(A. c. Aktiengesellschaft B.B., C.B.). Recours contre la sentence préjudicielle rendue le 14 janvier 2021 par un Tribunal arbitral avec siège à Zoug. Contrat de consortium contenant une clause d’arbitrage obligeant les parties à entreprendre une tentative de conciliation, devant un conciliateur de leur choix, avant l’introduction d’une éventuelle procédure d’arbitrage, tout accord issu d’une telle conciliation devant être assimilé à une sentence d’accord-parties « au sens de la procédure civile ». A la suite de divergences entre les parties, une procédure de liquidation avait été engagée, et une réunion avait été tenue avec le liquidateur, durant laquelle les parties n’étaient pas parvenues à trouver un accord. Dépôt d’une requête d’arbitrage par les demanderesses (sociétés B.B. et C.B.) à l’encontre des défendeurs A. et C. (au sujet de ce dernier, voir l’affaire connexe TF 4A_112/2021, résumée ci-dessous). Une fois constitué, le Tribunal arbitral a décidé de limiter la suite de la procédure à la question préalable de la compétence, « y compris la question de la réalisation d’une tentative de conciliation au sens [du contrat de consortium] ». Après avoir tenu audience, le Tribunal a rendu la sentence attaquée, dans laquelle il s’est déclaré compétent pour connaître du litige entre les parties. Le recourant (défendeur A. dans l’arbitrage) reproche au Tribunal de s’être déclaré à tort compétent, au motif qu’aucune tentative de conciliation valable n’avait été mise en œuvre au préalable, contrairement à ce que prévoyait le Contrat « en des termes impératifs ». Le recourant demande que la sentence soit annulée et le Tribunal déclaré incompétent, faute pour les « prérequis procéduraux » d’avoir été satisfaits. Subsidiairement, il demande que la cause soit renvoyée au Tribunal pour qu’il statue à nouveau sur sa compétence, et à titre encore plus subsidiaire, il demande que l’arbitrage soit suspendu jusqu’à ce que les obligations découlant de la procédure de conciliation soient accomplies. Selon sa jurisprudence, le TF examine le grief tiré de la violation d’un mécanisme contractuel constituant un préalable obligatoire à l’arbitrage sous l’angle de la compétence (consid. 2.3). Le Tribunal arbitral a constaté que le contrat stipulait qu’une tentative de conciliation devait impérativement être effectuée par les parties, sans cependant prescrire une procédure précise ou d’autres exigences ou délais à observer à cette fin. En vertu d’une interprétation objectivée de la convention d’arbitrage (faute d’avoir pu établir la volonté réelle et commune des parties à ce sujet), le Tribunal a conclu que toute tentative de trouver une solution à l’amiable par le biais d’un conciliateur désigné par les parties, comme cela avait été fait en l’espèce devant le liquidateur, suffisait à remplir l’obligation de conciliation préalable prévue par le contrat. Au demeurant, le Tribunal arbitral a retenu que même à supposer le contraire, l’objection du recourant tirée de l’absence de préalable de conciliation devait être qualifiée d’abus de droit manifeste (consid. 3). Le TF rappelle que selon sa jurisprudence la partie qui se prévaut de l’absence de tentative de conciliation préalable sans s’activer elle-même pour mettre en œuvre la conciliation agit de manière abusive. La doctrine souligne toutefois que l’obligation d’entamer la tentative de conciliation préalable devrait revenir, en principe, à la partie demanderesse. En d’autres termes, la violation d’une obligation de conciliation préalable ne peut, en règle générale, être tenue pour guérie du seul fait que la défenderesse n’initie pas elle-même la conciliation (consid. 4.1). En l’espèce, le TF est lié par les constatations du Tribunal selon lesquelles la période précédant le dépôt de la requête d’arbitrage a été marquée par les tentatives de trouver un accord à l’amiable déployées par les intimées. Ces tentatives sont documentées en particulier dans le procès-verbal de la séance tenue avec le liquidateur (en présence des parties, respectivement de leurs représentants légaux), et dans la correspondance échangée entre les intéressés par la suite, où les termes d’une transaction ont été évoqués à plusieurs reprises, et le représentant des intimées avait clairement exprimé leur intention d’entamer l’arbitrage si un accord n’était pas conclu au-delà d’une certaine date. Cela étant, la question de savoir si ces démarches constituaient une tentative de conciliation au sens du contrat peut être laissée ouverte, car le point déterminant est qu’il aurait appartenu au recourant, s’il estimait que les efforts de conciliation déployés jusque-là ne correspondaient pas aux exigences contractuelles, de proposer la procédure qui à son sens s’y conformerait. Le comportement du recourant, qui a attendu l’introduction de l’arbitrage pour se plaindre du défaut de conciliation préalable, n’est guère compatible avec les règles de la bonne foi (consid. 4.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler