(A. [acheteur de gaz naturel] c. B. [fournisseur de gaz naturel]). Recours contre la sentence rendue le 18 juin 2020 par un Tribunal arbitral CCI avec siège à Genève. Litige issu de deux contrats pour l’achat et la livraison de gaz naturel, conclus en 1995 et 1997 pour une période de vingt-cinq ans, entre la National Iranian Gas Company (NIGC, ou A. dans le rubrum de l’arrêt) et Türkmengaz, une société détenue par l’Etat du Turkménistan (B. dans le rubrum de l’arrêt). Au fil des ans, les parties avaient adapté les contrats par plusieurs avenants. NIGC avait fait défaut sur un certain nombre de paiements, notamment à cause de l’impact des sanctions internationales imposées par les Etats-Unis et l’UE à l’encontre de l’Iran à partir de 2012. Le 1er janvier 2017, Türkmengaz avait suspendu les livraisons en raison des retards de paiement de NIGC. En mars 2017, NIGC avait déclaré qu’elle n’effectuerait plus de paiements au titre des contrats. Fin 2017, Türkmengaz avait initié une procédure d’arbitrage conformément à la clause compromissoire contenue dans les contrats, sur quoi NIGC avait présenté des demandes reconventionnelles. Dans sa sentence, le Tribunal arbitral avait condamné NIGC à payer les montants en souffrance à partir du 31 décembre 2016. Il avait également retenu que Türkmengaz avait manqué à ses obligations d’ajuster le prix du gaz en raison de défauts de qualité et que sa décision de suspendre les livraisons en janvier 2017 était en violation des contrats ; pour ces motifs, le Tribunal avait reconnu en partie les prétentions soulevées par NIGC à titre reconventionnel. La recourante reproche au Tribunal arbitral d’avoir violé son droit d’être entendue, et plus précisément d’avoir fondé sa sentence sur un motif imprévisible, en prenant l’initiative d’examiner la question de la validité de la suspension des livraisons à un date postérieure par rapport au moment où l’intimée avait définitivement cessé de fournir le gaz, sans avoir interpellé les parties sur ce point, qu’elles n’avaient pas plaidé (consid. 5.3). La recourante ne saurait être suivie lorsqu’elle invoque l’effet de surprise, même s’il est vrai que les parties ont focalisé leur attention sur la suspension des livraisons au 1er janvier 2017. En effet, il faut bien tenir compte du fait que la recourante avait également requis du Tribunal qu’il ordonne à l’intimée de reprendre immédiatement les livraisons, jusqu’au terme des contrats, et que l’intimée avait conclu, à titre reconventionnel, au rejet intégral des conclusions de la recourante. Dès lors, le Tribunal devait, afin de statuer sur ces prétentions, déterminer si l’intimée était légitimée à ne plus fournir de gaz non seulement au 1er janvier 2017, mais aussi tout au long de la période visée par les conclusions des parties. Le fait que le Tribunal ait retenu une date différente de celle avancée par les parties comme moment à partir duquel la cessation des livraisons était justifiée n’a rien d’imprévisible, s’agissant d’une affaire complexe, commandant aux parties d’examiner l’ensemble des scénarios envisageables. Par ailleurs, les documents sur lesquels le Tribunal s’est fondé pour déterminer la date à partir de laquelle la cessation des livraisons était légitime ont été produits par les parties, qui ont eu tout le loisir de s’exprimer à leur sujet en cours d’instance. La recourante fait valoir que les parties elles-mêmes ne s’étaient pas prévalues de ces documents pour déterminer le moment à partir duquel la suspension des livraisons était justifiée. Toutefois, le droit d’entre entendu n’exige pas des arbitres qu’ils sollicitent des parties une prise de position sur la portée de chacune des pièces produites. Bien au contraire, le Tribunal arbitral doit pouvoir apprécier les preuves produites par les parties de manière autonome (consid. 5.4). Les considérants 6 et 7, rejetant les griefs d’ultra petita (art. 190 al. 2 let. c LDIP) et de la violation de l’ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP) ne sont pas résumés dans cette chronique. Recours rejeté.