours en exigeant des instances inférieures un examen sur les motivations et la portée du refus d’extradition.

Art. 50 al. 1 LTF

Dans ce très court arrêt, les juges fédéraux refusent de restituer un délai de recours à une ressortissante d’un Etat membre de l’ALCP. Cette décision se base sur le fait que l’intéressée a omis de signaler à l’autorité inférieure son changement de domicile survenu en cours de procédure. Or, se sachant partie à une procédure judiciaire, elle aurait dû indiquer à l’autorité concernée ce changement d’adresse. Ne l’ayant fait, elle est considérée comme fautive et réputée avoir eu connaissance de la notification à l’échéance du délai de garde du pli recommandé. Le délai ne lui est donc pas restitué et le recours adressé tardivement est irrecevable.

Art. 63 al. 1 LAsi ; 1 C ch. 1-6 CR

Cet arrêt s’intéresse au cas d’un Somalien qui, suite à son mariage avec une Somalienne reconnue comme réfugiée avec asile en Suisse, reçoit l’asile et le statut de réfugié à titre dérivé. Après qu’il se soit fait contrôler à l’aéroport de Zurich avec un billet d’avion pour Mogadiscio, le SEM lui accorde le droit d’être entendu puis lui retire l’asile et la qualité de réfugié pour s’être à nouveau placé sous la protection de son pays d’origine (art. 63 al. 1 let. b LAsi en lien avec l’art. 1 C ch. 1 CR). La question est de savoir si les personnes ayant reçu la qualité de réfugié et l’asile à titre dérivé doivent être traitées différemment que les réfugiés à titre originaire. Pour le TAF, l’art. 1 C CR ne fait pas de différence donc les trois conditions posées par la jurisprudence pour l’application de l’art. 1 C ch. 1 CR doivent être remplies. A savoir : 1) être entré en contact volontairement avec les autorités du pays d’origine ; 2) avoir eu pour but de demander la protection de ce pays ; 3) avoir effectivement reçu cette protection. Dans l’examen de la troisième condition, le fait que la personne n’ait reçu le statut de réfugié et l’asile qu’à titre dérivé et donc l’absence de persécution personnelle peut être pris en compte. En l’occurrence, le TAF estime qu’il est rentré volontairement dans son pays d’origine et qu’il est par conséquent considéré comme ayant cherché la protection de ce pays. Il n’existe de plus aucun indice que les autorités somaliennes lui aient refusé cette protection.

ATAF 2016/17 (f)

2016-2017

Art. 111c LAsi et art. 5 et 46a PA

Dans cet arrêt de principe, le TAF interprète les al. 1 et 2 de l’art. 111c LAsi et définit leur champ d’application respectif (consid. 4.1 et 4.2). Il considère que le classement sans décision formelle au sens de l’art. 111c al. 2 LAsi ne constitue pas une décision au sens de l’art. 5 PA et n’est donc pas susceptible de recours devant le Tribunal administratif fédéral. Cependant, si le SEM commet une erreur manifeste en classant à tort une demande alors que les conditions de l’art. 111c al. 2 LAsi ne sont pas remplies, la possibilité de déposer un recours pour déni de justice demeure (consid. 6).

Art. 83 LEtr

Le TAF se penche sur la question de savoir si les Erythréennes et Erythréens dont la demande d’asile a été refusée sont menacés de se voir condamner pénalement et enrôler dans le service national en cas de retour au pays. Il arrive à la conclusion que tel n’est pas le cas pour les personnes qui ont déjà effectué leur service national obligatoire ainsi que pour les personnes qui ont régularisé leur situation vis-à-vis de leur Etat d’origine en payant l’impôt sur le revenu de 2% et en signant une lettre de repentir. En l’espèce, la recourante n’ayant pu rendre sa désertion vraisemblable, le TAF juge improbable que cette dernière se fasse condamner ou reconvoquer en cas de retour au pays. En conséquence, il laisse ouverte la question de savoir si le service national érythréen comporte une menace de traitement inhumain ou doit être qualifié d’esclavage ou de travail forcé. En outre, après une analyse détaillée de la situation actuelle, le TAF arrive à la conclusion que l’Erythrée ne connaît actuellement pas une situation de violence généralisée et donc qu’un retour au pays n’est pas d’une manière générale inexigible.

Art. 31a al. 1 let. b LAsi et RD III

cet arrêt analyse la situation en Hongrie en lien avec l’application du règlement Dublin III (RD III). Depuis 2015, la Hongrie procède à plusieurs durcissements de sa législation dans le domaine de l’asile. Le dernier en date, avec l’entrée en vigueur de l’acte T/13976 le 28 mars 2017, modifie fondamentalement la situation de ce pays, avec des conséquences tant pour les procédures d’asile que les conditions d’accueil des requérants. Ce système prévoit que tous les requérants d’asile présents sur le territoire hongrois sont désormais hébergés dans l’un des deux centres situés dans les zones de transit à la frontière serbo-hongroise. Le TAF en arrive à la conclusion, « qu’en l’état, la cause n’est pas susceptible d’être définitivement tranchée » (consid. 12). Pour les personnes transférées dans le cadre d’une reprise en charge fondée sur le RD III, le régime dont elles feront l’objet demeure incertain, car les dispositions topiques ont été abrogées par l’acte T/13976. Suite à ces changements, plusieurs Etats européens adaptent leur pratique par rapport à la Hongrie (notamment l’Allemagne décide de ne plus renvoyer de requérants vers la Hongrie). C’est pourquoi le TAF renvoie la cause au SEM pour complément d’instruction et nouvelle décision.

Art. 3 LAsi

Le TAF examine la question de savoir si la situation en Erythrée a évolué ou s’il est toujours justifié d’accorder la qualité de réfugié du simple fait que le requérant rend vraisemblable d’avoir quitté illégalement l’Erythrée. En effet, conformément à la pratique suivie jusqu’à maintenant, la sortie illégale de l’Erythrée justifie en soi la reconnaissance de la qualité de réfugié. Ces dernières années, l’émigration atteint une telle proportion que c’en est devenu un problème pour le fonctionnement de l’Etat car ce dernier est basé sur le service national. Dès lors, en cas de retour au pays, il n’apparaît pas comme hautement probable que la personne ayant quitté illégalement l’Erythrée soit sanctionnée pour ce motif d’une façon telle que ces sanctions constitueraient de sérieux préjudices au sens de l’art. 3 LAsi en raison de leur intensité et de leur motivation politique. Au contraire, il ressort de l’analyse faite par le TAF, sur la base des différents rapports, que de nombreuses personnes ayant quitté l’Erythrée illégalement peuvent y revenir relativement sans problème. D’ailleurs, après un certain temps, elles reçoivent le statut de la diaspora qui leur permet de revenir temporairement au pays sans danger. De plus, le TAF relève qu’une éventuelle punition en raison, par exemple, du non-paiement de la taxe de 2%, n’est pas considérée comme un motif déterminant en matière d’asile. Le TAF change donc sa pratique et arrive à la conclusion qu’il n’existe un risque majeur de sanctions en cas de retour qu’en présence de facteurs supplémentaires (weitere Faktoren) à la sortie illégale qui font apparaître le requérant d’asile comme une personne indésirable aux yeux des autorités érythréennes.

 

Art. 111b et 111c LAsi

le TAF examine quand une demande doit être traitée selon l’art. 111b LAsi (réexamen) ou selon l’art. 111c LAsi (demandes multiples) en lien avec les procédures Dublin. A cet égard, il s’agit de faire la distinction entre les cas où la personne qui dépose une nouvelle demande d’asile n’a pas encore été transférée dans l’Etat Dublin compétent de ceux dans lesquels elle revient en Suisse après que le transfert Dublin ait été effectué. Dans le premier cas, la nouvelle requête doit être examinée sous l’angle du réexamen (art. 111b LAsi). En effet, tant que le transfert n’a pas encore été exécuté, la décision (de non-entrée en matière et de renvoi) demeure pleinement exécutoire. Dans le second cas, il faut examiner la requête sous l’angle de l’art. 111c LAsi. La décision (de non-entrée en matière et de renvoi) a été pleinement exécutée : « lorsque le transfert a déjà été exécuté, le recourant a “épuisé” son obligation de quitter la Suisse vers l’Etat membre responsable, la Suisse a respecté son obligation de le transférer dans les délais, et l’Etat responsable a rempli son obligation de le réadmettre sur son territoire » (consid. 4.3.2). Cette distinction est importante car dans le cas d’une demande multiple (art. 111c LAsi), le SEM doit entamer une nouvelle procédure Dublin s’il souhaite procéder à un nouveau transfert. L’art. 111c al. 1 LAsi pose deux exigences supplémentaires au dépôt d’une nouvelle demande d’asile : elle doit revêtir la forme écrite et être dûment motivée (lex specialis de l’art. 18 LAsi). Ces demandes nécessitent donc une procédure matérielle spéciale, menée uniquement par voie écrite qui permet de renoncer à une nouvelle audition. La procédure étant uniquement écrite, il est important que la demande soit suffisamment motivée, sans quoi le SEM ne pourra pas établir l’état de fait à satisfaction (cf. art. 12 PA). Même si ces exigences sont remplies, le SEM n’est pas obligé d’examiner la demande sur le fond puisque les motifs de non-entrée en matière sont applicables. Lorsque la compétence de l’Etat requis est donnée, le SEM doit, par renvoi de l’art. 111c al. 1 LAsi, faire application de l’art. 31a al. 1 let. b LAsi.

Art. 84 al. 4 LEtr

L’intéressée est une ressortissante érythréenne reconnue réfugiée par décision du 6 février 2015 mais exclue de l’asile. De mars à juin 2016, elle séjourne en Allemagne, où elle dépose une demande d’asile. Elle regagne la Suisse le 9 juin 2016. Par décision du 10 août 2016, le SEM met fin à l’admission provisoire de l’intéressée, conformément à l’art. 84 al. 4 LEtr et à l’art. 26a let. a OERE. La recourante soutient que l’art. 84 al. 4 LEtr, à l’instar de l’art. 85 al. 4 LEtr, ne devrait pas s’appliquer aux réfugiés admis à titre provisoire. Le TAF procède alors à une interprétation littérale, historique, systématique et téléologique de l’art. 84 al. 4 LEtr, à l’issue de laquelle il conclut que cette disposition est applicable à toute personne admise à titre provisoire, qu’elle bénéficie ou non du statut de réfugié. Il précise que la levée de l’admission provisoire au sens de l’art. 84 al. 4 LEtr se fait ex lege et que l’application du principe de proportionnalité est exclue (arrêt résumé par Semsija Etemi, in : Actualité du droit des étrangers 2017 I, p. 100).

Art. 3 LAsi

Le TAF a reconnu la persécution collective des Yézidis de la province de Ninawa en Irak. Les Yézidis de cette province sont victimes, depuis la prise de pouvoir de l’Etat islamique (EI) en 2014, de persécutions systématiques. Dans la mesure où le risque de persécution de l’EI vise tous les membres de la communauté yézidie, chaque Yézidi a une crainte fondée de persécution du seul fait de son appartenance à cette religion. Une persécution collective des Yézidis doit donc être admise dans la province de Ninawa.

OTest

Dans la présente procédure, la demande d’asile du recourant est traitée dans le cadre des procédures en phases de test à Zurich (cf. art. 4 OTest). Le 2 mai 2016, un recours est déposé et le jour même le SEM rend une décision incidente attribuant le requérant à un canton. Le 23 septembre 2016, la représentation juridique du centre test de Zurich demande à recevoir son forfait pour la représentation effectuée auprès du requérant en procédure de première instance. Cette requête est fondée sur le fait que, suite à la décision du SEM attribuant le recourant à un canton, ce dernier ne se trouve plus dans la procédure relative aux phases de test mais en procédure élargie ; procédure pour laquelle aucune indemnisation sur la base de l’OTest n’est prévue (art. 25 al. 3 et 28 al. 2 OTest). Or, un changement de la procédure accélérée à la procédure élargie n’est possible que lors de la procédure de première instance : si la demande est traitée en procédure accélérée et qu’une décision est rendue, il n’est plus possible de faire passer le requérant en procédure élargie. La décision incidente rendue par le SEM le 2 mai 2016 et attribuant le recourant à un canton a été prise sur la base de l’art. 27 LAsi ainsi que les art. 21 et 22 OA 1 : ce n’est pas une décision décidant du passage du requérant en procédure élargie comme celle fondée sur l’art. 17 al. 2 let. d OTest mais une décision attribuant le requérant à un canton comme conséquence de l’octroi de l’admission provisoire (art. 22 OTest). Dans le cadre des procédures en phases de test, la représentation juridique dure jusqu’à la fin de la procédure de recours (art. 25 al. 3 OTest) et les frais de ladite représentation sont pris en charge par le forfait contractuel basé sur l’art. 28 al. 3 OTest. Ce qui a pour conséquences que le recourant n’a aucuns frais de représentation à supporter pendant la procédure de recours. Il n’y a donc pas de raison d’accorder l’assistance judiciaire sur la base des art. 65 al. 1 PA et 110a LAsi.

TAF D-6175/2015

2015-2016

Art. 84 al. 4 LEtr ; 26a OERE ; 4 et 7 ODV

L’intéressé, ressortissant kurde admis à titre provisoire en Suisse, dépose une demande de visa de retour au SEM pour pouvoir aller en Allemagne, ce que l’autorité lui délivre. Le SEM découvre après coup que l’intéressé est retourné dans son pays d’origine, en Irak, et non en Allemagne. Le SEM lève dès lors l’admission provisoire en se basant sur l’art. 84 al. 4 LEtr. Celui-ci prévoit que l’admission provisoire prend notamment fin lorsque l’intéressé quitte définitivement la Suisse. L’art. 84 al. 4 LEtr renvoie à l’art. 26a OERE, qui précise qu’un départ est notamment considéré comme définitif lorsque la personne admise à titre provisoire est retournée dans son État d’origine ou dans son État de provenance sans visa de retour au sens de l’art. 7 ODV ni passeport pour étrangers au sens de l’art. 4, al. 4 ODV (art. 26a let. d OERE). Le SEM soutient que l’intéressé est retourné dans son État d’origine sans visa de retour, dans la mesure où le visa de retour délivré était valable pour son prétendu voyage en Allemagne. Saisi d’un recours, le TAF considère que, par son comportement, le recourant n’a pas démontré une volonté de quitter définitivement la Suisse. En effet, il est parti en Irak pour rendre visite à sa mère gravement malade. Ses enfants et sa femme sont restés en Suisse pendant ce voyage. Le fait que le recourant ait violé les règles relatives aux voyages à l’étranger ne signifie pas qu’il ne souhaite plus bénéficier de la protection que la Suisse lui a jusque-là accordée. Le TAF précise qu’une levée de l’admission provisoire au motif que l’intéressé a violé les règles applicables en matière de voyages à l’étranger serait disproportionnée. Il admet le recours et conclut à l’annulation de la levée de l’admission provisoire. (arrêt résumé par Semsija Etemi, in : Actualité du droit des étrangers 2016 I, 228).

TAF D-2620/2015

2015-2016

Art. 51 LAsi

A., un ressortissant togolais, est reconnu comme réfugié et mis au bénéfice de l’asile en 2004. Il épouse ensuite B., une ressortissante de Côte d’Ivoire titulaire d’une admission provisoire. De cette union naissent deux enfants. Par décision du 27 mars 2015, le SEM rejette la demande d’asile familial déposée par A. en faveur de sa femme et de ses enfants, en considérant que les nationalités différentes des époux constituent une « circonstance particulière » au sens de l’art. 51 al. 1 et 3 LAsi. Saisi d’un recours, le TAF rappelle que le fait pour les membres de la famille d’avoir des nationalités différentes peut effectivement constituer un obstacle à une telle inclusion, dans la mesure où l’ensemble de la famille pourrait s’installer dans l’État origine du conjoint non persécuté. Une telle issue n’est toutefois envisageable que dans l’hypothèse où l’exécution d’un renvoi de tous les membres de la famille à cette destination serait à la fois possible, licite et raisonnablement exigible. Pour le TAF, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, l’épouse bénéficie d’une admission provisoire fondée sur l’art. 83 al. 4 LEtr. La durée de validité de cette dernière a toujours été prolongée. D’autre part, les époux résident en Suisse depuis 13 et 12 ans et se sont toujours bien comportés. A cela s’ajoute le fait que l’épouse n’a plus de contact avec les membres de sa famille en Côte d’Ivoire et n’y dispose d’aucun réseau social. Enfin, les enfants sont nés en Suisse, y ont passé toute leur vie et y sont scolarisés. Dans ces circonstances, force est de constater que l’exécution du renvoi des membres de cette famille en Côte d’Ivoire devrait être déclarée inexigible et, par conséquent, que leurs différentes nationalités ne constituent pas une « circonstance particulière » au sens de l’art. 51 al. 1 et 3 LAsi. L’épouse et les enfants du recourant doivent ainsi être inclus dans sa qualité de réfugié et mis au bénéfice de l’asile (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2015 II, 176).

TAF E-3688/2015

2015-2016

Art. 26 CR ; 96 LEtr

Cet arrêt est l’occasion pour le TAF de rappeler que l’art. 26 CR implique de mettre les réfugiés au bénéfice de l’admission provisoire sur pied d’égalité, en matière de changement de canton, avec les titulaires d’une autorisation d’établissement. Ils bénéficient ainsi d’un droit au changement de canton, sauf s’ils présentent un motif de révocation au sens de l’art. 63 LEtr (art. 37 al. 3 LEtr). En l’espèce, le recourant, un ressortissant érythréen, a été condamné à une peine privative de liberté de 22 mois et présente donc un motif de révocation au sens des art.62 let. b et 63 al. 1 LEtr. Le TAF observe toutefois que ces deux dispositions sont formulées de façon potestative et que le SEM doit procéder, avant leur application, à une pesée des intérêts au sens de l’art. 96 LEtr. Pareil test de proportionnalité fait en l’espèce défaut. Le recours est donc admis, la décision attaquée annulée et la cause renvoyée au SEM pour nouvelle décision dans le sens des considérants (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2016 II, 184).

TAF D-5809/2014

2015-2016

Art. 53 LAsi ; 25 et 48aCP

Le TAF estime que les recourants, deux ressortissants éthiopiens et leur enfant, doivent être reconnus comme réfugiés et mis en bénéfice de l’admission provisoire en raison de motifs subjectifs survenus après la fuite au sens de l’art. 54 LAsi. Les juges observent en effet que les intéressés ont pris part, depuis leur arrivée en Suisse, à différentes activités politiques d’opposition au régime en place dans leur État d’origine (manifestations, participations à des débats télévisés, lettres ouvertes publiées sur internet, etc.). Ils relèvent ensuite, en se référant à un rapport de Human Rights Watch, que le gouvernement éthiopien se livre à un espionnage des opposants politiques en exil, y compris en Suisse. Le fait que l’époux ait travaillé durant plusieurs années comme chauffeur pour l’Ambassade américaine en Ethiopie avant leur départ peut en outre avoir suscité une surveillance accrue de la part des autorités éthiopiennes. Le TAF observe enfin que les opposants politiques font l’objet de mesures de répression impitoyables et que leur situation s’est encore dégradée ces dernières années. Le recours est admis (arrêt résumé par Matthieu Corbaz in : Actualité du droit des étrangers 2016 I, 227).

TAF D-4147/2015

2015-2016

Le TAF rappelle dans cet arrêt qu’un visa pour raisons humanitaires n’est en principe pas délivré à une personne qui se trouve dans un État tiers ou qui est susceptible de se rendre dans un tel État, puisqu’il faut généralement considérer que sa vie ou son intégrité physique n’est alors plus en danger. En l’espèce, les recourants, une famille syrienne, sont parvenus à rejoindre un camp de réfugiés en Turquie. La maladie de certains d’entre eux et l’absence de soins adéquats les ont toutefois contraints à retourner en Syrie. Le TAF estime que l’état de santé de B. (poliomyélite) et de C. (tachycardie supraventriculaire) nécessite des traitements médicaux urgents. Ces maladies ainsi que le jeune âge de E. (trois ans) les empêchent de rejoindre à nouveau la Turquie. Il se justifie dès lors de leur accorder un visa pour raisons humanitaires (arrêt résumé par Matthieu Corbaz in : Actualité du droit des étrangers 2016 I, 229).

TF 2C_207/2016*

2015-2016

Art. 80a 2 LEtr ; 109 al. 3 et 5 LAsi ; 31 al. 4, 10 al. 2 et 36 al. 1 Cst. féd. ; 5 par. 1 CEDH

A., un demandeur d’asile afghan, fait l’objet d’une décision de non-entrée en matière et de transfert à destination de la Bulgarie. Le SEM ordonne également sa détention administrative pour une durée maximale de six semaines, en se fondant sur l’art. 76a LEtr. Le recours déposé auprès du TAF contre cette décision est rejeté. Malgré sa libération et l’exécution de son transfert à destination de la Bulgarie, A. saisit le TF d’un recours en matière de droit public. Les juges relèvent premièrement que deux semaines se sont écoulées entre le dépôt du recours auprès du TAF (17 février 2016) et l’arrêt de ce dernier (1er mars 2016). Pareille durée, supérieure à celle découlant des art. 80a al. 2 LEtr et 109 al. 3 et 5 LAsi, est jugée contraire aux art. 31 al. 4 Cst. féd. et 5 par. 4 CEDH. Le TF estime ensuite que la détention administrative de A. ne reposait sur aucune base légale, puisqu’il n’existait aucun élément concret permettant de penser qu’il essayerait de se soustraire à son transfert (art. 76a al. 1 let. a et 2 LEtr). Le Tribunal précise que le simple fait qu’un autre État Dublin soit responsable du traitement de la demande d’asile de l’intéressé ne suffit pas pour retenir un tel risque. Dans ces circonstances, le TF estime que la détention de A. était contraire aux art. 10 al. 2 et 36 al. 1 Cst. féd. et à l’art. 5 par. 1 CEDH (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2016 I, 142).

TAF D-668/2014

2015-2016

Art. 3, 7 LAsi

Les recourants sont des ressortissants syriens d’ethnie kurde qui ont demandé l’asile en Suisse le 25 juillet 2010. Le mari explique que le fils de l’oncle de son père aurait tué trois arabes pour des questions de territoire et qu’il se serait enfui. Les autres membres de la famille se seraient également enfuis, par peur de représailles, se trouvant depuis lors au cœur d’une vendetta. Le mari serait également recherché par les autorités syriennes : il serait enregistré en tant qu’opposant au régime et partisan du PKK. Pour cette raison, il aurait été arrêté par les forces de sécurité du pays et aurait été mis en prison à plusieurs reprises. Le couple aurait par ailleurs été politiquement actif en Suisse et aurait participé à de nombreuses manifestations contre le régime syrien. Par décision du 31 décembre 2013, le SEM rejette la demande d’asile de la famille considérant que leurs déclarations ne remplissent pas les exigences de vraisemblance posées par l’art. 7 LAsi. Il prononce l’admission provisoire, l’exécution du renvoi n’étant pas raisonnablement exigible. Saisi d’un recours, le TAF observe que le mari a démontré de manière détaillée et sans contradiction flagrante qu’il a été arrêté à quatre reprises par les forces de sécurité du pays, détenu pendant plusieurs jours en prison et maltraité par les autorités syriennes. Il a pu démontrer de manière convaincante quand, où et pour quelles raisons il a été arrêté, qui de sa famille était présent, comment l’arrestation s’est déroulée, comment il a été torturé et les raisons pour lesquelles il a été libéré. Le TAF rappelle également que la situation actuelle en Syrie est de plus instable. Les personnes identifiées par les forces de sécurité comme s’opposant au régime syrien risquent en effet la persécution au sens de l’art. 3 LAsi. Une alternative de fuite interne dans une autre région du pays ne paraît, par ailleurs, pas exigible. Dans ces conditions, le TAF conclut que les recourants doivent être reconnus comme réfugiés et mis au bénéfice de l’asile (arrêt résumé par Semsija Etemi, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 174).

