Art. 190 LDIP al. 2 let. b
(A. S.L [société espagnole sise à B. c. République bolivarienne du Venezuela]). Recours contre la sentence rendue le 20 mai 2019 par un tribunal arbitral avec siège à Genève. Notion d’investissement selon l’art. I(2) du Traité bilatéral d’investissement (TBI) Espagne-Venezuela. Statuant sur sa compétence, le tribunal s’est penché sur les objections ratione personae et ratione materiae soulevées par l’intimée et est parvenu à la conclusion que la recourante n’avait pas effectué un investissement propre à fonder sa compétence en vertu du TBI. Conformément à sa jurisprudence, le TF interprète le sens des termes « investisseur » et « investissement » dans un TBI conformément aux règles de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 (consid. 3.4.1). Ayant déjà eu l’occasion de constater qu’il n’existe pas de définition abstraite, définitive et unanimement acceptée de la notion d’investissement dans les traités internationaux de protection des investissements, le TF interprète cette notion de bonne foi, à partir du texte du traité examiné, suivant le sens ordinaire des termes pertinents, considérés dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but du traité (consid. 3.4.2.2). Se fondant sur une interprétation littérale de l’article I(2) TBI, le tribunal arbitral en a déduit la nécessité d’un acte d’investissement actif de la part de l’investisseur. Quand bien même les actions de la société D. S.A. constituaient un investissement, et même si la recourante remplissait les critères pour être considérée un investisseur au sens du TBI, le tribunal a tenu pour décisif le fait que les actions avaient été transférées à la recourante par des sociétés sises dans des pays tiers, dans le cadre d’une restructuration dont le but était précisément de bénéficier de la protection du TBI. Sur cette base, il a nié à la recourante la protection du TBI, en se déclarant incompétent pour statuer sur le litige qui lui a été soumis. Il est admis que les Etats parties aux TBIs disposent – et font régulièrement usage – de possibilités diverses d’exclure une telle pratique, connue sous l’appellation de « treaty shopping ». De nombreux TBI comportent, par exemple, des clauses dites de « denial of benefits » ou « origin of capital » qui servent précisément à cette fin. Or, le TBI en question ne contient aucune clause de ce genre, alors qu’elles étaient déjà courantes à l’époque de sa conclusion et que les deux pays signataires en ont fait usage dans d’autres traités. Force est donc de constater que les Etats contractants avaient renoncé en connaissance de cause à inclure une telle disposition limitative dans le TBI. Ainsi, c’est à tort que le tribunal arbitral a retenu l’existence d’un investissement actif comme condition d’application de ce traité. En réalité, rien ne permet de dégager du texte du TBI la volonté des Etats contractants d’exclure l’investissement en question de son champ d’application. Demeure réservée l’hypothèse de l’abus de droit, que le tribunal arbitral devra encore examiner dans le cadre des objections de l’intimée qu’il avait pu se dispenser de déterminer en déclinant sa compétence sur la base de cette interprétation erronée (consid. 3.4.2.4-3.4.2.8). Recours partiellement admis, sentence annulée. Renvoi de la cause au tribunal arbitral pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler