Droit des migrations

ATF 136 II 497

2010-2011

Art. 42 al. 1, art. 43 al. 1, art. 47 al. 1 et art. 51 al. 2 let. a LEtr

Moment déterminant s’agissant de l’âge de l’enfant comme condition du droit au regroupement familial. Abus de droit. L’âge de l’enfant lors du dépôt de la demande de regroupement familial est déterminant pour statuer sur le droit (matériel) au regroupement et sur la recevabilité du recours en matière de droit public, qui en dépend. La pratique en vigueur sous l’ancienne Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers doit ainsi être maintenue (consid. 3). Abus de droit nié en l’espèce : des relations régulières avaient été maintenues entre les parents vivant en Suisse et leur fille entre-temps devenue majeure, en faveur de qui le regroupement était demandé ; la question de savoir si ces relations étaient prépondérantes a été laissée ouverte (consid. 4).

Art. 8 CEDH ; art. 13 al. 1 Cst. ; art. 63 al. 1 let. c LEtr

Dans l’optique de l’art. 8 CEDH, en présence d’un enfant de nationalité suisse, l’intérêt public d’une politique d’immigration restrictive n’est pas suffisant à lui seul pour refuser d’admettre la présence en Suisse du parent qui s’en occupe. Si le parent en question n’est pas un étranger « indésirable » ou ne commet pas un abus de droit, alors il n’est pas admissible d’exiger de l’enfant suisse de le suivre à l’étranger. Dans le cas d’espèce, l’enfant de nationalité suisse ne doit pas souffrir des conséquences du comportement de sa mère (art. 2 al. 2 CDE). Les infractions que l’on reproche à la mère relèvent de bagatelles qui ne sauraient l’emporter sur l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3 al. 1 CDE). Le fait que la mère et l’enfant vivent actuellement à Zurich au bénéfice de l’aide d’urgence n’est pas un élément suffisant. La mère ne peut pas travailler car elle n’est pas au bénéfice d’une autorisation.

TF 2C_711/2010

2010-2011

Art. 47, art. 44, art. 126 al. 3 LEtr et art. 73 OASA

Délais pour le regroupement familial. L’étranger jouissant d’un droit de séjour assuré en Suisse peut sous certaines conditions bénéficier du regroupement familial au regard des art. 8 CEDH et 13 Cst. Lorsqu’il requiert le regroupement familial pour ses enfants par une demande déposée en 2008, c’est-à-dire en l’occurrence en respectant les délais prévus aux art. 47 LEtr et 73 OASA (voir également les dispositions transitoires de l’art. 126 al. 3 LEtr), l’autorité se doit d’examiner si les conditions au regroupement familial selon l’art. 44 LEtr ainsi que celles développées par la nouvelle jurisprudence (consid. 2.7) sont remplies. L’autorité qui examine les faits uniquement au regard de l’ancienne pratique développée sous l’angle de l’art. 17 LSEE fonde sa décision sur des constations incomplètes des faits et se voit renvoyer la cause pour nouvelle décision.

TF 2C_784/2010

2010-2011

Art. 50 al. 1 let. a et b LEtr

Caractère absolu de la durée minimale de trois ans de vie commune en Suisse. Clause de la situation personnelle majeure. La condition des trois ans de vie commune n’est pas réalisée même s’il manque quelques semaines. Le recours est admis pour un ressortissant de la République démocratique du Congo mis au bénéfice du statut de réfugié en Afrique du Sud où il a contracté mariage avec une Helvético Sud-Africaine. La vie commune en Suisse a duré moins de deux ans, toutefois, le retour de l’intéressé en Afrique du Sud est problématique (perte du statut de réfugié à cause du départ définitif vers la Suisse à la suite du mariage). Quid cependant du retour en République démocratique du Congo ? Les instances inférieures n’ont pas jugé bon d’inclure dans l’application de l’art. 50 al. 1 let. b et 50 al. 2 LEtr les aspects liés au principe de non-refoulement, à tort cependant, raison pour laquelle la cause leur est renvoyée pour nouvel examen.

ATF 136 II 1

2009-2010

En tant qu’arrêt de principe, l’ATF 136 II 1 du 4 novembre 2009 a trait à la clause des raisons personnelles majeures au sens de l’article 50 alinéa 1 lettre b et alinéa 2 LEtr. Se fondant sur une interprétation historique, le Tribunal fédéral a – par delà les mots – relevé que ces dispositions ont pour vocation d’éviter les cas de rigueur ou d’extrême gravité qui peuvent être provoqués notamment par la violence conjugale, le décès du conjoint ou des difficultés de réintégration dans le pays d’origine (il s’agit de situations alternatives et non de conditions cumulatives). Ainsi, l’article 50 alinéa 1 lettre b et alinéa 2 LEtr n’est pas exhaustif et laisse aux autorités une certaine liberté d’appréciation humanitaire. L’arrêt dit également que des cris et une gifle infligée par une ressortissante suisse à son mari camerounais, constituent certes une violence conjugale mais ne risquent pas de le perturber gravement.

TF 2C_505/2009

2009-2010

Dans le TF 2C_505/2009 du 29 mars 2010, le TF a admis un recours en matière de droit public et a par conséquent ordonné l'octroi d'une autorisation de séjour appropriée en faveur d'une ressortissante de la République démocratique du Congo, mère d'un enfant reconnu par un ressortissant suisse d'origine congolaise. La Haute Cour a jugé que l'autorité cantonale de recours a violé le principe de la proportionnalité et, par conséquent, l'article 8 CEDH. En l'espèce, la mère, qui a quitté son pays à plus de 22 ans, est arrivée en Suisse en janvier 2001 de manière illégale, a commis des infractions mineures à la LTP, a enfreint la LSEE – ce qui lui a valu une condamnation à 15 jours de prison et CHF 500.- d'amende – et a été condamnée en France pour être entrée dans ce pays sous une fausse identité. Pour le TF, même si l'attitude de l'intéressée est répréhensible, elle n'a pas commis d'infractions portant gravement atteinte à l'ordre public et à la sécurité suisses. Pour l'essentiel, le comportement délictueux est en relation étroite avec l'illégalité de son séjour en Suisse et tombe sous le coup de dispositions pénales du droit des étrangers, soit de droit pénal administratif. Les infractions commises n'atteignent pas le degré de gravité qui, selon la jurisprudence (ATF 135 I 153), fait primer l'intérêt public au respect de l'ordre et de la sécurité sur l'intérêt privé de l'enfant à pouvoir vivre dans son pays avec le parent qui s'occupe de lui. Par ailleurs, le fait que l'enfant soit en bas âge (2 ans, ce qui signifie qu'il peut s'adapter facilement dans le pays de sa mère) n'a pas fait pencher la balance en faveur d'un départ de Suisse. Il en va de même pour les liens économiques et affectifs entre l'enfant et son père, liens considérés comme n'étant pas particulièrement forts (non-respect des engagements financiers, droit de visite réglé tardivement, les intéressés ne se rencontrent qu'une douzaine d'heures par semaine). Pour le TF, un éventuel départ de l'enfant pour suivre sa mère au Congo affecterait sensiblement l'exercice du droit de visite du père, ce qui serait regrettable pour le premier.

