Art. 8 CEDH

Des ressortissants turcs et marocains ayant obtenu la nationalité française en sont déchus, conformément à la procédure prévue par le code civil français, en raison de leur soutien financier et logistique à l’organisation terroriste islamique « groupe islamique combattant marocain ». Une telle mesure ne porte pas atteinte à la vie familiale protégée par l’art. 8 CEDH étant donné qu’elle ne comporte pas d’obligation de quitter le territoire français et que, si une telle obligation devait survenir dans le futur, les requérants peuvent faire valoir leur droit à la vie familiale à ce moment-là. La nationalité constitue toutefois un élément de l’identité des personnes et la question peut, dès lors, être analysée sous l’angle de la protection de la vie privée, garantie par le même article. Dans le cas d’espèce, les procédures de déchéance litigieuses interviennent plus de dix ans après la commission des infractions, presque huit ans après le jugement de première instance et presque sept ans après l’arrêt d’appel. Le laps de temps écoulé entre les condamnations et les procédures de déchéance de nationalité ne suffit pas à lui seul à qualifier de telles mesures d’arbitraires. En effet, un Etat est légitimé, sous condition d’un strict contrôle de proportionnalité, à « reprendre avec une fermeté renforcée l’évaluation du lien de loyauté et de solidarité existant entre lui-même et des personnes condamnées antérieurement pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ». En outre, s’il est vrai que les mesures litigieuses affectent bel et bien l’identité des requérants, la Cour tient compte du contexte dans lequel lesdites mesures ont été effectuées (attentats terroristes frappant la France en 2015), de la gravité des infractions commises par les requérants et, notamment, de l’exclusion du risque d’apatridie. Effectivement, tous les requérants sont détenteurs d’une autre nationalité. Partant, l’atteinte à leur vie privée ne constitue pas une ingérence disproportionnée, contraire à l’art. 8 CEDH.