Recours contre la sentence rendue le 15 août 2022 par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS). Procédure disciplinaire pour manipulation de rencontres sportives (matchs truqués) par un joueur de tennis. Suspension de 10 ans et amende de 50’000 USD prononcées à son encontre. Dans un moyen divisé en deux branches, le recourant dénonçait d’abord une violation de l’ordre public procédural visé par l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, en particulier en invoquant le principe « ne bis in idem » puisqu’il aurait été sanctionné deux fois pour les mêmes faits, à savoir une première fois par la fédération nationale de tennis puis par l’Unité d’intégrité du tennis (UIT). Confirmant sa jurisprudence antérieure en la matière (cf. TF 4A_324/2014, consid. 6.2.1), le TF rappelle que ledit principe est inclus dans le concept d’ordre public en tant que corollaire ou d’aspect négatif de l’autorité de la chose jugée (cf. TF 4A_462/2019, consid. 5.1 ; TF 4A_386/2010, consid. 9.3.1). Or, le TF juge douteux qu’un tel principe puisse s’appliquer aux sanctions disciplinaires dans le sport, notamment parce que les organes juridictionnels d’une association ne rendent pas des décisions judiciaires ni des sentences arbitrales et ne bénéficient ainsi pas de l’autorité de la chose jugée (ATF 119 II 271, consid. 3b ; TF 4A_476/2020, consid. 3.2). La question est finalement laissée ouverte par le TF. En ce qui concerne la répétition des poursuites, à savoir le volet « bis » du principe en cause, le TF se réfère à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de céans (cf. TF 4A_462/2019, consid. 5.4) pour son examen. A cet égard, le TF souligne qu’il n’y a pas de dualité de procédure contraire au principe ne bis in idem lorsqu’il existe un lien matériel et temporel suffisamment étroit entre les procédures concernées portant sur la même constellation de faits, pour autant qu’elles puissent être considérées comme deux aspects d’un système unique. Selon le TF, cela est bien le cas en l’espèce. Il n’y a donc pas de violation dudit principe, si tant est que celui-ci soit applicable au droit disciplinaire sportif. Finalement, le TF estime que le système mis en place par les fédérations sportives internationales pour lutter contre le fléau des matchs truqués serait mis en péril si leurs organes juridictionnels étaient privés de la possibilité de mener leurs propres enquêtes à l’encontre d’un athlète, au motif que celui-ci a été précédemment acquitté des mêmes faits par sa fédération nationale. En dernier lieu, le recourant invoquait une incompatibilité de la sentence attaquée avec l’ordre public matériel, celle-ci causant une atteinte inadmissible à ses droits de la personnalité. Se référant à l’arrêt Matuzalem (ATF 138 III 322), le recourant soutenait que la sanction qui lui a été infligée par la Formation porterait gravement atteinte à sa liberté économique. Le TF rappelle que les sanctions sportives disciplinaires font l’objet d’une intervention de sa part uniquement si elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante. Le TF considère toutefois que la situation était fondamentalement différente de celle du joueur de football Matuzalem, car le recourant a poursuivi son activité de tennisman professionnelle et a pu en tirer des revenus même si celle-ci était limitée. Recours rejeté.