ž Dans cet arrêt, le TF a consacré une nouvelle jurisprudence en matière de regroupement familial. Compte tenu de l'importance centrale de cet arrêt, l'entier des considérants pertinents sont reproduits :

ž En résumé, il apparaît que, lors de l'élaboration des dispositions concernant le regroupement familial figurant aux art. 42 ss LEtr, les art. 42 al. 1 et 43 LEtr ont été rédigés de telle sorte qu'il ne soit plus nécessaire que les enfants vivent avec leurs deux parents, comme le prévoyait l'art. 17 al. 2 3e phrase LSEE. Même si la question du regroupement familial partiel n'a pas été évoquée expressément lors des débats parlementaires, cette situation est également envisagée par les art. 42 al. 1 et 43 LEtr. La preuve en est que les cas d'application de l'art. 42 al. 1 LEtr sont typiquement et essentiellement des situations de regroupement familial partiel, où une personne naturalisée suisse à la suite de son mariage demande une autorisation de séjour afin que ses enfants de nationalité étrangère puissent la rejoindre en Suisse. Un seul des parents peut donc se prévaloir des art. 42 al. 1 ou 43 LEtr pour obtenir l'octroi d'un titre de séjour pour son ou ses enfants de moins de 18 ans. Selon le système tel qu'il ressort du texte des dispositions applicables, si les délais prévus à l'art. 47 LEtr ou le délai transitoire de l'art. 126 al. 3 LEtr sont respectés, le titre de séjour est en principe accordé, à moins que le droit ne soit invoqué abusivement ou qu'il existe des motifs de révocation (cf. art. 51 LEtr). Le nouveau droit ne permet donc plus de justifier l'application des conditions restrictives posées par la jurisprudence en cas de regroupement familial partiel, qui se fondaient sur le fait que l'art. 17 LSEE exigeait que l'enfant vive auprès de « ses parents ». Par contre, ces conditions peuvent jouer un rôle en relation avec les « raisons familiales majeures » au sens de l'art. 47 al. 4 LEtr, qui régit le regroupement familial différé, qui est requis après l'échéance des délais de l'art. 47 al. 1 LEtr.

ž En ce sens, la décision attaquée, qui s'est fondée sur les arrêts rendus sous le régime de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers pour confirmer le refus de la demande d'autorisation de séjour du recourant pour sa fille, ne peut être suivie.

ž L'abandon de l'ancienne jurisprudence ne signifie pas pour autant que les autorités doivent appliquer les articles 42 al. 1 et 43 LEtr de manière automatique en cas de regroupement familial partiel. Cette forme de regroupement familial peut en effet poser des problèmes spécifiques, surtout lorsque l'enfant pour lequel une autorisation de séjour en Suisse est requise vit à l'étranger avec l'autre parent ou dans sa famille. L'évolution de la société, en particulier l'augmentation des divorces et des familles recomposées, entraîne pourtant un accroissement de demandes formées par l'un des parents résidant en Suisse, qui tendent à obtenir une autorisation de séjour en faveur d'un ou plusieurs de ses enfants célibataires de moins de 18 ans vivant à l'étranger.

ž En premier lieu, la loi prévoit de manière générale que le droit au regroupement familial s'éteint notamment lorsqu'il est invoqué de manière abusive (art. 51 al. 1 lettre a et al. 2 lettre a LEtr). Il appartient dès lors aux autorités compétentes en matière de droit des étrangers de vérifier que tel ne soit pas le cas.

ž En deuxième lieu, les auteurs s'accordent à dire que le parent qui demande une autorisation de séjour pour son enfant au titre du regroupement familial doit disposer (seul) de l'autorité parentale, même si cette exigence ne ressort pas des art. 42 al. 1 et 43 LEtr. Le risque est en effet que le parent résidant en Suisse utilise ces dispositions pour faire venir un enfant auprès de lui, alors qu'il n'a pas l'autorité parentale sur celui-ci ou, en cas d'autorité parentale conjointe, lorsque la venue en Suisse de l'enfant revient de facto à priver l'autre parent de toute possibilité de contact avec lui. Or, le regroupement familial doit être réalisé en conformité avec les règles du droit civil régissant les rapports entre parents et enfants et il appartient aux autorités compétentes en matière de droit des étrangers de s'en assurer.

ž En troisième lieu, le regroupement familial partiel suppose également de tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, comme l'exige l'art. 3 par. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 2 novembre 1989 (CDE; RS 0.107). (…)

ž Statuant sur le cas d'espèce, le TF considère qu'est manifestement contraire à l'intérêt de l'enfant une demande formulée par un ressortissant de la République démocratique du Congo vivant en Suisse depuis 1983, cela pour une fille, née en 1999, qui n'a jamais vécu dans ce pays avec lui. Certes, il a apparemment financé en partie les frais de nourriture, d'habillement et de logement, mais ne l'aurait pas vue depuis au moins 2005, voire 2003. En outre, la mère a exercé de façon exclusive et ininterrompue la garde sur l'enfant et a pris en charge son éducation jusqu'à présent, d'une part, et la fillette a d'autres membres de sa famille en République démocratique du Congo, en particulier un grand-père, des oncles et des tantes, avec qui elle vivait également, d'autre part. Enfin, le déracinement de l'enfant est très problématique, car elle ne parle que difficilement le français (ATF 2C_270/2009 du 15 janvier 2010).

ž Peu de temps après l'arrêt précité, le TF a appliqué sa nouvelle jurisprudence dans une affaire (ATF 2C_606/2009 du 17 mars 2010) dont l'état de fait est résumé comme suit. Un ressortissant macédonien marié à une ressortissante suisse obtient la nationalité suisse en 1998. Cet homme a trois enfants d’un précédent mariage en Macédoine. Deux d’entre eux vivant déjà avec lui en Suisse, le regroupement familial est requis en 2008 pour le troisième enfant né en 1992 et vivant jusqu’alors avec sa mère en Macédoine. Après le rejet de la demande par le service de la population et le Tribunal administratif bernois, le TF a admis le recours pour les motifs suivants : l’autorisation d'entrée et de séjour requise pour l’enfant a été refusée au motif que les dispositions de la LEtr régissant le regroupement familial étaient invoquées de manière contraire à leur but et partant abusivement. Le TF constate que l’autorité précédente s'était basée sur la jurisprudence relative à l'abus de droit développée sous l'empire de l'ancienne LSEE, en tenant compte de certains aspects de l'ancienne jurisprudence concernant le regroupement familial partiel. Or, les juges fédéraux le rappellent : d'une part, la notion d'abus de droit n'a plus le même contenu dans le contexte de la nouvelle LEtr (consid. 2.4.1) et, d'autre part, la jurisprudence relative au regroupement familial partiel rendue sous l'ancien droit n'a plus cours sous la nouvelle loi.

ž Le recours a également été admis pour le cas suivant (ATF 2C_764/2009 du 31 mars 2010). Un ressortissant camerounais, marié à une ressortissante suisse depuis 2005 et étant au bénéfice depuis 2006 d’une autorisation de séjour au titre du regroupement familial, a requis une autorisation d’entrée et de séjour pour ses trois enfants restés au Cameroun et issus d’un premier mariage. Le service de la population et le Tribunal cantonal fribourgeois ont successivement rejeté la demande en considérant, en substance, que le père n’avait pas gardé de relation prépondérante avec ses trois enfants. Pour le TF, le droit de séjour de l’enfant au titre du regroupement familial dépend du statut du parent qui souhaite faire venir son enfant et non du statut du conjoint. En l’espèce, il s’agit donc du père au bénéfice d’une autorisation de séjour. L’art. 44 LEtr s’applique donc mais cette disposition ne donnant pas droit à une autorisation de séjour, la voie du recours en matière de droit public n’est pas ouverte à ce titre (art. 83 let. c ch. 2 LTF) (consid. 2.1.1). Le recours a toutefois été déclaré recevable sous l’angle de l’art. 8 CEDH. Quant au fond, le TF a été d’avis que la jurisprudence concernant le droit au regroupement familial partiel rendue sous l’ancien droit est obsolète. A cet égard, les trois nouvelles conditions posées par le TF sont rappelées. Premièrement, le droit ne doit pas avoir été invoqué de manière abusive. Deuxièmement, le parent qui demande le regroupement doit disposer seul de l’autorité parentale, à moins que le parent à l’étranger ait donné son accord exprès. Troisièmement, l’intérêt de l’enfant est à prendre en considération (consid. 4). La deuxième condition a été, en l’espèce, mal examinée par l’autorité précédente. En effet, il n’était pas établi que l’autorité parentale et la garde aient été données officiellement au père. Une simple autorisation de la mère à l’étranger ne suffit pas (consid. 5).

ž Mentionnons enfin un autre cas où le recours a été admis en raison du changement de jurisprudence (ATF 2C_537/2009 du 31 mars 2010). En 2008, une jeune ressortissante brésilienne née en 1993 rejoint sa mère en Suisse et sollicite l’octroi d’une autorisation de séjour au titre du regroupement familial afin de vivre avec cette dernière, mariée désormais à un ressortissant suisse. La requérante vivait jusqu’alors au Brésil chez son père, sa mère lui rendant visite chaque année. Le service de la population et le Tribunal cantonal vaudois ont rejeté successivement la demande en considérant que la relation mère-fille n’était plus prépondérante depuis 2004. Le TF a à nouveau rappelé que le droit de séjour de l’enfant au titre du regroupement familial dépend du statut du parent qui souhaite faire venir son enfant et non du statut du conjoint. Comme dans l’arrêt précédent, la deuxième condition concernant le droit au regroupement familial partiel a été mal examinée par l’autorité. Il n’était en effet pas établi que l’autorité parentale ait été donnée officiellement à la mère au moment du divorce au Brésil. Là non plus, une simple autorisation du père ne suffit pas (consid. 4).

ž Dans l’ATF 136 II 120 du 22 janvier 2010, le TF admet qu'il existe actuellement une discrimination à rebours car, en raison des conditions de l'article 42 alinéa 2 LEtr, le Suisse est moins bien traité qu'un ressortissant d'un Etat membre de l'UE/AELE (Cf. également ATF 2C_624/2009 du 5 février 2010 et ATF 2C_635/2009 du 26 mars 2010). Mais cette constatation ne saurait entraîner l'admission du recours, cela à cause de l'article 190 Cst. D'ailleurs, le Parlement est au courant du problème, preuve en est l'initiative Tschümperlin (08.4949). La balle est donc dans le camp du législateur.

ATF 135 I 143

2008-2009

žArt. 8 CEDH

Un ressortissant suisse épouse une Colombienne qui se fait naturaliser par la suite. Le couple ne pouvant avoir d’enfants, ils font appel à la sœur de l’épouse, également colombienne, qui accepte d’être mère porteuse et de recevoir par insémination artificielle le sperme de son beau-frère. En 2005, l’enfant naît en Colombie. Quelques mois plus tard, la mère biologique et sa fille séjournent en Suisse chez le couple formant ainsi une communauté familiale atypique. Toutes les deux vont bénéficier d’autorisations de séjour. En 2007, l’époux suisse décède alors que sa fille bénéficie d’une naturalisation facilitée. Les autorités lucernoises refusent d’accorder une autorisation de séjour à la mère biologique qui doit quitter la Suisse. Recours au TF admis de sorte que le canton doit octroyer une autorisation. Le TF examine les conditions auxquelles il est possible de refuser une autorisation de séjour, respectivement de porter atteinte au droit au respect de la vie familiale. Ainsi, le regroupement familial d’un parent externe à la famille nucléaire n’est possible que si la relation est suffisamment proche, réelle et effective (« nahe », « echte und tatsächlich gelebte Beziehung »). Les indices d’une telle relation sont constitués par le ménage commun, la dépendance financière, les relations spécialement étroites, les contacts réguliers ou la prise en charge d’une personne. Si l’intensité est suffisante, la relation entre frères et sœurs ou tante et neveu peut être essentielle. Les deux sœurs se soutiennent mutuellement et veillent à l’éducation et au bien de l’enfant, qui les considère comme ses deux mères. La mère biologique séjourne depuis sept ans en Suisse. Rejeter la demande aurait pour conséquence de contraindre la mère colombienne, sa fille et sa sœur à s’établir à l’étranger. Cela obligerait deux personnes de nationalité suisse à quitter le pays. En l’occurrence, l’enfant a un intérêt évident à pouvoir bénéficier des conditions d’enseignement dispensées en Suisse. Si elle grandissait en Colombie, il est fort probable, qu’une fois son indépendance acquise, elle revienne vivre en Suisse et subisse des difficultés d’intégration. De plus, les deux femmes ont eu jusqu’ici un comportement irréprochable. Par conséquent, l’intérêt public au renvoi de la mère biologique n’est pas suffisant. L’autorisation ne peut être refusée que si, parallèlement au caractère admissible du renvoi de toutes les personnes concernées, il existe des motifs d'ordre ou de sécurité publics.

