Art. 20 al. 1 let. e LStup, Art. 11 al. 1 LStup
Assistance au suicide, personne en bonne santé, punissabilité. Le TF avait précédemment jugé, dans cette même affaire, que la remise du pentobarbital de sodium (Natrium Pentobarbital, NAP) à une personne en bonne santé,capable de discernement et désireuse de mourir, n’était pas punissable en vertu des art. 26 et 86 LPTh, inapplicables en vertu du principe de la lex specialis car la réglementation moins stricte de cette loi en matière pénale doit céder le pas à celle de la LStup (TF 6B_646/2020). L’arrêt dont il est question ici traite justement de la punissabilité de ce comportement par les art. 20 al. 1 let. e LStup selon le motif justificatif de l’art. 11 LStup. Après un rappel de la législation pénale applicable au domaine de l’assistance au suicide, le TF analyse l’affaire eu égard au but de la loi. Les objectifs de la LStup sont : la lutte contre les addictions, d’une part, et, d’autre part, la réglementation de la mise à disposition des stupéfiants aux fins médicales et scientifiques. Or, l’affaire dont il est question ne rentre dans aucune de ces missions. La loi indique que la remise par un médecin d’une substance autorisée est licite « dans la mesure admise par la science » (art. 11 al. 1 LStup). Selon la jurisprudence, il s’agit de regarder si le médecin pouvait, après un examen médical, conclure qu’il était admissible de prescrire ce médicament. Dans les directives médico-éthiques de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) sur .la prise en charge des patientes et patients en fin de vie, version du 25 novembre 2004 et adaptées en janvier 2013, l’assistance au suicide était réservée au patient malade, en fin de vie, dont la maladie cause des souffrances insupportables. Les nouvelles directives (Directives de l’ASSM, Attitude face à la fin de vie et à la mort, mai 2018) n’exigent plus que le patient soit en fin de vie mais qu’il ait des souffrances jugées insupportables que le médecin puisse objectiver dans un diagnostic et que son désir de mourir soit mûrement réfléchi et qu’il ne ressorte pas d’un trouble psychique que l’on peut traiter. De plus, ce désir doit être vérifié par au minimum deux entretiens espacés d’au moins deux semaines. Le cas d’espèce ne peut pas ressortir de cette réglementation dès lors que la patiente est en bonne santé. Sur ce point, la Fédération des médecins de Suisse (FMH, Foederatio Medicorum Helveticorum) a donné son opinion : l’assistance au suicide de personnes en bonne santé ne constitue pas une activité médicale. Le TF confirme la position de la Cour cantonale en tant que la LStup ne vise pas à s’appliquer aux cas de prescriptions de substances létales par un médecin à une personne en bonne santé, question qu’il exclut du champ de la « science » au sens de l’art. 11 al. 1 LStup mais relevant de la morale et de l’éthique. Il rappelle toutefois que la prescription du pentobarbital de sodium en quantité nécessaire permet au patient d’atteindre la mort de manière paisible. Ce faisant, il confirme que la jurisprudence ainsi que les bases légales en matière de stupéfiants restent bien applicables puisque cet acte seul relève d’une démarche reconnue comme admissible sur le plan « des sciences médicales et pharmaceutiques ». Un avis contraire serait dangereux en ce qu’il permettrait d’outre-passer les exigences sur la prescription, la sécurité publique et la protection de la santé et de soustraire tous ces actes aux poursuites pénales. Ce nonobstant, selon le principe nulla poena sine lege, une sanction ne peut être prononcée que contre un comportement spécialement réprimé par une base légale suffisante. Or, tel n’est pas le cas des directives de l’ASSM. Cette interprétation stricte est appuyée par la volonté du législateur qui avait expressément renoncé à renvoyer aux règles de déontologie médicale, scientifique et professionnelle et par le fait que les directives n’ont aucune légitimité démocratique. Ainsi donc, les directives ne constituent pas une base légale suffisante au sens de l’art. 1 CP pour réprimer pénalement le seul fait qu’un médecin prescrive du PAN à une personne en bonne santé, capable de discernement, voulant mettre fin à ses jours. Ce comportement n’est pas réprimé par l’art. 20 al. 1 let. e LStup, dès lors que le médecin a bien prescrit le PAN dans une mesure admise par la science au sens de l’art. 11 al. 1 LStup. Une interprétation plus extensive de la loi ne doit pas être faite afin de respecter la séparation des pouvoirs et au vu de la sensibilité de la thématique et des débats sur le sujet. Le TF conclut néanmoins que l’absence de répression pénale n’autorise pas le médecin à prescrire du PAN à toute personne en bonne santé souhaitant mourir sans engager sa responsabilité professionnelle selon le droit civil ou administratif.
Marie Desaules, Naomie Victoire Jade Dieudonné, Debora Richoz-Martella