(A. c. 1. à 26.). Recours contre la sentence rendue le 28 février 2020 par un Tribunal arbitral PCA avec siège à Genève. Litige né entre 26 sociétés (les investisseurs), tout(e)s domicilié(e)s dans l’Union européenne (UE), et le Royaume d’Espagne, suite à la décision du Royaume de mettre un terme aux mesures d’encouragement des installations photovoltaïques pour la production d’électricité. Les investisseurs avaient introduit une procédure d’arbitrage pour obtenir le paiement de dommages-intérêts pour violation du Traité sur la Charte de l’énergie (TCE). Par sentence du 13 octobre 2014, le Tribunal arbitral s’était déclaré compétent pour connaître du litige. Dans cette décision, le Tribunal avait rejeté l’argument de l’Espagne selon lequel les différends intra-communautaires au sujet d’investissements visés par le TCE ne pouvaient pas être résolus par voie d’arbitrage. La sentence sur compétence n’avait pas fait l’objet d’un recours en annulation, ni d’une demande de révision. Poursuivant l’instruction de la cause, le Tribunal avait rendu, en octobre 2019, une ordonnance de procédure (OP 19), écartant la « nouvelle exception d’incompétence » soulevée par l’Espagne. Pour fonder cette nouvelle objection, l’Etat avait invoqué la décision rendue le 6 mars 2018 par la CJUE dans l’affaire Achmea c. Slovaquie (C-284/16), ainsi qu’une communication et une fiche d’information émanant de la Commission européenne, où celle-ci affirmait que l’arbitrage investisseur-Etat prévu par les traités bilatéraux d’investissement conclus entre Etats membres de l’UE n’est pas compatible avec le droit européen. Le Tribunal avait considéré que le jugement de la CJUE et les autres actes émanant de l’UE invoqués par l’Espagne ne modifiaient pas la nature de l’objection déjà écartée dans sa sentence d’octobre 2014, dont les conclusions s’imposaient à lui. L’OP 19 n’avait pas non plus fait l’objet d’un recours ou d’une demande de révision, et l’Espagne n’avait pas soulevé d’objections à son encontre dans la suite de l’arbitrage. En mars 2019, l’Espagne avait demandé au Tribunal arbitral de réexaminer d’office sa compétence, à la lumière de la déclaration signée par vingt-deux Etats membres de l’UE quelques semaines plus tôt (Déclaration des 22). Dans sa sentence finale de février 2020, le Tribunal arbitral avait constaté que l’Espagne avait violé le TCE et l’avait condamnée à payer divers montants aux investisseurs. Lorsqu’un Tribunal arbitral écarte une exception d’incompétence par une sentence séparée, il rend une décision incidente, qui, en vertu de l’art. 190 al. 3 LDIP, doit être entreprise immédiatement, et ne peut être attaquée que pour les motifs tirés de l’art. 190 al. 2 let. a et let. b LDIP (composition irrégulière ou décision incorrecte sur la compétence). Les autres griefs de l’art. 190 al. 2 LDIP peuvent être soulevés contre une décision incidente seulement dans la mesure où il se rapportent strictement et directement aux questions de la composition ou de la compétence du tribunal (consid. 4.2). L’Etat recourant reproche au Tribunal arbitral d’avoir violé son droit d’être entendu et d’avoir méconnu le principe de l’autorité de la chose jugée en refusant d’examiner sa « nouvelle exception d’incompétence » dans l’OP 19. Il sied tout d’abord de relever que, nonobstant sa dénomination, l’OP 19 n’est pas une simple ordonnance de procédure, susceptible d’être modifiée ou rapportée en cours d’instance. Dans cette décision, le Tribunal arbitral a refusé de revenir sur la question de sa compétence et d’ordonner une instruction complémentaire sur ce point, car il a considéré, à juste titre, que le recourant tentait de faire réexaminer la même « exception intracommunautaire » déjà écartée dans la sentence préliminaire sur compétence de 2014. Il s’agit à l’évidence d’une décision incidente sur compétence, par laquelle le Tribunal a confirmé sa sentence préliminaire, et dont rien ne laisse entendre qu’elle revêtirait un caractère provisoire. Dès lors, le recourant aurait pu et dû recourir contre l’OP 19 immédiatement, dans les 30 jours après sa notification. Ce faisant, il aurait pu reprocher au Tribunal d’avoir violé l’art. 190 al. 2 let. b LDIP et, dans ce même recours, soulever ses griefs tirés de la violation des art. 190 al. 2 let. d et e (droit d’être entendu et ordre public, dans sa composante procédurale, en lien avec la question de l’autorité de la chose jugée), griefs qui portent en l’occurrence sur des points intrinsèquement liés à la compétence du Tribunal. N’ayant pas recouru en temps utile, le Recourant est forclos à invoquer ces griefs (consid. 5). Voir également le consid. 6, résumé ci-dessous en lien avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.