ATF 135 I 153

2008-2009

Art. 8 par. 1 et 2 CEDH, 10 CDE, 24 et 25 Cst.

Une ressortissante turque épouse en 2003 un compatriote vivant légalement en Suisse. De ce fait, une autorisation de séjour lui est délivrée en 2004. Durant cette même année, elle donne naissance à un enfant. Son époux ayant acquis la nationalité suisse entre-temps, l’enfant dispose également de la nationalité suisse. L’époux décède en 2005. Le Service des migrations du canton de Bâle-Campagne et l’ODM refusent le renouvellement de l’autorisation de séjour au vu de la brièveté de l’union conjugale et de la possibilité de retour de la mère et de l’enfant en Turquie. Le TAF confirme ce refus. Sur recours, le TF annule la décision du TAF et admet un renouvellement de l’autorisation de séjour pour la mère. En général, il n’y a pas d’ingérence étatique lorsqu’il est possible pour les membres de la famille de vivre leur vie familiale à l’étranger. S’il est possible pour le membre de la famille qui est autorisé à rester en Suisse, d’accompagner l’étranger auquel une autorisation de séjour a été refusée sur un autre Etat, l’art. 8 CEDH n’est pas violé. Lorsqu’un étranger doit quitter le pays, car une autorisation de séjour lui a été refusée, on peut attendre des membres de sa famille – sous réserve de circonstances particulières – qu’ils l’accompagnent à l’étranger lorsqu’ils peuvent le faire « sans difficultés ». Une balance des intérêts sous l’angle de l’art. 8 al. 2 CEDH n’est pas nécessaire dans ces circonstances. Il en va différemment lorsque – ce que n’a pas considéré l’autorité intimée – le retour n’apparaît pas « d’emblée sans difficultés particulières ». Dans ces cas, une balance des intérêts au sens de l’art. 8 al. 2 est toujours nécessaire et doit être faite en tenant compte des circonstances du cas d’espèce. Malgré le pouvoir d’appréciation donné par l’art. 4 LSEE, une violation de l’art. 8 CEDH et de l’art. 13 Cst. ne peut être sans autre exclue dans ces cas. Confirmation par le TF d’une autorisation de séjour au titre du regroupement familial et nécessité de tenir davantage compte à l'avenir des droits découlant de la nationalité suisse de l'enfant et de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant. Certes, la mère n’avait séjourné qu’un an et demi en Suisse au moment du décès de son mari. Toutefois, on ne saurait lui reprocher aucune infraction pénale ou à la législation sur les étrangers. Elle était au courant de la maladie de son mari mais la gravité de celle-ci lui en a été en partie cachée. La mort de son mari suisse l’a gravement atteinte. Elle s’efforce depuis, dans le cadre de ses possibilités de mère élevant seule son enfant, de s’intégrer dans son entourage local. A cette fin, elle fréquente des cours de langue et d’intégration, dont la continuation pourrait être exigée dans l’éventualité d’une prolongation de son autorisation (art. 33 al. 2, art. 54 LEtr). Engagée à temps partiel en tant que femme de ménage, elle doit pouvoir subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant sans avoir recours à l’aide sociale. Bien que la mère dispose également d’un certain entourage familial dans son Etat d’origine, cette solution semble compromise dans le sens où, en tant que Sunnite, elle a épousé un Alaouite. Un retour dans l’est de la Turquie, veuve et avec un enfant (suisse) ne semble donc pas chose aisée. Dans le cadre de l’art. 8 al. 2 CEDH, les intérêts privés priment les intérêts publics et l’autorisation de séjour de la mère doit être prolongée selon ce qu’on appelle « un regroupement familial inverse ».

