(A. AG [compagnie d’assurance domiciliée au Liechtenstein] c. Ba. LLC [société domiciliée aux Etats-Unis]). Recours contre la sentence (« Award on Jurisdiction ») rendue le 30 juillet 2021 par un Tribunal arbitral opérant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (SCAI), avec siège à Bâle. Litige issu d’une police d’assurance émise (avec d’autres assureurs) par A. AG, et couvrant plusieurs sociétés du Groupe B. La police incluait, entre autres, un volet assurant la protection juridique de ces sociétés. Selon la pratique déjà suivie par le passé entre les parties, le pool des compagnies d’assurance impliquées et la portée de la couverture des polices souscrites par le Groupe B. étaient renégociés et nouvellement convenus d’année en année. Conclusion, fin 2013, d’une police temporaire dite insurance slip pour l’année 2014, souscrite, entre autres, par A. AG et contenant une clause d’élection de for, suivie de la police définitive pour cette même année, signée au mois d’avril, et contenant une convention d’arbitrage. Suite à un sinistre survenu aux Etats-Unis, l’intimée, s’estimant couverte par la police d’assurance 2014 en vertu de son appartenance au Groupe B., a réclamé à la recourante une indemnisation pour certains frais de justice soutenus en 2014. Initiation d’un arbitrage par Ba. LLC suite au refus de A. AG de donner suite à sa demande d’indemnisation ; objection de la défenderesse à la compétence du Tribunal arbitral, lequel, une fois constitué, a ordonné la bifurcation de la procédure et rendu une sentence préliminaire sur compétence (la sentence entreprise), se déclarant compétent pour statuer sur le litige entre les parties. La recourante soutient que le Tribunal s’est déclaré à tort compétent, en l’absence d’une convention d’arbitrage valable liant les parties au litige. Le TF rappelle que, selon sa jurisprudence, l’interprétation d’une convention d’arbitrage se fait selon les règles générales d’interprétation des contrats. Ce faisant, le juge ou l’arbitre doivent d’abord rechercher la volonté réelle et concordante des parties (interprétation subjective). L’interprétation subjective repose sur l’appréciation des preuves, et, si elle s’avère concluante, le résultat qui en est tiré, c’est-à-dire la constatation d’une commune et réelle intention des parties, relève du domaine des faits et lie, partant, le TF. Dans le cas contraire, le juge ou l’arbitre devront rechercher, en appliquant le principe de la confiance, le sens que les parties pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques en fonction de l’ensemble des circonstances. Cette interprétation, dite objective, relève du droit et peut donc être librement revue par le TF (consid. 3.1). Au sujet de la validité formelle de la convention d’arbitrage, la recourante fait valoir qu’elle n’a pas signé la convention contenue dans la police d’assurance produite par Ba. LLC. Le Tribunal arbitral a écarté cette objection, car la forme écrite simplifiée requise par l’art. 178 al. 1 LDIP n’exige pas que la convention d’arbitrage soit signée, mais simplement qu’elle soit écrite, ou que sa conclusion puisse être prouvée par un texte. Les arbitres ont constaté que la police contenant la convention d’arbitrage avait fait l’objet de plusieurs échanges écrits entre les parties, à l’occasion desquels la recourante avait confirmé son accord aux termes de la police – tout en formulant quelques réserves qui ne concernaient pas la convention d’arbitrage –, de sorte que ladite convention avait été valablement conclue en la forme écrite au sens de l’art. 178 al. 1 LDIP (consid. 3.2). En conformité avec l’art. 178 al. 2 LDIP, le Tribunal a examiné la validité matérielle de la convention d’arbitrage à la lumière du droit suisse, auquel les parties se sont également référées. La recourante reproche au Tribunal d’avoir prétendu effectuer une interprétation subjective de la convention d’arbitrage, sans toutefois véritablement parvenir à établir leur volonté réelle et commune de conclure une telle convention, et procédant, en réalité, à une interprétation objectivée des circonstances pertinentes, tout en « confondant » les deux types d’interprétation dans son analyse de la question. Selon le TF, le Tribunal a correctement appliqué les principes du droit suisse sur l’interprétation des conventions d’arbitrage et c’est à bon droit qu’il a conclu avoir pu établir l’existence d’une volonté commune des parties (valablement représentées par des individus habilités à agir en leur nom, et dont les agissements pouvaient leur être imputés) de conclure une convention d’arbitrage, constatation qui est soustraite à l’examen du TF dans le cadre d’un recours dirigé contre une sentence arbitrale. Ce n’est qu’à titre subsidiaire que le Tribunal a procédé à une interprétation objective, la distinguant clairement de l’interprétation subjective, et sa conclusion selon laquelle le résultat de cette deuxième interprétation confirmait celui de la première ne prête pas non plus le flanc à la critique (consid. 3.3 à 3.5). Recours rejeté.