ATF 147 IV 16 (f)

2020-2021

Inexploitabilité des preuves recueillies illicitement à titre privé. Alors qu’un automobiliste adopte manifestement un comportement contraire à la LCR, un cyclomotoriste le filme au moyen d’une caméra GoPro placée sur le guidon de son véhicule puis transmet l’enregistrement aux autorités de poursuite pénale. Condamné à l’échelon cantonal, l’automobiliste invoque devant le TF une violation de l’art. 141 al. 2 CPP. Peuvent être considérées illicites les preuves obtenues en violation de l’art. 4 al. 2 et 4 LDP, qui exige que le traitement de données soit effectué conformément aux principes de la bonne foi et de la proportionnalité. De plus, ses finalités doivent être reconnaissables pour la personne visée et il ne doit pas porter une atteinte illicite à la personnalité des personnes concernées. L’art. 13 al. 1 LPD dispose toutefois que l’illicéité d’une atteinte à la personnalité est levée si elle est justifiée par le consentement de la victime, un intérêt prépondérant privé ou public, ou la loi. Des motifs justificatifs ne doivent toutefois être admis qu’avec une grande prudence en lien avec des photographies ou enregistrements effectués au moyen d’une caméra embarquée, lesquels se font en continu et sans discrimination sur l’ensemble du parcours du conducteur ou de la conductrice. Le TF rappelle avoir admis que la réalisation de prises de vues au moyen d’une dashcam fixée sur une voiture était contraire au principe de reconnaissabilité, ce type de caméra concrétisant en outre une surveillance de l’espace public relevant de la compétence de l’Etat, si bien que les prises de vues devaient être considérées illicites, indépendamment de la pesée d’intérêts de l’art. 13 al. 1 LPD (ATF 146 IV 226). La Haute Cour nuance ici cette jurisprudence : toute prise de vue consacrant un traitement de données personnelles au sens de la LPD ne saurait systématiquement être qualifiée sans considération pour les motifs justificatifs de l’art. 13 LPD. Ces derniers doivent être pris en compte pour évaluer si une preuve contraire aux principes de la LPD est malgré tout licite et, partant, exploitable sans restriction. A l’instar d’une dashcam, une caméra GoPro n’est pas reconnaissable et les prises de vue de la plaque d’immatriculation du recourant constituent une atteinte à sa personnalité (art. 4 al. 4 et 12 al. 2 let. a LPD). Etant admis que les violations des règles de la circulation routière n’ont occasionné aucun accident ou lésion, aucun motif justificatif de l’art. 13 al. 1 LPD n’est réalisé en l’espèce. L’enregistrement est dès lors illicite, de sorte qu’il s’agit de déterminer s’il est néanmoins exploitable selon l’art. 141 al. 2 in fine CPP. Dans la mesure où l’infraction reprochée au recourant ne saurait être qualifiée de grave au vu des circonstances concrètes, l’enregistrement doit être considéré comme inexploitable.