TAF E-3827/2014

2014-2015

Art. 84 al. 3, 83 al. 7 let. a et 96 al. 1 LEtr

Par décision du 6 juin 2014, le SEM lève l’admission provisoire de A., une ressortissante moldave. Cette décision, fondée sur les art. 84 al. 3 et 83 al. 7 let. aLEtr, fait suite à la condamnation de l’intéressée à une peine privative de liberté de trente mois. Saisi d’un recours, le TAF rappelle tout d’abord qu’une telle décision ne peut être prise qu’à l’issue d’une pesée des intérêts en présence (art. 96 al. 1 LEtr). Il relève ensuite que A. ne présente pas un risque de récidive élevé, puisqu’elle n’a plus commis d’infraction depuis six ans, et dans la mesure où la peine privative de liberté à laquelle elle a été condamnée a été assortie d’un sursis, lequel n’a par ailleurs pas eu à être révoqué. D’autre part, les faits pour lesquels elle a été condamnée sont certes qualifiés de graves (sous-location d’appartements à des personnes en situation illégale et envoi de sommes d’argent d’origine criminelle à l’étranger), mais le TAF observe que son rôle n’a été qu’accessoire, puisque le tribunal correctionnel a retenu le chef de complicité et non d’auteur principal.

En outre, les juges administratifs fédéraux considèrent que le manque d’intégration de A. (dépendance à l’aide sociale et absence d’activité professionnelle) peut s’expliquer par l’âge relativement élevé auquel elle a obtenu l’admission provisoire (52 ans). Il convient également de souligner qu’elle a suivi plusieurs formations ces dernières années et a obtenu un certificat de capacité de cafetier, restaurateur et hôtelier en 2013. A cela s’ajoute le fait que l’intéressée n’a apparemment plus de famille en Moldavie et n’en maîtrise pas la langue. Enfin, elle est actuellement âgée de 62 ans et souffre de différentes maladies psychiques et physiques. L’ensemble de ces circonstances amène le TAF à annuler la levée de l’admission provisoire de A., jugée contraire au principe de proportionnalité (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 208).

TAF E-1683/2013

2014-2015

Art. 51 LAsi

C. est reconnue comme réfugiée et mise au bénéfice de l’asile par décision du 5 avril 2007. En 2010, elle épouse D., un ressortissant nigérian. En 2012, elle donne naissance à A., leur enfant commun. Par courrier du 18 septembre 2012, C. demande au SEM de reconnaître la qualité de réfugiée de sa fille sur la base de l’art. 51 al. 3 LAsi. Par décision du 28 septembre 2012, le SEM rejette cette demande, estimant que la famille pourrait s’établir au Nigéria, l’État d’origine du père. Il considère en effet que A. pourrait obtenir la nationalité nigériane et qu’aucun des membres de la famille n’y est exposé à des persécutions. Saisi d’un recours, le TAF relève tout d’abord que la formulation de l’art. 51 al. 3 LAsi, lequel réserve les « circonstances particulières » s’opposant à l’inclusion de l’enfant dans la qualité de réfugié de ses parents, vise avant tout à prévenir des abus et que cette inclusion doit demeurer la règle. Il convient dès lors d’interpréter restrictivement cette notion de « circonstances particulières ».

Il observe cependant l’existence d’une pratique, élaborée par la CRA puis reprise par le TAF, selon laquelle le fait que le conjoint ou l’enfant mineur du réfugié ait une autre nationalité que ce dernier constitue une telle circonstance particulière, à condition toutefois qu’il soit exigible et possible que l’ensemble de la famille puisse s’installer dans cet autre État. Les juges administratifs fédéraux insistent toutefois sur le fait que cette pratique, qu’ils n’entendent pas remettre en question, suppose que le membre de la famille dont l’inclusion est demandée dispose déjà d’une autre nationalité. Il ne suffit pas que l’intéressé puisse, de façon hypothétique, acquérir cette dernière. En l’espèce, A. n’a pas acquis la nationalité nigériane et dispose pour l’heure de la nationalité de sa mère. Dans ces circonstances, il convient de nier l’existence de circonstances particulières au sens de l’art. 51 al. 3 LAsi et d’inclure A. dans la qualité de réfugiée de sa mère (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 204-205).

TAF D-6818/2013

2014-2015

Art. 1 de la Convention relative au statut des apatrides (RO 1972 2374)

Le 19 novembre 1988, A., une ressortissante du Cameroun, épouse B., un ressortissant suisse, et acquiert la nationalité suisse en application de l’art. 3 al. 1 LN dans son ancienne teneur. Le mariage est déclaré nul par jugement du 11 février 1993, ce qui entraîne une perte automatique de sa nationalité suisse (art. 3 al. 2 LN dans son ancienne teneur). Les demandes d’octroi d’une autorisation de séjour ou de naturalisation facilitée, qu’elle dépose par la suite, sont rejetées. Le 25 février 2013, A. dépose auprès du SEM une demande de reconnaissance de son statut d’apatride ; elle estime en effet avoir perdu la nationalité camerounaise suite à son mariage avec B. Saisi d’un recours contre la décision négative du SEM, le TAF rappelle tout d’abord que le TF interprète l’art. 1er de la Convention relative au statut des apatrides de telle manière que, par apatrides, « il faut entendre les personnes qui, sans intervention de leur part, ont été privées de leur nationalité et n’ont aucune possibilité de la recouvrer. A contrario, cette convention n’est pas applicable aux personnes qui abandonnent volontairement leur nationalité ou refusent, sans raison valable, de la recouvrer, alors qu’ils ont la possibilité de le faire, dans le seul but d’obtenir le statut d’apatride ».

En l’espèce, les juges administratifs fédéraux observent que les autorités camerounaises considèrent généralement comme des étrangères les femmes camerounaises ayant épousé un ressortissant étranger, quand bien même la perte de la nationalité camerounaise ne devrait intervenir qu’en cas de renonciation expresse de l’intéressée. Cela étant, le TAF estime que A. n’est pas dans l’impossibilité de recouvrer sa nationalité camerounaise : « Elle a au contraire induit volontairement les autorités camerounaises en erreur en se prévalant de sa nationalité suisse, qu’elle a pourtant perdue il y a près de 20 ans. Elle a refusé de restituer son passeport suisse et n’a pas répondu à des convocations des autorités suisses et camerounaises. Elle n’a en outre jamais contesté, auprès d’une instance supérieure, les refus opposés à ses demandes de passeport. Tout indique qu’elle ne s’est nullement investie pour recouvrer sa nationalité camerounaise, multipliant à l’inverse les procédures en Suisse pour y prolonger son séjour, alors qu’au vu de la législation camerounaise et de son cas particulier, elle devrait être en mesure d’obtenir un nouveau document d’identité camerounais, si besoin par le biais d’une procédure de réintégration ». Le recours de A. est donc rejeté (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 210).

TAF D-2023/2014

2014-2015

Art. 53 LAsi ; 25 et 48a CP

Cet arrêt porte sur la question de l’indignité du recourant au sens de l’art. 53 LAsi. Ce dernier a été condamné à vie par un tribunal turc pour avoir prêté son pistolet à un ami, lequel s’en est servi pour abattre un homme. Le recourant allègue cependant n’avoir prêté cette arme que parce qu’il savait son ami menacé et pensait qu’il ne s’en servirait que pour se défendre. Il ajoute que sa condamnation était fondée sur des aveux obtenus sous la torture. Pour le TAF, le recourant ne pourrait être poursuivi que pour complicité d’homicide sous l’angle du droit suisse. Or pareille infraction n’est passible que d’une peine privative de liberté de moins de trois ans (art. 25 et 48a CP), ce qui est insuffisant pour retenir l’indignité de l’intéressé. Son recours est donc admis et l’asile lui est octroyé (arrêt résumé par Matthieu Corbaz et Andrina Cavelti, in : Actualité du droit des étrangers 2014 II,143).

TAF E-4724/2014

2014-2015

Art. 24 al. 1 PA ; 108 al. 2 LAsi

Le TAF relève dans cet arrêt qu’il ne peut « accorder la restitution d’un délai légal ou judiciaire, si le demandeur ou son mandataire a été empêché, sans sa faute, d’agir dans le délai fixé, s’il a présenté une demande motivée de restitution dans les 30 jours à compter de celui où l’empêchement a cessé et s’il a accompli l’acte omis dans le même délai (art. 24 al. 1 PA) ». En l’espèce, la mandataire de la recourante explique avoir été empêchée de déposer un recours dans le délai de cinq jours ouvrables prévu à l’art. 108 al. 2 LAsi en raison de l’hospitalisation de cette dernière du 18 au 20 août 2014. La décision en cause ayant été notifiée le 14 août 2014, soit plusieurs jours avant l’hospitalisation, le TAF estime que la mandataire n’a pas été empêchée, sans fautes, d’agir dans le délai légal de recours (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 219).

TAF E-3656/2014

2014-2015

Art. 3 LAsi ; 9 Cst.

A. dépose une demande d’asile en Suisse le 1er décembre 2011. Il explique être né en Érythrée et avoir la nationalité de cet État mais avoir vécu en Éthiopie dès son plus jeune âge. Par décision du 28 mai 2014, le SEM rejette sa demande d’asile, prononce son renvoi et ordonne l’exécution de cette mesure. Saisi d’un recours, le TAF observe que le SEM semble admettre que A. est de nationalité érythréenne. Dans sa décision, il désigne en effet cet État comme pays d’origine de l’intéressé. Toutefois, lorsqu’il se prononce sur la qualité de réfugié du recourant, le SEM examine la vraisemblance des motifs invoqués vis-à-vis de l’Éthiopie. Or, pour les juges administratifs fédéraux, « [c]’est le lieu de rappeler que le recourant n’étant pas apatride, l’examen de la qualité de réfugié doit avoir lieu, conformément à l’art. 3 LAsi, vis-à-vis de son État d’origine, et non vis-à-vis du pays de sa dernière résidence ». Le SEM se réfère également à l’Éthiopie lorsqu’il examine si l’exécution de son renvoi est licite, exigible et possible. Dans ce cadre, le Secrétariat d’État estime tantôt que l’Éthiopie est un État tiers dans lequel A. est habilité à résider, tantôt qu’elle est son État de dernière résidence, tantôt qu’elle est son État d’origine. Le TAF considère ainsi que « la décision attaquée présente une contradiction interne, qui ne peut être éliminée, ou tout au moins une ambiguïté irrémédiable, rendant impossible un examen par le tribunal de son bien-fondé. L’ambiguïté, voire la contradiction dans la motivation de la décision attaquée doivent être qualifiées d’arbitraires et conduisent ainsi à une violation de l’art. 9 Cst. ». Le recours est donc admis et la cause renvoyée au SEM pour complément d’instruction et nouvelle décision (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 202).

TAF E-979/2013

2014-2015

Art. 63 al. 1 let. b LAsi ; 1 C ch. 1 CR

A., une ressortissante vietnamienne, obtient l’asile en 1993. Son fils B. est reconnu comme réfugié à sa naissance. Par décision du 12 décembre 2012, l’ODM révoque l’asile de A. et B. et retire leur qualité de réfugié en raison de trois séjours passés au Vietnam. L’Office fédéral estime en effet que ces voyages doivent être assimilés à un comportement par lequel les intéressés se sont volontairement réclamés de la protection de leur État d’origine (art. 63 al. 1 let. b LAsi et 1 C ch. 1 CR). Saisi d’un recours, le TAF observe que l’ODM fonde sa décision sur les visas chinois présents sur les passeports de A. et B. S’il admet que de tels visas représentent un indice de séjours au Vietnam – ce dernier État octroie des visas dans un document séparé et non dans le passeport –, ils ne représentent cependant pas des preuves incontestables de ces séjours. De plus, le tribunal estime qu’il n’est pas certain que ces éventuels séjours au Vietnam puissent être qualifiés de demandes de protection adressées à cet État, les recourants ayant déclaré que leur mère, respectivement grand-mère, y est hospitalisée en raison d’une maladie grave. Les conditions prévues par l’art. 1 C ch. 1 CR n’étant pas réunies, l’ODM a retiré à tort la qualité de réfugié de A. et B. ; leur recours est donc admis (arrêt résumé par Matthieu Corbaz et Andrina Cavelti, in : Actualité du droit des étrangers 2014 II, 143).

TAF D-3440/2013

2013-2014

Art. 83 LEtr

A., une ressortissante pakistanaise de religion ahmadi, dépose une demande d’asile en Suisse pour la deuxième fois le 24 septembre 2012. Elle explique que son mari est décédé un an plus tôt et qu’elle a depuis lors fait l’objet de diverses intimidations de la part de malfrats. Son fils, qui vit en Suisse depuis six ans, a organisé son voyage. Par décision du 13 mai 2013, l’ODM rejette sa demande d’asile, prononce son renvoi et ordonne l’exécution de cette mesure.

