(State of Libya [Litigation Department, Foreign Disputes Committee] c. A. Anonim Şi rketi [société turque]). Recours contre la sentence rendue le 22 mai 2020 par un Tribunal arbitral CCI avec siège à Genève. L’intimée, une société turque, avait participé, depuis 1980, à de nombreux projets de construction dans le cadre de travaux publics en Libye. Suite à des défauts de paiement, elle avait suspendu les travaux dans les années ‘90, puis essayé pendant plusieurs années de recouvrer les montants dus par l’Etat. En 2013, l’Etat (représenté à cette occasion par le ministre adjoint des finances) et l’intimée avaient conclu une transaction pour solde de tout compte (Settlement Agreement), dans laquelle la Libye s’engageait à payer à l’intimée une somme de plus que 5 millions de dinars libyens. En 2016, l’intimée avait introduit une demande d’arbitrage sur le fondement du Traité bilatéral d’investissement entre la Turquie et la Libye (ci-après, le TBI). Dans sa sentence de mai 2020, le Tribunal arbitral statuant sur cette demande avait rejeté les objections juridictionnelles de la Libye et admis sa compétence ; déclaré que l’Etat avait violé son obligation d’accorder un traitement juste et équitable à l’investissement de l’intimée, et condamné le défendeur au paiement dommages-intérêts. En 2018, alors que l’arbitrage était pendant, la Libye avait demandé au Tribunal de Tripoli de déclarer le Settlement Agreement nul et non avenu, ce que cette juridiction avait fait par un jugement de la même année. Devant le TF, l’Etat conteste la compétence du Tribunal arbitral. Le TF relève que, après avoir constaté que l’intimée se prévalait de violations d’obligations contenues dans le TBI et dans le Settlement Agreement (qui n’incluait pas une clause d’arbitrage), le Tribunal arbitral avait statué sur sa compétence en prenant en considération ces deux instruments. Il avait jugé que le Settlement Agreement était valable en droit Libyen et qu’il représentait un investissement protégé par le TBI, lequel trouvait à s’appliquer ratione temporis car il était entré en vigueur en 2011, avant la conclusion du Settlement Agreement. L’Etat objecte que le Tribunal arbitral a appliqué le principe de la compétence-compétence de manière erronée : sachant que le Settlement Agreement ne contenait pas de clause d’arbitrage, l’Etat avait le droit de soumettre la question de sa validité à la juridiction normalement compétente, soit le Tribunal de Tripoli, et à partir du moment où ce dernier était saisi de cette question, les arbitres auraient dû assurer la coordination entre les deux procédures. En refusant de le faire, ils ont contrevenu aux principes de la courtoisie internationale. Selon le TF, l’argumentation de l’Etat ne peut être suivie : les règles applicables en matière de litispendance et de reconnaissance des jugements étrangers sont claires et consacrent la priorité du tribunal premier saisi, dans ce cas le Tribunal arbitral (consid. 4). L’Etat recourant conteste également la compétence ratione materiae du Tribunal, au motif que le Settlement Agreement était nul et ne pouvait donc pas constituer un investissement protégé par le TBI. Le TF rejette les causes de nullité invoquées par l’Etat, notamment le défaut d’autorité du ministre adjoint des finances qui avait signé le Settlement Agreement, et confirme la compétence du Tribunal pour statuer sur les prétentions tirées de cet accord (consid. 5). Enfin, le TF confirme que le litige issu du Settlement Agreement rentrait bien dans le champ d’application temporel du TBI, puisqu’il était né après l’entrée en vigueur de ce traité. Cette interprétation découle sans ambiguïté du texte du Settlement Agreement, dans lequel les parties avaient déclaré qu’il mettait un terme à tous les litiges et procédures préexistantes, de sorte que le seul litige et les seules prétentions soumises au Tribunal arbitral étaient celles résultant de cet accord (consid. 6). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler