OG ZG S2021 49 (d)

2022-2023

Frais de procédure ; responsabilité des hébergeurs ; stay down ; action en cessation. D’après l’art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de la procédure pénale peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de cette procédure ou rendu plus difficile sa conduite. Il y a un comportement illicite si une personne prévenue enfreint clairement des règles juridiques qui l’obligent à agir ou à abstenir. Les frais de la procédure doivent être dans un rapport de causalité adéquate avec le comportement illicite sous l’angle du droit civil. Il est conforme à la Constitution et à la CEDH de condamner aux frais d’une procédure pénale une personne qui a agi de manière illicite au sens de l’art. 41 CO (consid. 2). L’entreprise des prévenus n’assure pas seulement l’accès à Internet, elle héberge les données de ses utilisateurs et utilisatrices, et est donc étroitement liée aux violations du droit d’auteur. Aussi bien les personnes qui téléversent les fichiers que celles qui les téléchargent sont clientes de cette entreprise. Ses prestations sont ainsi en rapport de causalité naturelle et adéquate avec les violations du droit d’auteur, au contraire de ce qui prévalait dans l’affaire objet de l’ATF 145 II 72 ss (consid. 7.2). L’art. 39d LDA n’était pas encore en vigueur au moment des faits reprochés aux prévenus (consid. 8.1). Une obligation de « stay down » était cependant déjà reconnue par une partie de la doctrine, dans des circonstances particulières et dans le cadre de l’action en cessation. Il fallait cependant un risque sérieux de violation future, tel que celui expliqué dans l’ATF 126 III 161 ss. Et l’ordre du juge était dépendant des possibilités d’intervention et de contrôle du fournisseur (consid. 8.2.1). Les fournisseurs d’hébergement n’ont pas l’obligation de surveiller de manière proactive les contenus placés sur leurs serveurs. Mais ils doivent réagir si des indications détaillées concernant une violation leur sont données. Selon certains avis de doctrine, ils ont un devoir de diligence accru aux conditions de l’ATF 126 III 161 ss, en particulier s’il y a déjà eu des violations dans le passé et que de nouvelles violations sont à craindre (consid. 8.2.2). Le modèle d’affaires de l’entreprise des prévenus était orienté sur le téléchargement et sur la distribution en masse de données (consid. 8.3.2). Il a occasionné un grand nombre de demandes de « take down » et de procédures pour violation du droit d’auteur, particulièrement en Allemagne. En d’autres termes, ce modèle d’affaires était lié à un risque fortement augmenté de violations du droit d’auteur, qui était connu des prévenus. Par conséquent, comme l’imprimeur dans l’ATF 126 III 161 ss, ils avaient un devoir de diligence accru (consid. 8.3.3). Les mesures prises par leur entreprise étaient manifestement insuffisantes (consid. 9.2) : l’anonymat des utilisateurs était toléré (consid. 9.2.1), les filtres utilisés n’étaient pas efficaces (consid. 9.2.2 et 9.2.4) et un « crawler » a été installé trop tardivement (consid. 9.2.3). Les prévenus ont donc provoqué l’ouverture de la procédure pénale de manière illicite et fautive, si bien que les frais doivent être mis à leur charge (consid. 11).