(A. [actionnaire du groupe G. via Société B.], Société B. [société mauricienne] c. Z. Ltd [société de droit mauricien et investisseur du groupe G.]). Recours contre la sentence rendue le 15 septembre 2020 par un Tribunal arbitral LCIA avec siège à Genève. Dans un litige ayant donné lieu à plusieurs procédures parallèles, y compris devant la High Court of England and Wales (EWHC), après avoir suspendu l’arbitrage jusqu’à droit connu dans la procédure devant la cour anglaise, le Tribunal arbitral avait rendu une première sentence en mai 2018. Dans cette sentence, le Tribunal avait incorporé le contenu d’une « décision par consentement » préparée par l’intimée et agréée par les recourants, qui reflétait des pans du jugement de la EWHC. Après cette sentence, la procédure arbitrale s’était poursuivie : l’intimée avait partiellement modifié et complété ses conclusions, le Tribunal avait rendu une sentence partielle en novembre 2018, puis tenu une audience par vidéo-conférence en mai 2020, et finalement rendu sa sentence finale en septembre 2020. Les recourants reprochent au Tribunal arbitral, en premier lieu, de leur avoir refusé un report de l’audience de quelques semaines et de les avoir ainsi privés de la possibilité de présenter leur défense et de contre-interroger les témoins de la partie adverse, nonobstant leurs requêtes réitérées, provoquées par la crise sanitaire et les circonstances exceptionnelles résultant de la pandémie du COVID. Le TF relève que les recourants ont été consultés à plusieurs reprises au sujet du calendrier procédural de l’arbitrage. Après s’être opposés à la date d’audience proposée par l’intimée, ils avaient requis la clôture de la procédure au motif que la majorité des prétentions de l’intimée avaient été tranchées par la EWHC et que les demandes restantes devaient plutôt être traitées dans un autre arbitrage. Dans les mois précédant la tenue de l’audience, les recourants avaient changé de conseil, puis leur nouvelle étude avait annoncé qu’elle avait cessé de les représenter. Peu après, alors que le Tribunal venait de proposer de tenir l’audience par vidéo-conférence pour parer aux difficultés résultant de la crise sanitaire, les recourants avaient encore soulevé des objections et maintenu leur requête de clôture de l’arbitrage. Le Tribunal avait refusé de reconsidérer sa décision de rejet de la requête de clôture et avait fixé la date de l’audience par vidéo-conférence, qu’il avait ensuite reportée de 2 semaines à la demande de l’intimée. Le recourants n’avaient pas participé aux essais techniques pour la vidéo-conférence et aux échanges de correspondance y relatifs, pas plus qu’ils n’avaient déposé de mémoire en réponse, ou répondu aux interpellations du Tribunal au sujet de leur intention de participer à l’audience. Tard le soir de la veille de l’audience, un ancien avocat des recourants avait annoncé qu’il les représentait à nouveau et sollicité un report. L’audience s’était tenue comme prévu le lendemain, sans la participation des recourants (leur nouveau conseil s’étant limité à comparaître au début de la session pour en demander encore une fois le report, demande derechef refusée par le Tribunal). A l’issue de l’audience, le Tribunal avait clôturé la procédure, sous réserve des écritures à déposer par les parties au sujet des frais de l’arbitrage, puis il avait rendu sa sentence finale. Le TF observe que les recourants ont attendu le prononcé de la sentence pour se plaindre du rejet de leur demande de report d’audience, au lieu de solliciter la tenue d’une nouvelle audience en cours de procédure. Cependant, leur comportement ne contrevient pas nécessairement aux règles de la bonne foi, sachant que le Tribunal a clôturé la procédure à l’issue même de l’audience (consid. 5.4). Quoi qu’il en soit, force est de constater que les recourants ont causé des retards contraires à l’exigence de célérité de l’arbitrage tout au long de la procédure, en invoquant des difficultés logistiques non mieux précisées. Ils n’établissent pas avoir été empêchés de déposer une réponse et des déclarations de témoins, et n’expliquent pas ce qui les a retenus de se manifester et d’exposer leurs difficultés lorsque le Tribunal les interpellait. Par ailleurs, dans leur recours, ils ne cherchent pas à démontrer quels éléments de preuve, ou quels arguments de fait ou de droit pertinents ils auraient pu présenter s’ils avaient bénéficié du report demandé. Dans cette configuration, le Tribunal pouvait refuser le report de l’audience sans enfreindre le droit d’être entendus des recourants (consid. 5.5). Quant à l’argument selon lequel un report d’audience aurait été accordé à l’intimée en violation du principe de l’égalité de traitement, le TF relève que l’intimée a activement collaboré à l’avancement de la procédure et n’a demandé un report de la date d’audience qu’en réponse à la question du Tribunal, qui avait invité les deux parties à lui signaler si des ajustements étaient nécessaires par rapport à la date initialement retenue. Après avoir modifié la date à la demande de l’intimée, le Tribunal avait encore recommandé aux deux parties de lui signaler dès que possible d’éventuelles difficultés liées à la nouvelle date. Les recourants n’avaient pas réagi. Dans ces conditions, le fait que le Tribunal ait accordé le report demandé par l’intimée alors qu’il avait refusé celui requis par les recourants ne représente pas une inégalité de traitement des parties (consid. 5.6). Voir également le consid. 6 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler