Art. 261bis al. 1 CP
Incitation à la haine, homophobie, prise en compte des antécédents, interprétation. Il s’agit de la première condamnation pour incitation à la haine basée sur l’orientation sexuelle. Le TF rappelle que l’art. 261bis CP couvre maintenant l’orientation sexuelle mais pas l’identité de genre, en se basant sur les Principes de Jogjakarta pour définir ces termes. Ainsi, il indique que l’orientation sexuelle concerne l’attirance émotionnelle, affective et sexuelle ainsi que d’entretenir des relations intimes et sexuelles avec des individus de sexe opposé (hétérosexualité), de même sexe (homosexualité) ou de plus d’un sexe (bisexualité). L’identité de genre étant définie par ces principes comme « l’expérience intime et personnelle de son sexe profondément vécue par chacun » ainsi que la conscience personnelle de son corps et des autres expressions sociales du genre (citant les manières de se porter, de se vêtir et plus encore), indépendamment de sa correspondance avec celui qui lui est assigné à la naissance. La terminologie employée par l’auteur dans cette affaire, notamment « queer » et « lesbienne » fait donc univoquement référence à l’homosexualité de la victime, même si la dénomination queer regroupe une plus large palette de sous-catégories, et entre dès lors bien sous le champ de protection de l’art. 261bis CP. Pour déterminer la volonté méprisante des propos, le TF indique qu’il faut se placer du point de vue de ce que peut comprendre une tierce personne non-avertie en prenant en compte le contexte, ce qui inclut tout spécialement la personnalité de l’auteur et les destinateurs visés, et en se basant sur les faits objectifs de l’affaire. Typiquement, une mise en scène avec la photo de la victime, des attaques ad personam sans lien aucun avec le sujet de la discussion, une opposition entre l’auteur « un combattant pour la paix, la fraternité et l’âme suisse » et l’homosexualité de la victime dénotent clairement de l’homophobie des propos et de la volonté méprisante. Le TF emploie aussi la réaction des destinataires non-concernés par les atteintes comme indice. En effet, bien que l’auteur ne réponde pas des actes d’autrui, le fait que les destinataires aient interprété ses propos comme haineux et réagi avec verve indique bien que le but, ici atteint, était d’inciter à la haine. Les destinataires n’ont pas besoin de réagir en accordance avec la volonté de l’auteur ni d’avoir été convaincus par l’auteur pour que l’art. 261bis CP s’applique. En effet, il suffit que l’intention de l’auteur porte sur l’incitation, même légère, de personnes qui peuvent déjà partager ces convictions. Le TF prend en compte les antécédents de la personne pour déterminer les éléments subjectifs tels que l’intention qu’elle portait et le sens qu’elle voulait donner à ses actions. Il rappelle que l’art. 261bis CP est toujours à lire en relation avec la liberté d’expression. Celle-ci protège fortement les questions d’intérêts publics. Les journalistes s’exprimant dans le cadre d’un débat politique bénéficient d’une protection particulière. Tel n’est manifestement pas le cas ici étant donné que l’auteur ne fait partie d’aucun organe de presse, n’a pas de mandat public et il ne traite que d’éléments de la personnalité d’une journaliste, ne relevant donc absolument pas du débat politique.
Marie Desaules, Naomie Victoire Jade Dieudonné, Debora Richoz-Martella