L’affirmation du TF, selon laquelle les exigences relatives à l’individualité de l’œuvre dépendent de la marge de manœuvre de l’auteur, est critiquée en doctrine (consid. 5.2). Cependant, elle ne signifie pas que des conditions de protection différentes s’appliquent aux diverses catégories d’œuvres. Au contraire, les exigences en matière d’individualité sont les mêmes pour tous les types d’œuvres ; il s’agit toujours d’évaluer le caractère individuel en fonction de la marge de manœuvre disponible pour la conception de l’œuvre, car c’est seulement à l’intérieur de cet espace que l’effort créatif peut se manifester. Dans le cas d’objets utilitaires, cette marge de manœuvre est limitée par la destination de l’œuvre – contrairement aux œuvres d’art purement esthétiques. L’expression artistique individuelle doit résulter de la partie qui n’est pas déjà imposée par le but utilitaire. En ce sens, les conditions d’une création individuelle ou originale peuvent varier considérablement d’un type d’œuvre à l’autre. Par conséquent, le critère du caractère individuel doit également être compris comme relatif au genre d’œuvre concerné. Il faut partir du principe que les exigences en matière d’individualité ne sont pas fondamentalement différentes pour les objets utilitaires que pour les œuvres d’art. Au contraire, l’affirmation du TF susmentionnée, et la règle du défaut de protection en cas de doute, reposent sur la constatation pratique que l’individualité est plus difficile à satisfaire lorsque le but utilitaire détermine la forme habituelle. Compte tenu de la longue durée de protection du droit d’auteur, les exigences en matière d’individualité ne doivent pas être trop faibles, cela pour toutes les œuvres, pas seulement pour les objets utilitaires (consid. 5.3). La LDA exige une prestation « individuelle », tandis que la LDes réclame une prestation « originale ». La première condition est plus stricte que la seconde. Une œuvre des arts appliqués ne peut être individuelle au sens du droit d’auteur que si elle est au moins, clairement et incontestablement, originale d’après le droit du design. Dans ce dernier domaine, l’originalité est donnée si l’impression d’ensemble du produit pour les acheteurs directement intéressés se distingue notablement de ce qui était connu jusque-là. Comme les œuvres des arts appliqués sont conditionnées par leur destination, il est nécessaire que leur aspect artistique aille au-delà des formes connues au point d’apparaître comme unique. En cas de création minimaliste, la réduction à l’essentiel ne suffit pas. Il faut encore que la création se distingue de ce qui était connu jusqu’alors. Le choix de la forme doit apparaître comme surprenant et inhabituel (consid. 6.1.2). Les œuvres des arts appliqués au sens de l’art. 2 al. 2 lit. f LDA dépendent de leur but utilitaire – en d’autres termes, elles sont limitées en ce qui concerne leur conception individuelle. C’est pourquoi – comme déjà expliqué – il est déterminant de savoir si, dans le cadre de ce but, l’aspect artistique se distingue si clairement des formes déjà connues qu’il apparaît comme unique ou original. Indépendamment du but utilitaire, des restrictions à la liberté artistique peuvent aussi résulter d’exigences techniques. Il est évident qu’un brevet, avec les améliorations techniques qu’il implique, peut avoir un impact sur la forme de l’objet ; mais cela ne signifie pas que l’invention ne puisse être mise en œuvre que d’une seule façon. Le fait que les exigences techniques liées au brevet ne laissent plus aucune marge de manœuvre devrait être démontré par les défendeurs, en tant qu’obstacle à l’exercice d’un droit (consid. 6.3.2). Il faut partir du principe que l’étendue de la protection d’un objet utilitaire est d’autant plus faible que le caractère individuel, résultant de l’exploitation de la marge de manœuvre existante, est moindre (consid. 7.3). Seule la personne dont le signe est utilisé antérieurement peut se prévaloir de la protection de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD (priorité d’usage). Ce qui est déterminant, c’est l’usage antérieur prouvé, perceptible de l’extérieur dans les relations commerciales. La simple intention d’utiliser le signe ne suffit pas. Sur la base des faits constatés par l’instance précédente, le signe invoqué par le requérant n’a pas de priorité d’usage et ne remplit donc pas l’une des conditions de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD. Par conséquent, une prétention fondée sur l’art. 2 LCD n’entre pas non plus en ligne de compte (consid. 8.2).