Art. 89 al. 2 LAMal
Un médecin soupçonné d’avoir fourni des soins dans un canton sans autorisation de pratique (art. 36 LPMéd) se voit demander de rembourser un montant de l’ordre de CHF 125’000.-. Le tribunal arbitral du canton dans lequel le médecin est autorisé à pratiquer (St-Gall), saisi par les assureurs, se déclare incompétent et transmet la cause au tribunal dans lequel des prestations auraient été fournies sans autorisation (Zurich). Les assureurs recourent au TF contre la décision de non entrée en matière. Interprétant l’art. 89 al. 2 LAMal, qui dispose que « le tribunal arbitral compétent est celui du canton dont le tarif est appliqué ou du canton dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent », le TF indique tout d’abord que le lieu dans lequel le médecin est installé à titre permanent est celui dans lequel il exploite son cabinet (consid. 3.4). La question se pose donc de savoir comment procéder lorsque le médecin exploite des cabinets dans plusieurs cantons. D’un point de vue strictement littéral, l’art. 89 al. 2 LAMal ne semble permettre qu’un seul canton d’établissement (« …celui du canton… dans lequel… » ; consid. 3.5). Les travaux préparatoires ne permettent pas d’aboutir à une autre conclusion (consid. 3.6). D’un point de vue historique, l’institution du tribunal arbitral a été introduite dans l’ancienne LAMA en 1964, à une époque où l’exercice intercantonal de la médecine n’était pas monnaie courante. Pourtant, le fait que le législateur ait prévu, à l’époque déjà, deux fors alternatifs, montre qu’il a envisagé cette hypothèse et exclut l’admission d’une lacune, le législateur ayant manifestement voulu fixer le for dans un lieu ayant un lien étroit avec l’objet du litige. Son choix s’est clairement porté sur le lieu d’exercice du fournisseur de prestations, et non sur celui dans lequel les prestations litigieuses sont fournies (consid. 3.7). Si le fournisseur de prestations exerce dans plusieurs cantons, il faut rechercher le centre de son activité professionnelle (Schwerpunkt). Les exigences de preuve à cet égard ne doivent pas être trop élevées (consid. 4.1). En l’espèce, les caisses-maladie avaient notamment fait valoir que le médecin mis en cause était visible sur le site Internet de l’endroit où il pratiquait dans le canton de St-Gall, avec photo et CV et possibilité de le contacter par le biais du site, alors qu’il n’était même pas mentionné sur le site Internet de l’institution dans laquelle il pratiquait dans le canton de Zurich. Par ailleurs, il lui était précisément reproché de ne pas avoir d’autorisation de pratiquer dans le canton de Zurich (consid. 4.2). Le médecin incriminé n’a pas contesté avoir sa pratique principale dans le canton de St-Gall et ne pas avoir travaillé plus de 90 jours par année dans le canton de Zurich avant d’y avoir obtenu son autorisation de pratiquer (consid. 4.3). Faute de comparaison entre le volume d’activité dans les deux cantons, à laquelle le tribunal arbitral st‑gallois devait procéder d’office, la décision de non entrée en matière n’est pas conforme au droit. La cause lui est donc renvoyée pour instruction dans ce sens, et nouvelle décision (consid. 4.4).
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Isabella Jorge