ATF 148 II 92 (d)

2021-2022

Une décision de renvoi du TAF à la CAF est en principe une décision incidente contre laquelle un recours au TF n’est possible qu’aux conditions des art. 92 ou 93 LTF (consid. 1.2.1). Lorsqu’elle ne contient pas d’instructions contraignantes de droit matériel, une décision de renvoi ne cause en principe aucun préjudice irréparable car elle peut encore être attaquée avec la nouvelle décision finale d’après l’art. 93 al. 3 LTF (consid. 1.2.2). En l’espèce, la décision de renvoi contient des instructions contraignantes de droit matériel puisqu’elle constate que la LTrans est applicable à une demande d’accès aux documents de la CAF. Si la CAF donne l’accès au requérant sur la base de cette décision, le DFJP n’aurait pas qualité pour recourir au TAF et contester l’application de la LTrans, car l’art. 48 PA ne contient aucune règle semblable à celle de l’art. 89 al. 1 lit. a LTF (recte : art. 89 al. 2 lit. a LTF). En l’espèce, il faut donc admettre que le DFJP subit un préjudice irréparable du fait de la décision attaquée, d’autant que la protection de la propriété intellectuelle fait partie de son domaine d’activité. Un intérêt digne de protection spécifique n’est pas exigé dans le cadre de l’art. 89 al. 2 lit. a LTF ; l’intérêt à l’application correcte du droit fédéral suffit. Le DFJP a donc en l’occurrence qualité pour recourir au TF (consid. 1.2.4). En l’espèce, il faut uniquement déterminer si la LTrans est applicable à la CAF dans une procédure d’approbation d’un tarif sur lequel les sociétés de gestion et les associations d’utilisateurs sont d’accord. En d’autres termes, il faut se demander si la CAF tombe dans le champ d’application personnel de la LTrans, respectivement si une telle procédure est couverte par son champ d’application matériel (consid. 5). Les unités administratives décentralisées sont aussi visées par la LTrans (consid. 5.1.1). De même, cette loi s’applique aux procédures administratives de première instance, dans la mesure où elles ne sont plus pendantes (consid. 5.1.2). Il est possible qu’une autorité relève du champ d’application personnel de la LTrans, mais que son activité soit exclue du champ d’application de cette loi à raison de la matière (consid. 5.2). D’après le chiffre 2 de l’annexe 2 à l’OLOGA, la CAF est une commission extraparlementaire rattachée au DFJP. La subordination au DFJP résulte d’ailleurs aussi de l’art. 58 al. 1 LDA. Les commissions extraparlementaires font partie de l’administration fédérale décentralisée d’après l’art. 7a al. 1 lit. a OLOGA. En droit fédéral, on ne trouve aucune indication selon laquelle la CAF devrait être rattachée au pouvoir judiciaire ; en particulier, il n’existe aucune règle de procédure spéciale concernant la consultation des dossiers de la CAF (consid. 5.3). Cette dernière relève donc du champ d’application de la LTrans à raison de la personne. Reste à savoir si la procédure d’approbation d’un tarif consensuel (« Einigungstarif ») fait partie du champ d’application matériel de cette loi (consid. 5.4). La CAF a été instituée en 1940 par l’ancienne LPerc (RS 231.2), laquelle a été adoptée en réaction à une situation de concurrence entre sociétés de gestion désavantageuse aussi bien pour les auteurs que pour les « consommateurs ». La procédure d’approbation tarifaire devait alors prévenir les abus (consid. 6.1). Depuis la révision de la LDA de 1992, la CAF doit aussi vérifier l’équité des tarifs (consid. 6.2). Avec l’entrée en vigueur de la réforme de la justice en 2007, les commissions fédérales de recours ont été abolies et remplacées par le TAF. De même, l’OJ a été remplacée par la LTF. Mais la CAF a été maintenue parce qu’on ne l’a pas considérée comme une instance de recours, mais plutôt comme une autorité de même niveau qu’un office fédéral, une commission extraparlementaire ou une autorité de régulation indépendante, dont les décisions sont revues par le TAF avec pleine cognition. Tandis que les décisions de la CAF pouvaient antérieurement être portées directement au TF, elles doivent désormais d’abord être examinées par le TAF (consid. 6.3). Ce système a été maintenu lors de la révision du droit d’auteur entrée en vigueur le 1er avril 2020 (consid. 6.4). Par un arrêt de 1956, le TF a estimé que la CAF ne fonctionnait pas comme un juge, mais qu’elle était comparable à une autorité administrative qui contrôle les prix ou veille à ce que des contrats de droit privé ne lèsent pas l’intérêt public. Plus tard, en 1995, il a considéré dans une procédure concernant un tarif litigieux que la CAF était une autorité judiciaire au sens de l’art. 105 al. 2 OJ et il s’est ensuite plusieurs fois référé à cette décision. Il n’a cependant plus examiné la question depuis la réforme de la justice, ni celle de la nature juridique de la procédure d’approbation tarifaire (consid. 6.5). Une procédure judiciaire se caractérise par un contentieux entre différentes parties. En procédure administrative, il y a un différend entre l’administration qui prend une décision et une personne qui la conteste ; un tribunal indépendant arbitre alors ce litige. L’administration sauvegarde l’intérêt public, tandis que le recourant cherche à défendre ses intérêts privés. Lorsqu’une autorité a pour rôle d’agir dans l’intérêt public, cela parle contre sa qualification d’instance judiciaire (consid. 7.1). D’après l’art. 10 al. 3 ODAu, en cas d’accord sur un tarif, il n’est pas nécessaire que le ou la président-e de la CAF requiert les observations des associations représentatives des utilisateurs. La CAF décide alors par voie de circulation, pour autant qu’aucun de ses membres ne s’y oppose. En revanche, en cas de tarif litigieux, les parties sont entendues lors d’une séance, conformément aux art. 12 et 13 ODAu. A l’issue de celle-ci, la CAF décide et peut elle-même modifier le tarif selon le système des art. 14 et 15 ODAu (consid. 7.2). La procédure d’approbation tarifaire concrétise les prescriptions légales tendant à un équilibre approprié des intérêts servant la sécurité juridique, et elle est orientée vers le consensus entre les sociétés de gestion et les associations d’utilisateurs. Elle prévient les abus de position de monopole de la part des sociétés de gestion (consid. 7.3). En l’espèce, la demande d’accès aux documents concerne une procédure d’approbation d’un tarif consensuel, qui a eu lieu par voie de circulation. La CAF n’a pas tranché de contentieux, mais elle a agi comme autorité d’approbation dans l’intérêt public. La qualification d’une procédure devant la CAF en cas de tarif litigieux, ou lorsque des tiers interviennent en prenant des conclusions divergentes, peut rester ouverte (consid. 7.4). Dans le cas ici en cause, la procédure relève du champ d’application de la LTrans à raison de la matière (consid. 7.5). L’art. 25 LTAF n’a pas été violé car le recourant ne démontre pas qu’il y ait eu un changement de jurisprudence. De toute manière, il est douteux qu’il puisse se prévaloir de cette règle interne au TAF, dont la violation aurait des conséquences juridiques (consid. 8).