Le TAF relève que les Ahmadis sont exposés à une situation difficile au Pakistan, où ils font souvent l’objet d’attaques régulières. Le nombre de meurtres et d’arrestations des Ahmadis aurait par ailleurs augmenté ces dernières années parallèlement à l’islamisation croissante du pays. La province d’où vient la recourante a d’ailleurs connu plusieurs attaques ciblant les Ahmadis et un lieu de culte ahmadi de son village a subi un attentat meurtrier.

A cela s’ajoute la situation de veuve isolée de la recourante et un état de santé préoccupant. A l’inverse, la famille de son fils vivant en Suisse peut lui apporter le soutien dont elle a besoin.

Dans ces circonstances, l’exécution du renvoi de A. est jugée inexigible.

TAF E-4151/2013

2013-2014

Art. 51 LAsi ; 85 al. 7 LEtr

Une famille de ressortissants afghans constituée de l’épouse A., de l’époux B. et de leurs deux enfants C. et D. vit en Grèce en qualité de demandeurs d’asile depuis 2008. Le 21 août 2012, A. rejoint la Suisse accompagnée de son fils D. et y dépose une demande d’asile. Le 29 octobre 2012, elle demande à l’ODM d’autoriser B. et C. à la rejoindre en Suisse. Le 19 juin 2013, l’ODM rejette la demande du 29 octobre 2012 et refuse l’entrée en Suisse de B. et de C. Le TAF considère que c’est à tort que l’ODM a qualifié la demande introduite le 29 octobre 2012 de demande de regroupement familial.

En effet, « [s]on objectif était d’obtenir que l’ensemble de la famille puisse voir leurs demandes de protection traitées par une seule autorité, in casu: l’autorité suisse, et ce dans la mesure où le retour de l’intéressée et de ses enfants en Grèce n’était plus possible ». En ce sens, l’application de l’art. 51 LAsi – qui ne concerne que les membres de la famille de réfugiés ayant obtenu l’asile en Suisse – et de l’art. 85 al. 7 LEtr – qui vise le regroupement familial des personnes mises au bénéfice de l’admission provisoire – ne se justifie pas.

Deuxièmement, l’ODM n’explique pas en quoi la situation de la recourante et des membres de sa famille diffère de celle prévalant dans les trois cas auxquels se réfère l’intéressée. L’Office fédéral se contente en effet d’affirmer qu’ « aucun rapprochement entre le cas d’espèce et les cas rapportés par l’intéressée ne [peut] être fait ».

Se faisant, l’Office fédéral n’a pas correctement examiné si sa décision respecte le principe de l’égalité de traitement. Troisièmement, c’est à tort que l’ODM a indiqué que B. et C. conservent la possibilité de demander un visa humanitaire, ce dernier n’étant pas accordé lorsque la personne concernée se trouve déjà dans un Etat tiers.

Dans ces conditions, le TAF admet le recours, annule la décision attaquée et renvoie la cause à l’ODM pour nouvelle décision.

TAF E-4192/2013

2013-2014

Art. 3 al. 4 LAsi (entré en vigueur le 1er février 2014)

A., un ressortissant érythréen, dépose une demande d’asile en Suisse en mars 2013. Il explique avoir quitté son Etat d’origine en 2010 pour effectuer une formation à l’étranger et ne pas avoir pu y retourner en 2012 comme convenu, en raison des risques de persécutions qu’il y encourt pour avoir entre-temps adhéré au « Eritrea National Salvation Front (ENSF) », un parti politique en exil. Par décision du 21 juin 2013, l’ODM rejette sa demande d’asile, prononce son renvoi et ordonne l’exécution de cette mesure.

L’Office fédéral considère en effet que A. n’a rejoint l’ENSF que récemment et qu’il ne connaît pas de façon détaillée les objectifs et les activités de cette organisation. Il n’appartiendrait ainsi pas au groupe à risque constitué des personnes s’opposant de façon active au gouvernement érythréen depuis l’étranger.

Le TAF estime ainsi qu’il existe un risque important que A. fasse l’objet d’une punition exemplaire en cas de retour en Erythrée, non seulement pour avoir mené une activité politique d’opposition en exil, mais aussi pour ne pas être rentré à l’issue de son voyage autorisé à l’étranger. Bien que l’engagement politique du recourant soit relativement nouveau et plutôt modeste, il convient de lui reconnaître la qualité de réfugié et, en tant que tel, de le mettre au bénéfice de l’admission provisoire.

TAF E-722/2014

2013-2014

Art. 8 § 1 et 2 CEDH

A., un ressortissant irakien, dépose une demande d’asile en Suisse le 10 janvier 2007. Il est mis au bénéfice de l’admission provisoire le 26 juin 2012, l’exécution de son renvoi étant alors jugée inexigible par l’ODM. Par courrier du 18 novembre 2013, l’Office fédéral informe A. qu’il envisage de lever son admission provisoire en raison de l’amélioration de la situation prévalant dans les provinces kurdes du nord de l’Irak. Invité à s’exprimer à ce propos, A. indique qu’il a une fille de nationalité suisse. Il précise qu’elle vit actuellement dans une famille d’accueil mais qu’il la voit régulièrement et qu’il ne veut pas s’en séparer.

Par décision du 20 janvier 2014, l’ODM lève malgré tout l’admission provisoire de A. Saisi d’un recours, le TAF examine le cas sous l’angle du regroupement familial inversé au sens de l’art. 8 CEDH. Le TAF considère que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être pris en compte dans la balance des intérêts opérée dans le cadre de l’art. 8 § 2 CEDH. Il souligne que la situation familiale dans laquelle évolue la fille du recourant est particulièrement difficile : à sa naissance, ses deux parents étaient encore mineurs et elle a été placée dans une famille d’accueil où elle séjourne encore.

D’autre part, sa mère a été chassée de sa famille lorsque celle-ci a appris la grossesse, ce qui permet de supposer que l’enfant n’a que peu de chance de tisser des liens avec ses grands-parents. Dans ce contexte, la relation que l’enfant vit avec son père présente une importance particulière ; y mettre fin serait préjudiciable au bien-être de l’enfant.

Au vu de ces différents éléments, le TAF estime que l’exécution du renvoi de A. violerait l’art. 8 CEDH. Le recours est admis et la décision attaquée annulée.

TAF E-6855/2011

2013-2014

Art. 3 CDE ; 29a3 OA 1 ; 3 § 2 1ère phr. Règlement Dublin II

Le TAF rappelle les différents arrêts qu’il a rendus au sujet de la Hongrie. Ce pays a certes amélioré son système d’accueil des requérants d’asile. Toutefois, de nouvelles modifications de la législation hongroise sur l’asile, entrées en vigueur au 1er juillet 2013, prévoient plusieurs motifs pour le placement en détention des demandeurs d’asile.

C’est pourquoi, « la présomption du respect par la Hongrie des conventions pertinentes en matière de protection des droits de l’homme ne peut ainsi plus être maintenue sans réserve ; que l’autorité doit partant se livrer à un examen approfondi du cas d’espèce au regard de la situation qui règne dans ce pays de destination, examen allant au-delà du certain automatisme qu’autorise la présomption de sécurité ».

Les juges administratifs fédéraux rappellent que « lors de cet examen, il y a notamment lieu de répondre à la question de savoir si la personne concernée est particulièrement vulnérable et, cas échéant, s’il apparaît probable qu’elle remplisse les conditions d’un placement en détention ». Dans le cas particulier, il s’agit de trois enfants en bas âge. L’un d’eux présente un syndrome polymalformatif avec atteinte du massif facial, des mains et de la nuque.

Partant, il y a lieu de considérer que cette cellule familiale fait partie du groupe des personnes vulnérables. Sous l’angle de l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3 CDE) et en application de l’art. 29a al. 3 OA 1, le TAF juge qu’il convient d’appliquer la clause de souveraineté de l’art. 3 § 2 1ère phr. Règlement Dublin II.

Le recours est admis et l’ODM est invité à ouvrir une procédure nationale d’asile.

TAF D-3623/2013

2013-2014

Art. 2, 3 et 44 LAsi ; 33 CR

Cet arrêt est l’occasion pour le TAF de souligner à quel point la situation au Soudan est critique pour toute personne soupçonnée, à tort ou à raison, de soutenir l’opposition ou un groupe rebelle. Les étudiants, les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme, les personnes actives dans les ONG ou encore celles travaillant au sein des agences de l’ONU sont surveillées, intimidées, voire torturées. De plus, les services de renseignement surveillent les activités politiques des ressortissants soudanais en exil.

La qualité de réfugié doit ainsi être reconnue à un demandeur d’asile soudanais membre du SLM (Soudan Liberation Movement) ayant donné une conférence à l’ONU en Suisse et ayant été interrogé par des journalistes. Pareil profil politique est en effet susceptible d’avoir été perçu par les forces de sécurité soudanaises et d’avoir suscité des soupçons auprès d’elles.

TAF D-7259/2013

2013-2014

Art. 2, 3 et 7 LAsi

A., un ressortissant érythréen, dépose une demande d’asile en Suisse le 15 novembre 2012. Il explique être un curé orthodoxe engagé pour l’indépendance de sa communauté religieuse. En 2008, les services secrets auraient procédé à une perquisition à son domicile et auraient découvert un document critique envers le gouvernement, qu’il aurait rédigé en vue d’une publication. À la suite de cette découverte, il est interrogé durant une semaine.

Un mois plus tard, un parent de sa femme l’informe que son arrestation est prévue. Il décide alors de quitter le pays, mais sa tentative échoue et il est mis en détention. Il parvient finalement à s’enfuir et rejoint la Suisse. Par décision du 25 novembre 2013, l’ODM reconnaît la qualité de réfugié de A., mais refuse de le mettre au bénéfice de l’asile, considérant que son récit comporte des incohérences. Saisi d’un recours, le TAF examine les différents éléments d’invraisemblance retenus dans la décision attaquée.

Contrairement à l’ODM, le Tribunal estime plausible que le recourant ait subi un interrogatoire durant une semaine en 2008 et qu’il n’ait été arrêté qu’un mois plus tard. De même, le fait qu’il ait été averti de son arrestation imminente par un proche n’est pas irréaliste. Enfin, les juges administratifs fédéraux considèrent que ses allégations en lien avec la rédaction de son livre sont crédibles et qu’elles coïncident avec différents rapports établissant la mise en détention de plusieurs ecclésiastiques.

Dans ces circonstances, le TAF admet le recours de l’intéressé et le met au bénéfice de l’asile.

TAF D-6428/2013

2013-2014

Art. 63 al. 1 let. b Lasi ; 1, section C, ch. 1 à 6 CR

Par décision du 15 octobre 2013, l’ODM retire la qualité de réfugié de A., un ressortissant chinois d’ethnie tibétaine, en raison de son séjour en République populaire de Chine. A. recourt contre cette décision en expliquant que son père est gravement malade et qu’il lui a demandé de le visiter une dernière fois.

Le TAF rappelle que selon l’art. 63 al. 1 let. b LAsi, l’ODM révoque l’asile ou retire la qualité de réfugié pour les motifs mentionnés à l’art. 1, section C, ch. 1 à 6, de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Le TAF constate que le fait pour une personne reconnue comme réfugié en Suisse de se rendre dans le pays persécuteur représente un indice indiquant que le risque de persécution ne demeure plus. L’application de l’art. 63 al. 1 let. b LAsi en lien avec l’art. 1 ch. 1 CR suppose néanmoins que trois conditions soient réalisées : le recourant doit avoir contacté les autorités de son pays d’origine, il doit s’être réclamé de la protection de celles-ci et il doit enfin avoir effectivement obtenu une telle protection.

En l’espèce, A. a demandé et obtenu du Consulat chinois la délivrance d’un passeport. Il était donc possible pour les autorités chinoises de contrôler les données relatives au recourant et de procéder à son arrestation, ce qu’elles n’ont pas fait puisque son entrée et son séjour sur le territoire chinois se sont déroulés sans encombre.

A cela s’ajoute le fait que la maladie du père de A. ne présente pas un risque vital, pour autant qu’il reçoive un traitement médical adéquat. Son état de santé n’est donc pas assez préoccupant pour susciter chez le recourant une pression morale suffisant à écarter le caractère volontaire du séjour en Chine.

Dans ces conditions, les juges administratifs estiment que l’ODM a, à juste titre, retiré la qualité de réfugié du recourant. Ils précisent toutefois que cette décision ne porte pas atteinte à l’autorisation de séjour qui lui a été délivrée.

ATAF 2013/1 (d)

2012-2013

Art. 83 al. 4 LEtr

Le TAF juge que « Mossoul est le théâtre de tensions politiques et d’affrontements continuels et violents entre groupements ethniques et religieux. La sécurité de la population civile n’est pas garantie. L’exécution du renvoi vers Mossoul se révèle, d’une manière générale, inexigible ».

ATAF 2013/2 (d)

2012-2013

Art. 83 al. 4 LEtr

Examinant la situation en Turquie, le TAF considère que « les provinces de Hakkari et de Sirnak se trouvent dans une situation de violence généralisée ».

ATAF 2013/5 (d)

2012-2013

Art. 1 A ch. 2 CR ; art. 3 LAsi

Arrêt de principe.

Le TAF modifie la jurisprudence publiée dans la décision JICRA 2006/25, en ce sens « qu’on peut admettre que les personnes du Darfour bénéficient en principe désormais d’une possibilité de protection interne compte tenu de la situation existant dans la région de Khartoum, à la condition supplémentaire que le critère de l’exigibilité soit rempli, conformément à la pratique actuelle définie à l’ATAF 2011/51 ».

Art. 84 al. 7 let. c et 96 LEtr

Une ressortissante de Russie, respectivement apatride, ne peut obtenir ni la nationalité russe, ni la nationalité ukrainienne, cela en raison de son refus de collaborer. Les conditions d’application de l’art. 83 al. 7 let. c LEtr paraissent ainsi réalisées. Toutefois, bien que cette disposition soit formulée de manière absolue, l’autorité doit tenir compte de l’art. 96 LEtr dans l’application de cette norme et apprécier la situation notamment sous l’angle du principe de la proportionnalité. Dans cette optique, les juges administratifs fédéraux relèvent que les autorités russes se désintéressent du cas de A., qu’elles indiquent ne plus traiter les demandes de nationalité émanant de personnes ne disposant pas de revenus acquis légalement, que l’intéressée a quand même fourni un certain nombre de documents et qu’elle vit en Suisse depuis presque 20 ans. Ainsi, pour ce cas limite, il convient, au regard de l’art. 96 LEtr, que l’admission provisoire soit accordée pour cause d’impossibilité du renvoi.

ATAF 2012/21 (d)

2012-2013

Art. 8 LAsi ; art. 12, 13, 32 al. 2, 49 let. b et 63 al. 3 PA

Le TAF précise que « l’arrêt sur recours doit être prononcé sur la base du dossier tel qu’il se présente au moment où l’autorité de recours statue. Par conséquent, pour l’appréciation de la décision attaquée de l’ODM, les faits et moyens de preuve nouveaux qui sont invoqués pendant la procédure de recours sont également déterminants dans l’appréciation du bien-fondé de la décision attaquée de l’ODM. Exceptionnellement, des frais de procédure peuvent être mis à la charge de la partie qui a gain de cause si elle les a occasionnés en violant des règles de procédure (art. 63 al. 3 PA). Dans un tel cas, les frais engagés par le recourant pour sa représentation et pour d’éventuelles autres dépenses ne peuvent pas être considérés comme indispensables au sens de l’art. 64 al. 1 PA ».

ATAF 2012/31 (d)

2012-2013

Art. 3 et 12 CDE ; art. 83 al. 4 LEtr ; l’art. 12 CDE est directement applicable.

Dans le cadre d’une procédure d’asile, « la représentation de l’enfant par ses parents suffit pour autant que leurs intérêts soient convergents ». Partant, il est possible de renoncer « à l’audition de l’enfant lorsque son opinion ressort suffisamment des pièces du dossier ».

Art. 34 al. 2 let. b LAsi ; art. 16 par. 1 Règlement Dublin II

Arrêt de principe.

Bien que le Règlement Dublin II prévoit, lorsque les conditions sont réalisées, l’obligation d’examiner toute demande d’asile sur le fond, le TAF juge « qu’une décision de non-entrée en matière selon la LAsi peut (...) être prise dans une procédure dans laquelle la Suisse est, sur la base des critères établis dans le Règlement Dublin II, déclarée compétente pour mener la procédure d’asile et de renvoi et dans laquelle elle est tenue de prendre ou de reprendre en charge un requérant d’asile ».

ATAF 2013/6 (d)

2012-2013

Art. 34 al. 2 let. d LAsi ; art. 29a al. 1 et 2 OA 1 ; art. 5 al. 2, 10 ss, 24 al. 2 et 29 al. 2 Règlement Dublin II

Arrêt de principe.

Selon le TAF, « en conformité avec le principe de réciprocité du droit international public, les règles générales sur la rétroactivité et les dispositions transitoires explicites du Règlement Dublin II, les dispositions dudit règlement s’appliquent également à un événement (correspondant à un critère de rattachement) antérieur à leur entrée en vigueur pour la Suisse ».

Art. 83 let. d ch. 1 LTF ; art. 29 al. 1 Cst., art. 109 al. 4 LAsi

Une personne étrangère visée par une demande d’extradition de l’Etat dont elle cherche à se protéger peut saisir le TF au moyen d’un recours en matière de droit public contre une décision du Tribunal administratif fédéral dans le domaine de l’asile. Par ailleurs, l’argument relatif aux obstacles au renvoi (admission provisoire) est recevable devant le TF. Dans le cas particulier, le TAF viole le principe de célérité en n’ayant statué que près de 21 mois après avoir reçu le recours. Il a violé le principe de célérité. Une réparation est possible par la constatation de la violation et un règlement des frais favorable.

ATAF 2013/11 (d)

2012-2013

Art. 3 LAsi ; art. 1 A CR

Arrêt de principe:

Le TAF examine la situation des Yézidis en Turquie et opère un changement de jurisprudence par rapport à la décision JICRA 1995 no 1. Il juge désormais que « la communauté yézidie en Turquie ne fait pas l’objet d’une persécution collective au sens de la jurisprudence ».

ATAF 2013/12 (d)

2012-2013

Art. 3 LAsi

Selon le TAF « les chrétiens du centre de l’Irak ne subissent pas de persécution collective au sens de la jurisprudence ».

ATF 138 II 513 (d)

2012-2013

Art. 2 al. 1, art. 3, 6a et 7 LAsi

La qualité de réfugié est niée à un ressortissant de Macédoine appartenant au groupe ethnique des Roms, car il aurait pu faire appel aux autorités de son pays pour obtenir protection.

Art. 63 al. 2 LAsi

Pour le TAF, « l’asile peut être révoqué pour le troisième motif prévu à l’art. 63 al. 2 LAsi, même si le fait justifiant la révocation est antérieur à la décision d’octroi de l’asile ».

ATF 139 II 65 (f)

2012-2013

Art. 33 CR ; art. 3 CEDH ; art. 25 al. 2 et 3 Cst. ; art. 5, 64 al. 1 let. d et art. 65 LAsi ; art. 62, 63 et 64 LEtr

Selon le TF, « les autorités cantonales peuvent décider de ne pas renouveler ou de révoquer un titre de séjour qu’elles ont accordé à un étranger au bénéfice de l’asile, puis prononcer et exécuter le renvoi, sans que l’asile ne doive être révoqué au préalable. Toutefois, l’autorité cantonale qui entend ne pas renouveler ou révoquer une autorisation de séjour ou d’établissement d’un étranger au bénéfice de l’asile et prononcer le renvoi de l’intéressé en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEtr, doit veiller à ce que, outre le respect des conditions des art. 62 ss LEtr, les exigences de l’art. 65 LAsi soient respectées ».

ATF 139 II 1 (f)

2012-2013

Art. 24 par. 1 let. b CR ; art. 59 LAsi ; art. 2 al. 2 ARéf

Pour le TF, « sous l’empire de l’art. 59 LAsi, un réfugié admis provisoirement peut également se prévaloir de l’art. 2 al. 2 ARéf ».

ATAF 2011/24

2011-2012

Art. 3 LAsi et 83 al. 4 LEtr

Analyse de la situation au Sri Lanka : situation sécuritaire. Pour le Tribunal administratif fédéral, depuis la fin du conflit militaire en mai 2009, la situation sécuritaire au Sri Lanka s’est considérablement améliorée et stabilisée. Les Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE) ont été anéantis militairement ; ils ne constituent plus un risque de persécution. En revanche, la situation au Sri Lanka s’est détériorée du point de vue des droits de l’homme, notamment en ce qui con­cerne la liberté d’expression et de la presse. Un risque accru de persécution pèse sur les personnes appartenant à certains groupes à risque. Font partie de ces groupes notamment les personnes soupçonnées d’être des opposants politiques, les journalistes et collaborateurs des médias faisant preuve d’esprit critique, les militants des droits de l’homme et les représentants d’organisations non gouvernementales critiques envers le régime, les personnes qui ont été victimes ou témoins de graves violations des droits de l’homme ou qui entreprennent des démarches juridiques à cet égard, et les personnes revenant de Suisse auxquelles on reproche des contacts étroits avec les LTTE ou qui disposent de ressources financières importantes. En principe, l’exécution du renvoi vers l’ensemble de la province de l’Est (districts de Trincomalee, Batticaloa et Ampara) est raisonnablement exigible. En principe, l’exécution du renvoi vers la province du Nord ‑ à l’exception de la région du Vanni ‑ est raisonnablement exigible, mais il faut évaluer avec prudence les critères individuels de l’exigibilité, et tenir compte de l’écoulement du temps : pour les personnes provenant de la province du Nord et qui n’ont quitté cette région qu’après la fin de la guerre civile, en mai 2009, l’exécution du renvoi vers cette région est en prin­cipe exigible. Pour les personnes provenant de la province du Nord et dont le dernier séjour dans cette région remonte à plus longtemps, il convient de se renseigner soigneusement sur les conditions actuelles de vie et d’habitat, et d’examiner l’existence de facteurs favorables (présence d’un réseau capable de leur apporter son soutien, assurance de se procurer le minimum vital et un logement). L’exécution du renvoi vers la région du Vanni n’est pas raisonnablement exigible. Pour les personnes provenant de la région du Vanni, il faut examiner la possibilité de refuge interne exigible dans le reste de la province du Nord ou dans d’autres parties du Sri Lanka, ce qui exige la présence de facteurs particulièrement favorables (en particulier, l’existence d’un réseau familial ou social capable de leur apporter son soutien, et de perspectives concrètes permettant de conclure avec certitude à la possibilité d’obtention d’un revenu et d’un logement). Pour les personnes provenant des autres parties du territoire sri lankais, notamment de l’agglomération de Colombo, et qui y retournent, l’exécution du renvoi est en principe exigible.

ATAF 2011/38

2011-2012

Art. 83 al. 4 LEtr

Les juges du Tribunal administratif fédéral considèrent qu’au regard de l’art. 83 al. 4 LEtr, la situation sécuritaire et humanitaire dans la ville de Mazar-i-Sharif se présente aujourd’hui ‑ comme dans la capitale Kaboul et dans la ville de Herat ‑ de manière moins menaçante que dans les autres parties de l’Afghanistan. A condition que des circonstances favorables soient réunies (en particulier l’existence d’un solide réseau social, la possibilité d’accéder au minimum vital et à un logement, un bon état de santé), l’exécution du renvoi vers la ville de Mazar-i-Sharif peut être raisonnablement exigée. Cet arrêt a été confirmé ultérieurement dans ATAF 2011/49 (d).

ATAF 2011/36

2011-2012

Art. 34 al. 2 let. d LAsi, art. 29a al. 3 OA 1, art. 3 al. 2 Règlement Dublin II ; art. 3 et art. 13 CEDH ; art. 33 CR

Le transfert vers la Grèce est considéré comme licite en tant qu’exception à la pratique établie par l’arrêt de principe ATAF 2011/35 lorsque, comme en l’espèce, le requérant d’asile peut compter sur un traitement approprié et sur une procédure d’asile régulière, car les autorités grecques ont expressément accepté son renvoi et ont confirmé l’enregistrement de sa demande d’asile. En outre, durant son séjour de plusieurs années en Grèce, il a bénéficié d’une autorisation adéquate et pouvait travailler légalement. Il n’y a pas de risque de violation du principe de non-refoulement de l’art. 3 CEDH et de l’art. 33 Conv. réfugiés, car aucune persécution individuelle dans le pays d’origine n’a été invoquée.

