ATF 147 IV 9 (d)

2020-2021

Exploitabilité de preuves recueillies illicitement à titre privé ; qualification d’un acte en tant qu’infraction grave. Dans le cadre d’une manifestation non autorisée de plus de 300 personnes, un participant est filmé par les caméras de surveillance d’un hôtel et condamné par ordonnance pénale pour émeute (art. 260 CP). Le TF doit se prononcer sur l’exploitabilité des enregistrements obtenus par un particulier de manière illicite, dès lors qu’ils constituent un traitement de données contraire à la LPD. L’art. 141 al. 2 CPP stipule que les preuves administrées de manière illicite par les autorités pénales ne sont exploitables que si leur utilisation est indispensable pour élucider des infractions graves. Dans le cas où la récolte illicite de preuves est le fait d’un particulier, leur exploitabilité n’est possible que si elles avaient pu être recueillies légalement par les autorités de poursuite et si une pesée d’intérêts penche dans le sens de leur utilisation. In casu, les preuves auraient pu être obtenues légalement, car la police aurait pu filmer la manifestation sur la base de la loi bernoise sur la police et l’ordonnance y relative. Par ailleurs, l’émeute constitue une infraction grave au sens de l’art. 141 al. 2 in fine CPP. A cet égard, sont pertinentes les circonstances qui entourent l’acte concret et sa gravité, indépendamment de la peine menace. Le seul fait que l’art. 260 CP soit constitutif d’un délit ne suffit donc pas. En effet, tout en demeurant un délit, l’infraction était, dans le cas d’espèce, d’une gravité considérable en raison de son ampleur et de l’attitude générale de menace à l’ordre public dont elle était l’expression. Le fait que le recourant n’ait pas personnellement commis d’actes violents est sans pertinence, dans la mesure où il doit être tenu compte des circonstances de l’émeute dans sa globalité, plutôt que du comportement individuel du condamné. S’agissant de la pesée d’intérêts, les biens juridiques protégés par l’art. 260 CP (l’ordre public et la confiance du public en son existence) sont de grande importance et l’absence de menace à ceux-ci ne peut être démontrée. Les difficultés liées aux preuves en matière de délit de collectif telle que l’émeute doivent également être prises en compte, l’intérêt public à la découverte de la vérité pesant d’autant plus lourd dans la balance que l’émeute s’est ici traduite par de graves violences contre des individus et des dommages à la propriété. Ces intérêts l’emportent ainsi sur l’intérêt privé des manifestants à conserver leur anonymat, de sorte que les preuves obtenues illicitement pouvaient être utilisées contre le condamné.