Le TF apporte une précision supplémentaire s’agissant de la répartition des tâches entre l’expert et le juge. Il rappelle tout d’abord que toutes les expertises peuvent être librement appréciées par l’administration, respectivement par le juge. Lorsqu’il existe des raisons valables (« triftige Gründe ») pour ce faire, il convient de s’en écarter, même si elles ont été réalisées lege artis. Représente notamment une raison valable le fait que l’incapacité de travail constatée par le médecin-psychiatre n’est en réalité pas vraiment établie compte tenu des exigences essentielles que sont la consistance et le fardeau matériel de la preuve incombant à la personne assurée. D’autre part, l’ATF 141 V 281 décrit la mesure dans laquelle l’administration, respectivement le juge, peut s’écarter des conclusions des médecins pour appliquer l’art. 8 LPGA. La méthode est donc la suivante : dans tous les cas, l’office AI, respectivement le juge, doit vérifier si et dans quelle mesure les experts ont motivé de manière suffisante et compréhensible leur évaluation de l’incapacité de travail en tenant compte des indicateurs déterminants. Pour ce faire, il est indispensable que les experts fassent le lien avec les éléments en amont de leur analyse (extrait du dossier, anamnèse, résultats, diagnostics, etc.). L’expert doit donc exposer de manière circonstanciée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les résultats obtenus sont susceptibles de réduire les capacités fonctionnelles et les ressources psychiques de la personne assurée, et ce d’un point de vue tant qualitatif, quantitatif que temporel. Si l’expert s’acquitte de cette tâche de manière convaincante en se référant aux indicateurs de l’ATF 141 V 281, l’expertise a une pleine valeur probante. Dans le cas contraire, il existe une raison valable qui impose de s’en écarter (consid. 6.2.1). Le TF rappelle ensuite que la mention d’un diagnostic psychiatrique, même intrinsèquement grave, ne permet pas encore de conclure à la gravité de l’atteinte à la santé d’un point de vue juridique. Le degré de l’atteinte de la personne assurée dans sa vie sociale, professionnelle ou dans d’autres domaines importants, est déterminé par le degré de gravité fonctionnelle de l’atteinte. Cette catégorie d’indicateurs (« degré de gravité fonctionnel ») se recoupe en partie avec les indications fournies par les médecins spécialistes pour établir le diagnostic. Il faut en revanche se rappeler qu’en principe, seule une atteinte grave à la santé psychique peut avoir un caractère invalidant. Si l’expert-psychiatre exclut la présence d’une atteinte grave à la santé psychique mais conclut néanmoins à l’existence d’une incapacité de travail sans expliquer pourquoi de manière convaincante, alors l’Office AI, respectivement le juge, doit s’écarter de ses conclusions (consid. 6.2.2). Dans le cadre du versement d’une partie de la rente AI au conjoint en procédure de divorce, fondé sur un avis au débiteur et ordonné par le juge civil, le conjoint peut exiger le versement de la rente AI en sa faveur. L’avis au débiteur est également recevable à l’encontre d’un assureur social (consid. 3.2.2), à moins que la décision ne soit entachée de vices graves. Si l’Office AI ne prouve pas les vices graves, la conjointe peut faire valoir en justice, en son nom propre, la créance à laquelle son mari a droit. L’art. 20 al. 1 LPGA ne s’applique pas dans le cas où le conjoint est bénéficiaire de l’obligation d’entretien.
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Isabella Jorge