ATAF 2011/23

2011-2012

Art. 34 al. 2 let. d, art. 17 al. 3 et art. 26 al. 2 LAsi ; art. 7 al. 3 et art. 29a al. 1 et al. 3 OA 1 ; règlement Dublin II

Les dispositions de procédure particulières de l’art. 17 al. 3 LAsi pour la protection des mineurs non accompagnés, introduites lors de la révision partielle de la loi sur l’asile en 2005, sont aussi applicables dans le cadre des procédures Dublin. Dans le centre d’enregistrement et de procédure, il est procédé à l’établissement des faits pertinents quant à une éventuelle compétence d’un Etat tiers pour le traitement de la demande d’asile selon les critères du règlement Dublin II, et quant à d’éventuels obstacles au transfert ou à des motifs de traiter la demande en Suisse. Il s’agit là d’un des « actes de procédure déterminants » de l’art. 17 al. 3 let. b LAsi. C’est pourquoi une personne de confiance doit être désignée à ce moment. Dans les procédures Dublin, l’Office fédéral des migrations doit, avant de procéder à l’établissement des faits pertinents, informer les autorités cantonales compétentes de la présence d’un requérant d’asile mineur non accompagné.

ATAF 2011/27

2011-2012

Art. 8 al. 1 let. e et 32 al. 2 let. c LAsi

Lorsque l’altération des surfaces papillaires n’est pas volontaire et que la prise des empreintes de tous les doigts s’avère être partiellement possible, on ne saurait retenir que l’effacement des lignes papillaires résulte d’un comportement fautif relevant d’une violation du devoir de collaborer. Lorsque l’image des empreintes digitales est de bonne qualité, l’encodage des doigts peut se faire de manière automatique. Si ce rendu est de mauvaise qualité, il est nécessaire que l’encodage se fasse manuellement par un opérateur spécialisé. Ne pas participer à la saisie des empreintes digitales constitue une violation grave de l’obligation de collaborer. La non-entrée en matière sur une demande d’asile, selon l’art. 32 al. 2 let. c LAsi, implique également que l’impossibilité de saisir les empreintes digitales soit imputable à faute au requérant. Lorsque le requérant sabote sciemment la saisie, la mauvaise qualité ou la destruction de ses empreintes ne pouvant notamment pas s’expliquer de la manière exposée, il empêche par sa faute l’autorité de procéder de manière concrète à l’instruction de sa demande. L’Office fédéral des migrations (ODM) doit verser au dossier un rapport précis et détaillé des relevés des empreintes digitales, mentionnant notamment les qualifications du collaborateur impliqué. L’ODM doit entendre le requérant sur les raisons particulières de l’échec de la prise d’empreintes. En l’absence d’éléments suffisants permettant de conclure à une violation de l’obligation de collaborer imputable à faute au requérant, l’ODM est invité à instruire la cause en donnant, le cas échéant, mandat à un spécialiste externe, aux fins d’établir si les altérations sont d’origine volontaire ou non. L’ODM ne peut pas se contenter de l’absence d’explications valables de la part du requérant, de considérations non scientifiques et du message d’erreur dans le système automatique d’identification des empreintes digitales pour conclure à une violation fautive de l’obligation de collaborer.

ATAF 2011/30

2011-2012

Art. 32, 35a LAsi ; art. 58 al. 1 et 2 PA

En cas de recours contre des décisions de non-entrée en matière par lesquelles l’Office fédéral des migrations (ODM) refuse d’examiner le bien-fondé de la demande d’asile (art. 32 ‑ art. 35a LAsi), le pouvoir d’examen de l’autorité de recours est limité, dans la pratique, à examiner si l’instance inférieure a refusé à juste titre d’entrer en matière sur la demande d’asile. Il y a lieu de procéder à la constatation de la nullité d’une décision de l’ODM par laquelle celui-ci, après la fin de l’échange d’écritures, a annulé sa décision de non-entrée en matière qui était attaquée devant le Tribunal administratif fédéral et l’a remplacée par une nouvelle décision de non-entrée en matière (fondée sur une autre disposition légale), sans informer le Tribunal administratif fédéral de cette nouvelle décision.

ATAF 2011/37

2011-2012

Art. 32 al. 2 let. a LAsi, art. 29 al. 2 Cst., art. 26, art. 27, art. 28, art. 29, art. 30 al. 1 et art. 35 PA

Le requérant d’asile rend vraisemblable le fait qu’il n’ait pas détenu, au moment de son entrée en Suisse, des documents de voyage ou pièces d’identité authentiques pouvant être remis dans les 48 heures qui ont suivi sa demande d’asile, car ses déclarations sur le comportement des passeurs qui l’ont contraint, alors qu’il était en Turquie, de se débarrasser de son passeport sont plausibles. Les constatations relatives à l’authenticité d’une carte d’identité, consignées dans une note de dossier, sont soumises au droit d’accès au dossier ; en raison des obligations incombant à l’Office fédéral des migrations (ODM) concernant la gestion du dossier, ces constatations doivent être consignées de manière à ce que l’on puisse reconnaître comment l’Office a obtenu ces informations et sur la base de quelles constatations il a conclu à l’existence d’indices de falsification. Avant de prendre sa décision, l’ODM est tenu de donner au requérant l’occasion de prendre position sur les indices de falsification de sa carte d’identité consignés dans une note du dossier, s’il fonde sa décision sur cette note. Dans sa décision, l’ODM doit exposer de manière compréhensible les motifs pour lesquels il estime que la carte d’identité n’est pas authentique.

ATAF 2011/39

2011-2012

Art. 11 al. 1 et art. 48 al. 1 PA

L’engagement d’une procédure d’asile depuis l’étranger par une personne capable de discernement (majeure ou mineure) est un acte strictement personnel non susceptible de représentation. Lorsqu’une demande personnelle fait défaut, il est possible pour la personne intéressée de réparer le vice au cours de la procédure de première instance, par exemple à l’occasion d’une audition. Lorsque, lors de la procédure de première instance, le prétendu demandeur d’asile ne s’est jamais présenté personnellement devant une autorité d’asile suisse en Suisse ou à l’étranger, il n’est pas établi qu’il ait réellement voulu déposer une demande d’asile. Il est ainsi impossible de déterminer s’il a pris part à la procédure devant l’autorité inférieure en tant que requérant, et s’il a, par conséquent, qualité pour recourir.

ATAF 2011/29

2011-2012

Art. 1 F let. b CR, art. 53 LAsi

En principe, la reconnaissance de la qualité de réfugié doit être examinée avant l’exclusion de cette qualité (« inclusion before exclusion ») (art. 1 F let. b CR). On ne peut imputer de manière globale à un membre du commandement des Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE) tous les délits de cette organisation ; il faut au contraire tenir compte de sa position et de son influence personnelles. En l’espèce, les actes imputables au recourant (participation à des attaques contre des camps de l’armée et affrontements armés avec des soldats) sont considérés comme des délits politiques et, par conséquent, les conditions pour l’exclusion de la qualité de réfugié au titre de l’art. 1 F let. b Conv. réfugiés ne sont pas remplies. La notion d’actes répréhensibles au sens de l’article 53 LAsi vise également des infractions qui ne tombent pas sous le coup de l’art. 1 F let. b CR. Elle correspond à la notion de crime de l’art. 10 al. 2 CP. En l’espèce, l’indignité du recourant est admise en raison du soutien logistique et militant qu’il a accordé aux LTTE pendant des années (art. 53 LAsi).

ATAF 2011/51

2011-2012

Art. 1 A ch. 2 CR et art. 3 LAsi

Le Tribunal administratif fédéral relève dans cet arrêt que la reconnaissance de la qualité de réfugié ne dépend pas de l’auteur de la persécution, mais de la possibilité d’obtenir, dans l’Etat d’origine, une protection adéquate contre cette persécution (théorie de la protection). La qualité de réfugié ne peut pas être niée à la personne qui a subi une persécution dans une partie du pays, au motif que celle-ci disposerait d’une possibilité de protection interne dans une autre partie du pays, si elle se retrouvait, au lieu de la protection interne, dans une situation menaçant son existence (précision de la jurisprudence).

ATAF 2010/56

2010-2011

Art. 34 al. 2 let. a et al. 3 let. b LAsi

L’Italie a reconnu la qualité de réfugié à un Erythréen qui a par la suite déposé une demande d’asile en Suisse. Le règlement Dublin II visant la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile ne s’applique pas lorsque la qualité de réfugié a déjà été reconnue par un Etat. De même, dans un tel cas, l’application de l’art. 34 al. 2 let. d LAsi est exclue. La tenue d’une audition selon l’art. 29 LAsi n’exclut pas une décision de non-entrée en matière. L’Italie étant qualifiée d’« Etat sûr » par le Conseil fédéral, l’exception de l’art. 34 al. 3 let. b LAsi n’est pas réalisée et l’intéressé peut y retourner sans que le principe de non-refoulement ne soit violé, ni que la décision de non-entrée en matière ne soit injustifiée.

Art. 83 al. 4 LEtr

Procédure d’asile.

L’ODM est tenu, en qualité d’autorité inférieure, de se conformer à la jurisprudence du TAF en tant qu’autorité de dernière instance. Ce principe s’applique également lorsqu’il s’agit de savoir si l’exécution du renvoi de demandeurs d’asile déboutés dans leur pays d’origine est de façon générale raisonnablement exigible. L’ODM ne peut développer une pratique en fonction des pays qui lui serait propre et qui contredirait la jurisprudence du TAF, telle qu’elle est publiée ou communiquée de toute autre manière.

Art. 2, art. 3 et art. 6 CEDH ; art. 83 al. 3 LEtr

De nombreux rapports, notamment de l’ONU, indiquent que la situation en Chine est préoccupante dans le domaine des droits humains et font état de mauvais traitements et d’emploi de la torture sur des détenus, surtout concernant les minorités ethniques et les individus ayant quitté illégalement la Chine pour aller demander l’asile dans un autre Etat.

Il n’existe pourtant pas de risque sérieux d’une condamnation à mort pour un ressortissant chinois condamné à une peine de cinq ans et demi de réclusion pour brigandage pour avoir participé à une agression mortelle contre un restaurateur, l’intéressé ne faisant partie d’aucune minorité ethnique et n’ayant pas quitté la Chine de manière illégale. De plus, il est fort peu probable que les autorités chinoises réexaminent sa culpabilité dans l’agression du restaurateur, étant donné qu’un des participants a déjà été condamné en tant qu’auteur principal. Ainsi, il n’existe pour l’intéressé aucun risque réel de mauvais traitement.

ATAF 2010/57

2010-2011

Art. 3 al. 1 et art. 7 LAsi

Il existe un risque réel de persécution réfléchie pour un ressortissant congolais dont le frère est un activiste dans le domaine des droits de l’homme au Congo (Kinshasa) qui critique les autorités de son pays. La qualité de réfugié et l’asile en Suisse avaient été obtenus par d’autres membres de sa famille quelques années auparavant, l’ODM se basant déjà sur une crainte fondée de persécution en raison des activités du frère.

ATF 137 I 128

2010-2011

Art. 29a et 190 Cst., art. 6, 8 et 13 CEDH, art. 2 § 3 let. a et art. 14 § 1 Pacte ONU II et art. 14 al. 4 LAsi

Le recours constitutionnel subsidiaire est ouvert pour se plaindre du refus de reconnaître la qualité de partie en procédure cantonale en application de l’art. 14 al. 4 LAsi (consid. 3.1). Le défaut de voie de recours judiciaire contre la décision de l’administration cantonale refusant d’ouvrir une procédure en autorisation de séjour en application de l’art. 14 al. 4 LAsi contrevient à la garantie constitutionnelle offerte par l’art. 29a Cst., ce que le Tribunal fédéral ne peut que constater en application de l’art. 190 Cst. (consid. 4.3). Il ne viole en revanche ni les art. 6, 8 et 13 CEDH ni les art. 2 § 3 let. a et 14 § 1 Pacte ONU II (consid. 4.4).

ATAF E-6525/2009

2009-2010

Selon l’arrêt de principe ATAF E-6525/2009 du 29 juin 2010, un requérant d’asile peut invoquer une disposition spécifique du règlement « Dublin » pour autant que celle-ci soit directement applicable (« self-executing »). Tel est le cas si une disposition est formulée de manière suffisamment précise et claire, qu’elle s’adresse aux autorités d’application et qu’elle vise la protection des droits des requérants d’asile. L’article 20 alinéa 1 lettre d et l’alinéa 2 du règlement « Dublin » serait suffisamment précis, formulé de manière claire et s’adressant aux autorités d’application. Par ailleurs, ces dispositions visent la protection des droits des requérants d’asile, soit le droit au traitement de la demande d’asile dans un délai raisonnable. La personne requérante peut dès lors invoquer ces dispositions. Si la personne se trouve encore en Suisse, elle peut en principe demander que la Suisse devienne le pays responsable si le délai de renvoi vers un autre pays « Dublin » est dépassé. Les cas d’abus de droit restent réservés. Si par contre la personne requérante a été renvoyée et qu’après analyse il s’avère que l’Etat tiers admet toujours sa responsabilité pour le traitement de la demande, il existe la présomption – qui peut être contestée – que cet Etat assume sa responsabilité en matière de traitement de la demande. Dans le cas d’espèce, l’Italie a maintenu son statut d’Etat responsable. Les recourants n’ont pas apporté de preuve contraire qui aurait pu invalider cette présomption. Dès lors, l’ODM a rejeté à juste titre la demande de réévaluation. Le constat de l’applicabilité directe des dispositions du règlement « Dublin » qui vise la protection des droits des requérants d’asile doit être salué sur le plan du principe. Toutefois, étant donné qu’il n’existe pas de possibilité de sanction si l’autre Etat continue à s’estimer responsable, cette protection reste relative.

ATAF E-5841/2009

2009-2010

« Dublin » permet de renvoyer des requérants d’asile vers un Etat membre dans lequel la personne concernée a déjà séjourné de façon avérée. Depuis décembre 2008, l’ODM a jusqu’à présent appliqué les renvois sans les assortir d’un délai. Dans l’arrêt ATAF E-5841/2009 du 2 février 2010, il s’agit d’un ressortissant afghan ayant longtemps vécu au Pakistan et qui rejoint la Suisse par le biais de plusieurs destinations intermédiaires identifiables, dont la Grèce. Cette dernière étant considérée comme responsable pour le traitement de cette demande d’asile, l’ODM n’entre pas en matière, place le requérant en détention et lui fait prendre un avion pour la Grèce dès le lendemain. Depuis l’admission de ce recours, l’ODM (sur demande du TAF), ainsi que l’OSAR engagée sur ce recours, ont tenté en vain de retrouver le recourant par le biais des autorités grecques. Rappelant les contradictions avec les articles 45 al. 1 let. b LAsi, l’article 39 let. b et 41 al. 2 PA, le TAF considère que la pratique de l’ODM consistant à transférer le requérant immédiatement après la notification de la décision de non-entrée en matière, est dépourvue de base légale. Il estime désormais que la question de l’octroi de l’effet suspensif doit pouvoir être examinée alors que le requérant d’asile se trouve encore en Suisse et qu’un délai approprié doit être accordé afin que soit possible une protection à titre provisionnel effective dans le cadre de l’introduction au recours.

ž Avec cette décision de principe importante, le TAF souhaite assurer une protection juridictionnelle effective en cas de transfert immédiat vers l’Etat Dublin considéré comme responsable. Il se garde pour l’instant de trancher la question des renvois « Dublin » dans des Etats européens tel que la Grèce et l’Italie qui ne remplissent pas un droit d’accès à une procédure d’asile équitable et des conditions d’hébergement minimales. Ces deux pays prévoient un traitement des requérants d’asile qui fait l’objet de beaucoup de réserves de la part du HCR et des organisations engagées dans ce domaine, en particulier sur les possibilités d’hébergement des familles. Tout en niant l’existence d’indices relatifs à des violations de l’interdiction du renvoi ou l’interdiction de la torture, l’ODM renonce néanmoins en principe à des renvois dans le cas de personnes particulièrement vulnérables.

Dans deux arrêts ATAF D-7561/2008 et D-7558/2008 du 15 avril 2010, le TAF traite la question de l’exécution des renvois vers la Serbie de ressortissants de la minorité serbe du Kosovo qui font valoir leur nationalité et ethnie serbes, ont toujours vécu au Kosovo et subi des exactions de la part de la partie albanaise de la population.

L’ODM considère en principe le renvoi les ressortissants serbes vers le Kosovo – excepté au nord du Kosovo – comme non exigible. Cependant, le TAF analyse l’alternative de résidence en Serbie. Après avoir pris acte de la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo par la Suisse et de la classification dudit pays parmi les « pays sûrs » depuis le 1er avril 2009, le TAF se penche sur la situation de la minorité serbe du Kosovo vivant en Serbie. Les personnes enregistrées en Serbie comme des réfugiés internes tout comme d’autres Serbes ayant fui le Kosovo disposent en principe des mêmes droits en termes d’accès aux installations scolaires et sanitaires que les Serbes « de souche ». Le TAF admet cependant que l’accès aux infrastructures scolaires et sanitaires peut se révéler difficile. Par ailleurs, les Serbes du Kosovo sont plus fortement frappés par la précarité économique. Après une domiciliation en Serbie, il serait cependant possible de demander l’aide sociale et l’ensemble des recourants d’asile déboutés peuvent obtenir les papiers nécessaires auprès des autorités serbes. Globalement, l’exécution du renvoi de Serbes du Kosovo vers la Serbie paraît exigible. Dans le cas concret, l’exigibilité doit être analysée en tenant compte des facteurs garantissant un minimum vital économique, des relations avec la Serbie et de l’intégration sociale.

Selon l’ATAF D-764-2010 du 2 juillet 2010, le TAF considère que, compte tenu des risques devenus notoires – en tout cas concernant la Grèce – qui menacent en cas de transfert (conditions d’accueil et de procédure précaires ou/et le danger du refoulement vers le pays d’origine), il n’apparaît pas tenable de continuer à renvoyer des personnes vers ce pays. Le TAF tient au moins compte depuis un certain temps de la situation grecque. Il a ainsi invité l’ODM de procéder à des évaluations concrètes relatives à l’exigibilité de l’exécution du renvoi vers la Grèce.

ATAF D-6069/2008

2009-2010

žDans l’arrêt ATAF D-6069/2008 du 3 février 2010, le recourant est un ressortissant irakien entré illégalement en Suisse le 11 août 2008 et qui demande l’asile le jour même de son entrée en Suisse. N’ayant pas présenté de papiers, on lui demande de les produire dans les 48 heures. Le recourant signe alors un document qui lui rappelle ses devoirs en la matière. Lors de la première audition, le requérant déclare ne pas posséder de passeport mais une carte d’identité qui se trouve chez ses parents. Interrogé sur ses intentions, il dit vouloir tout entreprendre pour les récupérer. Le 16 septembre 2008, l’ODM décide de ne pas entrer en matière sur cette demande en vertu des articles 32 al. 2 let. a et al. 3 LAsi. Par ailleurs, l’ODM enjoint le plaignant à quitter le territoire le premier jour d’entrée en force de sa décision. Par le biais d’un recours au TAF, le recourant demande l’annulation de l’ordonnance de renvoi de l’ODM, de sorte que son dossier soit renvoyé à l’ODM pour examen de la demande d’asile. Dans son recours, il indique avoir pu contacter sa sœur et certifie que sa carte d’identité arrivera en Suisse sous peu par voie postale. Par lettre d’accompagnement du 25 septembre 2008, le recourant présente sa carte d’identité au TAF munie des documents d’acheminement (shipping-papers). L’ODM demande malgré tout le rejet du recours.

ž Sur le plan du droit, l’arrêt porte principalement sur la distinction entre motifs recevables (art. 32 al. 3 let. a à c LAsi) quant au non-respect de l’obligation de présenter des papiers d’identité dans les 48 heures et les motifs non recevables (application stricte de l’art. 32 al. 3 let. a LAsi : non-entrée en matière si pas de papiers dans les 48 heures). In casu, les conditions d’application de l’article 32 al. 2 let. a LAsi sont données (non-respect des 48 heures). L’ODM estime que l’article 32 al. 3 LAsi ne s’applique pas. Selon lui, si le recourant a réussi à trouver 12'000 dollars en trois jours pour quitter le pays, il aurait également pu récupérer sa pièce d’identité. L’ODM insiste sur cette position, malgré la production des papiers plus tard, en estimant qu’au moment de l’audition, aucune raison valable ne pouvait être avancée pour statuer en faveur du recourant. Le TAF pose dès lors la question de savoir si le fait d’avoir produit des papiers plus tard peut être considéré comme suffisant pour remplir la condition de l’article 32 al. 3 let. a LAsi. En consacrant le délai de 48 heures et ses exceptions, le but du législateur était de combattre les situations de fraude ou de dissimulation de la réalité qui avaient été constatées auparavant. Cette disposition ne s’applique cependant pas si le demandeur d’asile peut faire valoir de manière crédible que, pour des raisons excusables, il n’est pas en mesure de produire ses papiers, voire si l’on est face à des indices de persécution que l’on ne peut pas considérer de manière évidente comme non fondés. Le requérant d’asile peut faire la preuve que dans sa situation l’article 32 al. 2 let. a LAsi ne s’applique pas afin de pouvoir bénéficier de l’application de l’article 32 al. 3 let. a LAsi. Concernant les raisons excusables, on peut déduire des révisions antérieures (LAsi de 1998) que des raisons valables existent quand la personne peut faire admettre qu’elle n’a pas intentionnellement caché ses papiers pour pouvoir rester plus longtemps en Suisse. Sur cette base, il se pose, dans le cas présent, la question de statuer sur la situation d’une personne qui dispose de papiers valables sans pour autant pouvoir les produire dans les 48 heures car ses papiers se trouvent dans son pays d’origine. On peut partir du principe que les gens savent qu’il faut produire des papiers quand on demande l’asile. Cependant, ce devoir ne devient réel qu’au moment de déposer une demande. Il peut y avoir différentes raisons qui expliquent l’absence de papiers. Si la personne peut faire admettre qu’elle entend tout mettre en œuvre pour récupérer ses papiers, elle remplit son devoir de coopération. In casu, il ressort des procès-verbaux d’audition dans le centre d’accueil que le recourant a décrit de manière précise, plausible et crédible son trajet d’Irak en Suisse. Par ailleurs, rien n’indique qu’il a souhaité soustraire des informations sur son identité aux autorités suisses. Il a par ailleurs produit sa pièce d’identité. Il a dès lors respecté les articles 8 al. 1 let. a (devoir de divulguer son identité) et let. d (produire sa pièce d’identifié) LAsi. Le recourant n’appartient dès lors pas à la catégorie de personnes requérant l’asile dont le législateur a souhaité sanctionner le comportement par une décision de non-entrée en matière selon l’article 32 al. 2 let. a LAsi et placer moins bien dans la procédure. On constate que le recourant peut faire valoir des raisons excusables au sens de l’article 32 al. 3 let. a LAsi sur la base de ces indications crédibles quant à son voyage et à l’emplacement de sa carte d’identité, ainsi qu’en tenant compte du fait de sa production ultérieure. L’article 32 al. 2 let. a LAsi ne s’applique donc pas.

ATAF D-4210/2009

2009-2010

Dans l’arrêt ATAF D-4210/2009 du 12 février 2010, le TAF se penche sur la forme et la notification des décisions, en particulier sur la portée des notifications orales admises en procédure administrative fédérale à titre exceptionnel (art. 34 al. 2 PA ; art. 13 al. 1 LAsi). En l’espèce, l’ODM rend une décision de non-entrée en matière (art. 32 al. 2 let. a LAsi), prononce le renvoi de Suisse du recourant et ordonne l’exécution de la mesure un jour après son entrée en force par le biais d’une simple notification orale au terme de l’audition sur les motifs de la demande d’asile. Tout en rappelant la nécessité de pouvoir notifier rapidement les décisions en matière d’asile qui sont à l’origine de l’article 13 LAsi, le TAF insiste sur le fait que le procès-verbal qui consigne la notification orale et la motivation doit être conforme, quant à son contenu, aux exigences posées à l’article 35 al. 1 PA. Le fait que le procès-verbal d’audition et le procès-verbal de décision ne soient pas séparés ne pose pas de problème. Toutefois, le procès-verbal de décision n’est pas suffisamment motivé sur les questions touchant au renvoi et à son exécution. Il n’indique rien sur les raisons pour lesquelles le renvoi peut être prononcé, ne cite même pas l’article 83 LEtr, ne dit rien sur l’examen des conditions d’exigibilité, ni sur le caractère possible de cette mesure. Partant, l’ODM a violé le droit d’être entendu du recourant et l’annulation de la décision. Cette violation grave de procédure exclut toute réparation.

ATAF E-1955/2008

2008-2009

Art. 83 al. 4 LEtr

Admission provisoire accordée par le TAF à une requérante d’asile camerounaise, victime de la traite et infectée par le VIH. L’art. 83 al. 4 LEtr ne saurait être interprété comme conférant un droit général d’accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l’infraction hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d’origine ou de destination n’atteint pas le standard élevé qu’on trouve en Suisse. Ce qui importe c’est la possibilité pratique d’accès à des soins, même alternatifs, en adéquation avec l’état de santé de la personne. Des traitements médicamenteux d’une génération plus ancienne et moins efficaces peuvent, selon les circonstances, être considérés comme adéquats. Le traitement ne serait plus adéquat au sens de l’art. 83 al. 4 LEtr si, en raison de l’absence de possibilités de traitement adéquat, l’état de santé de l’intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique. Dans le cas d’espèce, les thérapeutes en charge de l’intéressée considèrent comme hautement probable la prochaine nécessité d’un traitement anti-rétroviral et des contrôles périodiques indispensables. L’accessibilité du traitement est de première importance. Selon le TAF, il apparaît que l’exécution du renvoi exposerait l’intéressée à un danger grave et imminent pour sa santé en raison de la conjugaison de facteurs spécialement défavorables.

ATAF E-4207/2006

2008-2009

žArt. 1 D al. 1 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés

Cette disposition ne doit pas être comprise comme excluant d'une façon générale du champ d'application de cette convention les personnes palestiniennes se trouvant sous le mandat de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), et comme excluant par conséquent une éventuelle reconnaissance du statut de réfugié de ces personnes. En effet, l'UNRWA ne peut pas assurer ni procurer une protection contre la persécution qui soit comparable à la protection durable que procure contre les persécutions le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (ci-après HCR). L'obligation d'examiner individuellement si, sur la base de leurs allégations, ils remplissent les conditions de reconnaissance du statut de réfugié selon l'art. 1 A ch. 2 CR et l'art. 3 LAsi, s'applique donc aussi aux requérants d'asile palestiniens relevant du mandat de l'UNRWA, mais se trouvant hors de sa zone d'action.

ATF 135 I 119

2008-2009

žArt. 12 Cst., art. 82 al. 4 LAsi

Aide d'urgence aux requérants d'asile dont la requête a été écartée par un refus d'entrer en matière. L'aide d'urgence exclusivement en nature pour le logement et la nourriture ne viole pas, en soi, le droit d'obtenir de l'aide en situation de détresse, garanti par l'art. 12 Cst. Prise en considération des circonstances personnelles. Le point de savoir si des prestations en espèces (argent de poche) doivent être remises en plus des prestations en nature, à tout le moins pour des éventualités où l'aide d'urgence se prolonge, a été laissé ouvert. In casu, le recourant avait eu la possibilité d'obtenir une rémunération en participant à des programmes d'occupation. Cela suffisait en tout cas à garantir le respect de l'art. 12 Cst. Voies de droit pour contester les conditions concrètes d'hébergement dans un centre collectif.

ATF 135 II 110

2008-2009

žArt. 1, 32 et 33 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, art. 10 al. 1 let. a, art. 11 et 14a-c LSEE, art. 16 RSEE, art. 5 et 63 ss LAsi, art. 83 LEtr

Expulsion d'un ressortissant cambodgien bénéficiant du statut de réfugié. Rapport entre les notions d'expulsion du droit des étrangers, de révocation de l'asile et d'admission provisoire. L'expulsion d'un réfugié reconnu comme tel, dont l'asile a été révoqué, se justifie seulement quand, fondée sur l'ensemble des circonstances déterminantes, elle apparaît proportionnée; à cet égard, seul l'examen des aspects qui concernent l'inadmissibilité de l'exécution du renvoi peut être renvoyé à la procédure d'admission provisoire. L'expulsion, respectivement la révocation de l'autorisation d'établissement malgré le statut reconnu de réfugié, suppose un risque de récidive suffisamment concret et pas uniquement abstrait.

Directive 2004/83/CE (Directive dite « Qualification »)

La demande de décision préjudicielle à la CJCE porte sur l’interprétation de l’art. 15 lit. c de la Directive 2004/83/CE sur les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié. Deux ressortissants irakiens, les époux Elgafaji présentent des demandes de permis de séjour temporaire aux Pays-Bas, accompagnées d’éléments tendant à prouver le risque réel auquel ils seraient exposés en cas d’expulsion vers leur pays d’origine. A l’appui de leur argumentation, ils ont invoqué le fait qu’ils avaient été au service d’une entreprise britannique de sécurité et que l’un des oncles de la famille, employé de cette même entreprise, avait été tué par des milices assorti de la menace « Mort aux collaborateurs ». Refus d’octroi des permis temporaires au motif qu’ils n’ont pas démontré le risque réel de menaces graves et individuelles auxquelles ils prétendaient être exposés en Irak. La CJCE dit pour droit que l’art. 15 lit. c de la Directive doit être interprété en ce sens que l’existence de menaces graves et individuelles contre la vie de la personne du demandeur de protection subsidiaire n’est pas subordonnée à la condition que ce dernier rapporte la preuve qu’il est visé spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle. L’existence de menace peut exceptionnellement être établie lorsque le degré de violence aveugle caractérisant le conflit armé en cours atteint un niveau si élevé qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’un civil renvoyé courrait le risque réel de subir lesdites menaces.

ATAF E-1269/2009

2008-2009

Art. 6a al. 2 let. b et art. 34 al. 2 let. d LAsi, art. 3 CEDH, art. 3 Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants

Fahad K. dépose une première demande d’asile en Suisse en 2007 qui fait l’objet d’une non entrée en matière par l’ODM fondée sur l’art. 6a al. 2 let. b LAsi. Fahad K. avait en effet séjourné en Suède, pays désigné par le Conseil fédéral comme un Etat tiers sûr. La Suède ayant déclaré être disposée à le réadmettre sur son territoire et Fahad K. n’ayant fait valoir aucun motif de nature à renverser la présomption de respect par ce pays du principe de non refoulement, son renvoi en Suède est licite et ce bien que Fahad K. fasse valoir que la pratique suédoise serait devenue très restrictive pour les requérants d’asile irakiens. En tant qu’ancien interprète pour les forces américaines, il risquerait un réel danger de mort en étant renvoyé par la Suède en Irak. Le TFA relève que les autorités suisses n’ont pas la compétence de contrôler la pratique et les décisions en matière d’asile et de droit des étrangers ainsi que les modalités de procédure des autres pays appliquant le règlement Dublin. Il relève que tous les Etats liés par Dublin sont signataires de la Convention de Genève relative aux réfugiés et de la CEDH. Au regard de l’art. 3 CEDH, le TFA considère que l’intéressé n’a pas été en mesure d’établir l’existence d’un risque personnel, concret et sérieux d’être soumis, en cas de renvoi de Suède, à un traitement prohibé par l’art. 3 CEDH. Il n’a selon lui pas démontré en quoi la Suède faillirait à ses obligations internationales en le renvoyant dans son pays d’origine. Cet arrêt est à lire en parallèle avec celui de la Cour EDH concernant la Grèce (cf. ci-dessus Cour EDH, Décision S. D. c. Grèce, du 11 juin 2009, Requête n° 53541/07). Le Règlement Dublin tend en effet à être appliqué de manière automatique par les Etats qui en sont membres. Les autorités considèrent ainsi que le renvoi vers un Etat « Dublin » est de toute manière « sûr ». Comme cela a été relevé pour la Grèce par la Cour EDH, cette présomption automatique de sécurité est à relativiser. La règle impérative de droit international d’interdiction d’un « refoulement en cascade » aurait pu en l’espèce être analysée avec moins de retenue par le TAF.

ATAF E-6941/2007

2008-2009

Art. 17b LAsi

Une décision de l'ODM par laquelle celui-ci, dans une procédure de réexamen, fixe une avance de frais au titre de l'art. 17b LAsi et rejette en même temps la demande de suspension de l'exécution du renvoi, ne peut pas être attaquée en ce qui concerne la perception de l'avance de frais, mais peut l'être en ce qui concerne le refus de la suspension requise, car ce refus peut entraîner un préjudice irréparable au sens de l'art. 107 al. 2 let. a LAsi. Une décision incidente dans laquelle l'ODM déclare que la demande de réexamen est vouée à l'échec et oppose un « silence qualifié » à la demande de suspension de l'exécution du renvoi - en corrélation avec l'art. 112 LAsi - doit être considérée comme un refus implicite de la suspension requise.

ATF 6B_128/2009

2008-2009

žArt. 116 LEtr

L'incitation à un séjour illégal suppose toutefois que l'auteur mette un logement à disposition de l'étranger sans autorisation pendant une certaine durée. La mise à disposition d'un logement pour seulement quelques jours ne suffit pas, car un tel comportement n'est pas de nature à entraver l'action administrative. L'octroi d'un gîte pour quelques jours ne témoigne pas d'une volonté délictueuse. Un toit est nécessaire pour vivre et cette contribution ne vise donc pas à favoriser l'auteur.

Règlement (CE) n° 343/2003 (Dublin)

Le Règlement n° 343/2003 établit les critères et les mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers. Les membres de la famille Petrosian a introduit le 22 mars 2006 des demandes d’asile en Suède. L’examen de ces demandes a révélé que les intéressés avaient déjà introduit d’autres demandes, en particulier en France. Le Migrationsverket demande donc à la France de les reprendre en vertu de l’art. 16 par. 1 lit. e du Règlement n° 343/2003. Conformément à l’art. 20 par. 1 lit. d du Règlement, le transfert d’un demandeur d’asile vers l’Etat membre qui est tenu de le réadmettre s’effectue dès qu’il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l’acceptation de la demande aux fins de reprise en charge par un autre Etat membre ou de la décision sur le recours ou la révision en cas d’effet suspensif. Selon le paragraphe 2 du même art., lorsque le transfert n’est pas exécuté dans ce délai de six mois, la responsabilité incombe à l’Etat membre auprès duquel la demande d’asile a été introduite. Le libellé de ces dispositions ne permet pas en soi de déterminer si le délai d’exécution du transfert court déjà à compter d’une décision juridictionnelle provisoire suspendant la mise en œuvre d’une procédure de transfert ou uniquement à compter d’une décision juridictionnelle qui statue sur le bien-fondé de ladite procédure. La CJCE arrête que cette disposition doit être interprétée en ce sens que, lorsque la législation de l’Etat membre requérant prévoit l’effet suspensif d’un recours, le délai d’exécution du transfert court, non pas à compter de la décision juridictionnelle provisoire suspendant la mise en œuvre de la procédure de transfert, mais seulement à compter de la décision juridictionnelle qui statue sur le bien-fondé de la procédure et qui n’est plus susceptible de faire obstacle à cette mise en œuvre.

Art. 29 et 36 Directive 2005/85/CE relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres (appelée Directive « Procédure »)

Le Parlement européen soulève, en substance, la question de savoir si le Conseil pouvait légalement prévoir l’adoption et la modification des listes des pays sûrs à la majorité qualifiée. Conformément à l’art. 67 par. 2 CE, la CJCE indique que reconnaître à une institution la possibilité d’établir des bases juridiques dérivées, que ce soit dans le sens d’un renforcement ou dans celui d’un allègement des modalités d’adoption d’un acte, reviendrait à lui attribuer un pouvoir législatif qui excède ce qui est prévu par le traité CE. Cela conduirait à porter atteinte au principe de l’équilibre institutionnel qui implique que chaque institution exerce ses compétences dans le respect de celle des autres. L’adoption de bases juridiques dérivées ne saurait non plus être justifiée par le caractère politiquement sensible de la matière concernée ou par souci d’efficacité. Il en résulte pour la Cour que le Conseil, en insérant dans la Directive 2005/85 les bases juridiques dérivées constituées par les art. 29 et 36, a violé l’art. 67 CE, excédant les compétences qui lui sont conférées. L’adoption future des listes des pays sûrs doit respecter les procédures instaurées par le CE.