Art. 3 LPM al. 1, Art. 6 LPM, Art. 11 LPM, Art. 13 LPM

Le droit à la marque confère, selon l’art. 13 LPM, au titulaire le droit exclusif de faire usage de la marque pour distinguer les produits ou les services enregistrés et d’en disposer. Le titulaire peut interdire à des tiers l’usage des signes qui sont similaires à une marque antérieure et destinés à des produits ou services identiques ou similaires, lorsqu’il en résulte un risque de confusion (art. 13 al. 2 LPM en lien avec l’art. 3 al. 1 lit. c LPM). Un tel risque existe lorsque le signe le plus récent porte atteinte à la force distinctive de la marque antérieure. Tel est le cas lorsqu’il doit être craint que les cercles des destinataires pertinents soient induits par la similitude des signes et attribuent les produits qui portent l’un ou l’autre de ceux-ci au mauvais titulaire de la marque ; ou lorsque le public fait bien la différence entre les signes, mais déduit de leur similitude de faux liens entre leurs titulaires (consid. 2.1). L’autorité précédente a constaté que l’intimée No 1 a enregistré ses marques « OTTO-Versand » pour la Suisse en 1979 et « OTTO » en 1994, alors que la recourante a déposé elle ses marques « OTTO’S » et « OTTO’S » (fig.) en 1998 et 1999 (consid. 2.2). L’intimée peut ainsi prétendre à un droit de priorité pour les produits et services enregistrés par les deux parties, au sens de l’art. 6 LPM (consid. 2.2.1). Ne peut par contre pas être suivi le point de vue de l’autorité précédente selon lequel la prestation de service « vente par correspondance » pour laquelle l’intimée 1 bénéficie d’un droit de priorité par rapport à la recourante, concernerait la vente de produits sur Internet. La simple vente ou distribution de produits n’entre pas dans la notion de prestations de service de commerce de détail, indépendamment du type de canaux de vente par lesquels elle intervient. La vente de marchandise sur catalogue ou par Internet ne constitue pas un service au sens du droit des marques ; au contraire, les produits vendus sont distingués par la marque, quel que soit leur mode de distribution (consid. 2.2.2). L’art. 11 al. 1 LPM prévoit qu’après l’échéance du délai de carence de l’art. 12 LPM, la marque est protégée pour autant qu’elle soit utilisée en relation avec les produits ou les services enregistrés. Cette obligation d’usage correspond à la fonction commerciale de la marque et tend simultanément à empêcher que des marques soient enregistrées quasiment à titre de réserve. En cas de non-usage, une action en radiation peut être intentée (consid. 2.3). En vertu du principe de la territorialité, le droit à la marque n’est donné que par le dépôt et l’usage en Suisse. L’intimée No 1 n’a, de manière incontestée, pas utilisé ses marques en Suisse. La recourante aurait ainsi en principe pu agir en radiation de ces marques. L’intimée No 1, dont le siège est en Allemagne, peut toutefois de prévaloir de la convention entre la Suisse et l’Allemagne du 13 avril 1892 (RS 0.232.149.136) dont l’art. 5.1 prévoit qu’un usage de la marque en Allemagne vaut usage de la marque en Suisse, le droit suisse déterminant ce qui est retenu comme constitutif d’usage. Sur la base de ses marques antérieures « OTTO » et « OTTO-Versand », l’intimée No 1 pourrait interdire à la recourante l’utilisation de sa marque postérieure « OTTO’S » dans la mesure où il en résulte un risque de confusion. La recourante s’est cependant prévalue de la péremption. Une péremption du droit d’agir ne doit pas être admise à la légère puisque seul l’abus manifeste d’un droit n’est pas protégé. L’exercice tardif d’un droit peut ainsi être abusif lorsqu’il repose sur une méconnaissance fautive de la violation de ce droit et que l’auteur de la violation peut avoir considéré de bonne foi que l’absence de réaction constituait une tolérance de cette violation. La jurisprudence exige en plus que l’auteur de la violation se soit constitué dans l’intervalle une situation digne de protection. Si l’autorité précédente s’est bien basée sur ces principes pour examiner la question de la péremption du droit d’agir, elle aurait dû considérer que les conditions d’une péremption du droit d’agir étaient remplies en l’espèce, en particulier étant donné l’étendue de la position digne de protection que s’est constituée la recourante et le fait que l’intimée a non seulement toléré l’utilisation du signe postérieur, mais a expressément renoncé à invoquer son droit de priorité. L’intimée No 1 ne peut ainsi pas invoquer son droit à la marque prioritaire pour interdire à la recourante l’usage du signe « OTTO’S » (consid. 2.3.2). L’autorité précédente peut être suivie sur le point que la péremption du droit d’agir de l’intimée No 1 vis-à-vis de la recourante ne débouche pas sur une perte du droit à la marque prioritaire qui, au contraire, en tant que droit absolu demeure vis-à-vis de tous les autres participants au marché. Il n’existe aucune raison pour que la recourante puisse de son côté, sur la base de l’art. 3 al. 1 LPM, exclure l’intimée No 1, en tant que titulaire d’un droit prioritaire, de la protection du droit des marques (consid. 2.3.3). Il en résulte que chacune des parties peut utiliser ses marques pour distinguer les produits et les services qui ont été revendiqués, sans que l’autre partie puisse le lui interdire sur la base du droit des marques (consid. 2.3.4).