ATF 135 I 143

2008-2009

žArt. 8 CEDH

Un ressortissant suisse épouse une Colombienne qui se fait naturaliser par la suite. Le couple ne pouvant avoir d’enfants, ils font appel à la sœur de l’épouse, également colombienne, qui accepte d’être mère porteuse et de recevoir par insémination artificielle le sperme de son beau-frère. En 2005, l’enfant naît en Colombie. Quelques mois plus tard, la mère biologique et sa fille séjournent en Suisse chez le couple formant ainsi une communauté familiale atypique. Toutes les deux vont bénéficier d’autorisations de séjour. En 2007, l’époux suisse décède alors que sa fille bénéficie d’une naturalisation facilitée. Les autorités lucernoises refusent d’accorder une autorisation de séjour à la mère biologique qui doit quitter la Suisse. Recours au TF admis de sorte que le canton doit octroyer une autorisation. Le TF examine les conditions auxquelles il est possible de refuser une autorisation de séjour, respectivement de porter atteinte au droit au respect de la vie familiale. Ainsi, le regroupement familial d’un parent externe à la famille nucléaire n’est possible que si la relation est suffisamment proche, réelle et effective (« nahe », « echte und tatsächlich gelebte Beziehung »). Les indices d’une telle relation sont constitués par le ménage commun, la dépendance financière, les relations spécialement étroites, les contacts réguliers ou la prise en charge d’une personne. Si l’intensité est suffisante, la relation entre frères et sœurs ou tante et neveu peut être essentielle. Les deux sœurs se soutiennent mutuellement et veillent à l’éducation et au bien de l’enfant, qui les considère comme ses deux mères. La mère biologique séjourne depuis sept ans en Suisse. Rejeter la demande aurait pour conséquence de contraindre la mère colombienne, sa fille et sa sœur à s’établir à l’étranger. Cela obligerait deux personnes de nationalité suisse à quitter le pays. En l’occurrence, l’enfant a un intérêt évident à pouvoir bénéficier des conditions d’enseignement dispensées en Suisse. Si elle grandissait en Colombie, il est fort probable, qu’une fois son indépendance acquise, elle revienne vivre en Suisse et subisse des difficultés d’intégration. De plus, les deux femmes ont eu jusqu’ici un comportement irréprochable. Par conséquent, l’intérêt public au renvoi de la mère biologique n’est pas suffisant. L’autorisation ne peut être refusée que si, parallèlement au caractère admissible du renvoi de toutes les personnes concernées, il existe des motifs d'ordre ou de sécurité publics.