TF 2C_174/2009

2008-2009

Art. 8 par. 1 et 2 CEDH

Une ressortissante marocaine en situation irrégulière fait naître en 2001 un enfant dont le père reconnu est un ressortissant macédonien disposant d’un permis C. Mariage des parents en 2002 et obtention d’une autorisation de séjour pour la mère. Séparation des parents en 2003. L’ODM refuse de donner son approbation à la prolongation de l’autorisation pour la mère et prononce le renvoi de Suisse en 2006. Rejet du recours au TAF qui a d’ailleurs considéré que l’enfant n’était plus au bénéfice d’une autorisation d’établissement. Pour déterminer si l'on peut contraindre un enfant bénéficiant d'une autorisation d'établissement en Suisse à suivre son parent à l'étranger, il faut tenir compte non seulement du caractère admissible de ce départ, mais encore de motifs d'ordre et de sécurité publics qui peuvent justifier cette conséquence. Ainsi, il faut faire une pesée des intérêts au sens de l'art. 8 par. 2 CEDH. Partant du principe que l'enfant ne bénéficiait plus d'une autorisation d'établissement, le TAF n'a pas procédé à une pesée des intérêts tenant compte de l'ensemble des circonstances, comme l'exige l'art. 8 CEDH. En particulier, il n'a pas examiné le parcours scolaire de l’enfant, ni le comportement de la mère, notamment sa situation financière. Le recours est donc admis par le TF et la cause renvoyée au TAF.

TF 2C_2/2009

2008-2009

Art. 8 par. 1 et 2 CEDH

Ressortissante RDC arrivée en Suisse en 2005 avec rejet d’une demande d’asile la même année. Ayant tenté en 2006 de quitter la Suisse avec une carte d'identité ne lui appartenant pas, elle est condamnée pénalement puis annoncée disparue. En 2007, elle donne naissance à un fils qui aura la nationalité suisse. Celui-ci est en effet reconnu par son père qui est lui-même naturalisé suisse. Le Tribunal cantonal confirme le refus d’une autorisation de séjour à la mère dans la mesure où le père de l’enfant n'a jamais vécu avec lui, ni apparemment envisagé de vie commune avec lui et sa mère. Il est en outre rappelé que le père est marié à une autre femme et a encore trois enfants nés de relations avec deux autres femmes. Le TF précise les critères à prendre en considération, en soulignant la nécessité de tenir davantage compte à l'avenir des droits découlant de la nationalité suisse de l'enfant et de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant. Il rappelle cependant que l'on ne peut déduire de ces dispositions une prétention directe à l'obtention d'une autorisation de séjour, mais que celles-ci doivent être prises en compte lors de la pesée des intérêts découlant de l'art. 8 par. 2 CEDH (respectivement de l'art. 13 Cst.). En définitive, le TF tranche l’affaire sans grands détours : l’enfant est en bas âge, la mère est entrée illégalement et les meilleurs conditions de scolarisation ne suffisent pas à elles seules à interdire le renvoi de la mère. Le recours est donc rejeté.